(en guise de postface)
Poésie n’est pas ‘jeu de mots’.
Que la traduction soit à
jamais imparfaite — incertaine — tient à son statut propre.
Ce manque est sa vérité.
Aussi le discours convenu sur "l’impossible" traduction
est-il ici hors de propos —
et de même l’exposé de la moindre justification :
ce ne sont pas les imperfections
provoquées par l’incapacité du traducteur qui importent ici.
*
Mais je dois dire tout d’abord
quelque chose de la raison de la publication de ces traductions -
même si elles n’ont pas
cessé d’avoir été entreprises en vue du seul bénéfice
privé.
Cette raison, peut-être
étrange, et d’ailleurs pas entièrement éclaircie,
se présente ainsi :
ces poèmes de Hölderlin,
il s’agit en quelque sorte, par le moyen de cette publication,
de les "remettre là où
je les avais pris".
*
Ensuite, plus essentiel, pour
que soit dit quelque chose de la visée,
lire la Méditation préliminaire
du cours que Martin Heidegger a consacré à l’hymne Germanie
:
« La configuration rythmique
du dire (cet élan originel toujours primordial au choix des mots,
à leur répartition,
à leur emplacement) est déterminée par le ton fondamental,
qui crée sa propre
forme dans l’esquisse intérieure de sa totalité.
Et ce ton fondamental provient
du lieu métaphysique propre à chaque poésie particulière.
»
Est-ce toujours tourné
vers ce lieu que j’ai décidé ici du choix des mots, — des
mots français disposés selon, c’est-à-dire parfois
contre, les principes de la syntaxe française ?
Je ne peux rien espérer
d’autre.
*
Enfin laisser le dernier mot
au poète.
Hölderlin avait prévu
de faire précéder l’hymne Fête
de la paix de cet avertissement au lecteur :
« Je vous prie de ne
lire ces feuilles qu’avec bonté. Ainsi ne seront-elles pas incompréhensibles,
encore moins malsonnantes. Mais s’il se trouve pourtant quelqu’un qui juge
cette langue
trop peu conventionnelle,
alors je devrais bien lui avouer que je ne peux rien faire d’autre.
Par une belle journée
se laissent entendre presque toutes sortes de manières de chanter,
et la Nature, d’où
elles proviennent, les reprend aussi. »