CHAPITRE 2 : L'EVOLUTION DE LA REGLEMENTATION BANCAIRE

ET LES NOUVELLES REGLES DU JEU

 

L'activité bancaire a été soumise au cours de ces dernières années à une évolution profonde des cadres réglementaires. L'évolution profonde de la réglementation bancaire induit des changements dans les comportements bancaires et nous amène à nous poser des questions sur les réactions des banques et sur leur adaptation à ce nouveau contexte. Il est donc utile dans un premier temps d'examiner les fondements de la réglementation bancaire et son évolution. Ensuite, on essaiera de présenter les principaux aspects de la réglementation bancaire et les principales conséquences sur les comportements bancaires et la question de la stabilité du système financier dans ce paysage mouvementé.

SECTION 1: REGLEMENTATION, DEREGLEMENTATION ET EVOLUTION DE L'ACTIVITE BANCAIRE.

A - La réglementation bancaire : principes et objectifs

Le fondement principal de la réglementation de l'industrie bancaire est de garantir la stabilité de cette dernière. En effet, la lutte contre la faillite bancaire et l'amélioration du fonctionnement de l'industrie constituent l'objectif fondamental des autorités monétaires. La réglementation bancaire se présente alors comme un mécanisme indispensable pour la surveillance des établissements de crédits pour prévenir le risque systémique et éviter ainsi une lourde crise de l'économie dans son ensemble. La réglementation bancaire constitue donc un filet de sécurité. Elle se caractérise par un domaine de compétence très vaste et par un double aspect à la fois préventif et curatif [N. Flageul et D. Saidane (1995)]. Elle a trait à la politique monétaire, au contrôle prudentiel des établissements de crédits pour limiter la prise de risques excessives et à la modernisation des secteurs bancaires afin d'adapter les règles de fonctionnement à des acteurs et à des opérations en constante évolution.

Cette nécessité d'adapter le système bancaire à l'évolution économique et financière au niveau mondial a incité tous les pays à système financier hautement développé, et la France en particulier, à rénover ou à renforcer leur réglementations bancaires. Pour toutes ces raisons, les objectifs principaux du comité de la réglementation bancaire, qui est l'organisme compétent pour l'élaboration des textes réglementaires en France, ont consisté à renforcer la sécurité bancaire, à l'amélioration des relations avec la clientèle et enfin à l'harmonisation des conditions de concurrence. Ces objectifs ont été motivés par les mutations et la déréglementation qui ont affecté le système financier à partir des années quatre-vingt ainsi que par la montée des risques dans un contexte d'harmonisation européenne et d'internationalisation des systèmes bancaires.

B - La déréglementation des marchés bancaires et l'accélération de la concurrence

Au delà du débat selon lequel on se demande s'il y a eu une véritable déréglementation ou plutôt une transformation du dispositif de régulation ou "re-régulation" [P.Y.Thoraval (1993) et J.P. Pollin (1993)], il s'agit ici d'examiner quelques aspects de l'évolution réglementaire, particulièrement en France, et ses implications sur le paysage bancaire.

1 - LA DEREGLEMENTATION DES ANNEES QUATRE-VINGT:

A partir des années 80, la plupart des systèmes bancaires et en particulier le système français, ont connu des vagues de déréglementation et de libéralisation financière. Ces refontes des cadres réglementaires semblent obéir à deux logiques imposées par les autorités monétaires: le renforcement de la sécurité du système bancaire et l'amélioration des conditions de fonctionnement des marchés financiers. Aux Etats-Unis, cette évolution a été imposée par l'inadaptation de la réglementation antérieure aux nouvelles conditions de l'activité bancaire. Par ailleurs, pour libéraliser le fonctionnement des marchés financiers, les autorités américaines ont favorisé la réduction des monopoles d 'accès aux informations et opérations financières. L'extension de la déréglementation aux autres pays s'est opérée dans la diversité du fait des différences significatives des structures bancaires. En France, la loi bancaire du 24 janvier 1984 avait pour objectif de créer les conditions d'une concurrence normale et de favoriser la modernisation de l'industrie bancaire. Elle a également pris en compte le processus de bancarisation de la société.

