Philippe Brindet 7 février 2003 - révisé le 7 janvier 2009
Roman paru en 1999 chez Albin, Michel et les autres.
Seconde de mes lectures des japoniaiseries publiées sous le nom de Madame Nothomb, ce texte insipide respecte encore la triade infernale du conformisme intellectuel, esthétisant et idéologique. Ma première remarque ne portera pas sur le texte lui-même, mais sur l’absence pratiquement complète de jugements sévères à son encontre. Alors que ce texte est radicalement raciste et xénophobe, il n’a été trouvé sur la Toile qu’un seul texte protestant sur ce trait ahurissant. Il semble bien qu’on puisse être raciste et xénophobe à condition de l’être des races et des étrangers à détruire. Qu’un sang impur abreuve nos sillons … Et encore, l’auteur de cette critique a du se sentir tellement isolé et en danger qu’il proteste des qualités d’écriture de la chose innommable. Or, le style en est aussi absent que dans le journal intime d’une lycéenne analphabète et vaguement diarrhéique. A la décharge des laudateurs du papier pour chiottes de Madame Nothomb, il faut dire qu’aucun d’entre eux n’est critique professionnel. De leur côté d’ailleurs, je n’ai trouvé qu’une archive du Nouvel Obs’ qui évoque Madame Nothomb. Grâce à ce dossier, le citoyen pourra noter que, dans sa concurrence effrénée aux producteurs de papier toilette, Madame Nothomb a quand même engrangé quinze millions de francs. Il faut lui reconnaître cet avantage sur ses concurrents qui vendent bêtement leur production, que Madame Nothomb dépose elle-même sa merde avant de mettre en rayon. Un petit effort qui lui vaut un grand bénéfice. Je dois confesser que la remarque qui précède est directement évoquée par Madame Nothomb, elle-même et en personne. Le censeur avisé s’est déjà reporté à la page 122 de la publication des Editions Albin Michel. Je n’insisterai pas plus ici. Je ferais aussi une remarque sur le nombre élevé d’éditeurs qui se sont rués sur le marché du rouleau de « PQ » à l’occasion de la publication des fins de digestion de Madame Nothomb. Albin Michel n’est pas le seul éditeur. Il faut reconnaître que le « PQ » est réellement un produit de grande diffusion. Mais vraiment, les yeux dans les yeux, Madame Nothomb, le Livre de Poche est-il un format adapté à l’usage auquel votre produit est naturellement destiné, je vous le demande ? Je dois dire que je n’ai pas lu le livre. Une fois de plus. Mais, en le parcourant rapidement, j’ai extrait six courts passages que je n’ai même pas choisis, ni même sélectionnés dans un but quelconque. Non, j’ai tout simplement refermé six fois de suite le livre et quand je l’ai rouvert, ce furent ces passages qui sont apparus et qui me serviront ici de citations. Citation 1, page 7 : C’est bizarre cette manie des écrivains de faire des phrases … . Le « Donc » de Madame Nothomb est savoureux de bêtise. On pense à une évocation de la-lutte-des-classes. Mais, on y renonce. Puis, on pense aux laquais-du-grand-capital. Mais avec le « donc », on ne pense plus à rien du tout. On est « aux ordres ». Cà y est, j’y suis ! Le syndrome de la petite marchande d’allumettes ! C’est pas bon ? On cherche ailleurs ! L’ordre, la hiérarchie, la discipline ... La discipline ! On respectait la discipline [1]. J’y suis. Madame Nothomb veut que je crie « A bas les patrons ». Crions. Oui, je sais. On pourra se demander pourquoi s'acharner sur cette pauvre écrit-vaine. D'autant plus que quinze millions, vous pensez ! Ca force le respect. En France, pour gagner çà, il faut jouer souvent au Loto. Parce qu’autrement, il vaut mieux y renoncer. Citation 2, page 90 : L’imbécillité du propos de Madame Nothomb force la considération. C’est du sous simone-de-beauvoir, mâtinée de françoise-giroud [2]. C’est aussi précieux dans ce côté savant qu’a dit un certain Poquelin, tellement détesté aujourd’hui qu’on a dû l’exposer à l’université française, comme autrefois au pilori les gredins et chenapans. La phraséologie du « Tu » est insupportable de prétention