Les introuvables

 

Album enregistré en 1995


Welcome Gorby
Il est pas né le mec qui m'f'ra 
Dire qu'j'ai d'la tendresse pour les rois 
Ou pour les chefs 
Z'ont tous mérité dans l'histoire 
Les foudres de mon encre noire 
Mais Gorbatchev 
Est un p'tit bonhomme épatant 
Contre qui je n'ai pour l'instant 
Aucun grief 
Personne méritait plus que lui 
L'prix Nobel de la pénurie 
Et de la dèche 
Welcome Gorby, bienv'nue ici 
Où on est quelques-uns, je crois 
Un copain à moi et pi moi 
A espérer 
Qu'tu vas v'nir avec tes blindés 
Nous délivrer 
T'as fait tomber le mur de Berlin 
Si tu sais pas quoi faire des parpaings 
Pour ta gouverne 
Y'a d'la place ici, mon pépère 
Autour de tous les ministères 
Toutes les casernes 
ça évit'ra qu'le populo 
Un jour nous pende tous ces barjots 
A la lanterne 
Quoiqu' pour une fois ça s'rait justice 
De contempler ces pauvres sinistres 
La gueule en berne 
Ici y'a des chaînes à briser 
Commence par les chaînes de la télé 
Ca serait Byzance 
Que tu nous débarrasses un peu 
De ce "Big Brother" de mes deux 
J'te fais confiance 
Tu pourras aussi liquider 
Les radios FM à gerber 
Qui nous balancent 
De nos chanteurs hydrocéphales 
Et de leur poésie fécale 
Toute l'indigence 
Welcome Gorby, bienv'nue ici 
Où on est quelques-uns, je crois 
Un copain à moi et pi moi 
A espérer 
Qu'tu vas v'nir avec ton armée 
Tout balayer 
Tu peux construire, si tu t'amènes 
Quelques goulags au bord de la Seine 
De toute urgence 
Ici y'a un paquet d'nuisibles 
Qui nous font péter les fusibles 
De la conscience 
Des BHL et des Foucault 
Pas l'philosophe, non, l'autre idiot 
Des Dorothées 
Fort sympathiques au demeurant 
Je dirais plus exactement 
Aux demeurés 
 Welcome Gorby, bienv'nue ici 
Où on est quelques-uns, je crois 
Un copain à moi et pi moi 
A espérer 
Qu'tu vas v'nir claquer l'beignet 
A tous ces tarés 
On a ici, c'est bien pratique 
Quelques hôpitaux psychiatriques 
Qu'tu peux vider 
Pour y foutre les psychanalystes 
Les députés, les journalistes 
Et les Musclés 
Ca va te faire un sacré boulot 
Mais si tu veux des collabos 
Faut pas t'miner 
Tu sais, à part dans mon public 
En chaque français sommeille un flic 
T'as qu'à piocher 
Si t'en as marre du communisme 
J'te raconte pas l'capitalisme 
Comme c'est l'panard 
Comment on est manipulés, 
Intoxiqués, fichés, blousés 
Par ces connards 
Viens donc contempler nos idoles 
Elles sont un peu plus Rock and Roll 
Que ton Lénine 
Bernard Tapie et Anne Sinclair 
'vec ça tu comprends qu'notr'misère 
Soit légitime 
Welcome Gorby, bienv'nue ici 
Où on est quelques-uns, je crois 
Un copain à moi et pi moi 
A espérer 
Qu'tu vas v'nir éliminer 
Nos enfoirés 
Welcome Gorby, bienv'nue ici 
Où on est quelques-uns, je crois 
Un copain à moi et pi moi 
A supposer 
Qu'si tu v'nais avec tes blindés 
Y voudraient sûr'ment pas rester ... 

