Mort en stock

 

LE MONITEUR DE LA PHARMACIE

Au lendemain de ma déclaration du 17 juillet 1985 à l'AFP, Le Moniteur de la Pharmacie reprenait la dépêche et y ajoutait d'autres de mes commentaires.

 "  Sur les quelques 5.000 hémophiles recensés en France, on sait que des centaines, pour ne pas dire plus, sont actuellement porteurs du virus LAV. Quelques uns seulement ont, pour le moment, développé les symptômes graves de la maladie et plusieurs en sont morts, mais le temps d'incubation étant de plusieurs années, nous n'avons pas encore assez de recul pour évaluer les conséquences réelles du problème  ", indique M. Mauvillain.

"  A Lille, 12 à 15 % des hémophiles sont déjà contaminés mais, dans d'autres régions, la proportion atteint jusqu'à 60 %  " (Dr Burnouf - Lille)

Puis allait paraître un livre, "La Route du Sida"

LA ROUTE DU SIDA

Enquête sur une grande peur

Docteur Dominique Brenky et Olivia Zémor

Préface du Pr. Jean-Paul Escande - Editions Londreys 1985 - ISBN 2-904 184-31-7

 

La journaliste Olivia Zemor, responsable de la rubrique médicale de l'AFP, reprenait mes propos du 17 juillet 1985 et d'un autre entretien, dans ce livre préfacé par le Professeur Jean-Paul Escande, publié à la fin de l'été 1985 

" Parmi les personnes contaminées par la voie sanguine, ce sont les hémophiles qui ont, jusqu'à présent, payé le plus lourd tribut au Sida.

En France, sur 5.000 hémophiles, plus de 60 % ont été contaminés et on parle carrément de 100 % de séropositifs parmi les 20 ou 25.000 hémophiles américains.

Les risques de transmission sanguine sont en effet beaucoup plus élevés pour eux que pour toute autre personne ayant accidentellement besoin d'une transfusion, à la suite d'un accident de la route, d'une intervention chirurgicale ou pour un nouveau-né après un accouchement difficile " (page 86)

 

" Si on estime à environ 1 pour 500 le nombre des donneurs de sang porteurs du virus, la préparation des produits sanguins destinés aux hémophiles (les facteurs VIII et IX qui contiennent des protéines plasmatiques faisant défaut aux hémophiles et assurant la régulation de la coagulation sanguine), nécessite le regroupement de centaines de flacons, ce qui multiplie considérablement les risques. Tomber sur un lot non contaminé relevait presque de l'exploit avant le dépistage systématique des dons de sang et le " chauffage " des produits dérivés du sang pour en éliminer la présence éventuelle du virus " (page 86)

 

" Ces mesures indispensables sont arrivées un peu tard pour nous, dit Gérard Mauvillain, l'un des responsables de l'Association française des hémophiles ".

" Plusieurs d'entre nous sont morts, des dizaines d'autres sont malades et tous vivent dans l'angoisse. Nous nous sommes presque tous fait tester. Une fois, deux fois, voire trois pour être sûrs du résultat. Nous avons fait tester nos femmes et nos enfants, allant jusqu'à dépenser des sommes importantes pour des revenus modestes.

Pour beaucoup, le choc a été terrible. Je connais un homme de quarante-cinq ans qui, du jour au lendemain, a cessé toutes ses activités au sein de l'association et s'est enfermé chez lui. Depuis 1983, il vit terrorisé et se découvre tous les symptômes de la maladie alors qu'il est semble-t-il en bonne santé. Nous n'avons pas réussi à le rassurer. C'est un candidat au suicide.

Beaucoup de couples ont également très mal vécu la nouvelle. Certains font maintenant chambre à part, il y en a même qui se sont séparés.

La perspective de ne pas avoir d'enfants tant que l'on n'aura pas trouvé de vaccin, n'est pas évidente pour tous les couples non plus. Le préservatif systématique ce n'est pas facile à accepter " (page 86)

 

Hémophiles : la mort en stock ?