biblique. On croit entendre un « ecclésiaste » faire l’apologie de la normalisation, du « bourge’ » de banlieue riche. Les deux clichés sont faciles à décrypter. Manifestement, ils ont ravis les vieux cons et les jeunes beaux. Les premiers sont l’avenir des seconds [3]. Et inversement. Le premier cliché est celui de la jouissance du corps qui est prétendu « beau » parce qu’il est soumission au canon de la mode des magazines féminins (Tiens ! la françoise-giroud ?) et qu’il est destiné au plaisir solitaire du lucre. Le second cliché est celui de la révolte-de-la-femme qui affirme son indépendance en criant avec minauderie qu’elle rejette ce qui est l’horizon insurpassable de sa bourgeoisie. Plus con que Madame Nothomb, çà craint comme disait le Général [4]. Citation 3 , Page 107 : Nullité. Apologie de la nullité. Haine à l’égard de ceux qui travaillent, qui agissent. Madame Nothomb régale la bourgeoisie désoeuvrée des beaux quartiers et des dîners en ville. Je remarque que Madame Nothomb utilise une technique trotskiste assez vulgaire qui consiste à dénoncer la haine chez l’adversaire qu’elle considère avec haine. C’est le vieux truc éculé du « réactionnaire » qui sent confusément qu’on vient de lui dire un gros mot et qui s’emporte au ravissement de celui qui l’a provoqué. C’est nul. Citation 4, page 117 : Je suis comblé au delà des espérances de mon précédent commentaire. Citation 5, page 122 : Riche, fille de riches, petite-fille de riches, Madame Nothomb assure de son insondable mépris interprètes et comptables qu’elle voit juste au-dessus des laveurs de chiottes. Tous ensemble, la lie du peuple. Pensez ! fille d’ambassadeurs, Madame Nothomb s’est toujours sentie divine [5]. Alors un comptable ? Pouah ! Un interprète qui gagne sa vie et nourrit ses enfants ? Quelle malpropreté ! Quant au style, je m’excuse ! Plus lourdaud, plus appliqué « Trissotin », tu meurs. Si on poursuit la citation, et hélas pour Madame Nothomb, j’ai poursuivi, on découvre l’un des charmes de Madame Nothomb auxquels les académiciens « verteux » [6] ainsi que les collégiens du Ministère Central de la Pensée Unique [7] n’ont pas su résister. Dans ce monde, dans cette société d’abrutis qui travaillent pour gagner leur vie, ou parce que ce qu’ils font les passionnent, les bourgeois de bonne famille n’ont qu’une attitude raisonnable : ne rien faire. Je me suis demandé un moment si Madame Nothomb n’était pas un programme d’ordinateur qui compilait laborieusement selon un algorithme génial une collection de journaux intimes ramassés dans les poubelles des beaux quartiers de Bruxelles ou de Tokyo, en les mélangeant subtilement. Madame Nothomb pouvait ainsi ne pas déchoir. Elle est restée une bourgeoise grâce au programme « Madame Nothomb ». Je remarque au passage cette envolée tellement « catholique-de-progrès » qui consiste, après son père qui se croyait Dieu dans les années 1950, à se prendre « tout simplement » pour un atome de jouissance destiné au néant voltairien. Retour à la case départ. Citation 6, page 174 : En fait Madame Nothomb est très fier de son truc final : elle réussit à nous dire qu’elle ne comprend pas un traître mot de japonais. Un éclair d’honnêteté. Mais, pardon pour l’odeur ! Manifestement, l’âge des académiciens a dû protéger leur odorat. Notes [1] Kipling et Walt Disney, Le Livre de la Jungle I, New York 1967. On a la culture qu’on peut. [2] Qui partagent avec Madame Nothomb les mérites de la haute bourgeoisie. [3] C’est Jean Ferrat qui va être content ! [4] «Papy fait de la résistance», film de Patrice Leconte. Sublime ... [5] Madame Nothomb l’affirme à longueur de pages aussi bien dans le présent roman que dans le précédent que j’ai analysé. Une fixation de stade anal, pense Ernest Renan qui a consulté Sigmund Freud. [6] Je pensais à autre chose. Je pensais que la coupe était pleine. [7] On a autrefois appelé cet organe, Ministère de l’Education Nationale, et même, Ministère de l’Instruction publique. C’est du passé, bien sûr. |