Chapitre 7

 

Les délices du Nouveau Monde ( 3 )

 

 

 

 

 

La ronde des psy

 

Version anglaise

 

En quittant le pénitencier exemplaire d'Alabama, Candide et Pangloss arboraient une mine inhabituelle. Inquiet, Martin les interrogea :

" Que se passe-t-il ? Vous semblez tout retournés !"

Pangloss : " Les businessmen, les politiciens, les geôliers et leurs prisonniers, voilà une bien piètre image de votre humanité ".

Candide : " Comme vous avez raison, mon bon maître ! C'est vraiment à désespérer de l'espèce humaine ".

Martin : " Je n'en crois pas mes oreilles ! Vous les chantres de l'optimisme, tenir de tels propos ? "

Ils retournèrent à New-York. Malgré les efforts de leurs compagnons, nos deux optimistes invétérés ne pouvaient se sortir de leur sombre humeur.

Fortuné Bigboss décida d'utiliser les grands moyens. " Ils sont stressés, déclara-t-il à Martin, comme la plupart des Américains. Nous allons donc les soigner comme eux. Avocat et psy sont les deux mamelles des Yankees. Nous allons donc les faire traiter par des psy ". Ainsi fut fait.

Fortuné Bigboss remit Candide entre les mains, ou plutôt les manipulations expertes d'un psychanalyste de réputation internationale pour son tarif horaire de 1000 $. Celui-ci entreprit de lui administrer une cure psychanalytique approfondie dans toutes les règles de l'art. Etant donné la gravité du traumatisme subi par Candide, son thérapeute le prit sérieusement en main, au rythme de trois solides séances hebdomadaires. Il ne lui fit cadeau d'aucun épisode du nécessaire travail analytique. On débuta par l'hypnose, qui réveilla la mémoire symbolique refoulée tout au fond de l' inconscient. Candide revécut les rituels sataniques qui avaient rempli sa prime enfance, le complexe d'Oedipe qui l'avait mené à l'inceste. Faits réels ou faux souvenirs ? Peu importait au thérapeute pourvu que le patient puisse faire émerger de la planète obscure de son inconscient les symboles enracinés dans le signifiant. L'abréaction et le frayage ne furent pas oubliés dans l'administration de la vulgate freudienne.

Trois mois après la mise en analyse du candide Candide, celui-ci n'était plus qu'une pantelante créature psychanalytique, prête à accepter tous les traumatismes inconscients dont l'hippocampe des quatre premières années de sa vie n'avait d'ailleurs gardé aucune trace.

Le sort de Pangloss ne fut pas moins performant. La philosophie freudienne avait rapidement chassé les miasmes du naïf univers où se complaisait le crédule Leibniz. Le psy de Pangloss, qui ne pratiquait qu'un tarif horaire de 500 $, ne pouvait prétendre qu'à une renommée nationale. Ce thérapeute, néanmoins redoutable, ouvrit toutes grandes les portes de l'effrayant inconscient de Pangloss. Vinrent au jour les traumatismes sexuels, les pratiques sataniques et incestueuses réprimées au plus profond de l'inconscient, les atavismes ancestraux, tous les non-dits des refoulements qui obèraient le présent du bon maître Pangloss et entretenait sa psychose. En conclusion, le thérapeute estima, mais sans doute pèchait-il par un excès d'optimisme, que l'avenir psychanalytique de Pangloss ne durerait pas plus de douze à quinze ans, à un bon rythme de 104 séances annuelles. L'espoir d'un mieux, selon cet optimiste psy, ne réclamerait, selon toute vraisemblance, guère plus d'efforts.

Fortuné Bigboss et Martin étaient atterrés. Le remède était pire que le mal. Pangloss et Candide avaient reçu de leur psy la consigne de noter sur un journal quotidien tous les souvenirs (vrais ou fictifs) qui leur revenaient de leur prime enfance.

Martin décida d'appliquer aux deux malades un traitement de choc : le T.P.M. (le Traitement Par le Mépris). Il prit les deux carnets journaliers, les déchira et les mit au feu. Puis ils partirent tous les quatre, pour un hôtel au coeur du Vermont. Après quinze jours de promenades quotidiennes au milieu de prairies en fleurs et de bois odorants, les portes de l'inconscient se refermèrent sur les deux ex-analysés. Leibniz triomphait et l'univers était de nouveau souriant. Nos voyageurs décidèrent de quitter un univers trop civilisé pour un continent encore à l'état de nature, l'Afrique.

 Chapitre 8 : L'état de nature

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