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Circulaire relative à la prévention
et à la répression des infractions sexuelles et à la
protection des mineurs.
Nº NOR : JUS-D-98-30117 C
Date d'application : immédiate
(sous réserve, le cas échéant, de la
publication des décrets d'application - 1er juin 1999)
Ministère de la Justice
Direction des Affaires Criminelles et des Grâces
Sous-Direction du Droit pénal général et international
Bureau de la législation pénale générale
LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
à
1 POUR ATTRIBUTION
Madame et Messieurs les Procureurs Généraux
Mesdames et Messieurs les Procureurs de la République
Mesdamesame et Messieurs les magistrats du parquet
2 POUR INFORMATION
Mesdames et Messieurs les Premiers Présidents de Cour
d'Appel
Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux de
grande instance
Mesdames et Messieurs les magistrats du siège
PLAN DE LA CIRCULAIRE
1. DISPOSITIONS
CONCERNANT LE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
1.1. Présentation
générale du suivi socio-judiciaire
1.1.1. Définition
1.1.1.1. Contenu de la mesure
1.1.1.2. Prononcé de la mesure
1.2. Domaine
d'application
1.2. Modalités
d'application du suivi socio-judiciaire
1.2.1. Modalités
générales d'application
1.2.2. Modalitès
propres à l'injonction de soins
1.2.2.1. Dispositions concernant les soins qui
pourront intervenir pendant la détention
1.2.2.2. Modalités d'exécution de l'injonction de
soins en milieu ouvert
1.3. Application
du suivi socio-judiciaire aux mineurs
l.4. Application
dans le temps des nouvelles dispositions
2. DISPOSITIONS
RENFORÇANT LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS SEXUELLES
2.1. Renforcement de la répression des
infractions sexuelles commises contre les mineurs
2.1.1. Répression
des atteintes sexuelles commises sur les mineurs de
quinze ans
2.1.2. Répression
de la pornographie enfantine
2.1.3. Répression
du "tourisme sexuel"
2.1.4. Règles
de prescription
2.1.5. Responsabilité
pénale des personnes morales
2.1.6. Peines
complémentaires
2.1.7. Régime
de l'expertise préalable aux mesures d'aménagement des
peines privatives de liberté
2.2. Renforcement de la répression des
infractions sexuelles non spécifiques aux mineurs
2.2.1. Récidive
des infractions sexuelles
2.2.2.Elargissement
de la définition du harcèlement sexuel
2.2.3. Prise
en compte de l'utilisation de nouveaux médias et
notamment du réseau INTERNET.
2.2.4. Fichier
national des empreintes génétiques
3. DISPOSITIONS
AMÉLIORANT LA SITUATION DES MINEURS VICTIMES
3.1. Dispositions insérées dans le nouveau titre
XIX
du Livre IV du code de procédure pénale
3.1.1. Expertise
des mineurs victimes
3.1.2. Information
du juge des enfants
3.1.3. Intervention
de l'administrateur ad hoc
3.1.4. Audition
des mineurs victimes
- Enregistrement
des auditions des mineurs
- Accompagnement
du mineur par un tiers
3.2. Autres dispositions améliorant la situation
des victimes
3.2.1. Constitution
de partie civile des associations spécialisées
3.2.2. Motivation
des classements sans suite
3.2.3. Non
révélation des atteintes sexuelles sur mineur
3.2.4. Prescription
de l'action en responsabilité civile
3.2.5. Règles
concemant la diffamation
4. RÉPRESSION
DES INFRACTIONS COMMISES EN MILIEU ÉDUCATIF OU SCOLAIRE
4.1. Institution
d'un délit de bizutage
4.2. Circonstance
aggravante de commission dans un établissement scolaire
4.3. Information
des chefs d'établissements scolaires
5. CONTROLE
ADMINISTRATIF DES DOCUMENTS VIDÉO
La lutte contre la délinquance et la criminalité
sexuelles, ainsi que la prévention de ces infractions,
exigent une mobilisation institutionnelle sans faille,
qui impose que l'appareil judiciaire soit doté des
moyens les plus efficaces pour sanctionner les auteurs de
tels actes et pour éviter ou limiter la récidive. Par
ailleurs, la protection des victimes doit devenir un
impératif constant au cours de la procédure pénale.
C'est dans cette perspective que la loi n°
98-468 du 17 juin 1998
procède à une refonte générale des instruments de
prévention et de répression des infractions de nature
sexuelle ou des infractions commises contre des mineurs.
Par cette loi, la France se place parmi les pays dotés
de la législation la plus avancée en la matière. Ce
texte s'inscrit dans la ligne de ses engagements
internationaux, telles la convention internationale des
Nations unies du 2 décembre 1949 pour la répression de
la traite des êtres humains et de l'exploitation de la
prostitution d'autrui, la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950, les articles 34 à 36
de la Convention internationale des droits de l'enfant du
20 novembre 1989 relatifs à la protection contre
l'exploitation sexuelle, l'enlèvement, la vente ou la
traite d'enfants, ainsi qu'à toute forme d'exploitation.
Il fait suite à la déclaration et au plan d'action
adoptés par de nombreux Etats, dont la France, au
congrès de Stockholm de 1997. Il s'inscrit enfin dans le
cadre de la recommandation R (91) du Conseil de l'Europe
sur l'exploitation sexuelle, la pomographie et la
prostitution, ainsi que le trafic d'enfants et de jeunes
adultes.
La loi du 17 juin 1998 institue tout d'abord une forme
nouvelle de réponse pénale aux infractions sexuelles,
le suivi socio-judiciaire (1). Elle
procède ensuite à un important renforcement de la
répression des infractions sexuelles, spécialement
lorsque celles-ci sont commises à l'encontre des mineurs
(2). Elle améliore, notamment au cours de la
procédure pénale, la situation des mineurs victimes de
telles infractions (3). Enfin,
elle comporte des dispositions spécifiques aux
infractions commises en milieu éducatif ou scolaire (4) et institue un dispositif de contrôle
administratif des vidéocassettes, vidéodisques et jeux
électroniques (5).
A l'exception du nouvel article 706-52 du code de
procédure pénale concemant l'enregistrement des
auditions des mineurs victimes, dont l'entrée en vigueur
a été reportée au 1er juin 1999, toutes les
dispositions de la loi sont d'application immédiate. La
mise en oeuvre effective de certaines de ces dispositions
est toutefois subordonnée à la parution de décrets
d'application (cf annexe n°2). Ces dispositions - parmi
lesquelles figurent celles relatives au suivi
socio-judiciaire - font l'objet dans la présente
circulaire d'une présentation générale, et seront
commentées ultérieurement de façon plus détaillée,
dans des circulaires spécifiques, dès la parution des
décrets d'application.
l. DISPOSITIONS CONCERNANT LE SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
L'instauration du suivi socio-judiciaire est
l'aboutissement d'une réflexion entamée depuis quelques
années et fait suite aux travaux de diverses commissions
composées de professeurs de droit, de magistrats et de
médecins, respectivement présidées par Mme
Marie-Elisabeth Cartier, par le docteur Claude Balier et
par le docteur Thérèse Lempérière, qui ont souligné
la nécessité, pour lutter efficacement contre la
récidive, de mettre en place après la libération des
condamnés un suivi post-carcéral de nature judiciaire
et le cas échéant médicale, d'une durée plus longue
que les mesures qui peuvent être actuellement prévues
dans notre législation.
Le suivi socio-judiciaire est défini dans le livre Ier
du nouveau code pénal, par les articles 131-36-1 à
131-36-8 (article 1er de la loi). Ses conditions
d'application sont précisées par les articles 763-1 à
763-9 du code de procédure pénale (article 8) et par
les articles L.355-33 à L. 355-37 du code de la santé
publique (article 9).