La déréglementation a consisté à réduire le nombre de procédures spécifiques et à lever les cloisonnements et les interdictions au sein du système de financement afin d'obtenir un marché plus ample et homogène. A partir de 1987, on a assisté à la suppression de l'encadrement du crédit et au développement du rôle des marchés. Une des grandes innovations intervenues durant les années quatre-vingt a été le mouvement de désintermédiation, qui a rendu possible l'accès direct des agents économiques non financiers aux marchés des capitaux. Ceci traduit donc le passage progressif d'une économie intermédiée à une économie de marché, notamment avec la multiplication des modalités de financements de l'économie et l'apparition de nouveaux titres et de nouveaux opérateurs.

Tableau 2.1 : Les réformes en France

... Réformes antérieures: SICAV (Obligation et Action).

1979... Création des Fonds communs de placement (FCP).

1983... Création du second marché.

1984... Suppression de l'encadrement du crédit.

1985 et 1986 - Emission de titres de créances négociables: certificats de dépôt par les banques en francs et en devises, billets de trésorerie par les entreprises et bons du Trésor négociables par le Trésor public; mise en place d'un système informatisé de cotation assistée en continu (CAC).

- Développement des SICAV monétaires.

- Suppression du monopole des agents de change et création des maisons de titres.

- Réforme du marché des titres publics: création des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des spécialistes en valeurs du Trésor (SVT).

- Création du Marché à terme d'instruments financiers (MATIF) traitant entre autres des contrats d'emprunt d'Etat à 10 ans et Pibor trois mois.

1987... Création du marché d'options sur action (MONEP). 1988... Ouverture d'un marché d'options sur MATIF et lancement de contrats à terme et d'options sur l'indice boursier CAC 40.

1990... Dernière phase de suppression du contôle des changes.

 

Source: M.Zollinger (1992).

 

2 -L'accélération de la concurrence et ses effets sur les marges et sur les prix bancaires

En définitif, la déréglementation et la libéralisation financière des années 80 ont sensiblement accru la marge de manoeuvre des institutions financières. L'objectif poursuivi a donc consisté à décentraliser le fonctionnement du système financier et à réduire la place des autorités monétaires dans sa régulation. Toutes ces mutations sont venues bouleverser l'environnement bancaire. Les banques ont du s'adapter à cette évolution. En effet, la principale conséquence des mutations réglementaires et de libéralisation financière de ces dernières années est l'accroissement de la concurrence entre institutions financières. Cette intensification de la concurrence et le développement du rôle des marchés, notamment avec la diversification des modalités de financement sur les marchés, a induit des changements profonds dans les conditions d'exercice de la profession bancaire. Ce qui a eu des répercussions sur l'environnement économique et financier.

a - La diversification des modalités de financement et la baisse des taux: La transformation et le développement rapide des marchés de capitaux au cours des années quatre-vingt ont eu un impact important sur les structures de l'activité des établissements de crédits. Les effets ont été particulièrement sensibles sur l'activité d'intermédiation classique pour donner lieu aux phénomènes de désintermédiation et à la " marchéisation " des conditions de financement bancaire. En effet, l'intensification de la concurrence et le développement du rôle des marchés a conduit à une diversification des modalités de financements de l'économie. Avec la création de nouveaux marchés de financement (par exemple : la création des titres de créances négociables, la création d'un marché de financement à court terme...), les emprunteurs et principalement les entreprises ne dépendent plus uniquement des banques pour obtenir des fonds ou pour gérer leur risque de taux d'intérêt ou de change. Les banques ont vu également s'échapper les grandes entreprises avec le développement des financements directs, non bancaires (actions et billets de trésories) ainsi qu'avec la création de banques de groupe. Dans ces conditions, les banques ont dû s'adapter à ces variations brutales des besoins économiques. Elles ont dû adapter leur offre aux nouveaux besoins de leur clientèle, notamment en proposant de nouveaux produits. Mais, cette concurrence accrue entre banques d'une part et entre banques et marchés financiers d'autre part, a conduit à une baisse des taux débiteurs pratiqués ainsi qu'à une baisse des prix des services bancaires. D'où une certaine amélioration de la situation financière de la clientèle des banques. Par ailleurs cet alignement des banques sur les prix et les taux pratiqués sur les marchés a induit une amélioration des conditions de financement de l'économie avec la réduction des charges de la dette publique et l'abaissement du coût moyen de refinancement de l'activité bancaire et donc au total une amélioration de la politique budgétaire.

