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Fiche technique
Réalisation
: Claude Berri
Distribution :
Miou-Miou, Renaud, Gérard Depardieu, Jean Carmet...
À propos de ce film...
Un
budget colossal - cent soixante millions de francs - jamais
atteint pour un film français, une pléiade de comédiens célèbres,
six mois de tournage avec de véritables "gueules
noires" comme figurants et deux mille cinq cents costumes :
pour adapter à l'écran le chef-d'oeuvre de Zola, Claude Berri
a joué la carte de la superproduction. A la fois chronique et
fresque spectaculaire, Germinal fait revivre le destin
des mineurs du Nord de la France au siècle dernier.
Vingt
ans après la naissance, à Londres, en 1864, de l'Association
Internationale des Travailleurs, Emile Zola met en relief, dans Germinal
(publié en 1885), un "soulèvement des salariés"
représentant un "coup d'épaule donné à la société qui
craque un instant". Roman-pamphlet naturaliste empli de
passion, de violence et de sang, Germinal - le septième
mois du calendrier révolutionnaire - dénonce l'exploitation
inhumaine des mineurs (hommes, femmes, enfants) du Nord de la
France à la fin du Second Empire (l'action se déroule en
1866). Au delà de l'échec d'une grève, suscitée et conduite
par Etienne Lantier, Zola laisse entrevoir la
"germination" des idées socialistes, la prise de
conscience, par les ouvriers, de leurs droits.
UNE
RECONSTITUTION FIDÈLE
Qu'il
s'agisse des décors, de l'intrigue et des personnages, Claude
Berri s'est attaché à demeurer fidèle non pas à la lettre -
le 7ème art exige resserrement et dépouillement par rapport au
modèle original -, mais à l'esprit d'un roman de six
cents pages. Le Voreux, le village minier de Montsou et son
environnement rural, la petite maison de la Mouquette, la salle
du bal pour la fête de la Ducasse, l'outillage et les galeries
de la mine ont été soigneusement reconstitués. Le cinéaste a
poussé ce souci de fidélité jusqu'à se procurer une centaine
de chopes de bière (verre en cône soufflé) semblables à
celles d'il y a cent ans.
Les principaux personnages, jouant un rôle important dans le
cheminement d'une intrigue dont la structure et les noeuds
essentiels sont repris dans le synopsis, revivent sous nos yeux,
interprétés de façon remarquable : en particulier Maheu, par
Gérard Depardieu ; la Maheude, par Miou-Miou ; Catherine et
Chaval par Judith Henri et Jean-Roger Milo. Des trois figures du
mouvement socialiste des années 1870-1880, Rasseneur, Souvarine
et Lantier, Claude Berri a estompé le portrait du premier (Rasseneur/Jean-Pierre
Bisson, tenancier de l'estaminet, incarnant la "politique
des possibilités") et mis en relief celui des deux autres.
Laurent Terzieff prête son visage anguleux, son regard d'acier,
son débit de parole sec et tranchant à Souvarine,
l'anarchiste, le nihiliste qui rêve de tout détruire pour
reconstruire un monde meilleur.
Le chanteur Renaud, au jeu très intériorisé, fait une
composition étonnante de sobriété et de force retenue dans le
rôle du héros, Etienne Lantier, qui représente le courant
socialiste pur et dur, prêt à se lancer dans une action révolutionnaire,
mais avec le souci de ne pas faire couler le sang. Le coeur
empli de la passion de la justice. Etienne se bat contre
"l'éternel recommencement de la misère". Sans ces
comédiens, Germinal perdrait beaucoup de sa puissance de
crédibilité et de suggestion.
UNE
ATMOSPHÈRE NOCTURNE
Comme
le roman, dont seulement le quart des chapitres évoque le jour,
le film se déroule sous le signe de la nuit, aussi bien en extérieurs
qu'en intérieurs (d'où l'importance des lampes à acétylène
dans la composition de l'image). Les tons du récit nous
apparaissent sombres, avec une dominante de noirs - la nuit, la
poussière de charbon sur les visages et les corps - et de marron
foncé, sur lesquels tranchent les couleurs vives des tenues
militaires (bleues et rouges) et de la robe rouge de Mme
Hennebeau (Anny Duperey).
Le format du grand écran permet au cinéaste de donner une
certaine dimension épique aux mouvements de foule - marche des
grévistes, affrontement avec les soldats - insérés dans des
plans de grand ensemble qui, en outre, jouent sur la profondeur
de champ. Bien entendu, l'espace se resserre au fond de la
fosse, mais le cinémascope donne davantage de relief au
labyrinthe de l'entrecroisement des galeries lorsque fuient
l'inondation provoquée par Souvatine.
Avec sincérité et sensibilité, Claude Berri nous immerge dans
une époque, une société, des mentalités et la misère d'une
profession aujourd'hui disparus. Très réussi dans les séquences
spectaculaires - saccage de la mine, coup de grisou, inondation
-, son film porte un témoignage vibrant d'authenticité. Mais,
dans la description des conditions de travail au fond de la
fosse, il ne s'élève pas au lyrisme du réalisme du roman, de
même qu'il ne suggère pas la perspective visionnaire de Zola
pour qui la ruée de la meute des mineurs en grève évoquait
l'image de la révolution en marche.
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