Chapitre 13 - 1953: LA 550

En 1953, Porsche accède au statut de fabricant de voitures de course avec la création du Type 550, qui ne sera appelé RS 1500 (RS = Renn Sport) qu'à partir du modèle 550 A de 1955. Un an plus tard, il sera baptisé Spyder. En même temps, l'ingénieur Führman invente le moteur à quatre arbres à cames, qui ne porte pas encore le nom de Carrera. 

1. Type 550 : de 550-001 à 550-05

Cette 550 est manifestement inspirée des voitures de course créées par un garagiste de Francfort, Walter Glöckler. Il s'agit de barquettes ultra-légères et très profilées qui sont fabriquées à Weidenhausen d'après les conceptions de Herman Ramelow (qui dessinera le châssis de la 550). Les liens entre Glöckler et l'usine de Stuttgart sont très étroits, à tel point que les dernières Glöckler de course (la n°4 de 1951 et la n°5 de 1952) portent l'inscription Porsche. On peut admirer l'opportunisme de Ferry qui s'inspire des Glöckler pour créer sa 550, tout comme il avait utilisé le roadster de Sauter comme prototype des America Roadster. Il y a pourtant quelques différences entre les Glöckler et les 550. Les Porsche sont plus civilisées, elles peuvent même être munies d'une capote en toile. A l'époque, la plupart des voitures de course peuvent encore être utilisées pour le grand tourisme. Il en sera ainsi chez Porsche jusqu'à la 904 GTS.

la toute nouvelle 550-01 participe à sa première course en 1953 lors des Eifelrennen sur le Nürburing. Le pilote est Helm Glöckler

Les 550 ont une carrosserie en aluminium fixée sur un châssis tubulaire en forme d'échelle, plutôt primitif et manquant de rigidité. Pour transformer une voiture à moteur arrière comme une 356 en barquette à moteur central arrière, le plus simple est de retourner l'ensemble moteur-suspension. A ce moment, les barres de torsion transversales se retrouvent à l'arrière du châssis et les bras de suspension flexibles sont dirigés vers l'avant (comme sur la N°l et les Glöckler à moteur central et les deux premières 550). Ainsi, la partie arrière en porte-à-faux du châssis (déjà peu rigide) est soumise à des contraintes très importantes. Ensuite, lors des freinages, cette disposition favorise le soulèvement de l'arrière de la voiture. Enfin, en virage, cela génère un "toe out" de la roue extérieure en appui, ce qui aggrave le survirage. Avec ce type de suspension, on a pu dire que les avantages dus à la disposition centrale du moteur sont perdus en ce qui concerne la tenue de route.

A ce sujet, il est bon de rappeler l'avance des ingénieurs allemands de l'époque en ce qui concerne les moteurs et la science aérodynamique. Par contre, dans le domaine de la tenue de route, ils sont fort en retard par rapport aux théoriciens anglo-saxons (comme l'Américain Maurice Olley). La première 550 (550-01) se présente comme une barquette, elle participe à sa première course en mai 1953 au Nürburgring. Elle est pilotée par Helm Glöckler, cousin de Walter. La 550-02 se présente d'emblée comme une voiture fermée, car elle a été conçue pour être munie d'un hard-top. Voulant privilégier le profilage aux dépens du confort des pilotes, la 550-01 est aussi munie d'un hard-top profilé. Ce seront donc deux 550 fermées (ressemblant fort aux Glöckler) qui prendront le départ des 24 Heures du Mans.

1953. Le Mans 1953: la 550 de Herrmann et Glöckler est munie d'un hard-top

Huschke von Hanstein, devenu Rennleiter, cède le volant de la 550-02 à des journalistes connus, Paul Frère et Richard von Frankenberg. Comme ils ne manqueront pas d'écrire un article sur leur expérience, ce sera de la pub gratuite pour Porsche. Cet équipage terminera quinzième, ex-æquo avec une 550 identique pilotée par Hans Herrmann et Helm Glöckler. Ces voitures sont propulsées par des moteurs culbutés, le quatre arbres n'étant pas encore jugé tout à fait fiable. Ceci sera confirmé par les mauvaises performances de la 550-03, première 550 équipée temporairement d'un quatre arbres. Pour le Liège-Rome-Liège, qu'elle ne termine pas (crash), la 550-03 a été ré-équipée d'un moteur à culbuteurs. De plus, elle est la première 550 à avoir les barres de torsion arrière situées devant le moteur. Dès leur retour du Mans, les 550-01 et 02 sont vendues au Guatemala où la 01 de José Herrarte (planteur de café richissime) va remporter la victoire de classe de la Carrera Panamericana. L'autre 550 privée, la 02, pilotée par Jaroslav Juhan sera 2e après les abandons des deux 550 d'usine menées par les équipages vedettes Karl Kling (04) et Hans Herrmann (03). Cette victoire de catégorie de Porsche était plutôt chanceuse, la Borgward de l'allemand Hans Hugo Hartmann ayant été nettement plus rapide mais disqualifiée pour un retard de 7 secondes à l'arrivée de la dernière étape. C'est dans cette Panamericana de 1953 que l'on vit une 356 décorée d'un portrait d'Evita Peron, voiture bien connue des collectionneurs de miniatures Porsche. Elle était pilotée par l'actrice Jacqueline Evans qui fut éliminée pour retard dès la fin de la première étape. Les 550 d'usine portaient de la pub pour la firme "Fletcher Aviation". Ceci mérite quelques explications. L'histoire commence en 1952. Wendel Fletcher contacte Ferry en vue de motoriser une petite Jeep (baptisée "Airborne") au moyen d'un moteur Porsche 1.500cc. Fletcher supprime la turbine de refroidissement et la remplace par un système où l'air est entraîné autour des cylindres par un effet de Venturi créé par l'échappement. Un cabriolet 356 est modifié de cette manière et envoyé à Stuttgart pour évaluation. Un Spyder sera modifié et testé avec d'excellents résultats. Néanmoins le bruit généré par le "jet cooling" est tel que les recherches seront abandonnées en 1958.