Toute seule à une table

Toute seule à une table 
Si c'est pas gâché 
T'es encore mettable 
Pas du tout fanée 
T'as quoi? Quarante-cinq? 
Allez cinquante balais 
Tu fais beaucoup moins qu' Ta montre, ton collier 
Ça fait bien une plombe 
Que j'te mate en douce 
Dans c'resto plein d'monde Que tu éclabousses 
De ce charme obscur 
Qui parfois nous pousse 
Vers les femmes mûres 
Et aussi les rousses 
Toute seule à une table 
Si c'est pas gâché 
T'as les yeux du diable 
Pi t'as l'air gaulée 
Comme un château d'sable 
Avant la marée 
Comme un dirigeable 
Avant les pompiers 
C'est pas un lapin 
Qu'on t'aurait posé 
Tu r'gard'rais tes mains Et la porte fermée 
Tu boirais du vin 
Tu s'rais maquillée 
T'attends p't'être un chien Pas un fiancé
Toute seule à une table 
Si c'est pas gâché 
Belle et misérable 
Quel est ton secret 
Derrière le rideau 
De tes yeux baissés 
Quel est le salaud 
Qui te fait pleurer 
A la façon qu't'as 
D'jamais m'regarder 
'Mon avis c'est moi 
Qui t'fais chavirer 
Ou alors c't'un drame 
Trop dur à percer 
Comme la cellophane 
Autour d'un C.D. 
Toute seule à une table 
Si c'est pas gâché 
Et ce mec minable 
C'est lui qu't'attendais? 
Ma parole je rêve 
Y va t'embarquer 
Sans finir ton chèvre 
Sans boire ton café 
Y doit être chausseur 
Et toi sa vendeuse 
Tu regardes l'heure 
Et t'as l'air heureuse 
Si un jour j'te chope 
J'te l'dis dans les yeux 
Le malheur salope 
Te va beaucoup mieux!  

 Miss Maggie
Women of the world or street 
So very often just the same 
I love every one I meet 
Have they fame or be they plain 
Down to the last stupid crow 
I praise with every word I utter 
I'm disgusted by men now 
With their morals from the gutter 
'Cause there's no woman in this land 
Quite so stupid as her brother 
Nor so vain or underhand 
Except, maybe, Madame Thatcher 
Lady I love you now, I do 
'Cause when a sport becomes a war 
There's no girls, or very few 
Amongst those fans who yell for more 
Those with no marbles left to lose 
Up to here with hate and beer 
Deifying fools in blue 
Insulting bastards with a sneer 
There is no female hooligan 
Imbecilic, filled with murder 
No, not even in Britain 
Except, for sure, Madame Thatcher 
I love woman just because 
When she's sitting at the wheel 
There's no man-like sense of loss 
No urge to kill is yours to feel 
For a slightly damaged headlight 
Or for two fingers in the air 
There are those who wish to fight 
To the death if they but dare 
An "up yours" their favourite sign 
There's no woman so vulgar 
To use this symbol all the time 
Except, perhaps, Madame Thatcher 
How I love you, dear woman 
You don't go to war to die 
Because the vision of a gun 
Does not make you pant and sigh 
Amongst those hunters of the night 
Who jump on creatures that are frail 
And occasionnally an Arabite 
I've yet to see a female 
There is no woman low enough 
To spit and polish a revolver 
Just to feel so bloody tough 
Except, for sure, Madame Thatcher 
The atom bomb was never made 
By a human female brain 
And no female hand has slayed 
Those U.S. peoples of the plain 
Palestinians or Armenians 
Bear their witness form the grave 
That a genocide is masculine 
Like a SS or a Green Beret 
In this bloody mass of man 
Each assassin is a brother 
There's no woman to rival them 
Except, of course, Madame Thatcher 
And lastly Woman, above all 
I love hour gentleness so mild 
A man draws strength from his own balles 
Wich like his gun he shoots from wild 
And when the final curtain draws 
He'll join the cretins in the harvest 
Playing football, playing wars 
Or who can piss the farthest 
I would join the doggic host 
And love my days on earth 
As my day to day lampost 
I would use Madame Thatcher. 

