L'Arrache-coeur, chapitre IX
Le jardin s'accrochait partiellement à la falaise et des essences
variées croissaient sur ses parties abruptes, accessibles à la
rigueur, mais laissées le plus souvent à l'état de nature. Il y avait
des calaios, dont le feuillage bleu violet par-dessous, est vert
tendre et nervuré de blanc à l'extérieur; des ormandes sauvages, aux
tiges filiformes, bossuées de nodosités monstrueuses, qui
s'épanouissaient en fleurs séches comme des meringues de sang, des
touffes de rêviole lustrée gris perle, de longues grappes de garillias
crémeux accrochés aux basses branches des araucarias, des sirtes, des
mayanges bleues, diverses espèces de bécabunga, dont l'épais tapis
vert abritait de petites grenouilles vives, des haies de cormarin, de
cannais, des sensiaires, mille fleurs pétulantes ou modestes terrées
dans des angles de roc, épandues en rideaux le long des murs du
jardin, rampant au sol comme autant d'algues, jaillissant de partout,
ou se glissant discrètes autour des barres métalliques de la grille.
Plus haut, le jardin horizontal était divisé en pelouses nourries et
fraîches, coupées de sentiers gravelés. Des arbres multiples crevaient
le sol de leurs troncs rugueux.
VIAN