Ferry - Gaucher : Un débat sur le religieux

Philippe Brindet
14 janvier 2005, révisé le 28 avril 2010


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Le posé du débat

"Le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas" - André Malraux
"Le religieux est radicalement le mouvement de divinisation de l'homme" - Luc Ferry
"... en cessant complètement de nous regarder dans le miroir de Dieu, nous pouvons enfin voir l'homme. Grâce à la dissociation d'avec l'absolu céleste, nous sommes pleinement en mesure de penser l'absolu terrestre pour lui-même." - Marcel Gauchet
A l'apophtegme de Malraux, les idéologues officiels, ici représentés par deux personnalités reconnues, ont clairement répondu :
"La religion est morte. Le monde est désanchanté. Alors, le religieux s'ouvre."

1 - La religion est morte

Après la déclaration de la "mort de dieu" par les philosophes, qui ont disparus à cause de celà même, les idéologues qui leur survivent ont donc déclaré la mort de la religion sans risquer aucun débat contradictoire. Avec qui l'auraient ils engagé ?

Notons pour commencer qu'aucun idéologue, fut-il ministre ou ancien ministre, ne se risquera jamais à prétendre que l'Islam serait une religion morte. Même remarque au sujet du judaïsme, dont il faut tout au contraire - dans ce régime de liberté dans lequel nous nous épanouissons, loin de l'obscurantisme - souligner la haute valeur. La religion morte dont il s'agit est donc évidemment et toujours le christianisme. L'interlocuteur dans le débat esquivé aurait donc été à rechercher dans le christianisme. Nous comprenons bien que, nous autres catholiques, ne soyons jamais convoqué à ce débat puisque nous sommes "morts" pour nos non-débateurs. Et au sens de Saint Jean, c'est très bien ainsi.

Le christianisme serait d'ailleurs, en France, bien en peine de leur répliquer.

Quel débateur ?

Il existe encore une organisation - dite CEF - formée d'évêques nommés sous le contrôle d'un Etat anticatholique, représenté par le Ministre chargé de ... la police et choisis parmi les membres du clergé. Et quel clergé ! Un clergé vieillissant, s'associant sans vergogne aux pires errements du monde et satisfait de lui-même. Et pour quels fidèles ! Des fidèles partagés entre leur goût du maintien de vieilles coutumes familiales ou de la restauration d'un folklore villageois et leur conformisme servile aux idées laïques. Qui pourrait donc débattre avec les idéologues de la mort de la religion ? Pourquoi y aurait-il un débat ?

L'Eglise en a été objectivement écarté. Reprenons l'histoire.

La transformation religieuse de l'athéisme

Le XVIII° siècle a formé des adversaires de l'Eglise qui, sur l'essentiel, étaient des adversaires de Dieu, qu'ils fussent simplement athées comme Diderot et Marat ou vaguement déistes comme Rousseau et Robespierre. Le mouvement qu'ils ont initié était un mouvement qui, plus que sur l'"homme générique", comme celui des diverses Déclarations de droits, détournait l'énergie des hommes vers un réservoir central, l'Etat. Dieu ou Pas-Dieu, Religion ou Areligion, pouvaient également se développer dans cette idéologie qui se plaçait en concurrence avec l'Eglise. Celle-ci n'a pas compris, croyant à un ordre naturel qui ne pouvait être troublé que par le péché extrême de quelques uns à quelques périodes historiques, anormales, révolutionnaires.

Le XIX° siècle de la bourgeoisie marxienne a posturé une Eglise de fantaisie, "alliée du Pouvoir", qui était pourtant objectivement son ennemi. Mais Dieu n'était plus un objet de débat. Il était "mort" dans un présumé débat entre l'Eglise phantasmique et le Monde. Bien entendu, de très amples développements sont nécessaires pour parvenir à une appréciation plus nuancée de la situation objective du XIX° siècle dont le présent texte n'est pas le lieu.

Le XX° siècle est donc le siècle de la religion sans Dieu. Il est traversé par les plus épouvantables menées contre le plan divin : deux Guerres mondiales, l'abomination du nazisme, la terreur marxiste-léniniste, la prise de pouvoir social-démocrate essentiellement caractérisée par le scandaleux massacre de l'avortement et de la régulation des populations par les autres politiques dites de "santé".

