Lames

Paroles: Pierre Philippe
Musique: Astor Piazzolla

Le couteau, ce matin,
Pénétrant dans le beurre,
Pénétrant dans le pain,
Le couteau m'a fait peur.
Il n'était plus pareil
A l'honnête instrument
Qui découpait la veille
Mon beurre et mon pain blanc.
Il était trop tranchant,
Il était trop agile
Entre mes doigts méchants
Dans ma paume indocile.
Des lames inoxydables
Il faut bien se méfier.
Je l'ai jeté au Diable
Qui croyait me défier.
J'ai toujours redouté
le long miroir des lames,
leur éclat biseauté,
Annonciateur de drames.
Quand on se sait coupable,
Le hasard objectif
Fait un kriss implacable
d'un innocent canif.

Refrain
J'ai le coeur empli de larmes,
J'ai le coeur empli de lames.

Les ciseaux à broder
Dans la boîte à couture
Parlent d'accommoder
Fil de soie et torture.
Tapis dans la cuisine,
Les luisants coutelas
Et les tranchets voisinent,
Sussurant: « On est là! »
L'épée damasquinée,
La dague florentine,
A la panoplie nouée,
Jouent à la guillotine.
En traversant la jungle
De ma salle de bain,
Même la lime à ongles
M'a traité d'assassin.
Vivre à couteaux tirés
Ce n'est pas une vie.
On est exaspéré
Et l'on a des envies,
Des envies de caresses
Même si l'on aperçoit
L'épée de Damoclès
Prête à fondre sur soi.

Refrain

Quelle idée d'espérer
La paix le long des rues ?
Là, on est lacéré
Et ici l'on vous tue.
Dans la main du coiffeur,
Le rasoir aux aguets
Vaut au poing du rodeur
L'eustache à cran d'arrêt.
O, poignard du héros,
Hachoir du charcutier,
Couperet du bourreau,
Diamant du miroitier,
Bistouri dans la panse,
Baïonnette au canon,
Voyez, les surins dansent
Et, quels que soient leurs noms...

Et la faux dans les herbes,
Et la flamberge au vent,
Le mépris dans le verbe,
Le glaive dans le sang,
Le rabot dans le bois,
Le soc dans la jachère,
Les ciseaux dans la soie,
Le scalpel dans la chair.

Refrain