Vous
aimez bien être seule ?
Je
suis tellement entourée quand je travaille que j'avais besoin de me
retrouver. Mais c'est vrai que là, je me suis sentie un peu trop
seule. Les gens ont peur de déranger et ils n'appellent pas. Mais,
en même temps, moi, j'ai toujours trouvé les choses plus intéressantes
quand elles sont compliquées. Quand je monte sur une scène et que
le public ne semble pas acquis, je me bats et ce sont les concerts
que je préfère.
Vous
êtes solitaire et très indépendante aussi ?
Oui.
Parfois même, j'ai l'impression que je parle comme un mec ! Je
parle comme mes deux copains managers. Je pense comme eux. Si,
demain, je vivais à nouveau avec un homme, je ne sais pas... Je ne
sais pas si c'est bien ou pas bien cette indépendance.
Vous
vivez toute seule ?
Depuis
un an. J'ai vécu une belle histoire d'amour pendant six ans... On
voulait faire un bébé et ça ne c'est pas fait parce que ce n'était
pas le moment. Et tant mieux !
Mais
quand on travaille ce n'est jamais le moment !
Je
sais. C'est terrible. Mais si, demain, je tombe enceinte, je le
garderai. Et je me débrouillerai. A 35 ans bientôt, je pense différemment
qu'à 20 ou 25 ans ! J'installe des priorités dans ma vie. Je fais
des choix. Il ne faut pas seulement réussir dans la vie, il faut réussir
sa vie. Et ça, on a tendance à l'oublier ! Il faut que je fasse
attention à ce que ma passion pour mon métier ne dépasse pas ma
vie de femme.
Vous
ne vous imaginez pas à 40 ans toute seule ?
Si,
à 40 ans, je n'ai pas eu d'enfant, je me dirai que je n'ai pas réussi
ma vie. Je viens d'une grande famille, j'ai beaucoup de nièces et
de neveux, j'ai envie de transmettre. Je ne ferai pas un enfant avec
n'importe qui, mais je me poserai moins de questions qu'avant.
Aujourd'hui, je me dis que l'enfant doit naître au moment où la
passion est le plus forte et à ce moment-là, en tout cas pour moi,
c'est au début. Après, on aime par respect, par habitude, ce n'est
pas pareil... Et je ne veux pas me poser un milliard de questions en
me disant : est-ce que c'est vraiment le bon ? Le grand amour ? Et
d'ailleurs, est-ce qu'il existe ? Est-ce qu'il n'y en a qu'un dans
la vie ? Un homme avec qui on passe toute sa vie ? Je n'arrive pas
à l'imaginer. Dans le passé, oui, mais aujourd'hui je n'y crois
plus. Je ne voudrais pas être seule non plus ! Vivre seule tout le
temps, c'est dur !
Vous
ne sortez pas à Zurich ?
Aller
seule dans un bar ? C'est difficile. Aujourd'hui, pour rencontrer un
homme, il faut faire le premier pas. Et je n'ai pas été élevé
comme ça. J'ai trop de principes en ce qui concerne les hommes. La
femme aujourd'hui cherche tellement l'homme parfait, elle met la
barre tellement haut, elle est si exigeante qu'elle se trouve forcément
seule. C'est très compliqué. Et pour savoir si un homme vous va
bien, il faut le connaître, vivre avec lui quelques temps. Si c'est
quinze jours, et bien, c'est quinze jours, si c'est six ans, c'est
six ans ! Et puis, moi, bizarrement, je fais peur aux hommes. Je les
intimide et ça m'étonne toujours. Un jour, j'ai chanté avec Julio
Iglésias, qui est quand même un modèle de séducteur et qui ne
peut pas s'empêcher de tripoter les femmes ! Eh bien, moi, il
n'osait pas me regarder, alors là ! Ca étonne les gens que je ne
sois pas avec quelqu'un mais je crois que je fais peur.
A
cause de votre succès, de votre statut de star ?
Le
succès on le paie par la solitude. Il faut l'accepter. Surtout
quand on est une femme. Il suffit de citer, sans me comparer, Piaf,
Marilyn Monroe, Dalida... Quand vous êtes un homme de succès, ça
ne vous dérange pas d'être avec une femme qui aime votre succès,
votre argent, la vie que vous lui faites mener. Le contraire, ça
fait mal. Un homme qui est avec vous parce que vous avez du succès
ou de l'argent, c'est malsain. J'ai envie de rencontrer quelqu'un
avec qui je sois à égalité d'indépendance. Quelqu'un qui fait
quelque chos de sa vie, qui la gagne normalement. Sinon, il y a un
souci. Peut-être pas au début, mais au bout d'un moment.
Et
puis un jour, Claude Lelouch a appelé...
On
m'avait souvent proposé des rôles au cinéma, mais je n'avais pas
le temps, même pas le temps de lire ce qu'on me proposait. Le seul
projet sérieux que j'ai eu, c'est le projet de Stanley Donen sur la
vie de Malène Dietrich. Et ça ne s'est pas fait. Ce projet avec
Lelouch, ça s'est fait tout seul... J'ai passé une audition en me
disant que si je n'étais pas bien, tant pis ! Je suis une chanteuse
et je resterai chanteuse. Mais le jour de l'audition, j'avais très
peur. Ca a duré une heure. Une heure d'improvisation où il fallait
que je sois triste, marrante, amoureuse. J'ai trouvé ça horrible !
