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CONGRES DE LA SOCIETE FRANÇAISE D'HEMATOLOGIE

CONGRES DE LA SOCIETE NATIONALE DE TRANSFUSION SANGUINE

Intervention de M. Edmond Hervé, Secrétaire d'Etat à la Santé.

(reproduction du texte original lu par le ministre)

Bordeaux : 22 mai 1985

C'est bien volontiers que j'ai accepté de présider la cérémonie d'ouverture de votre congrès national dont le caractère exceptionnel tien notamment cette année au jumelage du Congrès de la société française d'hématologie et de celui de la société nationale de transfusion sanguine. C'est un signe encourageant qui souligne la complémentarité des ces deux disciplines, nécessaire tant au plan scientifique et technique qu'à celui de l'organisation des structures.

Je souhaite aujourd'hui aborder les questions essentielles concernant l'évolution nécessaire de l'organisation transfusionnelle.

Ces questions interrogent autant les scientifiques que les pouvoirs publics. Des décisions importantes sont à prendre qui ont trait :

- à l'adaptation des structures aux impératifs techniques, scientifiques et économiques de notre époque.

- le développement de votre capacité à mettre à la disposition des malades des produits surs et efficaces.

Mais des décisions de cette ampleur ne sauraient être prises dans la précipitation ; elles ne sauraient non plus être prise dans un climat défavorable.

On entend, çà et là, des rumeurs qui suscitent des inquiétudes, alimentent des conflits.

Je veux aujourd'hui que ces rumeurs cessent, et vous dire l'exact état de mes réflexions.

J'ai confié l'année dernière à Monsieur Ruffié une mission de réflexion sur la transfusion sanguine. M. Ruffié m'a remis son rapport il y a quelques semaines.

Ce document sera diffusé à l'ensemble du réseau transfusionnel ainsi qu'à la fédération française des donneurs de sang bénévoles. Je souhaite que chacun le lise dans son entier et ne s'en tienne pas à la lecture de tel ou tel article de presse dont la teneur reste, dans notre pays, de la responsabilité de l'auteur.

Entre la remise d'un rapport et les suites qui peuvent lui être données, doit s'écouler le temps de la réflexion indispensable pour dégager des orientations posées, réalistes, concertées. Ce temps n'est pas passé mais je veux rendre dès aujourd'hui hommage à M. Ruffié pour son travail et vous faire part de mes premières réflexions.

Dans les années 1948-1950, le système transfusionnel a été bâti sur des notions essentielles :

- le bénévolat du don

- le caractère non lucratif de toutes les opérations résultant de ce don

- le monopole du prélèvement, de la fabrication et de la distribution des produits sanguins, aux établissements de transfusion sanguine.

Ces principes ne doivent pas être remis en cause ; ils sont plus que jamais d'actualité. Ils permettent à la transfusion sanguine de rester un exemple de solidarité dans notre société moderne, grâce au geste généreux du don du sang accompli tout au long de l'année par près de deux millions de personnes.

Il reste cependant nécessaire de prévoir une évolution de l'organisation transfusionnelle qui est restée la même depuis trente ans. La multiplicité des petits établissements, l'insuffisance de coordination entre les centres, ne permettent pas toujours aujourd'hui un fonctionnement harmonieux de la transfusion sanguine.

Parmi ces idées cadres d'une réforme, la régionalisation de l'organisation de la transfusion sanguine est une mesure nécessaire. J'en saisirai bientôt la commission consultative de transfusion sanguine qui réunit les représentants de toutes les parties prenantes de la transfusion sanguine.

Il faudra que nous définissions, ensemble, la stratégie de mise en oeuvre de la régionalisation qui doit se faire calmement, progressivement, efficacement.

La fédération des établissements de la région Rhône-Alpes dont les objectifs sont essentiellement la prise en compte du fait régional et la séparation des missions transfusionnelles de la fabrication industrielle des produits sanguins, me parait une structure pouvant servir d'exemple à la future organisation régionale de la transfusion.

