La putain

Paroles : Jean-Loup Dabadie
Musique : Serge Reggiani

Nous habitions en face d'elle,
Dans le Quartier Saint-Louis.
Elle habitait, je me rappelle,
Aux environs de minuit.
Moi, mes cousins, on la regardait en silence
A travers les jalousies.
Adossée au magasin,
Elle fumait avec élégance.
Nous apprenions nos poésies.

Passionnément, nous y pensions,
A la p... points de suspension.
Qu'elle était bien, qu'elle était bien,
La putain.

Posée comme une contrebasse
Dans les bras d'un artiste,
Elle avait l'air de faire des passes
Dans une chanson réaliste.
Moi, mes cousins, en pyjama, au cinéma,
Nous l'avions prise pour femme
Et son parfum de violette,
Quand on entr'ouvrait la fenêtre,
Nous descendait au fond de l'âme.

Passionnément, nous y pensions,
A la p... points de suspension.
Qu'elle était bien, qu'elle était bien,
La putain.

Quand il pleuvait, elle s'abritait
Sous le kiosque à journaux.
Alors, comme elle était tout près,
Je lui jouais du piano.
Ah ! la putain, un peu comme dans Cyrano,
Au piano, j'étais Chopin,
Sous cette pluie de quatre sous.
Elle m'imaginait au-dessus
Et j'imaginais ses dessous.

Mes cousins en parlent aujourd'hui
En buvant des blanc-cass.
Son réverbère est à la casse.
Il me reste un peu de pluie
Mais mes cousins, sans le vouloir, sans le savoir
Ont tous épousé des putains.
Chaque fois que je vais les voir,
Il y a quelqu'un sur un trottoir
Qui vient parfumer ma mémoire.

Passionnément, nous y pensions,
A la p... points de suspension.
Qu'elle était bien, qu'elle était bien,
La putain.

Nous habitions en face d'elle,
Dans le Quartier Saint-Louis.
Elle habitait, je me rappelle
Aux environs de minuit.