1.1. Présentation générale du suivi
socio-judiciaire
1.1.1. Définition
1.1.1.l. Contenu de la mesure
Aux termes de l'article 131-36-1 du code pénal, le suivi
socio-judiciaire consiste dans l'obligation pour le
condamné de se soumettre à des mesures de surveillance
et d'assistance, sous le contrôle du juge de
l'application des peines pendant une durée fixée par la
juridiction de jugement qui peut être d'un maximum de
dix ans si la mesure est prononcée pour un délit, ou de
vingt ans si elle est prononcée pour un crime.
En cas d'inobservation de ses obligations, le condamné
est passible d'un emprisonnement dont la durée maximum,
fixée également dès le prononcé de la peine par la
juridiction de jugement, est de deux ans si la mesure est
prononcée pour un délit, et de cinq ans si elle est
prononcée pour un crime.
Les mesures de surveillance auxquelles est soumis le
condamné sont celles prévues pour le sursis avec mise
à l'épreuve. La juridiction de jugement peut imposer
trois autres obligations au condamné : l'interdiction de
se rendre dans certains lieux - par exemple des jardins
publics -, l'interdiction de fréquenter certaines
personnes - par exemple des mineurs - et l'interdiction
d'exercer une activité professionnelle ou sociale
impliquant des contacts habituels avec des mineurs
(article 131-36-2 du code pénal).
Comme en matière de sursis avec mise à l'épreuve, le
condamné fait également l'objet de mesures
d'assistance, destinées à seconder ses efforts en vue
de sa réinsertion sociale (article 131-36-3 du code
pénal).
La juridiction peut également assortir le suivi
socio-judiciaire d'une injonction de soins, si une
expertise préalable de la personne poursuivie conclut
que celle-ci est susceptible de faire l'objet d'un
traitement ; en cas de poursuites pour meurtre ou
assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un
viol, de tortures ou d'actes de barbarie, cette expertise
doit être réalisée par deux experts (article 131-36-4
du code pénal). L'injonction de soins constitue ainsi
une modalité d'aménagement facultative de la mesure de
suivi socio-judiciaire.
Afin de permettre à la juridiction de jugement
d'apprécier s'il convient de prononcer une injonction de
soins, l'expertise médicale de toute personne poursuivie
pour une infraction de nature sexuelle est rendue
obligatoire (article 706-47 du code de procédure
pénale, résultant de l'article 28 de la loi). Ces
expertises pourront être réalisées au cours de
l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire.
L'expert devra être expressément interrogé sur
l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre
d'un suivi socio-judiciaire. Compte tenu des dispositions
précitées de l'article 131-36-4 du code pénal, ces
expertises devront être réalisées par deux experts si
elles concernent des personnes poursuivies pour meurtre
ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un
viol, de tortures ou d'actes de barbarie.
En pratique, de telles expertises - constituées en
réalité par des expertises psychiatriques - sont déjà
ordonnées par les juridictions dans la plupart des
procédures concemant des crimes ou des délits sexuels,
notamment lorsqu'une information est ouverte.
C'est donc principalement dans certaines affaires qui ne
font pas l'objet d'une information - par exemple en cas
de poursuites en comparution immédiate ou sur
convocation par procès verbal pour des faits
d'exhibition sexuelle - que les nouvelles dispositions
devraient modifier les pratiques actuelles.
l.l.1.2. Prononcé de la mesure
Le suivi socio-judiciaire peut être prononcé en
complément des peines principales (amende et/ou peines
privatives de liberté). Il peut également, en matière
correctionnelle, être prononcé à titre de peine
principale (article 131-36-7 du code pénal).
Au moment du prononcé de la décision, le condamné est
solennellement averti de ses obligations par le
président de la juridiction (article 131-36-1, al. 3, du
code pénal).
Lorsque l'injonction de soins est prononcée, le
président de la juridiction avertit le condamné
qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son
consentement, tout en l'informant que s'il refuse les
soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement
prononcé par la juridiction pourra être mis à
exécution (art. 131-36-4, al. 2).
Enfin, pour éviter toute difficulté d'exécution, la
loi prévoit que le suivi socio-judiciaire ne peut être
prononcé en même temps qu'une peine d'emprisonnement
assortie en tout ou en partie d'un sursis avec mise à
l'épreuve (article 131-36-6).
1.1.2. Domaine d'application
Le suivi socio-judiciaire a un champ d'application
spécifique déterminé par la loi.
Destinée aux délinquants et aux criminels sexuels,
cette mesure peut être prononcée ;à l'égard des
auteurs des infractions suivantes (articles 2 à 4 de la
loi):
- meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un
viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 221-9-1
du code pénal).
- viol et autres agressions sexuelles, y compris les
exhibitions sexuelles, mais à l'exception toutefois du
harcèlement sexuel (article 222-48-1).
- atteintes sexuelles commises sans violence sur des
mineurs et délits de corruption de mineurs, de diffusion
d'images de mineurs présentant un caractère
pomographique ou de diffusion de messages pornographiques
susceptibles d'être vus par un mineur (article 227-31 du
code pénal).
1.2. Modalités d'application du suivi
socio-judiciaire
1.2.1. Modalités générales d'application
Les articles 131-36-5 du code pénal et 763-7 (alinéa 3)
du code de procédure pénale déterminent le régime
d'application de la mesure de suivi socio-judiciaire
accompagnant une peine privative de liberté, et
prévoient notamment que les obligations du suivi
socio-judiciaire s'appliquent pendant chaque interruption
de la peine privative de liberté.
L'article 8 de la loi introduit dans le livre V du code
de procédure pénale consacré à l'exécution des
peines les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre
du suivi socio-judiciaire. Ces dispositions devront être
précisées par un décret en Conseil d'Etat (article
763-9 du code de procédure pénale).
Comme pour la plupart des peines alternatives ou pour
l'aménagement des peines privatives de liberté, le juge
de l'application des peines est au centre du dispositif.
Le magistrat compétent est celui du lieu de résidence
du condamné ou, s'il habite à l'étranger ou n'a pas de
résidence fixe, celui du tribunal ayant statué en
première instance (article 763-1 du code de procédure
pénale).
De même le condamné devra répondre à tout moment aux
convocations du juge de l'application des peines, ou du
service pénitentiaire de probation par lui désigné,
pour justifier du respect de ses obligations et, si
l'injonction de soins a été prononcée, du suivi du
traitement.
C'est en effet sur le condamné - et non sur le médecin
traitant - que repose l'obligation de justifier de ce
suivi, le condamné devant notamment produire les
certificats médicaux qui lui seront remis par son
médecin (article 763-2).
Enfin, comme en matière de sursis avec mise à
l'épreuve, le juge de l'application des peines pourra à
tout moment modifier ou compléter les mesures de
surveillance ou d'assistance du suivi socio-judiciaire
(article 763-3).
Il pourra en particulier prononcer une injonction de
soins, si une nouvelle expertise, qu'il pourra ordonner
à tout moment, conclut que le condamné est accessible
à un traitement (article 763-3, alinéa 3). Cette
possibilité lui permettra de tirer les conséquences de
l'évolution de la personnalité du condamné pendant sa
détention et pendant le suivi de la mesure.
Mais au-delà de ce rôle traditionnel du juge de
l'application des peines, le législateur a aussi entendu
lui reconnaître un véritable statut de juridiction, qui
modifie profondément le sens de ses fonctions.