Ces drames ont été, et dans une certaine mesure sont encore, des "liturgies" inversées qui constituent la société mondialisée - dans laquelle nous vivons - comme son propre dieu. C'est par un culte rendu à elle-même que la société mondialisée a répondu et a été le produit de la mort de la religion. Ce n'est plus lui-même que l'homme prend pour Dieu, c'est l'Etat que la société divinise, cet Etat tout-puissant, qui en fait prend la place de l'Eglise en niant Dieu.

L'Eglise dans ce mouvement était entièrement inculturée dans la société occidentale qui a menée seule le mouvement de mondialisation. L'Eglise s'est même profondément compromise dans le mouvement qui a conduit à cette religion sans Dieu. On pourra penser particulièrement aux mouvements d'action sociale comme le Sillon ou Esprit, mais aussi bien évidemment aux mouvements progressistes qui ont oeuvré lors du Concile Vatican II, puis lors de sa mise en oeuvre. On se rappellera des deux mouvements historiques de la prétendue Eglise constitutionnelle de 1791 et plus tard le mouvement des prêtres-ouvriers, qui débutant en 1936 est toujours actif. Bien entendu, de plus amples développements sont nécessaires pour parvenir à une appréciation plus nuancée de la situation objective du XX° siècle dont le présent texte n'est pas le lieu.

Il faut bien concevoir l'enjeu et les forces qui se trouvent en présence. Dans une perspective historique, le christianisme est le lieu de la royauté (entendez le pouvoir terrestre) du Christ par la Présence de son Corps qui est l'Eglise. La déclaration de mort de la religion est donc essentiellement pour la question de l'inculturation de l'Eglise, celle de la déclaration de mort de l'Eglise, et bien entendu dans le monde, de la mort de cette Institution visible que les athées et les autres appellent l'Eglise. Et la société mondialisée a très peu tendance à dialoguer avec les morts ...

Si on se déplace du point de vue historique au point de vue anecdotique, il faut bien convenir que la déclaration de mort de la religion proférée par le monde répond directement au mouvement d'ouverture de l'Eglise sur le monde, voulu et initié par le Concile Vatican II. Ce que les dirigeants officiels de l'Eglise n'avaient pas prévu peut, aujourd'hui, clairement s'analyser des deux points de vue.

La mort "interne" de la religion

Si nous considérons les choses du point de vue des chrétiens, à l'intérieur de l'Eglise antéconciliaire, les fidèles vivaient dans le monde avec la conscience de participer à son Salut par l'annonce de la mort et de la résurrection du Christ. Avec le mouvement de Vatican II, les fidèles , laïcs par nature, ont fait un constat simple et qui leur semble encore aujourd'hui, indiscutable.

Ils se sont dit : "L'Eglise veut s'ouvrir sur le monde alors que nous-mêmes sommes dans le monde. Pourquoi rester dans l'Eglise, quand elle s'ouvre au monde ? Il nous suffit d'être dans le monde et l'Eglise n'a plus aucune raison d'exister." Cette thèse est particulièrement illustrée par des mouvements progressistes, comme le Parvis avec Mandouze, les théologies de la libération ou les fantaisies contenues dans les ouvrages de Küng ou de Drewerman.

Bien entendu, il n'est pas question, quarante ans après "le Concile", d'interroger tel ou tel fidèle. Deux générations se sont déjà succédées. Chacun ayant son idée sur la question, l'enquêteur ne verra plus qu'une multiplication d'opinions dans laquelle son enquête va se noyer. Plusieurs auteurs, qu'il est inutile de citer ici, y ont laissé sombrer leur bon sens. Mais, le constat démographique est sans appel. Il reste en France moins de 1 % de la population pour laquelle le catholicisme est la raison principale de vivre. Les trois quart des églises et chapelles de France ne sont plus ouvertes au culte catholique. Les institutions d'enseignement qui se prétendent catholiques ont en général fait disparaître toute apparence qui ne serait pas absolument conforme à l'athéisme le plus sévère. La population cléricale perd chaque année 2.500 individus pour en gagner environ 300. L'Eglise est donc disparue, dissoute dans son ouverture au monde.

