Mort en stock

 

Paris, 10 juin 2000

DU VIH A LA MALADIE DE CREUTZFELDT-JAKOB

En sous-titre de mon livre saisi en mai 1995 par le juge Marie-Odile Bertella-Geoffroy, s'inscrit cette évolution des risques thérapeutiques, "Du VIH à la Maladie de Creutzfeldt-Jakob".

Il faudrait dire maintenant :

"Du VIH à la Maladie de Creutzfeldt-Jakob et à sa variante issue de l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine".

Le traitement des dérivés du sang a apporté une plus grande sécurité sans toutefois exclure de nouveaux risques. Il n'y a pas de sécurité à 100 % en matière de thérapeutique. C'est une notion que nous devons intégrer pour ne pas nous retrouver scandalisés et impuissants devant une nouvelle affaire du sang contaminé.

Après avoir exposé dans mes premiers chapitres les étapes passées de l'affaire SIDA, j'ai enquêté sur la Maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), pour préparer l'avenir.

1994, LA FRANCE TRES PRUDENTE EN MATIERE TRANSFUSIONNELLE

Il existait, fin 1994, un débat mondial sur la MCJ et son impact en transfusion sanguine. La France avait pris la décision très sage de retirer du marché tous les lots de produits sanguins dans lesquels était mis en jeu le moindre don d'une personne atteinte de la MCJ. Il en allait de même lorsqu'un donneur faisait état d'un parent atteint de MCJ. Le diagnostic n'étant possible qu'une fois la personne décédée, par autopsie du cerveau, les lots de sang étaient malheureusement déjà largement distribués et utilisés.

Cette procédure lourde et coûteuse n'était donc pas gage de sécurité transfusionnelle. Les spécialistes assuraient par ailleurs que l'on n'avait jamais pu constater de transmission de la MJC par le sang.

Dans le même temps, la Maladie de la Vache folle, l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB, forme bovine de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob), commençait à passionner nombre de milieux. Scientifiques, monde agricole et politique, consommateurs s'inquiétaient tous tandis que la MJC n'attirait que quelques spécialistes.

Pour la forme bovine de la MCJ la fameuse "barrière d'espèce" était infranchissable ! C'est sans doute pourtant ainsi que les bovins ont pu être contaminés par des carcasses d'ovins atteints de la "tremblante du mouton". Les premiers rapporteurs de cas d'un variante de la MCJ chez l'homme ne pouvaient que se tromper en l'attribuant à la consommation de bovins atteints de l'ESB...

FEVRIER 1995, L'ALBUMINE HUMAINE SUSPECTEE DE TRANSMETTRE LA MALADIE DE CREUTZFELDT-JAKOB

En février 1995, Annick Alpérovitch, une chercheuse de l'INSERM 360, chargée du suivi épidémiologique de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob en France, décrivait le cas d'un donneur de sang français décédé de MCJ. De l'albumine préparée avec son sang avait été injectée à une femme de 60 ans décédée depuis de MCJ. Ce cas s'ajoutait à quelques-uns uns décrits aux antipodes mais présentés comme incertains (transmission foeto-maternelle de la MCJ)

Ce fut le moment choisi par le Comité des Spécialités Pharmaceutiques de Bruxelles, menée alors par un français, pour décider qu'en l'absence de cas publiés, il n'y avait pas lieu de tenir compte d'un risque simplement hypothétique de la transmission de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob par le sang ou ses dérivés. Le Comité européen suivait ainsi les experts américains de la FDA (Food and Drugs Administration) dans leur avis du 16 décembre 1994

La chercheuse de l'INSERM avait seulement évoqué le cas découvert devant des congressistes. Il n'avait pas fait l'objet d'une publication scientifique et nécessitait donc des mois, voire des années de travail avant d'être reconnu par la communauté scientifique.

Pour le Ministère de la Santé, il s'agissait d'une coïncidence, d'un cas fortuit, sporadique pour employer le terme exact...

Bizarrement, la Direction Générale de la Santé décidait de maintenir le retrait des lots de produit sanguins en présence de Maladie de Creutzfeldt-Jakob. Une nuance toutefois, ces retraits seraient pratiqués uniquement en cas de découverte de la maladie chez le donneur mais plus en présence de la maladie dans sa famille. Pour faire le diagnostic chez un donneur il faut qu'il soit décédé et que l'on ait pratiqué une autopsie avec étude du cerveau. Sachant que la maladie entraîne une fin de vie rendant improbable un don de sang durant plusieurs mois, le retrait des lots ne portait plus que sur quelques flacons de dérivés.

Dans mon livre, remis à cette époque au juge, j'indique ceci :

"J'ai compté 288 lots de 46 présentations de 22 dérivés sanguins, des immunoglobulines aux gammaglobulines en passant par l'albumine pour ne citer que les produits d'usage quotidien prescrits par tous les médecins, pour des patients allant du nourrisson au vieillard. Chaque français est concerné ou le sera un jour."

Sous couvert de conclusions rassurantes d'experts internationaux, la France a choisi une demi-mesure dont elle pourra s'honorer sans avoir en réalité fait mieux que les autres pays du monde. Les industriels du secteur agissent aujourd'hui sans contrainte légale, en prenant des précautions plus grandes que ne le fait la France. Le moindre incident ne pardonne pas dans un milieu concurrentiel. La France est encore en situation de monopole dans le secteur du sang issu de donneurs bénévoles.