Ourson prisonnier
Un ourson en liberté 
c'est mignon 
un ourson dans la forêt 
c'est trognon 
dans les champs dans les vallons 
sortant du creux des buissons 
respirant à pleins poumons 
l'air de la terr' qui sent bon 
c'est mignon  
Mais quand il est enfermé 
même un papillon léger 
qui lui vole sous le nez 
est plus heureux que l'ourson  
prisonnier 
prisonnier  
Un ourson en liberté 
c'est mignon 
un ourson au bout du pré 
c'est trognon 
finissant de grignoter 
les noix qu'il vient de casser 
ou le museau barbouillé 
de fraises des bois écrasées 
c'est mignon  
Mais quand il est enfermé 
un(e) petit(e) souris pressée 
qui lui court entre les pieds 
est plus heureuse que l'ourson 
prisonnier 
prisonnier  
La la la...  
un papillon tout léger 
une petite souris pressée 
peuv'nt traverser le fossé 
oui mais pas le pauvre ourson 
prisonnier 
prisonnier

SIDI H' BIBI (Mon chéri)
Mon chéri à moi, où est il ?
Mon chéri le voilà, il m’a ensorcelé, le voilà / il est là
Celui qui me fait souffrir, il est là / le voilà
Mon chéri, pourquoi il m’a oublié
Mon chéri à moi, où est il ?
Je suis malade, je suis malade
Mon chéri à moi, où est il ?
Viens me voir, il viendra avec la grâce.
Mon chéri à moi, où est il ?
Mon chéri le voilà, il m’a ensorcelé, le voilà
Celui qui me fait souffrir, il est là / le voilà
Mon chéri, pourquoi il m’a oublié

Fanny de la sorgue
Dans l'eau de la Sorgue Fanny 
Ne se baignera plus jamais 
La rivière pleure dans son lit 
Sa Fanny toute rhabilée 
La belle n'ira plus dans l'eau 
Depuis cent ans elle se cache 
A l'ombre d'un joli tableau 
Qu'un amant fit d'elle à la gouache 
Et c'est un bistrot désormais 
Qu'on peur voir dans l'angle d'un mur 
Le cul de Fanny dévoilé 
Promettant la bonne aventure 
Au bord de la Sorgue où Fanny 
S'en allait se baigner jadis 
Sous les platanes du midi 
Les boules de pétanque glissent 
Que je pointe oi bien que je tire 
Les miennes finissent dans l'herbe 
Je pourrais mieux faire mais faut dire 
Je triche un petit peu pour perdre 
Pour pouvoir un jour dans ma vie 
Honorer ces divines fesses 
Un genou en terre pardi 
Ainsi qu'on célèbre une messe 
Quel est le crétin misogyne 
Qui décréta punition 
Honteuse ridicule indigne 
Cette noble communion 
Cette intimité que je souhaite 
De mes lèvres avec ce cul 
Qui récompense la défaite 
Qui ne brille que pour les vaincus 
M'est avis que ce pauvre naze 
Dut passer sa vie à prier 
A genoux pour que sa bourgeoise 
Lui offre pareil bienfait 
Au Pays des Sorgues Fanny 
Peut se vanter d'avoir fait mettre 
Un genou à terre à celui 
Qui pour aucun dieu ou maître 
Nulle loi nulle discipline 
Qui devant nulle autorité 
N'aurait jamais courbé l'échine 
Jamais n'aurait capitulé 
Je me prosternerai encore 
Bien plus et sans honte jamais 
Pour un autre bout de ton corps 
J'irai Fanny jusqu'à ramper...

Touche pas à ma sœur !

