Politis 8/9/00

La vidéosurveillance, sans états d'âme

Patrick Piro

 

Libération 15/7/00

Zoom sur Lyon, ville surveillée

Olivier Bertrand

 

Dépêche AFP - lundi 4 septembre 2000, 21h47

La gauche contre la mise en place d'un système de vidéo-surveillance dans les rues de Saint-Etienne


Politis 8/9/00

La vidéosurveillance, sans états d'âme

En 2001, 62 caméras surveiLleront le centre ville de Lyon. Un Vert, maire du ler arrondissement, ainsi que la gauche (à la quasi-unanimité) se sont abstenus lors du vote fin avril.

L'affaire n'a pas fait un pli : fin avril, le conseil municipal de Lyon acceptait, sans opposition, le projet d'équiper de caméras de vidéosurveillance le quartier "sensible" de la Duchère, ainsi qu'une partie du centre-ville. Il s'agit de sécuriser des zones où la délinquance est présentée comme difficile à contrôler, avec une augmentation récente des agressions violentes. Les images, directement exploitables par les polices municipales et nationales, devraient être systématiquement détruites dix jours après la prise de vue.

Discours sécuritaires

Si la droite a voté massivement en faveur de la vidéosurveillance, certains élus de gauche, comme Gérard Collomb, le maire PS du IX' arrondissement, lui ont e emboîté le pas. D'autres se sont mollement abstenus. Une seule voix contre, celle de la conseillère municipale communiste Marylène Cahouet, résidente à la Duchère: " On est en période électorale... J'ai été très impressionnée par les discours ultra sécuritaires des élus de droite. Le recours à la technologie pour résoudre les problèmes, c'est l'aveu d'un échec collectif face à la violence. Mais ce qui me choque profondément, c'est la légèreté avec laquelle l'utilisation des images a été abordée. Il n'existe aucune garantie que la liberté des individus sera protégée. "

Parmi les abstentionnistes (membres de l'opposition au maire apparenté UDF, Raymond Barre): un Vert, Gilles Buna. Maire du Ier arrondissement, où une dizaine de caméras devraient être installées, il avoue son malaise. "On ne peut pas dire que la vidéosurveillance soit la panacée. Personne ne peut se féliciter d'une telle solution. Mais j'ai pris mes responsabilités. Il y a un problème de délinquance à Lyon, et nous ne seront pas les premiers à avoir recours aux caméras.'' Comme le prévoit la loi, Gilles Buna avait, dans un premier temps, présenté en conseil d'arrondissement le texte autorisant la vidéosurveillance, subordonnant son accord personnel à la mise en place d'un comité d'éthique, composé de professionnels du droit et de membres associatifs. L'amendement ayant été rejeté, il s'était abstenu, comme plus tard et pour la même raison il s'abstiendra au conseil municipal.

La commune voisine de Vaux-enVelin, qui a connu plusieurs flambées de violences ces dernières années, a pourtant pris le parti d'encadrer son réseau de vidéosurveillance par un comité d'éthique chargé du respect de la loi dans l'usage des images. " Raymond Barre m'a dit que l'on verrait plus tard", se défend Gilles Buna. " C'est exactement ce qu'il nous avait déjà répondu, quand nous avions présenté la même demande l'annonce dernière, rétorque Marylène Cahouet. Depuis, rien n'a bougé... ~

L'association Ecolo, qui réunit quelques écologistes Iyonnais radicaux, se dit peu surprise par la position du maire Vert, avec lequel elle polémique régulièrement. " L'absence de véritable débat au sein du conseil municipal est décourageante, se plaint Vincent Chesney, animateur d'Ecolo. Quant à Gilles Buna, nous regrettons le manque d'ouverture démocratique dont il fait preuve. " Du côté des Verts, cependant, l'attitude du maire n'a guère provoqué d'émois. " La question est encore en débat au sein du parti rappelle Etienne Tête, chef de file des Verts lyonnais. On ne peut pas dire que Gilles Buna ait adopté une position de franc-tireur, car il n'existe pas de doctrine officielle chez les Verts sur ce type de questions. Certes, il se dégage un sentiment général de prudence vis-à-vis de la vidéo surveillance, mais les instances du parti n'ont jamais été plus loin. " Même s'il admet ne pas suivre le maire du Ier arrondissement, Etienne Tête ajoute prudemment que les Verts du Rhône n'ont pas réclamé l'ouverture d'un débat sur toutes ces questions. Faut-il ménager l'unité interne, à quelques mois des municipales ? La gauche, derrière Gérard Collomb, sent le coup " jouable ". Gilles Buna pourrait alors devenir premier adjoint au maire.

