Pénélope

Toi l'épouse modèle,
Le grillon du foyer;
Toi qui n'a point d'accrocs
Dans ta robe de mariée;
Toi l'intraitable Pénélope
En suivant ton petit
Bonhomme de bonheur,
Ne berces-tu jamais
En tout bien tout honneur
De jolies pensées interlopes ?
De jolies pensées interlopes...

Derrière tes rideaux,
Dans ton juste milieu,
En attendant l'retour
D'un Ulysse de banlieue;
Penchée sur tes travaux de toile,
Les soirs de vague à l'âme
Et de mélancolie
N'as tu jamais en rêve
Au ciel d'un autre lit
Compté de nouvelles étoiles ?
Compté de nouvelles étoiles...

N'as-tu jamais encore
Appelé de tes voeux
L'amourette qui passe,
Qui vous prend aux cheveux?
Qui vous compte des bagatelles,
Qui met la marguerite
Au jardin potager,
La pomme défendue
Aux branches du verger,
Et le désordre à vos dentelles ?
Et le désordre à vos dentelles...

N'as-tu jamais souhaité
De revoir en chemin
Cet ange, ce démon,
Qui son arc à la main
Décoche des flèches malignes?
Qui rend leur chair de femme
Aux plus froides statues,
Les bascul' de leur socle
Bouscule leur vertu,
Arrache leur feuille de vigne...
Arrache leur feuille de vigne...

N'aie crainte que le ciel
Ne t'en tienne rigueur,
Il n'y a vraiment pas là
De quoi fouetter un coeur
Qui bat la campagne et gallope...
C'est la faute commune
Et le péché véniel,
C'est la face cachée
De la lune de miel
Et la rancon de Pénélope...
Et la rancon de Pénélope.