Eh bien, les filles, vous êtes toujours
sur Débilos-Radio en direct avec
M.C. Roger votre D.J. préféré !
Aujourd'hui, je reçois le chanteur
Thomas Lameufa qui vient de faire
un MALHEUUUR à Bercy et en
province un carton !!! Nous allons
tout de suite prendre un auditeur
en ligne pourposer une queshon...
Nous vous écoutons jeune homme...
Vous vous appelez Renaud... Allez-y...
Chanteur
Gentil poli bon cœur
Qu'ess-ttes fait à ma p'tite sœur ?
Tout à l'heure
J'l'ai vue pleurer toute seule
En écoutant ton single
D'puis qu'elle t'a découvert j'te jure
Elle a déjanté la pauvre
Elle découpe toutes les couvertures
Des torchons où tu poses
Ça m'écœure
Elle a dans son larfeuille
Une photo d'toi en couleur
Elle a un poster
De toi sur ton chopper
Avec un sourire de voleur
D'puis qu'elle craque peur ton rock 'n' roll
A la mords-moi l'tympan
L'en fout plus une rame à l'école
Et elle chante même en dormant
Chanteur
Je vais faire un malheur
Si tu fais souffrir ma p'tite sœur
Mais qu'est-c'que c'est qu'ce naze
qu'on m'a passé, là ? Oh les mecs
vous déjantez ou quoi, là ? Ho Mitch !
Tu me le coupes tout de suite !
Tu le coupes ! Hein,comment ça
on peut pas filtrer les appels ?
On a dit qu'on prenait les questions
des auditeurs, pas les agressivisations !
Hein ? Comment ça, je passe à l'antenne ?
Mais non, tu m'as coupé mon micro, non
Ah bon...
Elle t'a vu l'autr' jour chez Pivot
A l'émission sur Babar
A 7 sur 7 et chez Foucault
Elle t'a trouvé un peu hard
Chanteur
Dans douze ans ma p'tite sœur
Sera quasiment majeure
Mais pour l'heure
J'veux surtout pas qu'elle pleure
D'amour pour un p'tit branleur
Chanteur
T'as six ans comme ma sœur
Qu'est-c'qu'y font tes parents, producteurs ?
Eh ben dis-leur
Que les pires des dealers
C'est ceux qui r'fourguent leur merde aux mineurs
Et bien, c'est cela, oui... 
Nous allons arrêter un p'tit
peu les appels en direct, 
une petite page de pub 
et nous nous retrouvons dans 
45 minutes pour dire au revoir 
à notre ami dont le dernier album, 
je vous le rappelle, 
"les couches-culottes du diable" 
est toujours installé aux premières 
places du Top Altum qu'il a squatté 
définitivement depuis plusieurs semaines. 
Nous lui souhaitons une très 
longue carrière, ainsi qu'à ses 
parents que nous recevrons 
d'ailleurs lundi prochain dans l'émission 
"Mon téléphone portable est en panne" 
consacrce au Cartel de SaintTropez.
 Vous étiez avec Super D.J.
 M.C. Roger en direct sur 
Débilos-Radio,
 la radio des filles et des garçons, 
et aussi des garçons, et puis aussi des chiens...

Le camionneur rêveur
Je suis un géant sur les routes
J'avale les villes comme des casse-croûte
Paris-Marseille via Valence
Pour un poids lourd c'est p'tit la France
Moi qui aime tant la nature
Je sème des hydrocarbures
Sur les autoroutes à péage
En attendant l'prochain garage
Dans mon rétro rétroviseur
Je suis bien trop bien trop rêveur
Dans mon rétro rétroviseur
J'imagine un'vie sans compteur
Je suis un drôle de camionneur
Les p'tits Poucet qui lèvent le pouce
Voudraient m'arrêter dans ma course
Mais le mouchard dans mon moteur
N'aime pas trop les auto-stoppeurs
Quand la radio joue en sourdine
Souvent je rêve dans ma cabine
Je plane les mains sur le volant
J'oublie mon gros-cul d'éléphant
Dans mon rétro rétroviseur
Je suis bien trop bien trop rêveur
Dans mon rétro rétroviseur
J'imagine un'vie sans compteur
Je suis un drôle de camionneur