Une réponse fictive

Loin des enjeux du microcosme lyonnais, les responsables nationaux des Verts ne font pas plus grand cas de l'affaire des 62 caméras. Jean-Luc Bennamias, secrétaire national du parti écologiste, et un des rares Verts à travailler sur les questions de sécurité, rappelle que la position de Gilles Buna est connue depuis longtemps: "Je ne commenterai pas ses choix, mais j'estime que la vidéo surveillance - à part dans les parkings souterrains délicats a surveiller- est une réponse fictive aux problèmes de sécurité des villes. Elle ne fait que déplacer la délinquance vers les espaces qui se trouvent hors du champ des caméras. Et elle ne remplace pas la présence humaine, sécurisante, que seuls des agents de proximité peuvent assurer. "

A Lyon, les élus de droite ont les coudées franches. Ils ont même déjà prévu, si cette première expérience est concluante, d'étendre le réseau de caméras aux quartiers voisins, et d'en resserrer le maillage.

Patrick Piro


Libération 15/7/00

Zoom sur Lyon, ville surveillée

Pas d'émoi autour de l'installation de caméras dans la presqu'île

 

II sera bientôt difficile de traverser le centre de Lyon sans apparaître sur les écrans de la police municipale. La mairie vient en effet de lancer un appel d'offres pour quadriller les rues de son centre ville d'une cinquantaine de caméras. Onze autres caméras entrent par ailleurs en fonction, dès cette semaine, dans le quartier de La Duchère. Ce maillage ne choque pas grand monde. Une partie de la gauche s'est abstenue, pendant que l'autre votait pour.

360 degrés. Dans le centre-ville, elles seront disposées le long des grandes artères commerçantes de la Presqu'île. Logées dans des globes opaques, elles filmeront le passant sans qu'il s'en aperçoive. Comme elles pivotent à 360 degrés, elles pourront surveiller les venelles adjacentes. Depuis leurs écrans, les agents pourront suivre leurs cibles dans presque tous leurs déplacements. Seules quelques ruelles échapperont à leur surveillance, ce qui risque d'ailleurs d'attirer vers elles tous les trafics.

Les façades d'immeubles, en revanche, seront masquées numériquement mais il restera possible de repérer le client du sex-shop ou celui du club échangiste. "Il faut rassurer les gens", estime Régis Thévenet, gérant de l'entreprise qui a piloté les études et l'installation des premières caméras, celles de La Duchère. "Ces images sont stockées huit jours avant d'être détruites. Personne ne peut les imprimer ni les copier." Seul un officier de police pourra les saisir, dans le cadre d'une procédure judiciaire.

Des fibres optiques transporteront les images jusqu'au poste de contrôle de la police municipale, où quatorze agents se relaieront pour surveiller les écrans et actionner les caméras. Le zoom permettra un agrandissement confortable: une multiplication de l'image par 72. De quoi cadrer une photo d'identité à 100 mètres du modèle. La police nationale sera aussi destinataire des images. Elle aura même priorité pour prendre le contrôle d'une caméra. Les jours de manifestation, les RG n'auront plus à se déplacer. Il leur suffira de zoomer.

