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Steve Reich est souvent considéré comme une des figures les plus représentatives du courant musical américain que l'on dit " minimal " ou " répétitif " dans lequel on a également coutume de classer La Monte Young, Terry Riley, Philip Glass.
Cependant, si l'on parcourt l'ensemble de l'œuvre du compositeur depuis 1963 jusqu'à aujourd'hui, il est évident que cette étiquette, si elle n'est complètement erronée, est du moins trop réductrice. D'ailleurs, contrairement à Philip Glass, Reich n'emploie pas ces deux termes pour qualifier sa musique.

Il est né à New York le 3 octobre 1936, fils de Leonard Reich et de June Sillman (une chanteuse et compositeur pour des spectacles de Broadway). Ses parents se séparent après un an de mariage et, alors qu'il est âgé de cinq ans, la mère de Steve se remarie ; il sera donc élevé par une Irlandaise , Virginia (voir Different Trains) chez son père .

Il prend à l'âge de sept ans, sans grande conviction, des cours de piano. Son attention se porte plus volontiers sur la musique populaire et les grands classiques fredonnés par sa mère.
Sous les conseils d'un ami, il découvre aux débuts des années 50 Igor Stravinsky (Le Sacre du printemps) et J. S. Bach (Concertos brandebourgeois), puis viendront Belà Bartók et Anton Webern. C'est un autre de ses amis qui l'introduit dans l'univers du jazz (Charlie Parker et Miles Davies) ; ensemble ils décident de fonder un groupe de jazz, Steve en sera le batteur. Il travaillera alors consciencieusement la percussion pendant trois ans avec Roland Kohloff (qui fera partie du New York Philharmonic).
Il étudie la philosophie à la Cornell University, et notamment l'œuvre de Wittgenstein.
Diplômé en 1957, il renonce à une carrière universitaire pour aller étudier à New York à la Juillard School of Music. Il prend des leçons particulières avec Hall Overton (1957-1958), un pianiste virtuose de jazz mais aussi de musique contemporaine .

De 1958 à 1961, il étudiera donc la composition dans les classes de William Bergsma et Vincent Persichetti et c'est à la Juillard qu'il fera la connaissance de Philip Glass.
Il assiste parallèlement aux concerts du New York Philharmonic et du Juillard String Quartet.

En 1960, il se marie une première fois. Un fils, Michael, naît en 1962, un an avant la séparation du couple.
En 1961, il s'inscrit au Mills College (1961-1963), à Oakland, près de San Francisco, où il suit les cours professés par Darius Milhaud et surtout Luciano Berio avec lequel il analysera des compositions atonales (de Bruno Maderna, Anton Webern, Pierre Boulez...). Ces dernières, même si elles suscitent son intérêt, rencontrent chez Reich une résistance évidente parce qu'il les jugent trop complexes pour être perçu par l'auditeur.

En 1963, Reich commence à fréquenter le San Francisco Tape Music Center dont les recherches principales se font autour de la musique dite concrète et électronique.
Il y découvre le cinéma expérimental et plus particulièrement celui de Robert Nelson pour lequel il écrira deux pièces ; pour le film intitulé The Plastic Haircut, Reich compose en fait sa première œuvre pour bande, qui est une simple accumulation de boucles. Sa seconde collaboration musicale avec Nelson date de 1964, pour le film Oh Dem Watermelons.
C'est cette même année qu'il compose et interprète lui-même Music for Piano and Tape dans l'auditorium du Tape Music Center.
En 1964, il collabore en tant que pianiste à la première de In C de Terry Riley en compagnie de musiciens tels que Ramon Sander, Pauline Oliveros et Morton Subotnick. Il contribue à la réussite de cette oeuvre fondatrice de la musique répétitive en suggérant l'introduction d'une pulsation rythmique régulière et clairement marquée.
Il effectue par ailleurs des travaux et des recherches portant sur des procédures de déphasages graduels de boucles de bande magnétique comportant un même enregistrement de paroles, qui aboutiront à des oeuvres telles que It's Gonna Rain (1965) et Come Out (1966).
1965 marque le retour de Steve Reich à New York.

En 1966, il se rend vite compte que la constitution d'un ensemble de musiciens à géométrie variable et flexible, formé de musiciens qui soient disposés à interpréter ses œuvres est une priorité : il fonde alors le Steve Reich and Musicians s'impliquant lui-même aux côtés de ces derniers au clavier et à la percussion.

Passionné par les poèmes de William Carlos Williams, Charles Olson et Robert Creelay, il essaie vainement de les mettre en musique.
Il compose successivement Piano Phase pour deux pianos (1967), Violin Phase pour violon et bande magnétique (1967), Four Organs et Phase Patterns pour quatre orgues électriques (1970).

Il se tourne vers des musiques d'Afrique ou de Bali qu'il étudie parfois sur le terrain.
Ainsi, bénéficiant d'une bourse d'étude, il se rend en été 1971 à Accra, capitale du Ghana, pour suivre l'enseignement d'un maître tambourineur de la tribu Ewe, Gideon Alorworye. Chaque leçon est enregistrée, décryptée afin de transcrire les motifs récurrents mais complexes des intruments et leur combinaison.
Ainsi, c'est surtout sur le plan de l'organisation formelle et non sur celui de l'expressivité sonore que ces musiques ont été fructueuses pour Reich.
Drumming pour tambours accordés, marimbas, glockenspiels, voix, sifflement et piccolo (1971) a été composée après son séjour en Afrique et compte parmi ses réussites les plus marquantes. Durant deux étés (1973 et 1974), il étudie le gamelan de Bali avec Nyoman Sumandhi, à Seattle et en Californie (Berkeley).

