Diderot

LETTRE DE M. DENIS DIDEROT SUR L´EXAMEN DE L´ESSAI SUR LES PREJUGES





L´auteur de l´Essai s´est représenté le monde tel qu´il est, plein de menteurs, de fripons, d´oppresseurs en tout genre. Des rois despotes et méchants, il y en a dans ce monde, a-t-il dit qu´il n´y en eût point ? Des ministres violents, dissipateurs, avides, il y en a dans ce monde, a-t-il dit qu´il n´y en eût point ? Des magistrats corrompus, il y en a dans ce monde, a-t-il dit qu´il n´y en eût point ? Des prêtres fourbes, insensés, fanatiques, il y en a dans ce monde, a-t-il dit qu´il n´y en eût point ? Des hommes aveuglés par toutes sortes de passions, des pères durs et négligents, des enfants ingrats, des époux perfides, il y en a dans ce monde, a-t-il dit qu´il n´y en eût point ? Il n´a donc pas fait un monde idéal. Mais il a prétendu et prétend encore que l´homme aime la vérité. En tout genre l´homme aime la vérité, parce que la vérité est une vertu ; l´homme cherche sans cesse la vérité ; c´est le but de toutes ses études, de tous ses soins, de tous ses travaux ; il déteste l´erreur, parce qu´il sait bien qu´en quoi que ce soit, il ne saurait se tromper sans se nuire à lui-même ; son vrai bonheur est fondé sur la vérité. Depuis la plus haute des conditions jusqu´à la dernière, on s´occupe de la recherche de la vérité absolue ou de la vérité hypothétique. Les erreurs passent, mais il n´y a que le vrai qui reste. L´homme est donc fait pour la vérité ; la vérité est donc faite pour l´homme puisqu´il court sans cesse après elle ; qu´il l´embrasse quand il la trouve ; qu´il ne veut ni ne peut s´en séparer quand il la trouve. Il ne faut pas juger les hommes par leurs actions. Tous Peuvent dire comme Médée: video meliora proboque, deteriora sequor.

Si le monde est plein d´erreurs, c´est qu´il est plein de scélérats prédicateurs du mensonge ; mais en prêchant le mensonge ils font à leurs dupes l´éloge de la vérité, mais leurs dupes n´embrassent le mensonge qui leur est prêché que sous le nom de la vérité ; il y a tant d´ennemis du vrai, du bon et du bien ; tant de fausses lois ; tant de mauvais gouvernements ; tant de mauvaises mœurs ; tant d´hommes qui trouvent leur intérêt dans le mal.

Tout mensonge attaqué est détruit et détruit sans ressource : toute vérité prouvée l´est à jamais.

Si la terre est couverte d´erreurs, c´est moins la faute de l´homme que des choses. C´est qu´en toute chose la vérité est une et que les erreurs sont infinies. C´est qu´il y a dix mille moyens de se tromper et qu´il n´y a qu´un moyen d´être vrai.

Si la vérité n´est pas faite pour l´homme, pourquoi ce critique de l´Essai sur les préjugés a-t-il écrit ? pourquoi est-il surpris de trouver l´auteur de l´Essai plein d´erreurs ? pourquoi le traite-t-il avec tant de mépris et de colère ? pourquoi un homme qui fait si grand cas de son temps, le perd-il à tracer des lignes qui ne serviront de rien ?

Le plus inconséquent des hommes est celui qui dit que la vérité n´est pas faite pour l´homme, et qui prend la plume en faveur de la vérité. Le plus absurde des hommes est celui qui écrit des vérités et qui écrit que l´homme est fait pour l´erreur.

La vérité se dérobe sans cesse aux recherches les plus pénibles de l´homme. Mais excepté la longitude et la quadrature, quelle est la vérité que ces recherches continues ne puissent découvrir ?

La force de la vérité arrache cet aveu à l´auteur ; il est donc sous l´empire même tyrannique de la vérité ; il est un de ses esclaves.