C'est ainsi que la décision de mettre à exécution
l'emprisonnement encouru en cas d'inobservation des
obligations du suivi socio-judiciaire sera prise à
l'issue d'un débat contradictoire, en chambre du
conseil, et devra être motivée. Elle pourra être
frappée d'appel, dans les délais de droit commun,
devant la chambre des appels correctionnels, tant par le
parquet que par le condamné (article 763-5, alinéa
premier, du code de procédure pénale).
De même, pour permettre un contrôle efficace du
condamné, le juge de l'application des peines pourra
dorénavant délivrer contre ce dernier des mandats
d'amener ou d'arrêt, dans les conditions de procédure
de droit commun applicables devant le juge d'instruction
(article 763-5, alinéas deux, trois et quatre). Il
s'agit ici d'une innovation importante, qui d'une part
confère aux décisions du juge de l'application des
peines une célérité, une crédibilité et une
autorité accrues, et offre d'autre part à ce magistrat
une autonomie nouvelle dans la mesure où il n'aura plus
à faire diffuser comme par le passé ses ordres de
recherche par l'intermédiaire du parquet.
En demier lieu, l'article 763-6 prévoit les conditions
dans lesquelles le condamné pourra demander le
relèvement de sa condamnation, conditions qui sont plus
restrictives que celles du droit commun.
1.2.2. Modalités propres à l'injonction de soins
1.2.2.1. Dispositions concemant les soins qui pourront
intervenir pendant la détention
L'article 763-7 organise la liaison entre le traitement
médical qui aura lieu après la libération du condamné
- si ce demier a été condamné en même temps à une
peine privative de liberté - et le traitement subi
pendant l'incarcération.
Pour des raisons d'éthique médicale, un traitement ne
peut être imposé à une personne détenue. En revanche,
il convient de faciliter autant qu'il est possible un tel
traitement, et d'inciter le condamné à y recourir.
C'est pourquoi, il est tout d'abord prévu que les
personnes faisant l'objet d'une injonction de soins
devront être incarcérées dans les établissements
mentionnés à l'article 718 du code de procédure
pénale, permettant de leur assurer un traitement
médical et psychologique adapté (article 763-7, alinéa
1).
De même, afin d'inciter le condamné à commencer son
traitement en détention, le juge de l'application des
peines doit, au moins une fois tous les six mois, lui
proposer de suivre un traitement (article 763-7, alinéa
2).
Enfin, l'article 721-1 du code de procédure pénale
modifié par l'article 6 de la loi précise que, sauf si
le juge de l'application des peines en décide autrement,
les condamnés refusant de suivre un traitement pendant
leur incarcération ne seront pas considérés comme
manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale
donnant droit à des réductions de peine
supplémentaires.
1.2.2.2. Modalités d'exécution de l'injonction de
soins en milieu ouvert
Les dispositions insérées dans le code de la santé
publique précisent les relations qui devront s'instaurer
entre le corps médical et l'institution judiciaire.
Le juge de l'application des peines devra désigner un
médecin coordonnateur, inscrit sur une liste établie
par le procureur de la République. Ce médecin
coordonnateur aura une quadruple mission (article L.
355-33) :
- inviter le condamné à choisir, avec son accord, un
médecin traitant. Un tel accord est nécessaire pour
garantir, tout en respectant au maximum le principe du
libre choix du médecin par son patient, que le médecin
traitant désigné dispose bien des compétences
nécessaires pour suivre la personne condamnée ;
- conseiller le médecin traitant, si celui-ci en fait la
demande ;
- transmettre au juge de l'application des peines les
éléments nécessaires au contrôle du suivi de
l'injonction de soins : le médecin traitant pourra ainsi
n'avoir aucun contact direct avec les autorités
judiciaires ;
- conseiller le condamné dont le suivi socio-judiciaire
vient à expiration sur les possibilités dont il dispose
de poursuivre, si cela s'avérait nécessaire, le
traitement entrepris dans le cadre de l'exécution de son
injonction de soins.
Les expertises médicales et psychologiques réalisées
pendant l'enquête ou l'instruction, ou ordonnées par le
juge de l'application des peines, ainsi que toutes
pièces de la procédure qui s'avéreraient utiles,
pourront être communiquées, à sa demande, au médecin
traitant, par l'intermédiaire du médecin coordonnateur
(article L. 355-34).
Le médecin traitant établira des attestations de suivi
du traitement à intervalles réguliers, ce qui permettra
au condamné de justifier auprès du juge de
l'accomplissement de son obligation de soins (article L.
355-34 alinéa 3).
La loi précise également que ce médecin traitant est
habilité, sans que puissent lui être opposées les
dispositions relatives au secret médical, à informer
sans délai le juge de l'application des peines ou
l'agent de probation de la cessation du traitement ou des
difficultés survenues dans son exécution. Il ne s'agira
nullement d'une obligation, mais d'une possibilité
laissée à la conscience du thérapeute. Celui-ci pourra
préférer avertir le médecin coordonnateur, qui
préviendra alors le juge de l'application des peines
(article L. 355-35).
Le thérapeute pourra aussi proposer lui-même au juge de
l'application des peines d'ordonner une expertise
médicale.
Ces dispositions n'ont évidemment pas vocation à
régler l'ensemble des questions concernant les relations
entre l'autorité judiciaire et les thérapeutes. Seuls
les principes essentiels figurent dans la loi, et un
décret en Conseil d'Etat viendra préciser les
conditions d'application de l'injonction de soins.
Il peut toutefois être dès à présent indiqué que
seul le médecin traitant déterminera le traitement
adapté à l'état du condamné, en définira la nature
et la périodicité, et procédera aux modifications du
traitement nécessitées par l'évolution de l'état de
son patient.
1.3. Application du suivi socio-judiciaire aux mineurs
L'article 763-8 précise que la mesure de suivi
socio-judiciaire peut être prononcée à l'encontre des
mineurs. L'article 45 de la loi vient à ce titre
modifier la rédaction de l'article 20-4 de l'ordonnance
du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante,
dans un souci de lisibilité, en dressant la liste, à la
place d'un renvoi aux numéros des articles du code
pénal, des peines qui ne peuvent être prononcées
contre les mineurs.
Pour l'application du suivi socio-judiciaire, l'ensemble
des attributions du juge de l'application des peines
seront exercées par le juge des enfants.
Toutefois, compte tenu de la durée probable de la
mesure, il a été prévu que le juge des enfants pouvait
toujours se dessaisir au profit du juge de l'application
des peines ou saisir directement le service
pénitentiaire de probation, dès lors que le condamné
avait atteint l'âge de la majorité. Il peut en effet se
produire, notamment en matière criminelle, qu'à raison
de la peine d'emprisonnement subie, le mineur doive être
suivi bien au-delà de l'âge de 21 ans.
1.4. Application dans le temps des nouvelles
dispositions
Bien qu'elles aient pour objet de prévenir la récidive,
les dispositions relatives au suivi socio-judiciaire
aggravent la répression des infractions sexuelles et
présentent un caractère plus sévère. Elles ne
pourront donc être prononcées qu'à l'encontre des
auteurs d'infractions sexuelles commises après l'entrée
en vigueur de la présente loi, c'est-à-dire après sa
date de publication au Journal Officiel, qui est
intervenue le 18 juin 1998.
La mise en oeuvre effective des obligations résultant du
suivi socio-judiciaire, et plus particulièrement de
l'injonction de soins, nécessite cependant la
publication des décrets d'application prévus par les
articles 763-9 du code de procédure pénale et L. 355-37
du code de la santé publique, et qui devrait intervenir
avant la fin de l'année.