Ce programme n'a pas ému la gauche Iyonnaise. Il est vrai que Vaulx-en-Velin, commune dirigée par l'ex-communiste Maurice Charrier, avait décomplexé ses collègues en installant cinq caméras dès 1997. Sa ville en posera six autres cet automne. A Lyon, la moitié du PS a voté pour la vidéosurveillance, pendant que la gauche alternative, le PCF et les autres socialistes s'abstenaient prudemment. Une seule conseillère, Marylène Cahouet (PCF), a choisi de voter contre. Elle vit à La Duchére, où, d'après elle, le climat n'a pas attendu les caméras pour s'apaiser nettement. "En séance, raconte-t-elle, le ton sécuritaire m'a effrayée. C'était à la fois un aveu d'échec et un renoncement total au respect de la vie privée. La gauche pense peut-être que c'est un moyen fiable de limiter la délinquance. Ou bien la proximité des élections l'a poussée a ménager la chèvre et le chou." Gilles Buna, maire (Vert) du ler arrondissement (et possible premier adjoint si la gauche remporte la ville), reconnaît que "la vidéosurveillance n'est pas la panacée". Mais il ajoute : "Nous avons affaire à une délinquance d'hypercentre, violente et importée, contre laquelle la prévention ne peut pas grand-chose." Il s'est abstenu, pendant que Gérard Collomb, chef de file (PS) de la gauche plurielle, votait résolument pour. Maire du IXe, il avait d'ailleurs réclamé les caméras de La Duchère. Pour lui, "¦ n'est pas Big Brother. Le système est bien encadré. Il faut sécuriser les rues: nous avons un vrai problème de délinquance dans le centre".

Délinquance. D'après les statistiques policières, la petite délinquance a tendance à baisser dans le centre. Les dégradations reculent (-47 %), comme les vols de deux-roues (-21 %) et les vols de voitures (-12,5 %). Les agressions plus dures progressent : vols à la tire (+24 %) et vols avec violence (+ 13 %) augmentent. Pour Jean-Pierre Petit, membre de Souriez vous êtes filmés et de la Coordination nationale contre la vidéosurveillance, "le durcissement de la délinquance est le produit d'une société de plus en plus sécuritaire. A Lyon comme ailleurs, on risque de constater que 1es caméras transforment la délinquance sans la faire disparaître". Pour l'instant, les chiffres restent relativement peu élevés dans le centre de Lyon, qui compte 55000 habitants et des dizaines de milliers dé visiteurs chaque week-end. Mais, selon Albéric de Lavernée, maire du IIe, "il n'y a plus le sentiment de sécurité qu'il y avait il y a quatre ou cinq ans". Le maire s'est plaint, le 26 avril, de la baisse des effectifs de police sur son arrondissement. "C'est le problème de l'Etat, lui a répondu un Raymond Barre nostalgique. Nous assistons aujourd'hui à sa dégradation. "

"Elargir le réseau". L'an prochain, les caméras de la ville renforceront les moyens policiers. Elles entreront en action fin février ou début mars, quelques semaines avant les élections. Mais le programme ne s'arrêtera pas là. Pour Henry Chabert, autre candidat (RPR celui-là) à la mairie de Lyon, "les caméras risquent de déplacer la délinquance. Aussi il faudra rapidement élargir le réseau". Jean-François Mermet, adjoint (DL) chargé de la sécurité, promet la même fuite en avant. "Si les résultats sont concluants, nous intensifierons le maillage et développerons le réseau dans les autres quartiers. "

 

Olivier Bertrand

 


Dépêche AFP - lundi 4 septembre 2000, 21h47

 

La gauche contre la mise en place d'un système de vidéo-surveillance dans les rues de Saint-Etienne

 

SAINT-ETIENNE (AP) -- L'opposition de gauche a voté contre la prochaine mise en place d'un système de vidéo-surveillance dans les rues de Saint-Etienne lundi soir lors d'un conseil municipal. Le conseiller municipal chevènementiste Guy Laforie qui s'exprimait au nom de l'ensemble de la gauche a accusé le maire Michel Thiollière (UDF-RAD) d'une ''dérive sécuritaire motivée par des considérations électoralistes''. Il a qualifié le projet de 16 caméras, gérées par la police municipale dans différents points de Saint-Etienne, notamment dans le centre-ville de ''gadget inefficace car les délinquants ne sont ni naïfs ni stupide'' et stigmatisé l'atteinte à la liberté individuelle que cela représenterait''. Le maire a répondu que cette mesure prévue pour le début 2001 ''répond à l'attente de sécurité de nos concitoyens, comme l'ont déjà fait d'autres municipalité, y compris de gauche''.