b -L'évolution de la rentabilité bancaire

La hausse de la concurrence et la diversification des activités bancaires ont pesé sensiblement sur l'évolution de la structure des résultats, qui a été marquée au cours de ces dernières années par la baisse des marges d'intermédiation et la croissance relative des produits nets hors intermédiation. En effet, la montée des pressions concurrentielles ont tiré les marges à la baisse. La marge globale d'intermédiation a ainsi diminué depuis plusieurs années [Voir Annexes]. Cette marge est en diminution constante depuis 1986, elle passe de 2,59 points en 1984 à 1,4 points en 1993.

La forte concurrence pour la conquête des parts de marché s'est traduite par une baisse relative du rendements des concours. Parallèlement, les établissements de crédit ont subi une évolution défavorable de la structure de leurs ressources avec une chute de leur marge sur les crédits et avec des profits qui restent faibles [Graphiques : 2.1 à 2.4].

Cette évolution défavorable résulte du changement de comportement des agents économiques qui ont partiellement délaissé les dépôts bancaires traditionnels au profit des placements plus rémunérateurs et aussi liquides, principalement les SICAV monétaires. En contrepartie, les établissements font de plus en plus appel aux ressources rémunérées au taux du marché monétaire (titres de créances négociables, emprunts interbancaires). Par ailleurs, la part des produits nets hors intermédiation s'est accrue au cours des dernières années. En effet, les opérations hors intermédiation ont généré près de la moitié du produit net bancaire en 1993 contre 16,2% en 1984 (Rapport 1994 de la commission bancaire). Outre l'impact de pression concurrentielles, d'autres éléments interviennent dans l'explication de la baisse des marges bancaires: les variations de taux d'intérêt, l'évolution des structures de bilans bancaires et l'évolution des volumes d' activité. Toutefois, l'orientation à la baise de la rentabilité bancaire semble avoir largement été déterminé par la croissance des pressions concurrentielles et le ralentissement de l'activité économique, notamment à partir de 1990. En effet, avec la crise économique dès le début des années quatre-vingt-dix, on assiste à une forte baisse du taux d'intermédiation financière liée à la baisse de l'offre de crédit. Celle-ci s'explique principalement par la diversification des moyens de financement et par la "marchéisation" croissante des conditions bancaires. Les financements bancaires ont donc emprunté de nouvelles voies. Face à ce nouveau paysage, les banques sont de plus en plus amenées à rechercher une meilleure rentabilité de leurs activités sur les marchés financiers. Le statut de la banque a donc évolué au cours de ces dernières années. Elle se comporte d'une manière de plus en plus concurrentielle.

C - L'évolution du statut de la banque

1 - De la banque-administration à la banque-firme La banque d'aujourd'hui ne se comporte plus uniquement comme une administration qui cherche à rendre service à l'économie et aux agents économiques, elle n'est plus une sorte de service public bénéficiant de protections spéciales. Désormais, c'est le marché qui sanctionne la qualité des choix de la banque et de ses stratégies. La montée des pressions concurrentielles et le développement du rôle du marché incitent les banques à faire des efforts supplémentaires en matière de rationalisation de leurs activités et de recherche de rentabilité. Les banques ont donc été amenées à redéfinir leurs métiers. Il s'agit de passer à une logique de la valeur ajoutée et du profit. Aujourd'hui, le métier de banquier consiste à exploiter les activités rentables et à rationaliser la prise de risque.