Toutefois, l'expertise prévue par l'article 706-47 du
code de procédure pénale en matière de crimes et de
délits sexuels (cf supra page 5) est d'ores et déjà
obligatoire. Il convient donc, compte tenu, d'une part,
des délais prévisibles des procédures, et, d'autre
part, de la durée des peines privatives de liberté
susceptibles d'être prononcées, d'interroger l'expert
ou les experts désignés sur l'opportunité d'une
injonction de soins dès lors que les faits ont été
commis après le 18 juin 1998.
Par ailleurs, même si le libellé des missions
d'expertise actuelles en ce qu'il porte sur
l'accessibilité aux soins de la personne poursuivie
semble satisfaire aux exigences posées par la loi, il
paraît préférable de poser dès maintenant la question
telle qu'elle résulte des dispositions de l'article
763-9 : "le prononcé d'une injonction de soins dans
le cadre d'un suivi socio-judiciaire est-il opportun
?".
2. DISPOSITIONS RENFORÇANT LA RÉPRESSION DES
INFRACTIONS SEXUELLES
De très nombreuses dispositions des titres II et III de
la loi procèdent à une aggravation de la répression
des infractions de nature sexuelle. Cette aggravation
conceme principalement des infractions spécifiquement
commises contre des mineurs, mais elle concerne
également des infractions sexuelles qui ne sont pas
définies comme portant atteinte aux mineurs, même si
c'est dans de telles hypothèses que le renforcement de
la répression est le plus justifié.
2.1. Dispositions renforçant la répression des
infractions sexuelles commises contre les mineurs
2.1.1. Répression des atteintes sexuelles commises
sur les mineurs de quinze ans
L'article 18 de la loi aggrave les peines encourues pour
les atteintes sexuelles sur mineurs commises sans
violence (article 227-25 du code pénal). Ces peines sont
portées de deux à cinq ans d'emprisonnement et de 200
000 à 500 000 F d'amende.
Une telle aggravation - qui constitue un retour aux
peines que prévoyait l'ancien code pénal pour les
attentats à la pudeur - est justifiée à la fois par la
gravité de ces agissements et par le fait que les peines
prévues par l'article 227-26 en cas d'application des
circonstances aggravantes avaient été fixées par le
législateur de 1992 à cinq fois le niveau de celles
prévues pour l'infraction non aggravée (dix ans
d'emprisonnement et 1 000 000 F d'amende), ce qui rompait
curieusement avec la structure générale de la nouvelle
échelle des peines.
2.1.2. Répression de la pornographie enfantine
L'article 17 modifie le délit de pornographie enfantine
(article 227-23 du code pénal) sur quatre points.
L'objet du délit, qui jusqu'à présent était défini
comme l'image d'un mineur, c'est-à-dire en pratique la
reproduction picturale, photographique ou
cinématographique d'un enfant, est étendu à toute
représentation d'un mineur. Il peut donc s'agir d'images
non réelles représentant un mineur imaginaire, c'est à
dire des dessins, ou même des images résultant de la
transformation d'une image réelle : photo-montage,
détoumement ou superposition d'images, transformation
informatique de documents graphiques numérisés (
"morphing " ), etc. . .
L'importation et l'exportation de tels documents sont
désormais incriminées spécifiquement. Si la vigilance
des services spécialisés d'enquête permet en effet de
limiter la production sur le territoire français de ces
documents pédophiles, elle ne peut en revanche s'exercer
en dehors de nos frontières, et les affaires instruites
à la suite de saisies réalisées en France démontrent
que les contrôles à l'étranger, y compris dans
certains pays de l'Union européenne, n'entravent pas
totalement la circulation de ces documents.
La nouvelle rédaction de l'article 227-23 clarifie donc
les éléments constitutifs de l'infraction en réprimant
spécifiquement le fait d'importer les documents
pornographiques mettant en scène des mineurs, y compris
lorsque les documents ne font que transiter par le
territoire français pour être ensuite réexpédiés
dans des pays tiers ; elle permet par ailleurs
l'institution d'un contrôle aux frontières des
documents de provenance étrangère mais à statut
communautaire. A ce titre, l'article 46 de la loi modifie
l'article 38 (4) du code des douanes, qui fixe la liste
des produits sur lesquels un contrôle douanier peut
être mis en place à l'intérieur des frontières de
l'Union.
Les peines prévues pour ces infractions sont portées de
un à trois ans. Elles sont encourues indistinctement
selon que le mineur en cause était âgé ou non de plus
de quinze ans. La circonstance de minorité de quinze ans
est donc supprimée, la seule circonstance aggravante
étant constituée, comme cela a été indiqué plus
haut, par l'utilisation, pour la diffusion vers un public
indéterminé, d'un réseau de télécommunications. La
peine est portée dans ce cas de trois à cinq ans
d'emprisonnement, le quantum de l'amende n'étant pas
modifié.
Enfin, l'article 227-23 est complété par un alinéa
précisant que le délit s'applique aux images d'une
personne ayant l'apparence d'un mineur, sauf s'il est
établi que cette personne était âgée de dix-huit ans.
Il s'agit de créer une présomption simple de minorité
et de renverser ainsi la charge de la preuve, qui pèsera
maintenant sur la personne poursuivie.
2.1.3. Répression du "tourisme sexuel"
L'article 19, pour mieux réprimer toutes les formes de
"tourisme sexuel", étend
l'extraterritorialité de la loi pénale française, en
ce qui concerne à la fois les conditions de son
application et les personnes auxquelles les infractions
peuvent être reprochées.
Il est ainsi procédé à l'extension de l'application de
la loi française pour l'ensemble des crimes ou délits
sexuels commis contre des mineurs à l'étranger, alors
qu'actuellement, cette extension n'est prévue en
matière délictuelle, sans condition de réciprocité ni
de dénonciation ou de plainte préalable, que pour les
atteintes sexuelles accompagnées du versement d'une
rémunération (articles 222-22 et 227-27-1 du code
pénal, résultant des articles 19-1 & III). Par
coordination, le dernier alinéa de l'actuel article
227-26 du code pénal est supprimé (article 19-II).
Par ailleurs, la loi pénale française s'appliquera
désormais dans ce domaine, non seulement aux Français,
mais encore aux personnes résidant habituellement sur le
territoire français. La différence des situations
juridiques réservées aux Français et aux étrangers
vivant en France, ces derniers échappant à toutes
poursuites, est apparue injustifiable au législateur.
2.1.4. Règles de prescription
Les articles 25 et 26 modifient les articles 7 et 8 du
code de procédure pénale relatifs à la prescription
des infractions commises à l'encontre des mineurs, et
étendent la règle du report du point de départ du
délai à la date de la majorité aux infractions
commises contre un mineur par toute personne, et non plus
seulement pour les infractions commises par les parents
du mineur ou par des personnes ayant autorité sur lui.
En matière criminelle, comme dans les rédactions issues
des lois du 10 juillet 1989 et du 4 février 1995, cette
règle s'applique qu'il s'agisse ou non d'infractions
sexuelles.
En matière délictuelle en revanche, cette règle a
été limitée aux violences, aux agressions sexuelles,
à la corruption de mineur et aux atteintes sexuelles,
seules hypothèses dans lesquelles elle présente une
véritable justification et une utilité pratique.
Par ailleurs, un alinéa est ajouté à l'article 8 du
code de procédure pénale, selon lequel la prescription
de l'action publique pour les deux délits d'agressions
et d'atteintes sexuelles les plus graves, c'est-à-dire
ceux prévus par les articles 222-30 et 227-26 du code
pénal et qui sont punis de dix ans d'emprisonnement, est
portée de trois à dix ans, comme en matière
criminelle. Cet alignement des prescriptions délictuelle
et criminelle dans ces deux hypothèses se justifie par
le fait qu'en pratique, la distinction entre ces délits
et les faits de nature criminelle est parfois
extrêmement ténue.