Certains pourront s'offusquer qu'une telle façon de "raconter" l'Histoire ignore l'importance médiatique des voyages et des principales déclarations du Pape Jean-Paul II. Il faut être clair. En France, il n'existe aucun endroit où les Encycliques du Pape soient enseignées et étudiées au niveau des fidèles. Les paroisses et les diocèses vivent au mieux dans un assourdissant silence au sujet des Lettres, déclarations et autres décisions du Pape et du Saint-Siège. Plus encore, un certain nombre d'ecclésiastiques, comme le jésuite Valadier, mais bien d'autres pourraient trouver place dans une dérisoire distribution des prix, se sont illustrés dans la dénonciation des fondements les plus élémentaires des enseignements du Pape et du Saint-Siège.

J'ai étudié dans d'autres textes des défigurations des textes du Pape, tout récemment de l'Encyclique "Ecclesia de Eucharistia Vivit", appliquées par les traductions en français, mais aussi dans d'autres langues, particulièrement si on se réfère aux textes en latin, en polonais et en allemand. Les traductions en anglais sont souvent affadies. Mais les traductions en français, en italien et en espagnol sont simplement effarantes.

Quand le Pape demande aux Evêques de restaurer le culte de l'adoration eucharistique, le nouvel Archevêque de Lyon se hâte de distribuer à ses ouailles des bibles de traduction spécieuse. Cela ne lui a pas pris beaucoup de temps.

Est-il agréable d'en dire plus ?

La mort "externe" de la religion

Cette mort "externe" de la religion, nous la trouvons dans la poursuite de leur action par les athées scientistes qui avaient, avec Nietzsche, théorisée la "mort de Dieu", et qui, devant l'absence de réaction des chrétiens, en ont déduit que, "si aucun chant d'enterrement ne s'était élevé de la 'mort de Dieu'", c'est qu'Il n'avait plus de prêtre non plus. C'est en cela que, de l'extérieur, on a pu prétendre à une "mort de la religion".

Mais à cette mort de la religion, Gauchet fait suivre le désanchantement du monde.

2 - Le monde est désanchanté

A l'aube du Troisième Millénaire, la thèse du désanchantement du monde aura été une découverte qui vaut une inégalable célébrité à Marcel Gauchet, Directeur de Recherche au CNRS, enseignant des questions religieuses à l'EHESS, école universitaire d'ailleurs dirigée actuellement par Danielle Hervieu-Léger, historienne de l'Eglise très proche des milieux épiscopaux français.

Le monde a t'il donc remporté sur l'Eglise une victoire dont il s'enorgueillirait ? Absolument pas, si nous suivons Marcel Gauchet. Le monde est désanchanté. Laissons à notre lecteur le soin de se transformer en lecteur de Gauchet pour connaître sa description de ce désanchantement.

Laissons de côté l'évocation dans laquelle certains se complaisent des nouvelles religiosités, ou encore du spiritisme et du paganisme écologiste qui attire tant les chrétiens. Restons centré sur l'apophtegme de Malraux. Nous pouvons montrer que ce désanchantement vient directement de l'inaudibilité du message chrétien.

Revenons aux temps anciens. Agitant la dénonciation d'un monde habité par le péché, proclamant la bonne nouvelle d'un salut divin, l'Eglise se heurtait au refus du monde. Chacun jouait son rôle. Les catholiques montaient sur les bûchers, réels ou figurés, et les gens du monde les y couvraient de quolibets ou d'injures selon les lieux et les dates. Parfois, la mort ou la ruine d'un chrétien convertissait un bourreau. Ensemble, bourreaux convertis et chrétiens construisaient alors une civilisation qui tendait vers une figuration de la Cité de Dieu que Saint Augustin avait dépeinte.

Avec l'ouverture de l'Eglise au monde, le message chrétien a été passé sous silence au motif "plein de raison" que celui qui écoute ne doit pas parler. Et l'Eglise s'est mise sérieusement à l'écoute. Elle est donc devenue muette. Plus encore, nous l'avons déjà dit, la majorité des membres de l'Eglise en France, qui se disent eux-mêmes "Eglise de France" sans rougir du précédent de l'Eglise Nationale du serment civique de 1791, braillent un discours laïc qui prend tout l'espace de parole que l'Eglise pourrait occuper.