Viens chez moi, j'habite chez une copine 

  
J'ai l' coeur comme une éponge 
Spécial pour fille en pleurs 
Heureus'ment pa'c'que ma tronche 
C'est pas vraiment une fleur 
J'emballe tout c' qui s' présente 
Les cousines les belles-soeurs 
J'ai l' démon du bas ventre 
Mon métier c'est dragueur 
Dès que j' rencontre une frangine 
J' lui dis : salut toi ça va 
  
Viens chez moi j' habite chez une copine 
Sur les bords au milieu c'est vrai qu' je crains un peu 
  
Je glande un peu partout 
Avec mon sac de couchage 
Je suis dans tous les coups foireux 
Tous les naufrages 
J'ai des potes qu'ont d' l'argent 
Ben y travaillent c'est normal 
Moi mon métier c'est feignant 
He mec t'as pas cent balles 
J'ai des plans des combines 
Pour vivre comme un pacha 
  
Hé viens chez moi j'habite chez une copine 
Sur les bords au milieu c'est vrai qu' je crains un peu 
  
J'ai même été étudiant 
Chômeur baby-sitter 
Quand j' pense que mes parents 
Voulaient qu' je sois docteur 
Parfois quand j'ai du blé 
Je flambe comme un malade 
L' pognon j' l'ai pas gagné 
Mais mon métier c'est minable 
Ouah super la rouquine 
Hé salut toi ça va 
  
Viens chez moi j'habite chez une copine 
Sur les bords au milieu c'est vrai qu' je crains un peu 
He viens chez moi j'habite chez une copine 
J'ai mon mat'las dans la cuisine 
Alors tu viens si tu veux tranquille 
Allez viens 
Viens chez moi j' habite chez une copine 
Allez viens la frangine 
Allez viens 
Non ah bon d'accord 
  

P'tit dej' blues
 
  
Ben voilà la galère c'est r'parti pour un tour 
Carrément comme hier j'suis encore à la bourre 
Pendant c'temps ma gonzesse doit sortir de la douche 
Se fringuer en vitesse et se peindre la bouche 
Et oublier peut-être que les yeux pleins de neige 
Ce matin c'est son mec qui a fait son p'tit dej' 
Son p'tit dej' 
Ben voilà la galère j'enfile ma camionette 
J'vais bouffer d'la poussière j'en ai déjà plein les guêtres 
Je suis mal dans mes grolles et mal sur ma banquette 
Et ces putains d'bagnoles qui me ruinent la tête 
Pendant c'temps ma gonzesse baptise le plumard 
Et regarde ses fesses dans la glac de l'armoire 
De l'armoire 
Ben voilà la galère marné pendant huit plombes 
J'irai bien m'jeter une bière t't'à l'heure à la Rotonde 
J'appellerai ma gonzesse pour lui dire que tout baigne 
Mais non j'suis pas chez une maîtresse j'suis au bistrot et j't'aime 
J'lui dirai n'oublie pas ce soir d'acheter du vin 
Sinon y'en aura pas pour son p'tit dej' demain 
Demain 

Zénobe
Zénobe attend
Il a quinze ans
Il se pique et il se came 
Pique et pique et collegram
Il sent qu'il dose
Sa dose

I' s'dit souvent
Qu'c'est qu'un passe-temps
Au milieu de cette vie
Où tout n'est que pacotille
Rien qu'du cinoche
C'est moche

Il prend sa neige
Prend sa blanche neige
Et tant pis si le temps s'enfuit

Zénobe attend
Il a vingt ans
Et pour s'envoyer en l'air
Cette aiguille, ce bout de fer
Qui l'ankylose
Il ose

I' s'dit parfois
Qu'ça lui pass'ra
Mais c'est une sacrée belle fête
Tous ces arbres à came en tête
Qui font qu'la vie
Dévie