L'article 50 de la loi précise que ces deux articles
concernant la prescription sont immédiatement
applicables aux infractions commises avant l'entrée en
vigueur de la loi, dès lors que la prescription n'est
pas encore acquise. Il s'agit là d'une exception aux
dispositions de l'article l12-2 (4°) du code pénal (1).
(1) Ainsi, en application
des nouvelles dispositions, un viol commis en 1989 sur un
mineur de 10 ans par une personne autre qu'un ascendant
ou une personne ayant autorité *par exemple par un
voisin), et qui aurait normalement été prescrit en
1999, ne sera donc prescrit qu'en 2007, 10 ans après que
la victime ait atteint ses 18 ans.
De même, des atteintes sexuelles commises par plusieurs
personnes sur un mineur de 8 ans en août 1995,
normalement prescrites en août 1998, ne seront
prescrites qu'en 2015, 10 ans (et non 3) après la
majorité de la victime.
2.1.5 Responsabilité pénale des personnes morales
La volonté d'aggraver la répression en matière
d'infractions sexuelles ou d'infractions commises contre
des mineurs a conduit à étendre la responsabilité des
personnes morales aux délits suivants (art. 227-28-1
introduit par l'article 20) : délits de provocation de
mineur à commettre des actes dangereux ou illicites
(art. 227-18 à 227-21) ; corruption de mineur (art.
227-22) ; délit d'exploitation de la pornographie
enfantine (art. 227-23) ; diffusion de messages violents
ou pornographiques (art. 227-24) et atteintes sexuelles
sur mineur sans violence (art. 227-25 et 227-25-26).
Par ailleurs, en application du nouvel article 450-4 du
code pénal résultant de l'article 22, la
responsabilité pénale des personnes morales est
maintenant prévue en matière d'association de
malfaiteurs.
Cette innovation peut s'avérer très utile non seulement
dans le domaine du tourisme sexuel à l'encontre de
certaines agences de voyage mais aussi dans tous les
secteurs d'activité où le crime organisé sévit.
2.1.6. Peines complémentaires
L'article 21 prévoit que la peine de confiscation de la
chose qui a servi ou était destinée à commettre
l'infraction ou de la chose qui en est le produit sera
désormais encourue pour toutes les infractions
d'atteintes aux mineurs et à la famille. Cette
disposition permettra notamment la confiscation des
revues ou vidéocassettes pédophiles, ainsi que du
produit financier de ces infractions (article 21).
L'article 12 de la loi complète, pour toutes les
agressions sexuelles, ainsi que pour les atteintes
volontaires à l'intégrité des personnes et les trafics
de stupéfiants, la liste des peines complémentaires
encourues par les personnes physiques, en y ajoutant la
peine d'interdiction d'exercer toute activité impliquant
un contact avec des mineurs.
La durée de cette peine, qui est identique à la
nouvelle mesure de surveillance susceptible d'être
prononcée dans le cadre du suivi socio-judiciaire, est
soit de dix ans au plus, soit définitive.
Pour assurer l'application de cette peine
complémentaire, mais aussi celle de la mesure de suivi
socio-judiciaire durant toute la durée fixée par la
décision de condamnation, et pour que ces peines restent
notamment inscrites aux bulletins n° 2 et 3 du casier
judiciaire, l'article 41 de la loi introduit des
aménagements aux effets de la réhabilitation et du
non-avenu des condamnations prononcées avec sursis,
simple ou avec mise à l'épreuve.
Ainsi, le suivi socio-judiciaire et la peine
complémentaire d'interdiction, qui pourront avoir une
durée plus importante que les délais de réhabilitation
légale - de 3 à 5 ans -ou du non avenu - 3 à 5 ans -,
resteront inscrits jusqu'à leur terme au casier
judiciaire.
Ces dispositions permettront en particulier aux
organismes qui désirent employer, bénévolement ou non,
des personnes pour des activités d'encadrement de
mineurs, de s'assurer avec toutes les garanties
nécessaires, par l'exigence de la production par les
candidats d'un bulletin n 3, que ces demiers ne font
l'objet d'aucune condamnation incompatible avec les
activités envisagées.
2.1.7. Régime de l'expertise préalable aux mesures
d'aménagement des peines privatives de liberté
Les articles 29 et 30 modifient le cinquième alinéa de
l'article 722 du code de procédure pénale pour étendre
l'expertise psychiatrique préalable obligatoire à
l'octroi, par le juge de l'application des peines, des
mesures d'aménagement de peine, dans deux séries
d'hypothèses.
Il s'agit en premier lieu de l'octroi des réductions de
peines, qui n'est pas soumis aujourd'hui à d'autres
conditions que celles prévues par les articles 721 et
721-1, et pour lequel l'expertise sera désormais
obligatoire si la réduction de peine a pour effet de
rendre le détenu immédiatement libérable. Cette
disposition, introduite par l'Assemblée nationale,
devrait en réalité avoir des répercussions limitées.
En effet, les réductions de peines sont en principe
calculées sur une période de détention écoulée, et,
dans la pratique, les juges de l'application des peines
examinent la situation de chaque condamné en anticipant
sur la date effective de sortie pour qu'elles reçoivent
leur plein effet. Il est donc extrêment rare qu'une
décision octroyant une réduction de peine ait pour
effet d'entraîner la libération immédiate.
Il s'agit en second lieu de rendre cette même expertise
obligatoire pour les infractions les plus graves commises
sur tous les mineurs, et non plus simplement, comme dans
le texte actuel, sur les seuls mineurs de quinze ans.
2.2. Renforcement de la répression des infractions
sexuelles non spécifiques aux mineurs
L'aggravation de la répression des infractions sexuelles
résultant des dispositions de la loi du 17 juin 1998
concerne également des crimes et des délits dont les
victimes ne sont pas nécessairement des mineurs.
2.2.1. Récidive des infractions sexuelles
L'article 10 insère dans le code pénal un nouvel
article 132-16-1 qui assimile, au regard des règles de
la récidive légale, les délits d'agressions sexuelles
(commises contre un majeur ou contre un mineur) et les
délits d'atteintes sexuelles commises sur mineur, comme
le font actuellement les articles 132-16 pour le vol,
l'extorsion, le chantage, l'escroquerie et l'abus de
confiance, et l'article 321-5 pour le recel et
l'infraction dont provient le bien recelé.
Cette disposition modifie les conséquences qui
résultent de l'entrée en vigueur du nouveau code pénal
sur l'appréciation de l'état de récidive légale, en
opérant une distinction entre les différentes
infractions qui étaient auparavant qualifiées
d'attentats à la pudeur.
En effet, depuis 1994, l'auteur d'une atteinte sexuelle
prévue par l'article 227-25 du code pénal et qui
commettait trois ans plus tard une agression sexuelle
prévue par l'article 222-29 (1°), n'était pas
considéré comme ayant commis la seconde infraction en
récidive légale, alors que, sous l'empire de l'ancien
code, les deux infractions constituaient le même délit
prévu par l'article 331 du code pénal, et n'étaient
différenciées que par la circonstance aggravante de
violence.
2.2.2. Elargissement de la définition du harcèlement
sexuel
La définition du harcèlement sexuel, prévu par
l'article 222-33 du code pénal (1), est modifiée par
l'article II pour tenir compte de comportements qui,
quoique non constitutifs d'ordres, de contraintes ou de
menaces, constituent des atteintes intolérables aux
personnes.
