Une
voix rauque, de la blondeur et du mystère : Patricia Kaas avait
commencé sa carrière en voulant être Marlène. Quelques années
et 14 millions d'albums plus tard, se suffisant à elle-même,
elle découvre le cinéma. Dans And now... Ladies &
Gentlemen, de Claude Lelouch, elle est une chanteuse de
piano-bar, échouée dans une ville lointaine, qui porte dans sa
voix ses blessures cachées. Des cicatrices comme celles qui lui
donnent, dans la vie, son épaisseur romanesque. Car ce rôle de
chanteuse solitaire est un peu le sien, Patricia confond les
genres. En jouant la chanteuse, l'actrice interprète, en
anglais, 13 incontournables du répertoire français, de
"Ne me quitte pas" aux "Feuilles mortes". Ne
manque plus à la femme qu'une histoire d'amour comme celle qui,
devant les caméras, l'a entraînée dans les bras de Jeremy
Irons.
Elle
a changé, Patricia. Il y a quinze ans, sa timidité l'empêchait
de parler ou presque. Puis il y a eu son histoire d'amour avec
le chanteur Philippe Bergman. Plus vedettarisée qui lui,
souvent absente, elle faisait le maximum pour ne pas attiser les
frustrations de ce fiancé belge qui avait tout plaqué pour
elle. Six ans plus tard, elle se retrouve célibataire, toujours
sans enfants, "mais pas triste !"
insiste-t-elle. Elle semble découvrir le plaisir de la spontanéité.
Un effet Lelouch ? En tout cas, dans les quinze minutes de
bande-témoin de son film, sa fameuse réserve apparaît plus
troublante que glaçante. Comme un authentique actrice, elle ne
fait pas semblant. D'abord parce que, sans avoir à se forcer,
Patricia Kaas incarne une chanteuse de piano-bar... On est loin
des clips aseptisés et des photos posées-retouchées. Pour la
première fois, on imagine cette petite Loraine, policée jusque
dans ses déhanchements sur scène, capable de s'abandonner à
ses pulsions. D'ailleurs, à présent, elle avoue des aventures
purement physique. Presque un scoop.
Quel
effet cela fait-il de se voir pour la première fois au cinéma
?
J'ai
vu le film cinq fois ! Lors des premières projections, je ne
regardais que mon personnage, et pas l'histoire. Comme j'incarne
une femme déçus, fatiguée par la vie, le maquillage me
creusait le visage avec des ombres et des cernes, à tel point
que, pendant tout le film, j'ai refusé les miroirs, je ne suis
jamais allée voir les rushes.
Là,
vous avez donné à Lelouch des choses plus intimes que dans vos
concerts ?
Ben...
Déjà mon visage à nu ! En plus, Claude cultive la spontanéité,
il débarquait au maquillage en me disant de ne pas trop
s'attacher au scénario car, sur le plateau, il avait changé
les répliques... Au bout de trois ou quatre jours de tournage,
je n'étais plus stressée par le texte. Si les mots me
manquaient, il me soufflait, ou parfois poussait
l'improvisation, cherchant en moi des choses profondes avec un
instinct incroyable.
Avez-vous
dû pleurer ?
Non,
si j'avais dû pleurer, ça aurait été dur. Je pleure très
rarement, j'enfouis l'émotion en moi-même. D'ailleurs, je
voudrais pouvoir me lâcher plus.
Cette
femme, dans sa détresse, est-elle proche de vous ?
Elle
me ressemble parce qu'elle gagne sa vie comme chanteuse de
piano-bar, qu'elle est sensible, mais forte, et se protège
beaucoup. En revanche, sa peur de la vie et sa souffrance, je ne
les ai pas, je les ai jouées;
Votre
exil à Zurich, en Suisse allemande, depuis plus d'un an
traduisait-il un désir de tout plaquer ?
Après
quinze ans de carrière, j'avais besoin de souffler, de me
reposer, de prendre du recul. Et je sortais de ma rupture avec
Philippe (Bergman, son fiancé pendant six ans. N.D.L.R.).