 

" Nous utilisons essentiellement en France des produits d'origine autrichienne préparés par la société Immuno à partir de sérums de donneurs autrichiens et allemands rétribués. Le traitement appliqué à ces produits, approuvé par la FDA, tue le virus à 100 %. Nous importons depuis début octobre des concentrés chauffés produits par trois autres sociétés, une anglaise et deux américaines. Seule une petite fraction de nos besoins est couverte par des produits entièrement français, préparés par le Centre régional de transfusion sanguine de Lille et quelques autres Centres de transfusion. Tous ces produits sont conformes aux normes " (Page 209)

 

" Mais le facteur VIII se présente également sous deux autres formes. Une forme congelée non concentrée provient du plasma d'un seul donneur, chez lequel les anticorps anti LAV sont systématiquement recherchés depuis peu. Les stocks de ce type de produit ne peuvent être traités par la chaleur. De plus, comme pour la transfusion, certains donneurs porteurs du virus mais pas encore d'anticorps, peuvent contaminer les lots actuels. (page 210)

 

Plus dangereux est le facteur VIII lyophilisé provenant de quelques donneurs. Il y a peu de temps, il représentait encore 30 % du marché. Or il ne peut subir de traitement efficace qui détruirait le virus. Les stocks continuent à être écoulés. Pour justifier leur utilisation, certains centres se défendent en précisant qu'ils n'utilisent ce produit que pour les sujets déjà positifs. Or, le Pr Robert Gallo aux Etats-Unis, comme le Pr Montagnier à Paris sont unanimes : plusieurs pénétrations du virus dans l'organisme sont plus dangereuses qu'un seul contact et font courir plus de risque d'évolution vers un Sida " (page 210)

" L'écoulement des stocks est potentiellement dangereux. En toute logique, l'Association des hémophiles de France demande la destruction totale de tous les facteurs préparés avant le 1er août, date de la mise en vigueur du dépistage chez les donneurs. Cette destruction ne coûterait que quelques millions de francs à l'Etat qui dépense 200 millions pour le dépistage annuel et 150 millions pour ces produits destinés aux hémophiles. En attendant la destruction des stocks potentiellement contaminés, l'Association des hémophiles recommande de n'accepter que les facteurs concentrés chauffés " (page 210)

 

" ...depuis 4 années le Sida a fait parler et écrire mais les médecins, dans leur immense majorité, se sont tenus à l'écart des discussions. Pourquoi ? "

" Le livre d'Olivia Zemor et de Dominique Brenky remet de l'ordre dans tout ce qui se dit et s'écrit. C'est un livre salutaire, un livre d'enquête et je sais le sérieux avec lequel il a été réalisé. Ce livre contient même ce qui pourrait bien être une première : la mise en oeuvre par des journalistes d'une enquête sanitaire à base biologique, contrôlée par des médecins et des biologistes évidemment ".

 

"A ce jour, personne n'accepte de considérer ces données de l'époque, écrites, claires et précises. Elles révèlent peut-être trop bien les mensonges ou pertes de mémoires de ceux qui prétendent qu'on ne savait rien, qu'on ne disait rien.

Tous les protagonistes préfèrent balayer les propos accusateurs en les prétendant non valables parce que fondés sur des données d'aujourd'hui.

Heureusement, des écrits restent pour prouver que les connaissances de 1985 étaient loin d'être nulles."

 

Lorsque le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy prend connaissance de mon livre, elle découvre l'existence de celui d'Olivia Zémor. Interrogée à son tour, celle-ci ne reconnaît pas les passages que je cite et les attribue à mon imagination. Convoqué à mon tour je persiste, preuve à l'appui. Le livre "La route du Sida" est épuisé mais j'en ai un exemplaire et Olivia Zémor confie le sien au juge.

La quantité de personnes ignorantes des connaissances de l'époque, spécialistes ou non, suffirait à assurer le succès d'un nouveau tirage !

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