Il prend sa neige
Prend sa blanche neige
Et tant pis si le temps s'enfuit

Zénobe attend 
Il a trente ans
Souvent dans sa veine bleue
Il enfonce tout ce qu'il peut
Il continue
Sa mue

I' s'dit qu'la vie
Elle est pourrie
Quand il regarde devant
Il voit des sables émouvants
Et d'la poussière
Derrière

Alors il prend sa neige
Sa dernière neige
Et tant pis si la vie s'enfuit
Et tant pis si la vie s'enfuit

La petite vague qui avait le mal de mer
Il était une fois une petite vague perdue au milieu de l'océan, une petite vague de rien du tout, quelques centimètres de haut, à peine plus large, une petite vague insignifiante et anonyme, ressemblant comme une goutte d'eau aux millions de petites vagues voyageant sur les mers depuis des millions d'années au gré des vents et des marées.Mais, vous vous en doutez, si je vous raconte ici son histoire, c'est qu'elle était différente de ses petites sœurs. Pas physiquement, non, mais dans son petit cœur de petite vague, cette petite vague avait bien du vague à l'âme.Son papa et sa maman étaient deux grosses vagues énormes et rugissantes, deux magnifiques déferlantes qui s'étaient croisées une nuit de tempête, l'abandonnant aussitôt née à son destin de vaguelette, orpheline et désemparée. Son père avait été plus tard emporté dans un ouragan, s'était accroché à un cyclone et, dans un tonnerre d'écume et de vent, était parti ravager les terres les plus proches d'où il n'était jamais revenu.Sa mère, poussée par un vent du nord, connut une fin tout aussi aventureuse mais bien plus sympathique. Les courants marins la portèrent jusqu'aux côtes d'un pays si chaud qu'elle s'évapora, monta au ciel en millions de gouttes d'eau et, après avoir voyagé dans un gros nuage lourd, retomba en pluie sur des terres arides où, la vie, absente par manque d'eau, revint bientôt.Depuis des siècles qu'elle ondoyait à la surface de l'eau, avec pour seule compagnie l'écume et le vent, avec pour seul horizon l'horizon, pour seul spectacle celui du jour se levant et du soleil couchant, la petite vague s'ennuyait à mourir et ne supportait plus de vivre au milieu de l'océan. Bref, la petite vague avait le mal de mer.Elle avait bien eu parfois, des années auparavant, la visite de quelques baleines venues percer la surface de l'eau, dans un grand geyser d'écume et des milliards de gouttes d'eau s'éparpillant dans le ciel comme une pluie de diamants, mais les baleines chassées par les hommes avaient bientôt disparu elles aussi.Sa vie s'écoulait monotone. Au fil des jours de calme plat ou des nuits de tempête, la petite vague attendait vaguement, sans trop y croire, un miracle météorologique qui l'emporterait vers d'autres cieux. Elle redoutait par-dessus tout ces nuits de pleine lune où l'océan devient lisse comme un miroir, où même le vent ne chante plus, où les vagues petites et grosses s'aplatissent jusqu'à se confondre en une immense étendue d'eau infinie, immobile etsans vie.Elle n'aimait pas non plus la houle qui la faisait rouler, craignait les ouragans qui la malmenaient et se méfiait des mers démontées ou hachées qui risquaient de la séparer de ses amies, les petites vagues insouciantes qui l'accompagnaient, insensibles, elles, au vague à l'âme et au mal de mer.La petite vague n'avait jamais vu un bateau.La petite vague n'avait jamais vu un baigneur, ni le moindre pédalo, jamais vu le bord de l'eau.La petite vague en avait par-dessus la crête de passer sa vie à faire des vagues, la petite vague écumait de rage de n'avoir jamais vu la plage.Elle rêvait qu'un vent malin viendrait un jour la conduire sur le sable doré d'une plage ensoleillée. Ah, enfin pouvoir rouler, chanter, rebondir et me briser sur les galets, songeait-elle, venir chatouiller les doigts de pieds