J'avais même parlé d'une année sabbatique. Au bout de deux
mois, je commençais à m'emmerder ! (Rires.) Le film de Lelouch
est tombé à pic ; en plus il m'a libérée.
Libérée
de quoi ?
Pendant
des années, j'ai dressé un mur de protection entre mon intimité
et le reste du monde. Je ne suis pas du genre démonstratif, à
me jeter dans les bras de n'importe qui... J'entendais dire
qu'on m'aimait bien, mais je ne le sentais pas. Depuis peu, je
suis plus ouverte, et les gens viennent vers moi, ils n'ont plus
peur, et me le disent. Par exemple, au concert des Restos du Cœur,
j'avais été choquée de voir Pierre Palmade m'approcher
timidement : "Je peux vous déranger ?" Sur le
coup, j'ai rigolé : "Mais arrête de me vouvoyer !...
pas toi !" Il m'a dit qu'il n'osait pas, intimidé par
ma distance... J'étais ahurie, j'ai tout fait pour le rassurer.
Maintenant, je me sens beaucoup plus libre qu'autrefois...
Et
votre rapport aux hommes, s'est-il aussi réchauffé ?
Peut-être
que sur mon front il est marqué "ne pas déranger"...
Peut-être qu'on ne m'approche pas par respect. En réalité, je
pense que les hommes ont peur d'une femme indépendante. Et
quand elle est connue, c'est encore pire...
Quel
regard posez-vous sur votre histoire avec Philippe ?
On
a vécu une belle histoire pendant six ans. L'amour s'en est allé...
Je ne cherche pas pourquoi.
Votre
gloire, comparée à ses succès plus modeste, a-t-elle entravé
l'harmonie ?
Je
préfère croire que, comme n'importe quel couple, il y a eu un
début, un développement et une fin. Sinon, je me sentirais désormais
exclue d'une quantité d'histoires d'amour possibles !
Quel
serait votre idéal ?
Je
n'en ai plus... Je rêve qu'"il" devienne idéal
au fur et à mesure de la découverte. Je ne sais pas si je préfère
les hommes doux aux dominateurs, par exemple... Moi qui suis du
genre casanier, j'aime quelqu'un qui me secoue les puces, qui
m'oblige à sortir de ma tanière... Quelqu'un qui m'oblige à
aller dîner en amoureux ! J'ai besoin de ce genre d'autorité...
Difficile,
pour vous, d'assumer l'autorité ?
Aucun
homme ne m'a jamais dirigée. Claude Lelouch est le premier !
Mon papa ne me dirigeait pas vraiment, mes managers non plus...
Parfois, je suis lasse. Dans ma vie privée, je rêve de passer
la main, de m'appuyer sur quelqu'un. Avec Claude, j'obéissais
à ses consignes avec une confiance absolue. Très agréable !
On
a murmuré que votre complicité avec Jeremy Irons allait au-delà
du tournage...
Forcément
! Pour jouer deux amoureux, il fallait qu'on se connaisse, qu'on
passe du temps ensemble. Contrairement à la chanson qui dit
tout avec des mots, je devais tout exprimer par des regards. Je
ne devais pas être coincée face à lui !
Est-ce
qu'il pourrait figurer votre homme idéal ?
Son
personnage, Valentin, oui. Lui ? Je ne sais pas. Il est mystérieux.
Capable de prendre sa guitare et de chanter pour mettre de
l'ambiance, et se retirer subitement dans sa bulle. Je ne le
regardais pas comme une proie possible ! Et il a une famille !
Ce fameux bisou de fin de tournage, je ne peux pas le nier, mais
c'était normal. J'espère que sa femme a l'habitude.
A
Zurich, les Suisses allemands vous courtisent "à l'helvète"
?
Ils
sont discrets. Au restaurant, ils me regardent parce qu'ils me
reconnaissent, me sourient, ensuite ils continuent leur vie. A
Paris, je souffrais d'être observée non-stop. A Zurich, je
suis tranquille.
Vous
vous faites tout de même un peu draguer ?
