Les Nouvelles De La Nuit

Présente :

Avec Un Peu de Chance…

 

Une pluie fine et glacée tombe dans le petit matin. En prenant son tour de garde, tout en haut du mirador de métal sombre, le soldat Jack Walken se demande, comme tous les jours, ce qu’il est venu faire dans cette galère. En atteignant la plate forme d’observation, il embrasse la plaine du regard. Un mois de Septembre comme las autres dans le Wisconsin : pluie, boue et froid précoce.
Une mélopée lancinante le tire de ses rêveries. Un râle continu auquel on ne parvient pas à s’habituer. Ces stupides créatures ! Elles sont toujours agglutinés contre les barbelés qui protègent le camp. Combien sont elles ? On dirait que leur nombre s’est encore accru durant la nuit. Au début il n’y en avait que quelques-unes, à présent elles forment une foule compacte, tout autour des installations, qui s’agite en beuglant jusqu’à la limite de la forêt. Bon sang mais d’où sortent tous ces zombis ? Il y a temps de morts que ça sur terre ?
Quelqu’un grimpe l’escalier derrière lui. Il se retourne pour voir ‘Crazy Doc’, en blouse blanche, prendre place à ses cotés sur la passerelle. Ses traits sont tirés, ses yeux rougis par la fatigue et les amphétamines.


- " Hello Doc, encore une nuits blanche ? "


- " Ne m’en parle pas, ces zombis m’auront pris plus de sommeil que toutes les filles faciles de Veracruz quand j’étais jeune ! Et toi mon garçon parviens-tu à dormir. "


- " Non, répond le soldat, je n’arrête pas de me demander ce qui se passe ici. "

Le savant regarde le soldat d’un air absent, puis tournant la tête vers la plaine il prends une profonde inspiration.

- " Difficile de répondre. On pense que la zombification se produit suite à la contamination d’un humain par une forme virale particulière. La transmission se fait généralement aprés une morsure. "

- " Certains disent qu’il suffit d’en toucher un. "

- " En effet, poursuit le scientifique, nous avons recensé des cas d’infections par simple contact entre le sang du zombi et le corps de l’humain, par exemple suite à une lutte au terme de laquelle l’humain ayant blessé une créature se retrouve couvert de son sang. Nous avons du mal à isoler le virus. Trop petit, trop mutagène, il s’adapte rapidement à l’organisme qu’il occupe. "

- " Mais ce virus vient bien de quelque part, non ? "

Le savant hausse les épaules.

- " Impossible de dire comment l’épidémie à commencé. Au début les gens ne prenaient pas ce fléau au sérieux, alors nous ne possédons que peu de données sur l’apparition du phénomène. "

- " On dirait des cannibales dégénérés. " fait remarquer le soldat.

- " Faux. Mets-toi bien ça en tête mon garçon : les zombis ne sont intéressés que par une chose et une seule, manger de la chair humaine bien vivante. C’est tout. Ce sont des animaux qui ont besoin de manger pour vivre. Le virus confère à leur système nerveux une activité minimale, mais les autres organes sont morts, inutiles. Cependant le cerveau a encore besoin d’une quantité infime certes mais non nulle de sang, tout simplement pour ne pas pourrir. Ce sang ne leur étant plus apporté par le coeur, ils sont obligés d’aller le chercher sur des individus sains et de préférence bien vivants, ce qui explique qu’ils ne se dévorent jamais entre eux. Anthropophages, oui, mais pas cannibales. "

- " Et que ce passerait-il s’ils ne pouvaient plus trouver de nourriture ? "

Le savant marque un temps de réflexion, puis reprends.

- " Eh bien théoriquement tous les zombis mourront dés qu’il n’y aura plus un seul vivant à manger. Dans la pratique on ne sait combien de temps il peuvent tenir sans nourriture. Nous en gardons une captive depuis plus d’un mois et elle est toujours en activité, son cerveau ne donne que de faibles signes de ralentissement. "

- " Mais si leur cervelle est toujours en état est ce qu’ils peuvent exécuter des taches
compliquées ? "- " Oh non ! Ces créatures sont stupides. Des coquilles vides incapables de la moindre réflexion ou émotion. "

- " Alors c’est pour ça qu’un zombi est facile à tuer ! " Surenchérit le militaire.

