Un concert de moines orthodoxes
Philippe Brindet
10 Septembre 2008


L'autre soir, on annonçait un concert d'un choeur orthodoxe russe dans une église de la banlieue parisienne. J'y suis allé avec les plus grandes préventions. Il y a en effet beaucoup d'annonces de concerts et d'enregistrements de choeurs tous plus "célèbres" les uns que les autres.

Un quart d'heure avant le début du concert, l'église était déjà pleine aux deux-tiers. Elle n'avait pas dû voir une telle affluence depuis bien longtemps.

Il s'agissait du Choeur de moines du monastère de la Trinité de Saint Petersbourg. Il entre en chantant. Neuf chanteurs en soutane noire. Une puissance et une couleur absolument étonnantes. Parvenant dans le choeur, la procession se forme en un demi-cercle tourné vers le public. Quatre ténors, trois barytons et deux basses. Une capacité vocale absolument étonnante. Chaque choriste est soliste. Mais quand il chante comme choriste, sa voix ne se perçoit pas vraiment de l'ensemble. Les choristes ont autour de la trentaine, sauf les deux basses profondes qui sont plutôt des cinquantenaires.

Le concert se déroule en deux parties : une première partie religieuse et une seconde partie profane. Des chants utilisent un soliste, ténor, baryton ou basse profonde. Les trois tessitures sont sans équivalents dans le choeur occidental. Le ténor est très léger, mais sa voix prend selon les chanteurs une infinité de nuances et de couleurs. Les barytons ont des voix assez claires, mais extrêmement timbrées, presque cuivrées. Les basses profondes sont extraordinaires de puissance et leur souffle est inépuisable.

Le chef, Boris Satsenko, est l'un des ténors. Il utilise un diapason pour donner le ton de manière extrêmement discrète. Sa gestique est réduite à l'extrême. Les chanteurs ne se regardent que rarement, mais on sent une attention extrême.

Il est probable que la pratique quotidienne du chant choral leur donne un entraînement inégalable. Et on leur devine une insatiable envie de chanter. De plus, leurs qualités artistiques leur permettent d'interpréter toute une palette de sentiments humains depuis les plus sauvages jusq'aux plus fins. Ils modulent ainsi leur chant depuis les pianissimi les plus imperceptibles jusqu'aux forte presque insoutenables. Leur école de chant est fondée sur le souffle et sur le rythme. Il en résulte à la fois une humanité et une rigueur absolument indescriptibles.

La musique ajoute à la compréhension des choses pourtant parfaitement descriptibles par un langage rationnel quelque chose d'indescriptible par la raison verbale. Et il n'y a pourtant rien de magique. Il faut voir dans cette musique, musique chorale russe ici, une raison musicale qui rend immédiatement évidentes à la conscience des valeurs que leur verbalisation fait disparaître.