S´il prend la fatigue et la peine avec laquelle nous obtenons les choses pour preuve qu´elles ne sont pas faites pour nous, la vertu n´est pas faite pour nous, le bonheur n´est pas fait pour nous, la probité n´est pas faite pour nous ; car l´œuvre du bonheur ne s´accomplit pas sans peine ; la vertu est presque toujours un sacrifice pénible de soi ; la probité demande de la force, du courage, une vue bien claire, bien nette de ses propres intérêts bien entendus, l´oubli du moment, dont la récompense incertaine n´est que dans l´avenir.

Lorsque cet homme dit que la vérité n´est pas faite pour l´homme, que l´erreur est son partage, il va bien plus loin qu´il ne croit. C´est un enfant qui balbutie.

Il s´épuise en lieux communs sur la multitude des erreurs qui entraînent le monde ; et il ne voit pas le tableau des vérités qu´on lui pourrait opposer.

Si un prédicateur montait en chaire et qu´il débutât par ces mots: " Hommes, vous n´êtes pas faits pour la vérité, la vérité n´est pas faite pour vous ", ne faudrait-il pas lui tourner le dos et le laisser prêcher tout seul ? Si quelqu´un de son auditoire se levait et lui disait : " Que fais-tu donc là, effréné bavard ? ce que tu vas dire est vrai ou faux : s´il est faux, tais-toi ; il y a déjà assez de faussetés sans les tiennes : s´il est vrai, cela n´est fait ni pour toi ni pour nous. " Si la vérité nous est antipathique, inaccessible, inutile, pourquoi ne sommes-nous pas aussi barbares que nos premiers aïeux ?

Pourquoi les efforts successifs de l´esprit humain ont-ils eu quelques succès ? Pourquoi l´esprit humain a-t-il fait des efforts ? Quelle est la vérité utile à l´homme qui ne soit pas découverte un jour ? Si cette vérité se trouve jamais dans la tête d´un roi sage, que ne produira-t-elle point ?

Hé bien, sublime raisonneur, la société ne peut donc subsister sans la vertu ? et la vertu, qui n´est que le vrai dans les mœurs, peut-elle être sans la vérité ? la société ne peut donc être sans la vérité. Ces vérités sont communes sans doute. Mais quelle espèce d´homme est celui qui les traite comme telles et qui les ignore ? Quand on se met sur la ligne des réfutateurs, il faut commencer par avoir de la bonne foi. L´auteur a prétendu sans doute qu´il était inutile de dire à un homme qu´on avait trouvé sa femme, qu´il croit sage, entre les bras de son ami, qu´il croit honnête ; que fait cette vérité au bonheur de l´espèce´humaine ? or il est évident que l´auteur ne parle que de ces dernières, et il est convaincu qu´il est d´un philosophe, d´un homme de bien, d´un ami de ses semblables, de les annoncer sans ménagement ; et les raisons qu´il en donne ou qu´il en peut donner, c´est que le mensonge ne peut avoir que des suites fâcheuses en corrompant le jugement et la conduite ; c´est que le mensonge est à l´origine de toutes nos calamités ; c´est que le bien qu´il produit est passager et faible et que les suites en sont longues et toujours funestes ; c´est qu´il n´y a aucun exemple que la vérité ait été nuisible ni pour le présent ni pour l´avenir. Ses progrès sont trop lents, et le bien est toujours à l´extrémité de ses conséquences. Cet homme-ci ne sait pas encore assez bien notre langue, il fera peut-être des vers médiocres, mais la philosophie demande plus de précision. Le paradoxe n´est point une opinion contraire à une vérité d´expérience, car le paradoxe serait toujours faux : or il arrive assez souvent que c´est une vérité. Le paradoxe n´est donc qu´une proposition contraire à l´opinion commune ; or l´opinion commune pouvant être fausse, le paradoxe peut être vrai. Quand on est pointilleux, il faut au moins montrer de la justesse. C´est un avis que l´auteur nous permettra de donner à ceux qui ont l´humilité de s´abaisser au métier de critiques.