Les chrétiens prennent la place de leurs anciens persécuteurs et ils sont devenus indétectables dans la population. Ils vivent selon les normes sociales en vigueur dans le monde qu'ils honnissaient autrefois, et qui sont généralement contraires à la moindre règle évangélique qu'aucune institution ne leur enseigne d'ailleurs. On s'accorde à reconnaître que les chrétiens, à l'inverse des Juifs de la cashrout ou des Musulmans du hallal, consomment les mêmes produits et services que les pires athées. Or, le monde de Gauchet est un monde qui se définit essentiellement par sa haine du Christ et de ses disciples. Plus d'adversaire à haïr ! Voyez comme ce monde selon Gauchet a de raisons dans son désanchantement !

Tout d'abord, nous laissons à notre lecteur le soin de vérifier si Gauchet se pose en bienfaiteur de l'humanité, inventant comme Comte au XIX° siècle une église positiviste à laquelle il délivre sa révélation, ou si, ce qui est plus vraisemblable, Gauchet se considère plutôt comme un observateur scientifique de réalités sociales, observables et métrisables. Mais du point de vue d'un observateur non engagé dans le débat public, le désanchantement du monde est clair de deux dimensions sociales déceptives :
  • malgré l'"évidence" de la supériorité du progressisme, la pauvreté et les inégalités honnies augmentent partout ;
  • la science a échoué dans le projet de remplacer la morale et la société scientiste ressent profondément les marques terribles des meurtres commis en masse, notamment par l'immoralité organisée tant de la naissance que de la mort.
Or, l'Eglise de toujours dispose des moyens permettant l'épanouissement de l'homme, personne, c'est-à-dire individu et relation. Et ces moyens lui sont donnés gratuitement par Celui qui l'a instituée et qui mystérieusement y vit, caché et souffrant de ce désanchantement du monde.

3 - Les "religieux" de Gauchet et Ferry

Les réponses des idéologues les opposent. Le débat entre Ferry et Gauchet illustre bien le fait que la division est dans le camp des adversaires de l'Eglise. Nous avons cité au début de cet article deux réponses de Luc Ferry et de Marcel Gauchet.

Examinons la thèse de Ferry.

"Le religieux est radicalement le mouvement de divinisation de l'homme".
L'idée n'est pas neuve. Elle est directement lisible chez Auguste Comte et sous une certaine forme chez Emmanuel Kant. On peut même la lire bien plus anciennement chez certains mystiques catholiques ou orthodoxes. D'un certain point de vue, il s'agit même d'une parfaite banalité.

En effet, depuis des millénaires, le "religio" est un mouvement qui relie l'humain au divin. Dans cette conception dynamiste, tout dépend si l'on admet ou non l'existence de Dieu. Si Dieu existe et que l'homme tire son être propre d'un acte créateur de sa finitude, l'existence d'un lien entre la créature et son créateur s'exprime comme un mouvement de divinisation de l'humain et d'humanisation de la divinité dans la mesure où toute relation exige un rapprochement. On notera que le créateur et la divinité ont été ici identifiés. Mais, pour autant que les mots révèlent la pensée profonde de chacun, cette thèse n'est pas celle de Ferry. On pourra se reporter à son ouvrage L'Homme-Dieu ou le sens de la vie t, paru en 1996, et à son ouvrage de débat avec Marcel Gauchet Le religieux après la religion, paru en 2004. On pourra plus simplement se reporter à un dossier paru dans la revue Le Point du 7 Octobre 2004 dans lequel est rapporté un débat sur ce même sujet avec le même Marcel Gauchet. La thèse de Ferry soustend que l'infini et la transcendance ne sont pas seulement perçus par l'esprit. Ils sont saisis et appropriés par l'homme et cette saisie ou cette appropriation est radicalement une divinisation de l'homme.

Pour clarifier, Ferry prend le soin d'affirmer :
"Je ne veux évidemment pas dire que l'on revient à du religieux au sens où l'on parle d'une revanche de Dieu ou d'un nouveau syncrétisme."
On a quelque peine à comprendre en quoi la religion de l'homme divinisé sans aucun sens de Dieu serait réanchantement du monde.