Parallèlement, il sera nécessaire de réfléchir au mode de financement des établissements. Le prix unique de cession des produits sanguins sur l'ensemble du territoire présente des avantages certains ; il a cependant le défaut de consacrer les inégalités entre les centres, dont les charges et les contraintes ne sont pas homogènes.

Diverses solutions doivent être explorées sans a priori, système de péréquation, budget global...

Je voudrais profiter de des réflexions sur l'organisation de la transfusion pour dire un mot du centre national de transfusion sanguine. Ces derniers mois, des mouvements divers liés à des changements d'hommes et de structures, ont affecté la bonne marche de cet établissement. Un certain nombre de questions ont été soulevées qui m'ont conduit à demander à l'inspection générale une mission sur le fonctionnement de cet établissement. Quand ce rapport m'aura été remis, je prendrai les décisions nécessaires pour permettre à la nouvelle structure du C.N.T.S. de jouer le rôle important qui est le sien. Elle devra s'intégrer dans l'organisation régionale de la transfusion sanguine en tenant compte, bien sûr, des spécificités de la région Ile de France. Il devra se devrait être envisagé, à côté d'une structure nationale chargée d'une mission de recherche et d'enseignement, une structure régionale chargée de la collecte de sang et de la préparation des produits instables. J'estime également souhaitable, comme pour les autres centres de fractionnement, que l'unité de préparation des produits industriels stables soit individualisée au sein de l'établissement.

En effet, les progrès enregistrés dans le domaine des biotechnologies rendent nécessaire une rationalisation de ce type de production qui devra sans doute s'appuyer sur l'individualisation et le regroupement des activités des centres de fractionnement.

Les dérivés sanguins stables fabriqués aujourd'hui vont être concurrencés dans un proche avenir par des produits issus du génie génétique ayant les mêmes indications thérapeutiques. Le centre national de transfusion sanguine a déjà mis au point des immunoglobulines anti-D produites par des clones de cellules humaines.

Les centres de fractionnement fonctionnent actuellement de façon indépendante, sans coordination réelle notamment dans le domaine de la recherche et de la préparation des produits sanguins.

Il faudra organiser cette coordination en sachant que le regroupement de leur activité pourra être un regroupement fonctionnel qui n'implique pas nécessairement la disparition physique de tel ou tel centre.

Préalablement à tout regroupement il m'apparaît nécessaire, je le redis, de séparer l'activité de collecte et de préparation des produits labiles, de l'activité de préparation industrielle des produits stables. Les entités chargées du fractionnement pourront ensuite être regroupées progressivement pour développer des activités communes ; il n'est pas interdit de penser que certaines d'entre elles pourront être réalisées en liaison avec l'industrie pharmaceutique. Les garanties nécessaires seront prises pour que cette évolution se fasse dans le respect de l'éthique transfusionnelle à laquelle je veux redire tout mon attachement.

Car les biotechnologies ne recoupent qu'une partie des activités de la transfusion sanguine. Les composants labiles d'origine humaine, je pense en particulier au sang total, aux globules rouges et aux plaquettes qui sont en fait les produits les plus journellement utilisés, restent dans un avenir prévisible, indispensables au traitement des malades. Aucun produit de substitution n'a jusqu'ici donné satisfaction pour remplacer des dérivés qui devront continuer à être préparés à partir de dons de sang.

Aussi, la recherche de nouveaux donneurs de sang doit rester un souci constant des pouvoirs publics, des établissements de transfusion sanguine, des fédérations de donneurs de sang.

Mais le prélèvement de sang ne doit ni être dangereux pour le donneur, ni être l'occasion de la transmission de maladies au receveur. Beaucoup a été fait notamment pour la prévention de l'hépatite transfusionnelle ; beaucoup reste à faire.

Et puis il y a le SIDA, qui pose un problème nouveau.

Les donneurs de sang ont bien accepté les mesures prises depuis 1983 pour écarter du don des sujets qui présentent un risque particulier d'être porteurs du virus du SIDA. Le dépliant d'information édité à l'initiative du secrétariat d'état à la santé et diffusé à tous les établissements de transfusion sanguine a été bien reçu.

