Géométriquement tien

Léo Ferré
(1980)

Ton corps est comme un vase clos.
J'y pressens parfois une jarre,
Comme engloutie au fond des eaux
Et qui attend des nageurs rares.
Tes bijoux, ton blé, ton vouloir,
Le plan de tes folles prairies,
Mon squale qui viendra te voir,
Du fond de moi si tu l'en pries.

Un herbe douce comme un lit,
Un lit de taffetas de carne,
Une source dans le Midi
Quand l'ombre glisse et me décharne,
Un sentiment de rémission
Devant ta violette de Parme.
Me voilà soumis comme un pion
Sur l'échiquier que ta main charme.

Mon organe qui fait ta voix,
Mon pardessus sur ta bronchite,
Mon alphabet pour que tu croies
Que je suis là quand je te quitte,
Ma symphonie dans ton jardin,
La mer dans ta rivière close,
L'aigre parfum de mon destin
Sur le delta d'où fuit ta rose,

L'odeur canaille de ta peau
Tendue comme un arc vers sa cible
Quand pointe de mes oripeaux
Le point de mire inaccessible,
Du feu pour le bel incendie
Que j'allumerai à ta forge
Cette nuit, puisque tu me dis
Que ça te remonte à la gorge

Et moi qui ne suis pas régent
De tes propriétés câlines,
J'irai comme l'apôtre Jean
Dormir un peu sur ta poitrine.
J'y verrai des oiseaux dans la nuit
Et leurs géométriques ailes
Ne pourront dessiner l'ennui
Dont se meurent les parallèles.