Cher Mikey,
Ton
papa et moi avons été très contents d'apprendre que tu allais au Mexique avec
Mary Ann. Je sais que vous allez énormément vous amuser tous les deux.
Envoie-nous une carte postale si tu peux et n'oublie pas de
ne pas trop boire de tequila (je plaisante).
Il a fait vraiment froid à Orlando cet hiver, mais tu le sais sûrement si
tu as regardé la télé. C'est le verger prés de la nouvelle
maison des Bledsoe qui a le plus souffert. Certains des oranges ont été carrément
brûlées par le gel. Papa dit que ça ira quand même parce qu'il
les vendra aux usines de jus de fruits. Je fait de mon
mieux pour l'aider, mais tu sais comment il est au moment de la récolte (je
plaisante).
Papa te fait dire de ne pas t'inquiéter, étant donné qu'on touche 3,50 dollars
pour une caisse et que de toute façon la production
a augmenté, même malgré le gel et tout ça. Le seul problème qu'on a maintenant,
c'est avec les homosexuels.
Tu ne dois pas être au courant. Tout a commencé quand
la Commision du comté de Date a passé une loi en faveur des homosexuels.
La loi dit qu'on ne peut pas refuser de les embaucher ou de leur louer une
propriété et Anita Bryant s'est élevé contre cela, elle
qui est une mère de famille chrétienne avec quatre enfants et qui a été
nominée pour Miss Amérique et tout et tout, et tous les gens normaux et chrétiens
de Miami l'ont soutenue à cent pour cent.
Vu le nombre important de photos, cette page va mettre entre 4 à 5 minutes pour se télécharger... Donc vous pouvez allé fumer un join ou allé boire un Vichy. Si la fumée vous dérange ou si les bulles c'est pas votre truc, je vous ai recopié quelques extraits du livre "Les chroniques de San Francisco" histoire de rire en attendant !
Pour situer l'action, Michael est gay, il vit sa vie à San Francisco loin de la vue de ses parents qui le croient à la quête de la femme parfaite ! Il est sur le point de partir pour une croisière au Mexique avec Mary Ann sa voisine qui est également sa meilleure amie. Il vient de recevoir une lettre de sa mère.
Cher Mikey,
Comment
vas-tu ? Je suppose que tu es rentré du Mexique, depuis le temps. Écris-nous.
Ton papa et moi sommes vraiment impatients que tu nous racontes ton
voyage Et puis, comment va Mary Ann et quand pourrons-nous
enfin la voir ?
Tout va bien à Orlando. On devrait s'en sortir avec la récolte de cette année,
même malgré le gel et tout Le boycott des homosexuels
a fait baisser un peu les ventes de jus d'orange, mais papa dit que ça ne
changera rien à long terme et d'ailleurs, ça ne fera rien d'autre que montrer
au Seigneur de quel côté nous sommes.
Nous prions tous le Ciel pour que la motion de Miami passe. Si
les homosexuels ont le droit d'enseigner à Miami, la même chose risquerait
de se produire à Orlando. Le révérend Harker dit que
la situation est tellement grave à Miami que les homosexuels s'embrassent
en public. Ton papa n'y croit pas, mais moi, je dis
que le diable est beaucoup plus rusé qu'on ne croit.
Mikey, nous avons dû faire piquer Blackie. Je suis désolé
de devoir te dire ça, mais il était tellement vieux. Je sais que le
Seigneur veillera sur lui, comme Il le fait pour toutes
Ses créatures. Bubba te dit bonjour.
Je t'embrasse,
Maman.
Chère maman,
Pardonne-moi d'avoir
mis tant de temps à vous écrire. Chaque fois que j'essaie, je me rends compte
que je ne
vous dit pas ce que j'ai sur le cur. Ce ne serait pas grave si je vous
aimais moins que je ne vous aime, mais vous êtes toujours
mes parents et je suis toujours votre fils.
J'ai des amis qui pensent que je commets une folie en vous écrivant ceci.
J'espère qu'ils se trompent. J'espère que leurs doutes
viennent de ce que leurs parents les aimaient moins que les miens ne m'aiment.
J'espère surtout que vous y verrez un geste d'amour de ma part, le
signe que j'ai toujours besoin de vous faire partager ce
que je vis.
Je suppose que
je ne vous aurais pas écrit si vous ne m'aviez pas parlé de votre participation
à la campagne de "protégeons nos enfants". C'est
prendre conscience que je devais vous dire la vérité : que votre fils est
homosexuel et que je n'ai jamais eu besoin d'être protégé de quoi que
ce soit, hormis de la cruelle et ignorante piété de
gens comme Anita Bryant.
Je suis désolé,
maman. Non pas d'être ce que je suis, mais de ce que
tu dois éprouver en ce moment. Je sais ce que c'est, car j'ai subi
ce sentiment pendant la plus grande partie de ma vie. Répugnance,
honte, incompréhension, rejet dû à la crainte de quelque chose que
je savais, même enfant, faire partie de moi au même
titre que la couleur de mes yeux.
Non maman je n'ai pas été "recruté". Il n'y a pas eu de vieil homosexuel
pour me servir de guide. Mais tu sais quoi ? J'aurais bien aimé. J'aurais
aimé que quelqu'un de plus âgé et de plus avisé que
les gens d'Orlando me prenne à part et me dise : "Il n'y a rien de
mal à ce que tu es, petit. Tu pourras devenir docteur ou professeur
exactement comme n'importe qui d'autre. Tu n'es ni fou, ni malade,
ni dangereux. Tu peux réussir, trouver le bonheur et
la paix avec des amis - toutes sortes d'amis - qui se ficheront éperdument
de savoir avec qui tu couches. Et surtout, tu peux aimer
et être aimé, sans devoir te haïr pour autant."
Mais personne ne m'a jamais dit ça, maman. Il a fallu que je le découvre
tout seul, avec l'aide d'une ville qui est devenue la mienne. Je sais
que tu vas avoir du mal à le croire, mais San Francisco
est plein d'hommes et de femmes, hétéros ou homos, qui ne mesurent
pas la valeur de quelqu'un à l'aune de sa sexualité.
Être gay
m'a enseigné la tolérance, la compassion et l'humilité. Cela
ma montré les possibilités illimitées de l'existence. Cela m'a fait
connaître des gens dont la passion, la gentillesse et la sensibilité
ont été pour moi une constante source d'énergie.
Cela m'a fait entrer dans la grande famille de l'Humanité, maman.
Et cela me plaît. J'y suis bien.
Je ne vois pas grand-chose de plus à dire, sauf que je suis toujours
le même Michael que vous avez toujours connu. Vous me connaissez simplement
mieux, désormais. Je n'ai jamais rien fait sciemment
pour vous nuire. Je ne le ferai jamais.
Je vous en prie, ne vous sentez pas forcés de me répondre immédiatement.
Il me suffit de savoir que je n'ai plus à mentir à des gens qui m'ont
enseigné la valeur de la vérité.
Mary Ann vous embrasse.
Tout va bien au 28 Barbary Lane.
Votre fils qui
vous aime,
Michael.
Voilà c'est tout en ce qui concerne les "Chroniques", j'éspère que vous avez accroché. Moi ? j'adore et vous les conseilles. Il y a seulement deux livres sur dix (!!) traduit en français. L'auteur : Armistead Maupin
Bonne fin de visite de la page.