des enfants, entendre leurs cris à mon approche, aller, venir, descendre et remonter, m'éparpiller au milieu des coquillages, des algues et des petits poissons argentés, me reformer en grondant pour de rire, en faisant semblant d'attaquer, et repartir en emportant un ballon oublié, et puis le ramener dans un tourbillon de mousse et d'eau salée. La petite vague pensait aux vacances qu'elle ne connaitrait jamais. Lorsqu'une grosse vague, à quelques brasses d'elle, cria "Terre à l'horizon !".La petite vague n'en crut pas ses oreilles. Elle se précipita vers sa grande sœur, se hissa sur son dos et distingua vaguement à l'horizon la ligne sombre d'une terre inconnue. Elle recommença l'opération une deuxième fois, puis une troisième. À chaque fois, un élément nouveau lui apparut. Une ville, un port, une plage. Les courants maintenant la tiraient vers la côte, la charriaient comme un fétu de paille poussé par le vent. Elle sentit bientôt son eau se réchauffer et l'air marin se charger des odeurs de la terre.Pour la première fois de sa vie la petite vague respira le parfum des forêts, des villes et des campagnes, des animaux et des hommes.Elle en fut d'abord émerveillée, puis l'émerveillement fit place à l'étonnement, enfin à la déception. Les odeurs nauséabondes de gaz carbonique qu'elle découvrait lui rappelaient étrangement celles des nappes de pétrole qu'elle avait parfois croisées dans sa longue vie de petite vague au milieu de l'océan.Et comme elle pensait à cela, déterminée malgré tout à atteindre cette plage dont elle rêvait depuis si longtemps, elle rencontra une de ces nappes de pétrole dérivant au fil de l'eau, au gré des courants, et s'y englua. Elle réussit à s'en échapper après bien des efforts, aidée par un courant ami qui l'emmena bientôt presque au bord de la plage.Des enfants s'y amusaient. Des adultes allongés, immobiles, semblaient y dormir, insouciants du soleil qui leur brûlait la peau. Des chiens couraient, des mères criaient après leurs enfants, des papas après maman, des adolescents faisaient hurler leurs transistors et des baraques à frites enfumaient le tout d'une odeur d'huile chaude qui se mêlait à celle dont les corps étaient enduits. La petite vague ralentit son avance. Elle rencontra bientôt une eau saumâtre, mais personne ne lui dit qu'il s'agissait des égouts de la ville qui se déversaient là. Elle croisa quelques bouteilles en plastique, des sacs poubelle, des détritus de toutes sortes, fut presque coupée en deux par un gros monsieur rougeaud hissé sur une planche à voile, avant de s'échouer enfin au bout de son voyage, au bout de son rêve, sur le sable grisâtre de la plage au milieu des tessons de bouteille, des capsules de bière et des châteaux écroulés des enfants agités.Jamais le vague à l'âme de la petite vague n'avait été si grand. Ell" ne s'attarda guère sous les pieds palmés. Quelques aller retour à brasser les ordures et elle s'en fut dans le sillage d'un bateau à moteur qui frôlait les baigneurs, rejoindre le grand large qu'elle regrettait déjà d'avoir quitté.Alors qu'elle longeait la côte, suivie de près par quelques amies vaguelettes aussi déçues qu'elle par la fréquentation des humains, elle entendit, venant de la terre, des petits cris stridents, à peine perceptibles, presque des sifflements. Ils n'avaient rien de commun avec les cris des enfants braillards de la plage. La petite vague avait déjà entendu ces cris quelques années auparavant, peut-être quelques siècles. Un jour que des dauphins étaient venus la frôler, courir sous elle, jouant dans son écume, brisant sa crête de leurs ailerons pointus. Comment les cris d'un dauphin pouvaient-ils venir de terre ? la petite vague se dirigea de nouveau vers la côte, guidée par les