Cette logique industrielle implique de la part des banques des démarches de réflexion stratégique et marketing et de développer une comptabilité analytique détaillée par clientèle et par produit. On a ainsi vu au cours de ces dernières années une véritable modernisation de l'activité bancaire et le développement de la fonction de couverture de risques. Le passage à une logique concurrentielle n'est pas simple. Il nécessite des grands efforts d'anticipation et d'investissements notamment technologiques. Les banques cherchent à adapter en permanence leurs produits et services à leurs clients et non pas gérer anonymement et mécaniquement leurs comptes. Par ailleurs, les banques développent de nouvelles stratégies pour attirer la clientèle. Ceci passe par exemple par les produits joints ou "subventions croisées" entre produits bancaires. L'approche clientèle a donc évolué et le marketing bancaire se professionnalise. En effet, les relations de clientèle jouent également un rôle majeur dans le renforcement de la position de la banque sur les marchés locaux. D'où le souci permanent d'améliorer l'image de la banque et sa réputation. De plus que l'ouverture des marchés de capitaux augmente les pressions concurrentielles et incite donc les banques à rechercher une meilleure efficacité et rentabilité de leurs activités sur les différents marchés et pour lutter ainsi contre la concurrence effective et potentielle. Ceci se traduit par exemple par les efforts réalisés au cours de cette dernière période pour l'amélioration de la productivité bancaire.

2 - La recherche de gains de productivité : Les banques ont dû faire de grands efforts de rationalisation des moyens de production. Elles ont donc investi dans les technologies informatiques pour mieux collecter et traiter l'information et pour mieux répondre ainsi aux besoins de la clientèle. Elles ont également développé de nouveaux services générateurs de commissions et des produits à forte valeur ajoutée avec la modernisation des moyens de paiement. Par ailleurs, dans ce contexte beaucoup plus difficile, les banques recherchent de plus en plus de gains de productivité, ce qui passe par la maîtrise des coûts. Mais, cette notion de productivité s'avère très difficile à mesurer concrètement dans la banque. Il est en effet difficile de définir ce qu'est la " production " d'une banque [D.Nouy (1993) et M.Sassenou (1994)].

Selon le rapport 1994 de la commission bancaire, la productivité du système bancaire français s'est globalement améliorée avec l'effort particulier de maîtrise des frais généraux au cours des dernières années. La productivité du travail s'est globalement accrue, malgré la hausse des coûts unitaires. Le produit net bancaire par salarié a passé de l'indice 100 en 1984 à l'indice 131 en 1993. Mais, l'évolution du facteur capital a été globalement moins favorable ce qui à relier au poids et au coût des investissements informatiques réalisés par les banques depuis quelques années. Au total, l'évolution de la banque vers une firme concurrentielle soulève la question de la stabilité du système bancaire. La crainte de l'apparition d'une concurrence "destructrice" occupe une place centrale dans les préoccupations des autorités réglementaires.

SECTION 2: L'EVOLUTION CONCURRENTIELLE ET LA STABILITE DU SYSTEME BANCAIRE

A - Les nouvelles craintes sur les conditions de stabilité bancaire :

