Le vieux costume

Paroles : Jean Dréjac
Musique : Serge Reggiani

On a du mal à le quitter.
On a peur des regrets posthumes.
On l'a pourtant beaucoup porté,
Le vieux costume.
Il va falloir abandonner
Ce reflet de ce que nous fûmes,
Qu'un brin de lilas blanc fané,
Encor', parfume.
Depuis déjà quelques saisons,
On est surpris, quand on l'exhume.
On ne le garde sans raison,
Je le résume,
Que pour avant de le donner
Au veilleur de nuit qui s'enrhume,
Un dernier regard étonné
Au vieux costume.

On s'habille en jeans, en yéyé,
En hippie à poil ou à plume.
On voudrait bien s'en dépouiller,
Du vieux costume,
Mais on n'hésite encore un peu.
Au moment de faire le geste,
On croit revoir encor' dans le
Pli de la veste,
La main qui venait s'y poser,
Quelquefois, le temps d'une danse.
Tant de destins se sont croisés,
Quand on y pense,
Tant de regards qui, plus ou moins,
Se sont enfoncés dans la brume,
Qui ont eu pour dernier témoin
Le vieux costume.

Il a dansé sous les lampions,
Au temps de la folle insouciance.
Pour la valse, j'étais champion.
C'était ma danse.
Il faisait bien dans le décor,
Quand l'amour était au programme.
Il épousait, avec le corps,
Un peu de l'âme.
De tous ces moments de bonheur,
Il a gardé comme une trace
Qui fait qu'on a soudain le coeur
Dans une impasse :
Ou bien regarder l'avenir,
Le jeter au feu qui s'allume,
Ou bien garder en souvenir
Le vieux costume.

En fredonnant quelques mesur's
D'une chanson qui se déplume,
On jette un dernier regard sur
Le vieux costume.
Passant la main sur le tissu,
On se dit comm' ça que c'est moche,
Que notre dernier pardessus
N'aura pas d'poche.
Le veilleur de nuit n'est plus là.
Le garage est électronique.
Alors gardons nos pianos là
Et leur musique.
Refermons l'armoire aux printemps
Sur nos vingt ans qui se rallument
Et gardons encor' quelque temps
Le vieux costume.