sifflements, comme un navire perdu dans la nuit est guidé par la lueur du phare.Derrière une digue se dressaient les hauts murs d'un Marineland. La petite vague ignorait qu'on enfermait des orques et des dauphins dans des bassins pour le plaisir des petits terriens. Mais il ne fut pas nécessaire de lui faire un dessin: elle comprit vite que des créatures marines étaient prisonnières ici. A l'instant où, provenant distinctement de derrière ces murs, les sifflements reprirent, elle vit bondir en l'air un magnifique dauphin gris argenté qui, après avoir semblé s'immobiliser une fraction de seconde dans le ciel, retomba dans un grand "splatch" dans son bassin-prison. Un tonnerre d'applaudissements accompagna la pirouette.La petite vague n'avait pas rêvé. Le dauphin, dans son bond majestueux, avait tourné la tête vers la mer et son regard triste avait croisé le sien. Ce regard avait lancé un S.O S. avait jeté une bouteille à la mer avec comme message: "Viens me délivrer".La petite vague, qui n'aimait pourtant pas faire de vagues, décida aussitôt qu'il tallait agir Elle commença par alerter toutes les petites vagues qui voguaient autour d'elle, en leur recommandant d'alerter à leur tour toutes les vagues des alentours jusqu'au fin fond de l'océan Bientôt de grosses vagues arrivèrent, guidées par la rumeur qui s'amplifiait en se coIportant de vague en vague, selon laquelle une toute petite vague de rien du tout voulait attaquer la côte pour délivrer un dauphin prisonnier à terre.L'histoire fît grand bruit, le vent la fit voyager de port en port et, devant l'importance de la tâche a accomplir, devint bourrasque, vent de folie. vent de tempête Le soir venu, I'océan entier était en furie. Des vagues hautes comme des maisons, étaient venues prêter main-forte à la petite vague qui en oublia du coup son vague à l'âme et son mal de mer.Les vents, les courants et les vagues se jetèrent alors sur la côte, et cette nuit fut une nuit de tempête comme aucune nuit et aucune mer n en connurent jamais Les hommes se cachèrent dans leurs maisons volets fermés. Les bateaux de pêcheurs rentrèrent bien vite au port où, malgré l'abri des digues et des jetées, leurs amarres furent malmenées Mais le plus fort de l'assaut du vent et de l'eau fut contre les murs du Marineland. Des déferlantes vinrent s'y briser dix fois, cent fois, des murs d'eau salée poussés par des vents furieux et des courants déchaînés vinrent en lézarder les fondations et en briser le faîte, jusqu'au moment où, dans un grand fracas, les murs des bassins cédèrent sous ces coups de boutoir Le reflux d'une vague gigantesque entraîna avec lui les murs en miettes, la vague suivante emporta avec elle dauphins, orques, otaries et autres morses tous ces mammifères marins désormais libres de regagner leur élément naturel, I'océan immense, la liberté.Presque aussitôt, le vent tomba et la mer se calma. La tempête avait duré quelques heures et n'avait finalement fait d'autre ravage que sur les murs de cette prison désormais vide. La petite vague repartit au large avec ses grandes sœurs qui bientôt se calmèrent, s'arrondirent puis s'aplatirent jusqu'à ne plus devenir qu'un léger clapotis à la surface de l'eau.Les dauphins s'éloignèrent aussi de la terre et disparurent a l'horizon, d'où ils ne revinrent jamais.
Si un jour, en mer, tu vois passer un banc de dauphins, comme il arrive souvent qu'ils viennent, peu rancuniers envers les hommes, jouer le long de l'étrave des navires, regarde bien derrière eux, dans leur sillage tu verras toujours une petite vague qui les accompagne, une petite vague insouciante et joyeuse. une petite vague amoureuse des animaux libres dans l'océan, une petite vague qui n'a plus de vague à l'âme et plus de mal de mer.