Pas de bizuteur sur le campus !


Pas de quartier pour les bizuteurs !

 

Chaque année, aux mois de septembre et d'octobre, des dizaines de milliers de jeunes vivent dans l'angoisse du bizutage. Mais qu'est ce que le bizutage? "Soumettre un nouveau (le bizut) à des brimades à titre d'initiation avant de l'admettre au sein d'une société scolaire ou universitaire déterminée" nous répond le Larousse. L'observation de ce phénomène montre que loin d'être une fête, il repose sur deux fondements : l'humiliation et la violence.

Les première années sont tenus pour des êtres inférieures. Tout est bon pour les avilir, les caprices des bizuteurs ne connaissant aucune limite. Les bizuts sont donc bombardés d'oeufs, de farine, de ketchup...etc. oontraints de défiler dans les rues affublés de sacs poubelle,de couches-culottes, voire entièrement nus. La liste est longue; on pourrait noircir plusieurs pages par l'énumération de ces divertissements. Mais le comble de la bassesse est atteint dans les jeux à connotation sexuelle inventés par les bizuteurs et visant particulièrement les étudiantes. "Pas de bon bizutage sans cul" proclame TRANSFAC, torchon estudiantin émanant des écoles de commerce. Voici en quoi consistent ces jeux: strip-tease filmé par caméra vidéo devant un amphi bondé, simulation d'actes sexuels, description de photos porno,beuglement de chansons paillardes, concours d'érections. Cela peut aller jusqu'au viol; l'année dernière, un élève d'un lycée d'Orléans a été sodommisé avec un stylo. Ce cas est loin d'être unique.

Inévitablement, l'humiliation a pour corollaire la violence. Certains bizuteurs, les KO (Killers officiels) arborent des tenues paramilitaires et n'hésitent pas à rouer de coups les bizuts récalcitrants. De plus, nombre de pratiques du bizutage peuvent être à juste titre considérées comme des tortures. Parmi celles-ci, la "potion" ou "soupe", mélange nauséabon dont l'ingrédient de base est la nourriture pour chien et que le bizut forcé d'avaler. Autre exemple, la privation de sommeil, utilisée par les policiers britanniques en Irlande du Nord, fait partie du bizutage à Polytechnique et à l'ENSAM(Ecole nationale supérieure des arts et métiers) pour ne citer qu'elles. Enfin, il n'est pas rare que le bizut finisse à l'hopital.

Sur le plan juridique, le bizutage constitue une violation flagrante de la Convention européenne des Droits de l'Homme du 4 novembre 1950, dont l'article affirme : "Nul ne peut être soumis à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. En outre, de nombreux faits ayant lieu au cours des bizutages tombent sous le coup du Code pénal : outrage public à la pudeur, coups et blessures, viol sont punis de peines de prison (article 222. du Code pénal:15 ans de réclusion criminelle pour le viol)

L'adminsitration et le bizutage

h'ace à la barbarie des bizuteurs, comment réagissent les pouvoirs publics? Au niveau étatique, la fermeté prévaut, du moins en apparence. Depuis 1928, le ministère de l'Education nationale a adressé une dizaine de circulaires aux directeurs d'établissement en vue d'interdire le bizutage et de prendre des sanctions contre les responsables. La plupart ignorent résolument ces textes, marquant leur complicité avec les bizuteurs. Il s'agit d'une complicité passive; mais l'administration se rend également coupable de complicité active en favorisant le bizutage. Les sévices imposés par les anciens sont revendiqués comme partie intégrante de la formation dispensé par l'établissement (c'était le cas jusqu'à une date récente pour le lycée Sainte-Geneviève et l'ENSAM). Il se peut même que l'administration donne la parole aux bizuteurs. En 1991 dans "Anima", revue de la faculté de médecin de Bordeaux dirigée par le président de l'université de Bordeaux II, un article décrit de manière complaisante et photo à l'appui strip-tease et autres amusements du même genre. Pire le financement du bizutage par l'établissement en 1993 l'institut d'études supérieures de commerce international de Dunkerque prévoit un budget de 70 000 francs pour ces réjouissances. Encore pire! le bizutage a été introduit dans cette école par le directeur d'étude. C'est pas fini! l'année derniere, au lycée Thiers de Marseille, un faux emploi du temps a été établi par la direction de manière à tromper les élèves sur la date possible du bizutage. Comme ça, imposible d'y échapper. Une procédure discipinaire a été mise en œuvre contre le proviseur.

La fin du bizutage ?

Ce n'est qu'en 1997 qu'a eu lieu la première action sérieuse contre le bizutage au niveau national. Un numéro vert SOS bizutage est mis à la disposition des victimes. Dix-sept organisations se rassemblent pour former un comité antibizutage; parmi elles : des associations de parents d'élèves, des syndicats d'étudiants et d'enseignants, l'association de défense des usagers de l'administration (ADUA),la LDH, le Syndicat de la magistrature. Le premier octobre, dans le cadre du projet de loi sur la délinquance sexuelle, l'Assemblée nationale vote la création d'un délit de bizutage."Hors les cas de violence, de menaces et d'atteintes sexuelles le texte prévoit six moid d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende. A l'ENSAM, Guy Gautherin, le directeur, ancien usineur et défenseur de l'usinage (bizutage à la sauce gadzart) change son fusil d'épaule et ordonne au mois d'octobre la fermeture temporaire des centres de Lille et de Cluny en réaction aux excès des deuxième année.