Le législateur a ainsi voulu que soit reconnu le
caractère répréhensible des pressions que subissent
des personnes de la part d'un tiers qui abuse de son
autorité. Cette disposition protègera en particulier
les salariés victimes de comportements de cette nature
dans le cadre de leur activité professionnelle.
L'extension de la loi pénale a toutefois été limitée
aux seules pressions graves, le législateur ayant
considéré que la notion de "pressions de toute
nature" envisagée par le projet du Gouvemement ne
définissait pas suffisamment l'infraction et donnait au
juge un pouvoir d'appréciation trop large.
(l) L'article II de la loi du 17 juin 1998, qui visait
initialement l'article 222-23 du code pénal, a fait
l'objet d'un rectificatif au J.O. du 2 juillet 1998, p.
10078.
2.2.3. Prise en compte de l'utilisation de nouveaux
médias et notamment du réseau INTERNET
L'essor des réseaux informatiques comme le minitel et,
plus récemment, le réseau Intemet, permet à certains
de réaliser plus facilement des infractions de nature
sexuelle, notamment si la victime est un mineur.
C'est pourquoi la loi (articles 13 et 17) érige en
circonstance aggravante l'utilisation d'un réseau de
télécommunications, dès lors que l'auteur de ces
infractions est entré en contact avec sa victime grâce
à la diffusion sur ce réseau de messages destinés à
un public non déterminé pour commettre l'une des
infractions suivantes, y compris, dans les trois premiers
cas, si l'infraction a été commise sur un majeur :
- viol (article 222-24) ;
- agression sexuelle (article 222-28);
- proxénétisme (article 225-7);
- corruption de mineur (article 227-22) ;
- atteinte sexuelle sur mineur sans violence (article
227-26) ;
- pornographie enfantine (article 227-23).
Il convient d'observer que la définition donnée par les
nouveaux textes pour les réseaux de télécommunications
exclut la circonstance aggravante en cas de
correspondances privées, tels que les appels
téléphoniques entre particuliers.
2.2.4. Fichier national des empreintes génétiques
Il est institué un fichier national automatisé des
empreintes génétiques destiné à faciliter
l'identification et la recherche des auteurs
d'infractions sexuelles (article 706-54).
Le décret en Conseil d'Etat nécessaire à la mise en
place de ce fichier sera prochainement soumis pour avis
à la commission nationale de l'informatique et des
libertés.
Une circulaire d'application des nouvelles dispositions
sera alors adressée aux juridictions.
3. DISPOSITIONS AMÉLIORANT LA SITUATION DES MINEURS
VICTIMES
Deux séries de dispositions de la loi viennent
améliorer de façon significative la situation des
mineurs victimes d'infractions sexuelles. Les plus
importantes sont insérées dans un nouveau titre du code
de procédure pénale. Les autres, de nature diverse,
concement la procédure pénale, le droit pénal, le
droit civil et la loi sur la presse.
3.1. Dispositions insérées dans le nouveau titre XIX
du livre IV du code de procédure pénale
Les principales modifications concemant les mineurs
victimes d'infractions sexuelles sont regroupées dans un
nouveau titre du code de procédure pénale inséré dans
le livre IV relatif aux procédures particulières, qui
est intitulé "De la procédure applicable aux
infractions de nature sexuelle et de la protection des
mineurs victimes". Elles aboutissent à la création
d'un statut spécifique et protecteur de ces victimes.
3.1.2. Expertise des mineurs victimes
L'article 706-48 précise les conditions dans lesquelles
la victime mineure d'une infraction sexuelle pourra faire
l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée
à apprécier la nature et l'importance de son
préjudice.
Comme pour l'expertise prévue à l'article 706-47, le
procureur de la République pourra l'ordonner dès le
stade de l'enquête. Cette solution met un terme à la
distinction entre les examens techniques que le parquet
pouvait ordonner et les expertises ordonnées par la
juridiction d'instruction.
Est ainsi évité l'inconvénient d'une double mesure
d'investigation pour la victime. Le législateur,
conscient par ailleurs de ce que cette expertise pouvait
ajouter encore au traumatisme de la victime, ne l'a pas
rendue obligatoire.
Mais dès lors qu'elle a pour finalité de préciser, le
cas échéant, la nature des soins dont la victime devra
faire l'objet et de lui permettre ainsi de bénéficier
de soins ou d'un soutien thérapeutique durant la phase
préalable au procès, cette expertise est déterminante.
Il convient de préciser que l'article 31 de la loi
apporte par ailleurs une modification importante au
régime de remboursement de ces frais. Ainsi, aux termes
du nouvel article L.322-3 du code de la sécurité
sociale, les soins dispensés aux mineurs victimes
d'atteintes sexuelles seront pris en charge à 100 % par
la sécurité sociale.
3.1.2. Information du juge des enfants
L'article 706-49 organise l'échange d'information au
sein de la juridiction, et fait obligation pour le
procureur de la République ou le juge d'instruction, si
une procédure d'assistance éducative a été ouverte,
d'informer sans délai le juge des enfants de l'existence
d'une procédure pénale concemant les mineurs victimes
d'infractions sexuelles.
Bien évidemment, l'obligation ne fait pas disparaître
la possibilité dont disposent le procureur de la
République et le juge d'instruction d'informer le juge
des enfants, même hors le cas d'ouverture d'une
procédure d'assistance éducative.
3.1.3. Intervention de l'administrateur ad hoc
Les articles 706-50 et 706-51 modifient profondément le
régime de l'intervention de l'administrateur ad hoc.
Dans le régime antérieur, la désignation d'un tel
administrateur était facultative et n'était possible
qu'au cas où les faits faisant l'objet de l'instruction
avaient été commis volontairement par le titulaire de
l'exercice de l'autorité parentale.
Désormais, en cas d'opposition d'intérêt entre le
mineur et l'un de ses représentants légaux, et même
simplement lorsque les représentants légaux du mineur
ne défendent pas complètement les intérêts de
celui-ci, par exemple lorsque les sévices auront été
commis par le concubin ou le nouveau conjoint d'un de ses
parents, le juge d'instruction devra désigner
l'administrateur ad hoc. Le législateur a par ailleurs
précisé la mission de l'administrateur ad hoc, qui,
outre l'exercice des droits reconnus à la partie civile,
est chargé de la protection des intérêts du mineur.
Ces règles viennent désormais se substituer à
l'article 87-1 du code de procédure pénale issu de la
loi du 10 juillet 1989, abrogé par l'article 49 de la
loi.
L'administrateur ad hoc se voit aussi reconnaître un
réel statut. En effet, sont définies dans la loi les
conditions de sa désignation - soit parmi les proches du
mineur, soit sur une liste de personnalités constituée
selon les modalités prévues par décret en Conseil
d'Etat -.
Les textes réglementaires nécessaires paraîtront
prochainement et feront alors l'objet d'un commentaire
particulier. Bien évidemment, tant que ces textes
n'auront pas été publiés, les limitations concemant
les personnalités susceptibles d'être désignées comme
administrateur ne sont pas applicables, et les personnes
qui étaient habituellement désignées en vertu de
l'ancien article 87-1 peuvent continuer de l'être.
3.1.4. Audition des mineurs victimes
- Enregistrement des auditions des mineurs
L'article 706-52 systématise l'enregistrement
audiovisuel de l'audition des victimesd'infractions
sexuelles.
Cette modalité a été rendue obligatoire par les
députés et les sénateurs à l'issue de la commission
mixte paritaire, alors que le projet du Gouvemement
n'avait pour objet que de donner une base légale aux
expériences menées depuis quelques années dans une
dizaine de juridictions.