Particulièrement, on se demande pourquoi il aurait fallu attendre Monsieur le Ministre de l'Education Nationale de la vingt-troisième Puissance économique du Monde et le Troisième Millénaire pour parvenir à une aussi bouleversante reconnaissance.

Mais que Luc Ferry n'ait comme perception du christianisme qu'une pâle copie des fadaises de la théophilanthropie de la fin du XVIII° siècle, voilà qui démontre la faillite totale des élites ecclésiastiques qu'il a pu consulter et auprès desquelles Ferry tire sa connaissance de son "religieux". Parce que Luc Ferry n'a pas la réputation d'un homme retors. Tant s'en faut.

Examinons maintenant le point de vue divergent de Marcel Gauchet :

"... en cessant complètement de nous regarder dans le miroir de Dieu, nous pouvons enfin voir l'homme. Grâce à la dissociation d'avec l'absolu céleste, nous sommes pleinement en mesure de penser l'absolu terrestre pour lui-même."
Gauchet utilise deux expressions suggestives. Il utilise le "miroir" et il qualifie le mouvement de l'humain de "dissociation".

Comment un chrétien ne se souviendrait-il pas de la Genèse. "Et Dieu fit l'homme à son image". L'image évoque le miroir.

Puis, comment ne pas évoquer Voltaire en écoutant Gauchet : "Dieu a fait l'homme à son image et l'homme le lui a bien rendu".

"Cesser de se regarder dans le miroir de Dieu" est un impératif qui situe l'homme dans une posture d'inversion radicale de la philosophie biblique, inversion dont Voltaire est littéralement le pôle.

De ce fait, la seconde suggestion de Gauchet est simplement un deductandum logicus. Découvrant le prétendu mensonge de l'homme, image de Dieu, par le jeu de renvoi de Voltaire, Gauchet tire simplement la position classique de l'athéisme selon laquelle il n'y a pas de Dieu et que l'absolu se trouve dans la matière dont l'homme participe.

Entrant dans le Troisième Millénaire, c'est avec une pensée débile du XIX° siècle que Gauchet s'adresse à la modernité. Comment croire à un réanchantement du monde ?

Pour finir ...

Quant au débat qui oppose Ferry et Gauchet, on pourrait le caractériser de la façon suivante. Dans une certaine mesure, le mouvement de Ferry est un mouvement de "loi naturelle" quand celui de Gauchet est un processus de négation. Ferry ne sait pas encore quand Gauchet est l'esprit qui nie tout. La position actuelle de Ferry est encore accessible à la conversion. Celle de Gauchet est celle de la persécution de l'Eglise.

Retour au péché originel

Mais, dans le débat esquivé ici, le christianisme est une science. Non pas que le christianisme soit un objet soumis à la raison raisonnante. Mais il est une science sacrée dont le dépôt se trouve dans l'Eglise. Et l'Eglise enseigne avec clarté et raison cette science. Tout homme de bonne volonté peut accéder à cet enseignement. Et son enseignement est éclairant du monde comme le Christ est la Lumière du Monde. Et cet enseignement apprend au monde que le péché originel est à la racine du désanchantement du monde. Le péché original s'exprime par une tentation et par une agression de l'homme contre Dieu.

La tentation est celle que l'image subit quand elle se trouve en situation d'existence autonome. L'homme peut dans l'instant exister en sortant de la position d'image de Dieu. C'est la cause terrible du péché originel. Sortant de cette position de manière licite, car Dieu le lui a permit, l'homme peut alors user de sa liberté et devant la tentation de la connaissance, il peut croire être comme Dieu c'est-à-dire être la source de la transcendance, il peut vouloir vivre sans Dieu, il peut nier l'existence de Dieu.

Or, les deux thèses de Ferry et de Gauchet expriment, la première la thèse du vivre-sans-Dieu combinée avec celle du je-suis-source-de-ma-propre-transcendance, la seconde la thèse plus traditionnelle du Il-n'y-a-pas-de-Dieu et l'homme est la source de sa propre transcendance.

Convaincus de la mort de Dieu, croyant à la mort de la religion, les idéologues retournent à la faute radicale du péché originel dont l'homme ne s'est jamais départi. Poussières, ils retournent à la terre originelle.

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