Il sera successivement lauréat du National Endowment of the Arts en 1974 et 1976, du New York State Council of the Arts, du Guggenheim Fellowship en 1978, de la Rockefeller Foundation, il est nommé, en 1974, artiste en résidence à Berlin.
Les commandes d'œuvres et les propositions se multipliant, le Steve Reich and Musicians donne de nombreux concerts.

Reich s'engage alors dans de nouvelles voies, dont l'une des plus déterminantes sera une substitution progressive des battements aux soupirs, dans un cycle rythmique se répétant indéfiniment. Ainsi, Clapping Music (1972) marque la fin de son recours au processus de déphasage progressif. A des recherches d'alliages de timbres d'un grand raffinement va s'ajouter une complexité structurelle croissante restant, toutefois, perceptible par l'auditeur.
Six Pianos (1973) et Music for Pieces of Wood (1973), Music for Mallet Instruments, Voices and Organ (1973), Music for 18 Musicians (1976), Music for a Large Ensemble (1978), Octet (1979), Variations for Winds, Strings and Keyboards (1981) et Sextet (1986) témoignent de cette évolution.

Il écrit, par ailleurs, des oeuvres destinées à de grands effectifs : The Desert Music, sur un poème de William Carlos Williams, pour un orchestre de 89 musiciens et un chœur de 27 voix (1984), Three Movements pour orchestre symphonique et ensemble de percussions (1986), et The Four Sections (1987), composition articulée autour des quatre sections de l'orchestre symphonique : les cordes, les percussions, les bois et les cuivres.

Tehillim, écrite en 1981 est une œuvre qui marque un tournant dans sa démarche ; il y articule les composantes de sa musique autour de textes hébraïques.

En 1988, avec Different Trains pour quatuor à cordes et bande magnétique, un nouveau mode de composition apparaît, où les paroles et les textes préenregistrés génèrent le matériau musical des instrumentistes. Il utilise dans cette pièce des extraits d'enregistrement de témoignages qu'il a recueillis ; la mélodie des intonations des paroles est immédiatement reprise par les instruments du quatuor en autant de " portraits musicaux " des personnes interrogées. Ce concept de travail se prolonge depuis et trouve son épanouissement dans The Cave, le spectacle multimédia qu'il réalisera en 1993, en collaboration avec Beryl Korot, sur le thème du caveau des patriarches d'Hébron dont la création mondiale a lieu à Vienne le 15 mai 1993.

Dans City Life (commande de l'Ensemble Modern, du London Sinfonietta, et de l'Ensemble InterContemporain) pour deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux pianos, deux synthétiseurs numériques, trois ou quatre percussions et un quatuor à cordes, qui fut présentée à la Cité de la Musique en mars 1995 après sa création mondiale à l'Arsenal de Metz, le compositeur étend la notion de " portrait musical " - la reprise de la mélodie des paroles par les instruments - jusqu'aux phonèmes des exclamations et aux bruits de l'environnement des agglomérations dans lesquelles nous vivons aujourd'hui.

Une première version de Proverb, une oeuvre écrite pour cinq voix, deux claviers et deux percussions basée sur un texte de Ludwig Wittgenstein a été présentée au Royal Albert Hall de Londres en septembre 1995. L'œuvre définitive est créée par le Steve Reich and Musicians en collaboration avec le Theater of Voices sous la direction musicale de Paul Hillier au Lincoln Center le 10 février 1996.

L'année 1997 restera marquée par la présentation du premier acte de son nouvel opéra-vidéo documentaire, Three Tales, dont l'intégralité sera créée à Vienne en mai 2002. Chacune des trois parties de cette nouvelle collaboration avec Beryl Korot illustre un événement qui a marqué le XXème siècle dans les domaines scientifiques ou technologiques en s'appuyant sur des documents d'actualité cinématographiques.
Plus largement, l'œuvre aborde la question inévitable posée par les développements considérables dans ces domaines depuis l'après-guerre, leurs applications et l'encadrement spirituel et éthique qu'il faudrait leur adjoindre.

Reich a choisi de figurer chaque individu de notre humanité par des enfants perdus dans un monde devenu hostile et incompréhensible.
Le premier volet intitulé Hindenburg (présenté le 2 octobre 1997 au Théâtre du Châtelet dans le cadre du Festival d'Automne de Paris) délimite le contexte historique : Paul von Hindenburg, président de la république de Weimar, nomma Hitler chancelier du Reich en 1933 ; le zeppelin géant qui portait son nom explosa en 1937 aux États-Unis.
Le deuxième acte s'intitulera Bikini (de l'atoll atomisé en 1946 au maillot de bain éponyme) et, enfin, le troisième Dolly (référence évidente à la première brebis née par clonage en Écosse en 1997).

Cette biographie a été rédigée en s'appuyant sur la préface de Bérénice Reynaud de l'édition française de Writings about Music :
Écrits et entretiens sur la Musique
Steve Reich,
Bourgois, 1981.

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