Je ne sais si l´auteur a dit bien positivement que son projet était de renverser la superstition dominante de son pays ; mais voici un fait très positif, c´est que grâce à ses efforts et aux efforts de ses semblables, l´empire du fanatisme est très affaibli, et que le fougeux Aubri n´ameuterait pas aujourd´hui quatre bonnes femmes contre son Souverain, C´est qu´un roi de France peut laisser à son clergé la prérogative royale de haranguer le peuple, concio ad populum. C´est qu´il peut sans trembler, se dire le dimanche malin, entre dix et onze: " Il y a à l´heure qu´il est, cinquante mille fripons qui disent ce qu´il leut plaî à dix-huit millions d´imbéciles ; mais grâce à ma petite poignée de philosophes, la plupart de ces imbéciles-là ou ne croiront pas ce qu´on leur dira, ou s´ils le croieni ce sera sans le moindre péril pour moi. "

L´intolérant est un homme odieux. Il s´agit bien d´amener les hommes à une manière uniforme de penser en matière de religion ; il s´agii de séparer l´idée de probité de l´idée de l´existence de Dieu ; il s´agit de persuader que quel que soit le culte que l´on rende à Dieu, il est compatible avec la vertu morale ; que comme il y a nombre de fripons qui vont à la messe, il y a nombre d´honnêtes gens qui n´y vont pas. Et que les hommes pensent de Dieu ce qu´ils voudront, pourvu qu´ils laissent en paix ceux qui en pensent autrement qu´eux.

D´après l´aversion que le critique montre pour celui qui prend la liberté de donner quelque leçon au ministère, il m´a bien l´air de n´être pas du nombre de ceux qui souffrent de l´abus de l´autorité. S´il y faisait un peu d´attention, et c´est une condition qu´on petit exiger de tout homme qui prétend au métier de penseur, il sentirait que c´est presque inutilenient qu´on éclaire les conditions subalternes, si le bandeau reste sur les yeux de ces dix ou douze individus privilégiés qui disposent du bonheur de la terre. Voilà ceux surtout qu´il importe de convertir. Tant que ces individus seront aveugles et méchants, il n´y aura point de vertus solides ni de mœurs. Les mÏurs bonnes ou mauvaises consistent dans l´observation des lois ; les bonnes mœurs dans l´observation des bonnes lois; les mauvaises mœurs dans l´observation des mauvaises lois. Partout il y a trois sortes de lois : la loi de nature, la loi civile et la loi religieuse. Si ces trois lois se contredisent, l´homme les foulera au pieds selon les circonstances ; et n´étant constamment ni homme. ni citoyen, ni pieux, il ne sera rien. Or, à qui appartient-il de concilier ces trois règles de noitre conduite, si ce n´est au chef de la société? à qui donc le philosophe s´adressera-t-il fortement, si ce n´est au souverain ?

Il y a assurément des choses que le critique sait mieux que l´auteur qu´il réfute, par exemple il sais mieux que lui... mais nous nous arrêtons ici dans la crainte de nous engager dans une énumération capable d´embarrasser la modestie du critique et de faire quelque chose qui pourrait ressebler à la saillie d´un écolier étourdi. Mais nous pouvons l´assurer, quelque haute opinion que nous ayons de ses connaissances, qu´il pourrait être longtemps encore à l´école de l´auteur de l´Essai, et que peut-être il en aurait quelque besoin, surtout s´il avait un jour la fantaisie de faire le bien et de mériter une gloire qui soutînt le creuset de l´avenir. Mais quel est donc le lieu sauvage de la terre qu´habite le critique, pour nous conseiller de rabâcher encore sur les indulgences, les absolutions et les moines ? Nous regorgeons d´ouvrages sur ce point. La seule conversion qui reste à faire est celle du ministère. La plupart de nos ecclésiastiques éclairés sont sans préjugés. Nos moines rougissent de leurs habits ; et nous n´aurions non plus de bénédictins que de jésuites si l´on avait fait droit sur la requête des premiers, qui disaient de leur robe qu´elle était déshonorée, et qui demandaient à mains jointes de la jeter loin d´eux, quoique ces cénobites-ci soient les plus considérés par leurs lumières et leurs mœurs. Mon cher critique, vous vivez chez les Ulubres, tâchez de vivre chez les Ulubres et de ne pas vous mêler de ce que la philosophie aurait à faire parmi nous, ou venez faire un tour dans la rue Saint-Honoré.