POUR LES INITIES, UNE LISTE ELOQUENTE DE PRODUITS CONCERNES :

Les produits retirés après que l'on a appris qu'un donneur ou un membre de la famille d'un donneur serait mort d'une maladie de Creutzfeldt-Jakob (ou d'une maladie dégénérative du système nerveux pouvant évoquer une MCJ), forment une liste impressionnante. En fait, pratiquement toute la gamme des dérivés du sang humain était concernée.

Parmi les 22 produits cités, 2 seulement sont d'origine étrangère.

Albumine Humaine

Alpha 1 Antitrypsine

Anti- D

Antithrombine III

Endobuline 5g

Facteur IX

Facteur IX HP

Facteur VIII + Wf

Facteur VIII

Facteur VIII THP

Fibrinogène

GAMMA TETANOS

HEMOFIL M

Ig Anti CMV I.V.

Immunoglobuline anti HBS I.V.

Immunoglobuline Im Polyvalente

Immunoglobuline I.V. XTO

Immunoglobuline Polyvalente I.V.

PolygammaPPSB

Proconvertine

Protéine C

Les retraits systématiques de 1994 avaient entraîné des pénuries pouvant être dommageables pour les malades.

Toutefois il existe, pour un certain nombre de ces spécialités, des possibilités de thérapeutiques de remplacement en cas de risques avérés.

C'était vrai aussi au début des années 80, pour certaines prescriptions de facteurs anti-hémophiliques contaminés par le virus du SIDA.

MAI 1995, JE LANCE LE DEBAT DANS UN MAGAZINE TELEVISE DIFFUSE PAR ARTE

 

J'avais demandé au Directeur Général de la Santé, des informations sur la gestion des retraits de lots de produits sanguins par lettre recommandée du 14 novembre 1994.

J'ai appris, par la suite, que le 7 octobre 1994, des spécialistes de l'hémophilie avaient envoyé une lettre au Ministre de la Santé, Philippe Douzte-Blazy. Ils en avaient adressé copie au professeur Jean-François Girard, directeur général de la santé, et aux agences du sang et du médicament.

Depuis des mois ils réclamaient des mesures pour répondre aux patients chez lesquels ils devaient récupérer des lots retirés sans pouvoir donner d'information sur les raisons de ces retraits. Quoi dire à des gens qui ont déjà utilisé les lots incriminés ? Il en avait été de même pour l'hépatite C dont le suivi n'avait pas été prévu. La question pour la Maladie de Creutzfeldt-Jakob était embarrassante puisqu'il n'existait pas de tests pour la déceler ni de médicaments pour la soigner. Aujourd'hui encore, seul le pronostic d'une mort certaine est possible.

C'est aussi ce que je demandais dans ma lettre. Je n'ai jamais eu de réponse. Je garde précieusement l'accusé de réception.

C'est pourquoi, comme en juillet 1985 avec mes propos sur la "Mort en stock", j'ai décidé de donner l'alerte sur cette modification du principe de précaution.

Avec une équipe de journalistes indépendants, je suis allé rencontrer les autorités de santé françaises. Après Annick Alpérovitch dont les observations étaient à l'origine du débat, j'ai interviewé le Directeur Général de la Santé, le professeur Jean-François Girard ainsi que le Directeur de l'Agence du Médicament. Chargée de la sécurité des thérapeutiques, c'est elle qui fait procéder aux retraits en cas d'incident ou par simple précaution.

Le professeur Jean-François Girard, furieux de notre approche, nous fit remarquer :

une demie vie huamine par an, peut-être et encore, j'en suis même pas sûr ......Attention ! Fichier Vidéo MPEG 1 de 3.275 Ko nécessitant plusieurs minutes de téléchargement. Le texte est reproduit ci-dessous

(c) Transit - ARTE - 4 avril 1995

"Je trouve la société folle ! Folle ! Elle fume ! Il y a 10.000 morts sur les routes, tout le monde s'en fout ; y a des gens qui fument, y a 40.000 morts par an, tout le monde s'en fout, et on est en train de pinailler sur une mesure qui peut-être sauve 1/2 vie humaine par an, peut-être et encore j'en suis même pas sûr..."

Ce fut cette réaction que les téléspectateurs de ARTE ont pu voir et entendre le 4 avril 1995

Le professeur Girard poursuivait en indiquant ce qui était important à ses yeux, décrivant les choses simples mais primordiales à mettre en oeuvre en transfusion sanguine, notamment au niveau de la collecte, pour garantir un sang matière première plus sûr.

En 1995, ces mesures essentielles n'étaient visiblement pas réalisées partout, loin de là, 12 ans après la circulaire du 20 juin 1983 qui les inscrivait comme priorités face aux contaminations transfusionnelles, à commencer par le SIDA !...

Qui se souvient de cette émission diffusée par ARTE ? Quel média français l'a reprise pour assurer au sujet une diffusion plus large ? 

Aujourd'hui on se lance dans une étude sur la Maladie de la Vache folle, l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine, forme animale de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob. J'ajouterai ce sujet à mon livre d'ici son éventuelle publication. Le débat est d'ores et déjà ouvert sur le Forum privé du site "Chez le piaf" ( http://www.chez.com/piaf ).

Une page y sera aussi consacré prochainement ici même

Gérard Mauvillain

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