Serait ce la fin du bizutage?Il n'en est rien! Le combat ne fait que commencer! (c'est pas trop tôt. Au parlement,une quarantaine de députés de droite se sont prononcés, sous la direction de Pierre Mazeaud(RPR), contre le délit de bizutage. La majorité des sénateurs a fait de même. Motif : instituer un nouveau délit serait inutile, les dispositions présentes dans le Code pénal devant suffire en cas de poursuites judiciaires, ce qui est faux. Devons nous nous étonner de cette attitude? Beaucoup de bizutages parisiens se déroulent dans le jardin du Luxembourg. Or, le Sénat, siègeant au palais du Luxembourg, à la disposition de cette dépendance du palais. Cela signifie que les sénateurs sont complices des barbares, puisqu'ils leur accordent l'usage de leur jardin pour ces saloperies. On peut même les voir se repaitre de ce spectacle dégradant depuis leurs fenêtres.

Quant aux bizuteurs, comment réagissent ils? D'une part, que le bizutage soit interdit, que ce soit par circulaire ministérielle ou par la direction de l'établissement, ça ne les empêche pas de bizuter. A Louis le grand (encore un lycée dont on devrait changer le nom), le bizutage a lieu chaque année en dépit de l'interdiction du proviseur. D'autre part les brutes sadiques montent au créneau pour défendre leurs moeurs répugnantes. A l'ENSAM, les mesures prises par Guy Gautherin se heurtent à l'opposition de la société des anciens de l'école et de l'association des élèves. Les 23 et 24 octobre les gadzarts manifestent devant l'hotel Matignon. L'un d'eux, Albin Cantalupo ose déclarer : "Nos valeurs et leur transmission sont en jeu "

 

Bizutage et fascisme

Eh bien parlons en de leurs valeurs! Après avoir montré la réalité du bizutage, abordons le sujet sous l'angle de l'éthique sociale. Le bizutage est un poison social car c'est un instrument de fascisation de la société. D'une manière générale, les liens avec le fascisme sont nombreux. D'abord, les façons d'agir des bizuteurs étaient déjà en usage chez les nervis à la chemise noire ou brune durant l'entre deux guerres. Par exemple, en Italie les squadristes obligeaient les militants de gauche à boire de l'huile de ricin sous la menace du manganello (gourdin). En Allemagne, SA et SS prenaient plaisir à promener nues dans les rues les jeunes filles et les femmes juives pour les humilier. Cette volonté d'abaisser l'homme, de lui ôter toute dignité, on la retrouve dans le système concentrationnaire du troisième Reich. La ressamblance avec les fascistes,l es bizuteurs la cultivent également par l'apparence : killers officiels, aux crânes rasés, lunettes noires, vétus de treillis, rangers aux pieds, brandissant matraques et battes de base-ball. Certains font preuve d'originalite : au look skinhead ou DPS, ils prefèrent le look Ku Klux Klan, robes et cagoules pointues. Enfin et surtout les valeurs exprimées à travers le bizutage relèvent intrinsèquement du fascisme : le mépris des droits de l'homme, la soumission totale du faible au fort, l'esprit de caste, le culte de la tradition, de la force, de la hiérarchie et de l'autorité.

Or, ceux qui passent par le moule au bizutage constituent la majeure partie de l'élite sociale et scolaire de notre pays. Ainsi les valeurs fascistes énumérées ci-dessus sont insidieusement transposées dans la société car le bizuteur d'aujourd'hui est le cadre de demain. Cette transposition est d'autant plus forte que le fléau, autefois confine à certaines grandes écoles et facultés de médecine, a pénétré la plupart des secteurs de l'enseignement supérieur; l'enseignement secondaire, général, technique, professionnel est également touché.

Le résultat? Une société fortement hiérarchisée où l'individu de base n'a qu'à obéir et subir. Dans leur ouvrage "Du bizutage, des grandes écoles et de l'élite", Emmanuel Davidenkoff et Pascal Junghans parlent à juste titre d'une société de Soumis". Partout,dans l'administration les entreprises, la justice, la police, l'enseignement, les bizuteurs, comme autant de petits Führer, obséquieux avec les gros, méprisants enver les petits, n'hésitent pas à user de leur pouvoir de façon tyrannique. Les décisions importantes pour l'avenir du pays sont prises par des technocrates issus des grandes écoles.L'avis du citoyen, de l'élu ne compte pas. Ainsi, la centrale nucléaire Super-Phénix, on ne sait pas si elle va nous péter à la gueule, mais on sait que ça eoute cher àu contribuable nous a été imposée par des X-mines (ingénieurs passés par Polytechnique et l'école des mines de Paris, l'élite quoi!). Mais l'exemple le plus frappant est celui des entreprises. Les bourreaux qui se gaussent des droits de l'homme et du Code pénal, on se doute du peu de cas qu'ils vont faire du Code du travail. En juillet 1998, 1es conclusions d'une enquête sur la violence au travail menée par le Bureau international du travail sont accablantes pour la France, seul pays en Europe (avec la Belgique) où l'on bizute. Le climat malsain et oppressif du bizutage règne dans les entreprises françaises. Dans les témoignages des salariés on retient les termes "intimidation", "humilié", "terrorisé". Toujours d'après le BIT, l9,8% des femmes actives se plaignent de harcement sexuel, alors que la moyenne européenne est de 7%.

Une phrase pour conclure : le bizutage c'est de la merde. C'est une atteinte à l'intégrité physique et morale de l'individu. Il favorise en outre la fascisation rampante au sein de la société. C'est pourquoi il est de notre devoir, à nous antifasciste, de lutter contre cette saloperie, et de porter cette lutte sur le terrain, c'est à dire sur les campus et dans les lycées.

Lecture conseillée :"Du bizutage,des grandes écoles et de l'élite" d'Emmanuel Davidenkoff et Pascal Junghans Plon.1993.

Tuckleberry SCALP Nancy