Qu´appelez-vous respecter la forme du gouvernement sous lequel il vit ? Entendez-vous qu´il faut se soumettre aux lois de la société dont on est membre ? il n´y a pas de difficulté à cela ; prétendez-vous que si ces lois sont mauvaises il faille garder le silence ? ce sera peut-être votre avis, mais comment le législateur reconnaîtra-t-il le vice de son administration, le défaut de ses lois, si personne n´ose élever la voix ?

Et si par hasard une des détestables lois de cette société décernait la peine de mort contre celui qui osera attaquer les lois, faudrait-il se courber sous le joug de cette loi ? Hé, laissez-nous barbouiller du papier, barbouillez-en vous-même tant qu´il vous plaira ; et soyez sûr que nos lignes ne prennent quelque importance que quand le maître s´en mêle. S´il nous est échappé une vérité , tant mieux pour nous et pour la société ; si votre ouvrage n´est qu´un tissu d´erreurs, il tombe clans le mépris et l´oubli ; et il n´y a que ce ressentiment violent auquel vous avez l´humanité d´inviter le souverain, qui puisse faire surnager un moment l´auteur.

Vous accusez l´auteur de l´Essai d´en vouloir à son maître. Vous le connaissez donc cet auteur ? Vous Ie croyez donc français ? et s´il n´y avait pas un mot de vrai dans vos conjectures? quand il s´agit de solliciter une récompense pour un homme qu´on croit avoir bien mérité de son pays, on peut n´y pas regarder de fort près. Mais en est-il de même lorsqu´on le dévoue à la vindicte publique ? Très sérieusement vous croyez que le rit de France ferait bien de déterrer l´auteur de l´Essai, de l´arracher de son trou et de l´étrangler ? Et pourquoi cela ? parce que, à votre tavis, il a écrit un livre impertinent dont il n´est ou ne sera bientôt plus question ; parce qu´il a débité ou des erreurs qui sont faites pour l´homme, ou des vérités qui ne sont faites pour personne. Vous faites bien de n´être pas souverain, car vous seriez un mauvais souverain, vous employeriez votre autorité à donner de l´importance à des milites, Croyez-moi, le roi de Prusse en savait là-dessus plus que vous lorsqu´il disait d´un auteur de son pays qui le déchirait sans ménageitnt ; " Cet homme voudrait bien que je fisse de lui un martyr ; mais il n´en sera rien. "

L´auteur de la critique est un grand seigneur, du moins il plaide la cause des aïeux comme s´il en avait. Quoi qu´il en soit, nous continuerons à croire qu´il y a bien moins d´inconvénient dans l´illustration qui remonte, que dans l´illustration qui descend ; et je n´en souffrirai pas plus patiemment un faquin titré qui m´insulte parce qu´il est le dernier de sa race, moi qui suis peut-être le premier de la mienne. Je vois tant d´illustres fainéants se déshonorer sur les lauriers de leurs ancêtres, que je fais un peu plus de cas du bourgeois ou du roturier ignoré qui ne se gonfle petit du mérite d´autrui.

Je crois connaître l´auteur de l´Essai, et pouvoir dire à son critique qu´il n´ambitionne rien, qu´il n´a aucune grâce à solliciter, qu´il n´a jamais approché les grands que par la considération qu´il en a obtenue sans la mendier ; qu´on lui a quelquefois offert des honneurs auxquels il s´est refusé ; que sa fortune est au-delà de ses souhaits ; et que lorsqu´il a fait des vœux pour le mérite repoussé, c´est qu´il en avait plusieurs exemples sous ses yeux et qu´il en gémissait. Il a tout le bonheur qu´il ambitionne, l´estime des gens de bien et quelquefois la haine des méchants. Au reste il est bien aise de dire au critique qu´il fait infiniment plus de cas de l´indigence dans son galetas lorsqu´elle est associée à la vertu et aux lumières, que de la tyrannie, de l´avarice, de l´ambition, de la fausseté sur le trône.