Après l'audition, Claude m'a dit : "Je suis content, j'ai
trouvé mon personnage", et moi j'ai répondu : "Vous
devriez en voir d'autres quand même !" Après, je suis rentré
chez moi et je me suis dit : mais t'es folle ! Tu viens de décrocher
un premier rôle au cinéma et tu ne réagis pas ! Alors, j'ai appelé
Claude et je lui ai dit que j'étais très contente. Pendant le
tournage, tout s'est bien passé, il m'a mise en confiance et je
pense qu'il avait plus le trac que moi. Pour moi, le plus important,
c'était que lui soit content et fier de son choix. Mais le début a
été dur. Quand je me suis retrouvée face à Jeremy Irons, Claudia
Cardinale, Claude Lelouch, je me suis dit : oh là là ! Comment je
vais faire ?
Vous
avez des scènes d'amour dans le film ?
D'amour
non, mais des scènes de baisers, oui.
Et
comment vous avez fait pour les scènes de baisers ?
Je
suis allé voir Claude et je lui ai demandé : on embrasse vraiment,
pas vraiment ? Il m'a dit de faire comme je voulais, mais de prévenir
l'acteur si je faisais un vrai baiser pour qu'il ne soit pas
surpris.
Et
alors ?
Je
lui ai dit que si j'embrassais, j'embrassais pour de bon ! J'ai prévenu
Jeremy et je l'ai embrassé pour de bon. Une scène d'amour, dans un
lit, ça m'aurait fait peur. Ca doit être intimidant !
Et
quand vous avez tourné avec Jeremy Irons, que vous l'avez embrassé
pour de bon, vous n'avez pas eu envie d'avoir une histoire avec lui
?
Je
sais à quoi vous faites allusion... (Elle rit) A la photo prise à
Londres où je l'embrassais ! C'était après un dîner de fin de
film, on s'est embrassé sur la bouche, j'ai aussi embrassé Claude
Lelouch sur la bouche ! Mais Jeremy, c'était plus intéressant pour
les paparazzi anglais. Moi, ça ne me posait pas de problème parce
que je n'ai personne dans ma vie, mais lui... il est marié ! Il m'a
dit que sa femme était habituée à ce genre de choses. Mais non,
je suis désolée, il n'y a pas eu d'histoire entre nous ! J'ai passé
deux mois et demi avec lui, il est charmant, il aime bien rire, mais
je ne le connais pas plus que ça.
Quel
regard portez-vous sur Patricia Kaas "la star" ?
Aucun.
Je ne me regarde pas, je ne me dédouble pas. Tout ce qui m'arrive
m'étonne encore. Et même, à la limite, quand un mec s'intéresse
à moi, ça m'étonne aussi. Je me demande ce que j'ai de
particulier. C'est peut-être un manque de confiance. Mais c'est
bien aussi.
Est-ce
que vous vous dites que ça peut s'arrêter demain ?
Je
vis dans le présent. Je ne me pose pas ce genre de questions. J'ai
perdu mes parents très jeune et ma philosophie de la vie, c'est de
vivre au jour le jour. Je ne regarde pas mes ventes de disques en détail.
Ce qui est important pour moi, c'est de construire une carrière, de
durer, et aujourd'hui, si j'ai un album qui s'est vendu à 600 000
et pas à 1 million, ce n'est pas un problème. L'important est que
je sois heureuse et fière de ce que je fais. Le plus beau cadeau
est de monter sur une scène et d'avoir un public devant moi. Le
jour où j'aurai deux personnes dans la salle, je serai mal. Et
alors je me remettrai en question et me demanderai pourquoi.
Vous
vous dites que votre vie aurait pu être différente ?
C'est
sûr que si maman n'avait pas eu cette maladie, je n'aurais pas eu
la volonté de réussir. Elle m'avait dit : "Je voudrais te
voir grande !" Alors je me suis battue pour qu'elle me voie
"grande". J'ai tout fait sauf coucher ! Parce que ça
existe toujours ! Et ma mère a vécu le succès de mon premier
album, de mon premier Olympia. Après, quand elle est décédée, je
ne pouvais pas rester chez moi, j'étais trop dépendante de ma mère,
il fallait que je parte et j'ai fait une tournée de 250 concerts.
En me disant, à chaque instant : et elle, elle ferait comme ça ?
Ca lui plairait ? Jusqu'au jour où j'ai compris qu'il fallait que
je fasse les choses pour moi et j'ai commencé à avoir confiance en
moi, à me connaître... Si aujourd'hui on me redonnait mes parents,
je les échangerais avec mon succès. Et pourtant, j'avais une mère
très stricte, très vieux jeu, très à cheval sur les principes.
Si elle était là aujourd'hui, ma vie serait très difficile parce
qu'elle était très possessive. Mais le succès ne remplace pas les
parents...
D'ailleurs,
dans votre sac, il y a toujours cet ours en peluche ?
Celui
que je lui avais acheté quand elle était à l'hôpital. Je lui
avais dit : "Il va te guérir de ta maladie." Et quand
elle est morte, je l'ai repris et je le garde toujours avec moi.
En
même temps, c'est grandir que de rompre avec ses parents...
Oui,
sûrement. Les moments les plus durs dans la vie sont ceux qui font
apprendre. (Elle soupire, grave et concentrée. Et lâche dans un
murmure.) J'aime bien ma vie, même si je me pose trop de
questions. Mais ce n'est que comme ça que la vie est intéressante,
non ?
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