Friedrich Hölderlin   passage                                                                                    traduction proposée par Patrick Guillot

 

"Wenn aus der ferne..."
                            Si depuis le lointain, ...

Wenn aus der Ferne, da wir geschieden sind,
Si depuis le lointain, comme nous sommes divorcés,
   Ich dir noch kennbar bin, die Vergangenheit,
Je te suis encore reconnaissable, le passé,
      O du Teilhaber meiner Leiden !
Ô toi partageant mes souffrances !
         Einiges Gute bezeichnen dir kann,
Peut te signifier quelque bonheur,

So sage, wie erwartet die Freundin dich ?
Alors dis moi comment t’espère l’amie ?
   In jenen Gärten, da nach entsetzlicher
Dans ces jardins, là où par un affreux
      Und dunkler Zeit wir uns gefunden ?
Et obscur temps nous nous rencontrâmes ?
         Hier an den Strömen der heilgen Urwelt.
Ici, auprès des fleuves du monde sacré de l'origine.

Das muß ich sagen, einiges Gutes war
Je dois le dire, quelque bonheur était
   In deinen Blicken, als in den Fernen du
Dans tes regards, lorsque dans le lointain tu
      Dich einmal fröhlich umgesehen,
Te retournais une fois joyeusement,
         Immer verschlossener Mensch, mit finstrem
Homme toujours renfermé, à l’air

Aussehn. Wie flossen Stunden dahin, wie still
Si ténébreux. Comment s’écoulaient les heures là-bas, combien tranquille
   War meine Seele über der Wahrheit, daß
Était mon âme au-delà de cette vérité, que
      Ich so getrennt gewesen wäre ?
J’étais devenue tellement séparée ?
         Ja ! ich gestand es, ich war die deine.
Oui ! je l’avoue, j’étais tienne.

Wahrhaftig ! wie du alles Bekannte mir
Vraiment ! comme tu voulais, le connu de tous,
   In mein Gedächtnis bringen und schreiben willst,
En ma mémoire me le rapporter et écrire
      Mit Briefen, so ergeht es mir auch,
Par des lettres, ainsi me fut aussi adressé
         Daß ich Vergangenes alles sage.
Que je dise tout du passé.

Wars Frühling ? war es Sommer ? die Nachtigall
Était-ce le printemps ? était-ce l'été ? le rossignol
   Mit süßem Liede lebte mit Vögeln, die
Avec de suaves mélodies vivait avec les oiseaux qui
      Nicht ferne waren im Gebüsche
N’étaient pas loin dans le bocage,
         Und mit Gerüchen umgaben Bäum uns.
Et nous ceignaient d’odeurs les arbres.

Die klaren Gänge, niedres Gesträuch und Sand,
Les clairs sentiers, les courts buissons et le sable
   Auf dem wir traten, machten erfreulicher
Que nous foulions rendaient plus réjouissants
      Und lieblicher die Hyazinthe
Et aimables les jacinthes
         Oder die Tulpe, Viole, Nelke.
Ou les tulipes, violettes, œillets.

Um Wänd und Mauern grünte der Efeu, grünt’
Sur les parois et les murs verdissait le lierre, verdissait
   Ein selig Dunkel hoher Alleen. Oft
Une bienheureuse obscurité dans les hautes allées. Souvent
      Des Abends, Morgens waren dort wir,
Soir et matin étions-nous là-bas
         Redeten manches und sahn uns froh an.
À échanger maintes choses et nous voir avec joie.

In meinen Armen lebte der Jüngling auf,
Dans mes bras revivait l’adolescent,
   Der, noch verlassen, aus den Gefilden kam,
Lui, encore délaissé, venu de régions
      Die er mir wies, mit einer Schwermut,
Qu’il me montrait avec quelque mélancolie,
        Aber die Namen der seltnen Orte
Mais les noms de ces lieux extraordinaires

Und alles Schöne hatt er behalten, das
Et de toutes ces beautés les avait-il retenus, ce qui
   An seligen Gestaden, auch mir sehr wert,
Sur les rives bienheureuses, pour moi aussi très précieux,
      Im heimatlichen Lande blühet
Au pays chez nous était en fleurs,
         Oder verborgen, aus hoher Aussicht,
Ou bien dérobé, depuis une vue plus élevée,

Allwo das Meer auch einer beschauen kann,
Où quelqu’un peut aussi de partout contempler la mer,
   Doch keiner sein will. Nehme vorlieb, und denk
Mais nul ne veut être. Contente-toi, et pense
      An die, die noch vergnügt ist, darum,
À elle, elle qui est encore amusée, pourquoi,
         Weil der entzückende Tag uns anschien,
Parce que le jour ravissant nous apparaissait,

Der mit Geständnis oder der Hände Druck
Qui avec des aveux ou des serrements de mains
   Anhub, der uns vereinet. Ach ! wehe mir !
Débutait, qui nous réunissait. Ah ! hélas pour moi !
      Es waren schöne Tage. Aber
Ce furent de beaux jours. Mais
         Traurige Dämmerung folgte nachher.
Un morne crépuscule suivit plus tard.

Du seiest so allein in der schönen Welt,
Tu étais si seul dans ce monde si beau,
   Behauptest du mir immer, Geliebter ! das
M’affirmes-tu toujours, bien-aimé ! ce
      Weißt aber du nicht,  (................)
Que pourtant tu ne sais pas, (................)