- " Oui en vérité affronter un zombi est très simple mais ils sont tellement nombreux. Il y en aura toujours un pour vous mordre lorsque vous serez trop épuisé pour vous battre. "

La pluie continue a tomber. Jack se sent de plus en plus glacé. Il observe le savant du coin de l’oeil. Il a l’air absent, son regard est vide. Lorsqu’il a prononcé la dernière phrase il lui semble qu’une larme a roulé sur sa joue. Le soleil commence à percer timidement à travers la couche de nuages gris. Il réchauffe à peine Jack. Son uniforme est humide. Il remarque qu’étrangement la blouse du Doc à l’air franchement trempée quand il s’aperçoit tout à coup que ce n’est pas la pluie qui en est la cause; l’homme transpire à grosses gouttes.

- " Alors si on ne peut pas tous les détruire qu’est ce qu’on peut faire ? on ne va tout de même pas attendre qu’ils meurent de mort naturelle. D’ailleurs peuvent ils vieillir ? " Demande le soldat.

- " Apparemment oui. Leurs chairs se putréfient à un rythme très lent. Cependant nous n’avons observé aucun zombi mort de...vieillesse ou d’autre mort naturelle d’ailleurs. Il nous faudrait plus de temps pour les étudier, mais nous n’en avons pas. ".

L’horrible mélodie est toujours là. Elle donne mal à la tête à la longue.

- " On en a pourtant essayé des méthodes, continue le savant comme pour lui-même. Combien de cobaye sacrifiés, combien d’expériences ratées. Par exemple on a voulu savoir si le virus pouvait se transmettre aux animaux. Le porc était notre principal sujet d’étude, étant donné sa similitude génétique avec l’homme. Eh bien en comptant seulement ce camp, nous en avons sacrifié une bonne centaine. Pour aboutir à quoi ? A rien. Certes les porcs sont immunisés contre le virus, mais pour quelle raison ? Impossible de le savoir. Toute cette nourriture gâchée et qui nous fait défaut aujourd’hui. J’ai disséqué notre dernier spécimen cette nuit aprés l’avoir fait mordre par un zombi captif... ça n’a servi à rien. "

- " Mais comment faites vous pour obliger un zombi à mordre un animal ? "

- " C’est bien là le problème , il faut qu’un humain s’expose et serve d’appât, on ne lui substitue le porc qu’au tout dernier moment. C’est extrêmement risqué et j’ai perdu plusieurs laborantins de cette façon. "

Tout en écoutant, le soldat observe le scientifique et remarque que son bras droit est bandé. Il ne l’avait pas noté immédiatement car le pansement blanc se confondait avec la blouse. A présent le sang commence à sourdre. Jack respire trois fois avant de reprendre, pour se détendre comme ses instructeurs de yoga le lui ont enseigné.

- " Vous savez, j’ai vu un type, un sergent de la garde nationale, se faire mordre. C’était le mois dernier. Il lui a fallut trois jours pour crever. Au début il avait juste de la fièvre, mais très vite il a commencé à délirer et puis le troisième jour il est mort. Dans les cinq minutes qui ont suivi il s’est relevé. Heureusement il était dans un dispensaire de l’armée, un garde s’est chargé de lui. Je crois que si ça m’arrivait je préférerai me faire sauter la cervelle, c’est plus simple. "

Le soldat se tait, le savant ne l’écoute même pas. Il semble murmurer tout doucement.

- " ...Et le troisième jour il est ressuscité des morts... "

Jack tire son pistolet automatique de son étui et le tends au scientifique. Celui-ci relève son visage, il est tourmenté, torturé par la fièvre et par la peur. Il saisit l’arme d’une main tremblante.

- " Mettez le canon dans la bouche... C’est plus sur. " Explique le soldat sur un ton qu’il tente de garder ferme.

- " Mourir ne me fait pas peur...Si c’est définitif. " Indique le savant en s’éloignant.

De gros nuages orageux s’amoncellent au-dessus du camp. Quelques éclairs fendent le ciel dans un bruyant roulement. Jack commence à prier. ça ne lui était plus arrivé depuis tout môme. Avec un peu de chance la foudre tombera sur la plaine désolée et sur ce monde vide d’humains. Avec un peu de chance, le tonnerre couvrira le bruit de la détonation, avec un peu de chance...

 

Canis Lupus

 

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