L'accélération des intensités concurrentielles sur les marchés financiers remet à l'ordre du jour la question de la stabilité et de la sécurité du système bancaire. En effet, la stabilité bancaire qui est au centre des préoccupations des autorités monétaires soulève un intérêt particulier surtout qu'il s'agit de l'un des principaux garants de la santé de l'économie dans son ensemble. Cette concurrence accrue qui conduit à une fragilisation des profits bancaires, favorise l'accroissement des risques sur les marchés financiers, d'où une certaine crainte de l'apparition d'une concurrence "destructrice" ainsi que la menace du risque systémique. Il est claire en effet que la stabilité des ressources des banques ne peut être maintenue que si la confiance dans la solvabilité des banques est maintenue. Mais, aujourd'hui, avec les mutations structurelles de l'environnement financier, l'industrie bancaire ne peut plus être considérée comme une industrie parfaitement protégée. De ce fait, la concurrence sur les marchés bancaires apparaît aujourd'hui à certains comme une concurrence "destructrice". Dietsch.M (1992) estime même que la période actuelle réunit les conditions d'une concurrence destructrice sur les marchés à rendements croissants- dont la réglementation préservait la sphère financière auparavant. Dans ce cas, cette concurrence conduit non seulement à une forte instabilité potentielle de l'industrie bancaire mais également à une augmentation du pouvoir de monopole de certains offreurs et à une réduction de l'efficacité économique de l'industrie. Elle est donc "destructrice" car elle détruit les conditions de viabilité des offreurs et engendre l'instabilité des marchés.

Par ailleurs, Geoffron.P (1993) souligne que l'accélération de la concurrence et la tendance à la formation de conglomérats financiers génère aussi d'autres risques en compliquant leur surveillance. L'émergence de ces conglomérats peut donc représenter une source d'accroissement du risque systémique. En effet, la défection de l'une des composantes du conglomérat pourra introduire le doute sur la santé de l'ensemble du conglomérat. Ce qui peut provoquer une méfiance du public sur les autres membres de la communauté financière. Dans ce contexte vivement concurrentiel, il y a également la crainte de faillite de banques, qui par effet de contagion, peut provoquer la rupture du système bancaire dans son ensemble. La faillite récente des caisses d'épargne américaines s'est traduite en effet par des coûts sociaux importants dont la charge pèse en définitive sur les contribuables. En Europe, le nouvel environnement financier de ces dernières années a incontestablement fait apparaître de nouveaux risques qui rendent la rentabilité des établissements bancaires de plus en plus incertaine.

L'accroissement de la concurrence s'est traduite par une érosion des marges bancaires. Ceci peut conduire à une augmentation de la vulnérabilité des banques en Europe. Goyeau.D et Tarazi.A (1992), ont pût identifier à l'aide d'une mesure de la probabilité de défaillance une évolution de la fragilité des systèmes bancaires européens au cours des dernières années. Ces auteurs considèrent que dans la perspective de l'Union Economique et Monétaire Européenne, un système bancaire homogène apparaît indispensable pour garantir des réactions analogues à d'éventuels chocs. Le fonctionnement de l'industrie bancaire exige donc une adaptation moderne et efficace des dispositifs réglementaires.

B - La nécessaire adaptation de la réglementation bancaire

1- L'adaptation de la réglementation prudentielle

En raison du rôle principal que jouent les banques dans l'économie, elles doivent être protégées du risque systémique par une réglementation prudentielle spécifique. Cette protection ne doit pas seulement provenir des autorités réglementaire, mais également des banques eux-mêmes. En effet, en matière de prévention du risque systémique, la réglementation doit avoir comme objectif principal d'inciter les participants au système financier à réduire d'eux-mêmes leur exposition au risque. Elle doit également éviter de les inciter à une prise excessive de risques et ceci en maintenant une réglementation inadéquate ou en apportant à leurs opérations une garantie implicite illimitée.

Dans le nouveau paysage bancaire, le rôle des autorités monétaires doit être aussi de veiller à ce que la nouvelle organisation des marchés bancaires préserve la viabilité concurrentielle et la solvabilité des banques. La protection de la solvabilité bancaire ne réclame pas une restriction de leur activité. Au contraire, comme le pensent certains auteurs, l'élargissement de leur champ d'activité est une condition nécessaire pour bénéficier des effets de la diversification sur le risque et des économies de gamme. Pour préserver la solvabilité et la viabilité des banques, certains éléments s'avèrent indispensables.