C´est le peuple superstitieux qui enchaîne le monarque sur le trône ; c´est le prêtre qui entretient la superstition du peuple ; donc il faut respecter, soutenir le prêtre. Ce raisonneur-ci n´est assurément ni souverain ni philosophe. En qualité de souverain il n´aurait pas prêché le respect pour ses chaînes ; en qualité de philosophe il aurait dit : " C´est la superstition qui aiguise le couteau qui frappe le souverain ; le prêtre a été, est et sera à jamais le fauteur de la superstition ; il importe donc à ma sûreté, à la tranquillité de mes É;tats, à moi, à mes sujets, que le prêtre et la superstition soient détruits. "

Et qui est-ce qui vous dit que le monarque doive le matin décerner un édit qui ordonne le renversement des églises, dans la même journée ? il doit abandonner ces dangereux sujets et leurs absurdes systèmes à la merci des philosophes et mettre la main à l´œuvre quand il en sera temps. Quelque violence qu´il y ait dans l´Essai sur les préjugés, le souverain doit s´en réjouir, sinon ouvertement du moins au-dedans de lui-même. Que les théologiens en jettent feu et flamme, cela est dans l´ordre ; que le souverain fasse semblant de joindre sa voix à la leur, cela est encore dans l´ordre ; mais s´en fâcher sérieusement, nous le pouvons dire sans manquer à aucun d´eux, cela serait d´un sot.

Et puis après avoir blasphémé la vérité, préconisé l´erreur, calomnié la nature humaine, défendu l´arrogance des gens à écusson, fait l´apologie des prêtres et de la superstition, voici notre critique tout affairé de l´éloge des guerriers. Nous ne ferons sur toute sa tirade qu´une petite observation : c´est qu´on ne se bat pas seul ; c´est qu´il y a quelquefois deux, trois, quatre maîtres bouchers impliqués dans ces effroyables tueries qui coûtent la vie à des millions d´hommes ; et que l´un ne peut être un homme de bien que les autres ne soient des scélérats, et. que nous ne serions pas embarrassés de lui citer des exemples de guerres où la justice n´était d´aucuns côtés ; malheur alors aux hommes de génie qui ont eu le malheur de consacrer leurs sublimes talents aux âmes infernales et sanguinaires qui leur confiaient des armées à conduire. S´ils avaient une étincelle d´humanité, ils ont gémi de leur obéissance nécessitée ; ils ont détesté et la cause inique ou frivole, et les monstres qui les armaient ; ils ont versé des larmes sur leurs trophées ; ils ont été bien courageux, s´ils croyaient à un juge au-delà de la tombe, et qu´ils soient morts sans frémir. Je ne voudrais pas avoir été la bête féroce qui ordonna le ravage du Palatinat, ni l´esclave honoré qui l´exécuta . Ô l´indigne mortel qui ose tenter l´apologie de ceux qui dévastent la terre, qui oublient qu´un guerrier juste suppose au moins un adversaire injuste, et qui préconise les âmes basses qui se sont prêtées à des expéditions iniques. Que fait après cela le critique ? l´histoire de la vénalité des charges que nous savons tout aussi bien que lui ; comme si le malheur qui mit à prix le droit de tenir l´urne qui renferme la vie, la fortune, l´honneur et la liberté des citoyens, excusait l´inconvénient ; comme si depuis, ce terrible inconvénient n´avait pu se réparer.

Il ne lui restait plus qu´à tenter l´apologie des financiers, et il n´y manque pas.

Mais ce qu´il y a de plus plaisant, c´est qu´avec le ton le plus amer, c´est qu´avec l´indécence du tutoiement, les apostrophes les plus méprisantes, les injures les plus dures, cet homme-ci prêche la douceur, la modération, la modestie, Cela n´est que ridicule, Qu´ai-je donc appris dans ce livret ? Qu´il ne faut nul talent pour relever les fautes d´un auteur ; que l´homme n´est pas fait pour la vérité ni la vérité pour l´homme ; que nous sommes condamnés à l´erreur ; que la superstition a son bon côté ; que les guerres sont une belle chose, etc., etc., et que Dieu nous préserve d´un souverain qui ressemble à cette sorte de philosophe-ci.