Heu...
je sors très peu. Je suis si souvent partie que lorsque je
rentre, je reste dans mon joli appartement qui donne sur le lac.
Et comme avant, à Paris, je suis incapable de vous citer de
bonnes adresses de restaurants ou de cafés. Je ne vais pas
boire un verre sans être accompagnée, et je n'ai jamais essayé
de sortir avec des copines pour voir si les hommes osent me
parler !
Vu
votre réserve, il vous faudrait un Latino-Américain débordant...
Je
n'en connais pas... Et je n'aime pas les hommes trop typés
physiquement, le genre Banderas... Très beau, mais je ne suis
pas attirée. Enfin, il ne faut jamais dire jamais : en général,
on finit avec l'exacte réplique de ce qu'on n'aime pas !
Vous
avez la réputation d'entretenir votre corps avec une grande
rigueur...
Pas
en ce moment ! Il me faut une motivation : une tournée par
exemple. Je ne fais rien pendant l'année, et deux mois avant le
départ, je m'impose six heures d'entraînement par semaine. Et
comme mes muscles sont habitués, la forme revient très vite.
Pareil pour ma voix, que je n'entretiens pas jusqu'au jour où
je démarre une série de concerts.
Guettez-vous
les signes du vieillissement ?
Oui...
Prendre de l'âge apporte un supplément de vie à un visage.
L'ennui, c'est qu'on fait plus vite fatiguée. Et ça n'est pas
qu'une ride. Tout est différent. Même si une forme physique
s'entretient, on ne change pas l'élasticité de la peau... il
faut l'accepter. Si un problème physique devenait pour moi un
problème psychique, je le règlerais par la chirurgie esthétique.
Aujourd'hui, la trentaine franchie, je me trouve plus intéressante,
plus sûre de moi, plus jolie femme qu'à 20 ans. Dans ma tête
je suis mieux.
Quand
vous viviez avec Philippe, vous évoquiez votre désir
d'enfant...
Oui.
Je suis la dernière d'une grande famille, j'ai douze neveux et
nièces... Par fierté, et pour mes parents décédés, je veux
avoir un enfant. Je ne me stresse pas pour en faire un, mais
quand je serai avec quelqu'un, je vivrai ma passion, j'en ferai
un tout de suite, je ne me poserai pas mille questions pour
savoir si c'est le bon père. Je préfèrerais que nous l'élevions
à deux, mais je n'ai pas peur d'être une mère célibataire.
Un père peut être remplacé par de très bons amis.
Avez-vous
des candidats possibles ?
Non.
(Rires.) Et je ne suis pas obsédée !
Le
monde du cinéma est peut-être plus propice aux rencontres que
la solitude de la chanteuse...
Certainement...
J'entre dans un monde nouveau, mais riche de mon expérience du
show-biz.
Un
réalisateur qui tomberait amoureux de vous n'aurait pas de
complexes, pas de problèmes avec votre indépendance.
Réalisateur
ou autre... il me faut un "chef d'entreprise",
quelqu'un qui sache "gérer" et me gérer !
Céline
Dion a trouvé la combine, en épousant son manager, sa figure
paternelle...
Je
crois qu'elle a épousé le seul homme qu'elle a connu. Tant
mieux si elle est heureuse, mais je trouve qu'il faut plus d'expériences.
Combien
avez-vous connu d'hommes ?
Je
ne suis pas une femme qui couche le premier soir et qui jette le
lendemain, mais j'ai eu des aventures... Les hommes importants
dans ma vie ? Il n'y en a pas beaucoup, et c'est bien. Il ne
faut pas avoir eu beaucoup d'hommes qui ont compté. Il est bon
d'avoir eu des histoires variées. Pas forcément pour des
raisons sexuelles. Il faut s'être frotté à d'autres tempéraments.
Vous
n'êtes donc pas seule ?
Je
déteste lire cela dans les journaux ! Par réaction, j'ai dit
que j'étais "une mangeuse d'hommes" ! Mais je
ne suis pas "une femme triste et seule" ! C'est
clair ?!
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