D'abord, les dispositifs prudentiels sont nécessaires pour réduire la probabilité de faillite d'une banque et limiter ses effets sur les autres acteurs économiques. D'où la nécessité d'un niveau suffisant de taux de couverture des risques par les fonds propres. Mais, il faut veiller que ce ratio ne dépasse un certain seuil, au delà duquel conduit les banques à prendre d'avantage de risques. De plus, il faut une amélioration de la gestion et du contrôle des différents risques par les établissements eux-mêmes. Ensuite, la stabilisation des profits bancaires s'avère indispensable pour éviter une déstabilisation des marchés bancaires. Dietsch (1992) pense que la réglementation des prix et la fixation de taux débiteurs et créditeurs plafonds est l'instrument le plus efficace d'une telle stabilisation des profits bancaires et pour préserver ainsi l'industrie bancaire d'une certaine concurrence destructrice. Enfin, le maintien et le renforcement de la confiance sur les marchés bancaires, notamment par l'amélioration et la diffusion de l'information sur la qualité des actifs et des engagements des banques, est désormais de plus en plus indispensable pour la stabilité bancaire.

J.C. Trichet (1995) rajoute que la prévention du risque systémique exige en plus la coopération entre autorités de surveillance. En effet, une meilleure construction de l'Union Européenne doit nécessairement passer par l'élaboration d'une réglementation bancaire stable et efficace. Cette réglementation communautaire doit principalement viser à harmoniser les conditions de concurrence bancaire à l'intérieur de la Communauté et à perfectionner certaines règles pour garantir une stabilité et une sécurité convenable du système bancaire en Europe. Par ailleurs, la réglementation bancaire doit aujourd'hui chercher à completer la discipline du marché. Comme le remarquent Dewatripont et Tirole (1994), la puissance publique joue un rôle de représentation des intérêts des déposants qui sont dispersés et sous informés. Les réglementations prudentielles peuvent s'interpréter donc comme un moyen de limiter la prise de risque par les dirigeants des banques et comme une protection du public contre un trop grand pouvoir de marché des banques [ J.C .Rochet (1995)].

Aujourd'hui, la plupart des économistes considèrent qu'une réglementation prudentielle mieux adaptée demeure indispensable pour sauvegarder le système bancaire. G.Benston et G.Kaufman (1996), par exemple, considèrent qu'une telle réglementation se justifie par le fait qu'elle contre les externalités négatives qui peuvent résulter du mécanisme d'assurance-dépôt. S.Dow (1996) souligne également la nécessité d'une meilleure régulation du système monétaire du fait du rôle économique spécial de la monnaie et de l'incertitude qui lui est associée.

2 - L'arbitrage efficacité/stabilité :

Les autorités monétaires sont de plus en plus confrontées au dilemme efficacité/stabilité au moment où leurs systèmes financiers nationaux sont engagés dans une concurrence de plus en plus aiguë. Il est en effet utile de garder à l'esprit les gains d'efficacité qu'à permis les mutations financières de ces dernières années, comme par exemple la diversification des moyens de financement et la réduction des coûts d'intermédiation. Les banques peuvent donc évoluer vers des systèmes de tarification plus rationnels et restructurer ainsi leurs comptes de résultat. Mais, il ne faut pas ignorer non plus que ces mutations sont à l'origine d'une menace d'instabilité du système bancaire.

C'est pourquoi, les régulateurs doivent avoir beaucoup de précaution dans le processus d'adaptation de leurs réglementations. Cette adaptation indispensable doit obligatoirement passer par un dosage, certes difficile, qui d'un côté, doit garantir une amélioration du fonctionnement de l'industrie bancaire et d'égalisation des conditions de concurrence pour que les banques puissent rester compétitives et efficaces. D'un autre côté, cette adaptation réglementaire doit fournir les garanties nécessaires pour une stabilité et une sécurité du système financier. Enfin, pour aboutir à cet équilibre, il importe aujourd'hui de comprendre les réactions stratégiques des banques face à cette nouvelle configuration concurrentielle sur les marchés bancaires.

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