Compte tenu de l'importance de cette modification de
procédure, son entrée en vigueur a été reportée au
1er juin 1999 (article 48 de la loi). Une circulaire
d'application spécifique sur les conditions matérielles
et juridiques de mise en oeuvre de cette disposition sera
diffusée ultérieurement.
- Accompagnement du mineur par un tiers
L'article 706-53 reconnaît au mineur le droit, au cours
de ses auditions et y compris lors de l'enquête, d'être
accompagné d'une personne chargée de le soutenir
moralement et d'éviter ainsi que les formalités de
l'enquête n'aboutissent à accroître les traumatismes
subis.
Il pourra s'agir d'un proche de l'enfant, de
l'administrateur ad hoc, d'un psychologue ou d'un
psychiatre spécialistes de l'enfance, ou encore d'une
personne investie d'un mandat du juge des enfants.
3.2. Autres dispositions
3.2.1. Constitution de partie civile des associations
spécialisées
L'article 23 modifie l'article 2-2 du code de procédure
pénale pour permettre aux associations déclarées de
lutte contre les violences sexuelles d'intervenir plus
facilement aux côtés de la victime mineure, dans deux
séries de cas.
Désormais, l'association pourra obtenir directement du
juge des tutelles l'autorisation de se constituer partie
civile, lorsqu'il y a lieu de craindre une opposition
entre les intérêts de l'enfant et ceux de son
représentant légal.
Ensuite, les associations seront habilitées à se
constituer partie civile sans accord préalable pour
toutes les infractions liées notamment au tourisme
sexuel.
L'article 24 modifie l'article 2-3 du code de procédure
pénale pour permettre aux associations dont l'objet
statutaire serait exclusivement de défendre ou
d'assister les "enfants victimes d'atteintes
sexuelles" de se constituer parties civiles au même
titre que les associations chargées de défendre
l'enfance martyrisée.
3.2.2. Motivation des classements sans suite
L'article 27 modifie l'article 40 du code de procédure
pénale en faisant obligation au procureur de la
République de motiver et de notifier, par écrit, à la
victime sa décision de classement sans suite dès lors
qu'il s'agit d'une plainte pour infraction sexuelle
commise sur mineur.
3.2.3. Non révélation des atteintes sexuelles sur
mineur
L'article 15 modifie l'article 226-14 du code pénal pour
mettre en évidence que les professionnels soumis au
secret, comme les assistantes sociales, sont déliés de
ce secret pour révéler les atteintes sexuelles commises
sur des mineurs.
Par ailleurs, sont modifiés les éléments constitutifs
du délit de non-dénonciation de crimes sur mineur
prévu par l'article 434-3 du code pénal, qui ne visait
jusqu'à présent que les mauvais traitements et les
privations. La non-dénonciation d'atteintes sexuelles
sur mineurs est donc désormais incriminée
expressément, ce qui mettra un terme aux hésitations
sur l'interprétation de la notion de mauvais traitements
à enfant (article 15-2).
3.2.4. Prescription de l'action en responsabilité
civile
L'article 43 tire les conséquences du prolongement des
délais de prescription de l'action publique en portant
le délai de prescription de l'action en responsabilité
civile de l'article 2270-1 du code civil à vingt ans. Ce
délai était en effet de dix ans depuis la loi du 5
juillet 1985.
Cette disposition permettra aux victimes mineures au
moment des faits de faire valoir leurs droits à
indemnité, malgré la prescription de l'action publique,
jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de 38 ans,
puisqu'en application de l'article 2252 du code civil, la
prescription ne court pas contre les mineurs.
3.2.5. Règles concernant la diffamation
L'article 44 modifie l'article 35 de la loi du 19 juillet
1881 sur la liberté de la presse, qui est relatif aux
conditions de recevabilité de l'offre de preuve dans le
cadre d'un procès en diffamation.
En effet, l'article 35 interdit cette preuve dans trois
cas : l'imputation porte sur la vie privée de la
personne ; elle porte sur des faits remontant à plus de
dix années ; elle porte sur des faits couverts par
l'amnistie, la prescription, la réhabilitation ou la
révision.
Lorsque les imputations diffamatoires concernent la
commission d'une infraction sexuelle, la loi autorise
désormais les victimes d'infractions sexuelles à
apporter la preuve de la réalité des faits pour
lesquels elles sont poursuivies en diffamation, mais
uniquement dans les deux premières séries
d'hypothèses, les parlementaires ayant estimé qu'il ne
pouvait être dérogé aux règles de principe régissant
l'amnistie et la réhabilitation.
4. RÉPRESSION DES INFRACTIONS COMMISES EN MILIEU
ÉDUCATIF OU SCOLAIRE
4.1. Institution d'un délit de bizutage
Certains faits commis par des élèves ou étudiants à
l'encontre d'autres élèves ou étudiants dans le milieu
scolaire ou éducatif constituent des atteintes
inadmissibles à la dignité de la personne. Dans les cas
les plus graves, ces faits constituent d'ores et déjà
des infractions pénales. Mais tel n'est pas toujours le
cas.
Le législateur a donc voulu, comme il l'avait fait à
propos du harcèlement sexuel en 1992 lors de l'adoption
du nouveau code pénal, instituer une incrimination
spécifique qui réponde aux conditions particulières du
passage à l'acte. Elle repose sur l'idée que le groupe
peut exercer une pression telle que la victime, même si
elle consent en apparence aux activités qui lui sont
demandées, n'est en réalité pas libre de refuser
d'exécuter ou de subir les actes qu'on lui demande.
L'article 225-16-1 du code pénal, introduit par
l'article 14 de la loi, punit ainsi de six mois
d'emprisonnement et 50 000 F d'amende le fait d'amener
une personne, contre son gré ou non, à subir ou à
commettre des actes humiliants ou dégradants lors de
manifestations ou réunions liées aux milieux scolaire
et socio-éducatif.
Le champ d'application de cette infraction, qui n'est pas
étendue au milieu professionnel ou associatif comme le
souhait s'en était exprimé au cours des débats
parlementaires, est limité aux faits commis lors de
manifestations ou réunions liées aux milieux scolaire
et socio-éducatif. La notion de "milieux scolaire
et socio-éducatif" ne conceme pas uniquement les
établissements scolaires du premier degré, mais vise
également les collèges, les lycées, les universités
et les grandes écoles, qu'il s'agisse d'établissements
publics ou privés. Sont également concemés les
établissements d'enseignement spécialisé, comme par
exemple ceux accueillant des personnes handicapées. Par
ailleurs, les faits réprimés ne sont pas
nécessairement commis à l'intérieur d'une enceinte
scolaire, mais doivent présenter un lien avec
l'activité scolaire des acteurs de la manifestation,
même si l'auteur ou la victime des faits n'appartiennent
pas à l'établissement concerné.
Les actes subis ou commis par la victime doivent revêtir
un caractère humiliant ou dégradant pour que
l'infraction soit constituée. Le délit de bizutage ne
fait toutefois pas double emploi avec les infractions de
violences, menaces ou atteintes sexuelles existant déjà
mais a un champ d'application spécifique. Pourrait
ainsi, par exemple, constituer une infraction de bizutage
le fait d'exiger d'une personne qu'elle circule dévêtue
sur la voie publique, le fait de la contraindre à
exciter sexuellement un animal, le fait de demander à
une personne de se livrer en public à un simulacre
d'acte sexuel, etc ...
L'article 225-16-2 du code pénal élève les peines du
bizutage à un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende
lorsque les faits sont commis sur une personne dont la
particulière vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique
ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente
ou connue de leur auteur. La définition de la
particulière vulnérabilité est celle habituellement
utilisée par le nouveau code pénal.