Il parait légitime de demander aux sujets à risque de s'abstenir de donner leur sang, dans l'intérêt des malades dont la satisfaction des besoins est la raison d'être de la transfusion.

Mais récemment, l'avancées de connaissance a été rapide.

Je tiens à rendre hommage aux chercheurs de l'institut Pasteur et à l'ensemble des chercheurs français dont les travaux ont abouti à l'identification du virus responsable du SIDA. La mise au point des tests de dépistage des anticorps anti-LAV constitue un progrès important.

La question se pose maintenant de l'utilisation systématique de ces tests quand ils auront été autorisés en France.

Je sais les pressions auxquelles vous êtes les uns et les autres soumis ; je sais vos contraintes et les garanties de sécurité que vous devez assurer à tous les produits que vous fabriquez et que vous distribuez.

Mais je dois aussi peser sur les conséquences d'un dépistage systématique qui identifierait vraisemblablement plusieurs milliers de personnes séropositives.

Le comité national d'éthique a récemment rendu un avis sur la difficile question de l'attitude à adopter à l'égard de ces personnes.

Il formule l'avis, qu'il convient à la condition que les donneurs de sang aient été préalablement avertis de cette recherche, de leur dire la vérité en cas de dépistage positif.

C'est également mon sentiment.

Mais il faut prévoir les mesures d'accompagnement nécessaires

- quelle information donner aux sujets concernés dans la mesure où l'on ignore encore la signification morbide exacte de la séropositivité ?

- comment valider les résultats positifs ? quelle technique de confirmation employer ?

- doit-on réserver l'exclusivité de la pratique du test aux établissements de transfusion avec le risque de voir affluer vers les centres des sujets " à risques " pour lesquels le don du sang serait le seul moyen de "savoir"

A toutes ces questions, importantes, vous apporterez aujourd'hui des éléments de réponse notamment dans le rapport préparé par le groupe de travail, qui au sein de la commission consultative de transfusion sanguine a étudié tous les problèmes posés à la transfusion par le Sida.

Le choix est difficile :

Les Etats-Unis, la RFA, l'Australie ont déjà choisi de systématiser le test. Le Danemark a pris la décision de ne pas le faire.

La plupart des autres gouvernements ont différé la décision.

Il est de la responsabilité du gouvernement de trancher ; tous les éléments de la décision étant maintenant connus, il le fera très vite.

Un autre aspect du problème posé à la transfusion par le SIDA concerne la préparation des produits destinés aux hémophiles.

Les méthodes de fabrication de ces produits à partir de lots comportant plusieurs centaines de dons augmentent le risque de contamination.

Les centres de transfusion doivent envisager de proposer aux hémophiles des produits apportant une meilleure sécurité.

La technique du chauffage des produits de coagulation, qui répond à cet objectif, a été développé dans deux centres.

J'attends de vos travaux qu'ils m'éclairent sur l'opportunité de généraliser cette technique.

Toutes ces mesures coûtent cher. Si l'évaluation de leur coût direct en est simple, l'évaluation des coûts induits est plus difficile.

D'un point de vue de santé publique, elles protégeront le receveur mais, il faut dire qu'elles n'auront que peu d'impact sur la diffusion de la maladie dans la population, le SIDA transfusionnel restant rare.

Ces mesures prendront tout leur sens si elles s'incluent dans le cadre plus large de toutes les dispositions propres à freiner l'augmentation de la population infectée ;

Je pense notamment aux programmes d'information vers les groupes de populations dont les comportements sont identifiés comme des facteurs de risque.

Voilà ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui.

 

 

Mes commentaires

A son procès, Edmond Hervé a assuré n'avoir rien su de ce dossier et donc de son importance...

A la lecture de son discours, même s'il a été préparé et rédigé par ses collaborateurs, on peut juger du bien fondé de ses affirmations devant la Cour. A sa décharge il faut dire que ces cas de problèmes de mémoire sont nombreux dans le dossier.

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