Enfin, la responsabilité pénale des personnes morales
est prévue par l'article 225-16-3, ce qui vise
principalement les associations d'anciens élèves.
4.2. Circonstance aggravante de commission dans un
établissement scolaire ou éducatif
L'article 16 de la loi crée une circonstance aggravante
générale concemant divers délits susceptibles d'être
commis sur des mineurs dans le cadre de leurs activités
scolaires.
Cette aggravation interviendra lorsque ces faits seront
commis à l'intérieur ou aux abords d'un établissement
scolaire ou éducatif.
Il en est ainsi des violences et des délits de
provocation de mineurs à l'usage de stupéfiants, à
participer à un trafic de stupéfiants, à la
consommation excessive de boissons alcooliques et à la
commission de crime ou de délit, ainsi que du délit de
corruption de mineur (articles 227-18, 227-18-1, 227-19
et 227-21 et 227-22 du code pénal).
Cette circonstance aggravante sera également applicable
en cas de violences volontaires entraînant une ITT de
plus ou de moins de 8 jours (articles 222-12, II ° et
222-l3, II ° du code pénal) que ces violences soient
commises sur ou par des mineurs. Elle pourra donc
également concerner des violences commises contre le
personnel enseignant, par des élèves ou par des tiers.
La notion d'établissement scolaire ou éducatif doit
être interprétée comme visant les mêmes
établissements que ceux concernés par le délit de
bizutage.
Enfin, il convient de préciser que, s'agissant des faits
commis aux abords d'un tel établissement, l'aggravation
n'est encourue que si ces faits sont commis à l'occasion
des entrées ou des sorties des élèves. Il n'est par
contre pas nécessaire que les faits aient lieu aux
abords immédiats de l'établissement. Sous réserve de
l'interprétation qui en sera faite par la jurisprudence,
il semble que les nouvelles dispositions seront par
exemple applicables en cas de violences ou de trafic
impliquant des élèves commis dans un débit de boissons
situé à une centaine de mètres de l'établissement, et
dans lequel les élèves ont l'habitude de se retrouver
avant ou après les cours.
4.3. Information des chefs d'établissements scolaires
Pour permettre de lutter plus efficacement contre les
violences scolaires, et contre toutes les sortes de
trafics qui se développent autour des établissements
scolaires, l'article 47 institue une procédure
d'information par l'autorité judiciaire saisie de ces
infractions des chefs d'établissements.
Il est apparu en effet indispensable que les chefs
d'établissements puissent connaître la date et l'objet
d'une audience au cours de laquelle serait jugé l'auteur
d'une infraction commise soit à l'intérieur de
l'enceinte de l'établissement scolaire, soit lorsque
cette infraction a été commise, aux abords immédiats
de l'établissement, par un élève ou un membre du
personnel ou sur un élève ou un membre du personnel.
A la différence de ce qui est prévu par l'article 16 de
la loi, l'article 47 vise les "abords
immédiats" d'un établissement scolaire. En
pratique toutefois, en cas d'infraction commise à
quelque distance d'un établissement scolaire, mais qui
serait liée aux entrées ou aux sorties des élèves, il
serait souhaitable que le chef de l'établissement en
soit également informé.
Le législateur n'a pas voulu faire de cette disposition
une modalité de procédure exigée à peine de nullité.
L'information, différente dans son objectif de l'avis à
victime, devra se faire comme le prévoit la loi par
lettre recommandée, à la diligence des services du
parquet ou du parquet général. En cas de comparution
immédiate, l'avis devra parvenir au chef
d'établissement dans les meilleurs délais et par tous
moyens, y compris téléphoniquement, la solution la plus
appropriée pouvant être dans cette hypothèse de
confier cette tâche aux enquêteurs ayant traité la
procédure.
5. CONTRÔLE ADMINISTRATIF DE CERTAINS DOCUMENTS
VIDÉO
A l'heure actuelle, la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949
modifiée sur les publications destinées à la jeunesse
permet au ministre de l'intérieur d'interdire la vente
aux mineurs des publications dont le contenu est
susceptible de porter atteinte à la dignité de la
personne humaine, notamment du fait de leur caractère
pornographique.
Il n'existe aucun dispositif analogue en ce qui concerne
les vidéogrammes (vidéocassettes enregistrées sur
support magnétique, vidéodisques enregistrés sur
support électronique) et les programmes informatiques
(notamment ceux des jeux vidéo), et aucune législation
ne permet d'interdire leur vente aux mineurs.
Les articles 32 à 39 de la loi instituent donc un
mécanisme, inspiré de celui prévu par la loi du 16
juillet 1949, qui permettra à l'autorité administrative
d'interdire la diffusion aux mineurs des documents vidéo
dont le contenu serait contraire à la dignité humaine.
Sont concernés par ce régime tous les documents fixés
sur support magnétique, sur support numérique à
lecture optique et sur support semi-conducteur, mais sont
exclus les films projetés dans les salles de cinéma,
qui sont fixés sur support chimique. Cette catégorie
d'oeuvres restera évidemment soumise à l'obligation
d'obtenir un visa préalablement à la présentation du
film au public dans les salles de cinéma.
L'autorité administrative pourra prononcer, d'une part,
l'interdiction de diffusion aux mineurs proprement dite,
et, d'autre part, l'interdiction, complémentaire de
faire de la publicité en faveur du document (sauf dans
les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs).
Ces décisions seront prises par arrêté motivé après
consultation, sauf cas d'urgence, d'une commission
administrative. La commission émettant un avis
consultatif, sa composition sera fixée par décret.
Néanmoins la loi prévoit que cette instance sera
présidée par un conseiller d'Etat ou un conseiller à
la Cour de cassation et qu'elle comprendra, outre des
représentants de l'administration, des professionnels
des secteurs concemés et des personnalités compétentes
dans le domaine de la protection de la jeunesse. Les
documents frappés d'interdiction de diffusion aux
mineurs devront mentionner cette décision de façon
apparente sur leur emballage.
Enfin, la loi prévoit que le non-respect de
l'interdiction de diffusion aux mineurs et la publicité
en faveur d'un document interdit seront punis de 100 000
F d'amende et d'un an d'emprisonnement. En cas de
manoeuvres destinées à échapper à ces interdictions,
la peine pourra être doublée. Les personnes morales
pourront également être déclarées pénalement
responsables de ces agissements.
* *
*
Les dispositions de la loi du 17 juin 1998 ont été
étendues aux territoires d'outre-mer (article 51), sous
réserve de certaines adaptations prévues par l'article
40 pour la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française
et les îles Wallis-et-Futuna, ainsi que par l'article 42
pour la collectivité territoriale de Mayotte, et qui
concement les modalités d'incarcération des condamnés
à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de
soins.
L'objectif commun des nombreuses modifications de notre
droit auxquelles procèdent les dispositions de la loi du
17 juin 1998, à savoir améliorer la prévention, la
répression et la réparation des infractions de nature
sexuelle, spécialement lorsqu'elles sont commises contre
des enfants, constitue une priorité du Gouvemement. Cet
objectif nécessite, au-delà de l'adaptation des
instruments juridiques, une modification des pratiques
judiciaires, qui est déjà commencée depuis plusieurs
années, mais qu'il convient aujourd'hui de poursuivre et
d'amplifier. C'est dans cet esprit qu'il devra être
procédé à la mise en oeuvre de ces nouvelles
dispositions, dont vous voudrez bien porter les
éventuelles difficultés d'application à la
connaissance de la Direction des Affaires Criminelles et
des Grâces, sous le timbre de la Sous-direction des
Affaires pénales générales et des Grâces.
Élisabeth GUIGOU
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