Revenons en 1953, Fletcher acquiert la licence de fabrication des moteurs 356 et en même temps il sponsorise pendant deux ans les 550 d'usine lors des Carrera Panamericana. Il faut noter que les ingénieurs de Fletcher Aviation ont collaboré bénévolement avec Porsche pour la réalisation du carter moteur en trois pièces qui équipera les moteurs des 356 à partir de septembre 1954, Fletcher raconte qu'à l'époque il avait été invité chez Ferry et que le dîner avait été préparé par Madame Porsche aidée seulement d'une jeune servante. Le riche industriel américain, frappé par tant de simplicité et de gentillesse, avait alors renoncé à toute rétribution pour le travail effectué sur le carter.

La 550-05 fut présentée au Salon de l'automobile de Paris. C'était une petite barquette typique du style Spyder, avec des phares verticaux et des ailes arrière surélevées dans le goût de l'époque. Par contre, la 550-04 (ex-Panamericana 1953) reçut une nouvelle carrosserie "tourisme" pour le Salon de Bruxelles de 1954. C'était devenu une voiture très laide avec un dos bossu et des ailes arrière saillantes. On avait beaucoup hésité avant de la montrer au grand public. Ce monstre n'eut pas de descendance. 

2. Le moteur à quatre arbres à cames : Type 547

Ernst Fuhrmann (1918-1995) a rejoint l'équipe Porsche à Gmünd en 1947. En participant à la conception du 12 cylindres de la Cisitalia, cet ingénieur se découvre une passion pour les moteurs compliqués. On le charge donc de modifier le boxer de la 356 pour lui permettre de dépasser sans risque le régime de 6.500 tours, tout en conservant le même encombrement. La seule solution est de commander directement les soupapes par des arbres à cames. Il choisit des cylindres de fort alésage pour pouvoir utiliser de grandes soupapes positionnées à angle droit dans la chambre de combustion. Ceci le force à utiliser un double allumage et quatre arbres à cames. Leur commande se ferait aujourd'hui au moyen de courroies crantées, mais à l'époque cette technique est encore inconnue. Une transmission par chaîne aurait été envisageable (comme dix ans plus tard sur la 911) mais au prix d'une grande fragilité comme le savaient les propriétaires de Jaguar XK120. Fuhrmann décide alors d'actionner les arbres à cames au moyen d'un système très compact et complexe de neuf arbres avec quatorze renvois d'angle. Ferry Porsche et Karl Rabe, tous deux amateurs de simplicité mécanique, sont assez sceptiques. D'autant plus qu'ils ont encore frais à l'esprit les problèmes posés par le moteur de la Cisitalia qui n'a jamais fonctionné correctement. Néanmoins, il est clair que ce moteur, s'il "marche", satisfera toutes leurs exigences. Ce sera le cas. En plus de sa puissance, il occupe peu de places, n'est pas trop lourd et est parfaitement dans la continuité des boxers de la maison.

Schéma de la distribution du moteur carrera: les 4 soupapes d'un côté (n° 12 à 15) sont actionnées par les arbres (n° 10 et 11) au moyen de longuets.

Fuhrmann travaille jour et nuit avec seulement deux mécaniciens, choisis parmi les meilleurs de l'usine. Il va lui-même contacter les sous-traitants et parvient à résoudre tous les problèmes pratiques. Il conserve le vilebrequin Hirth avec ses bielles montées sur rouleaux et fait aussi tourner le vilebrequin sur des paliers à roulements. Ceci génère théoriquement moins de frottements que des paliers lisses. De plus, l'architecture du moteur le rend thermiquement symétrique, c'est à dire que l'échauffement des pièces génère une dilatation qui se répartit également dans les deux bancs de cylindres et ne crée aucune distorsion au niveau des pièces mobiles. Pour le refroidissement, il crée, avec la collaboration de l'ingénieur Franz Xavier Reimspiess (le père du moteur VW), une turbine à double entrée, véritablement géniale. L'optimisme étant de rigueur, il se permet de supprimer le radiateur d'huile. Les roulements à rouleaux seront malheureusement un point faible du moteur qui ne supporte pas bien de tourner à bas régime. D'autre part, l'installation des distributeurs en bout d'arbres à cames génère des vibrations destructrices. Enfin, il faut insister sur les difficultés d'assemblage du moteur (120 heures de travail). Le réglage de la distribution prend de 8 à 12 heures en fonction de la qualité d'usinage des pièces et de l'habileté de l'ouvrier. Pour plus de détails, voir " Speedster " pages 90 à 92. Le moteur " Fuhrmann" tourne pour la première fois le Jeudi Saint de 1953, il produit 112cv à 6.400 t/mn et on conseille de ne pas dépasser 7500 tours. En fin de développement (1961), le " carrera" allait fournir, difficilement il est vrai, jusqu'à 190cv à 8000 tours/minute.

3 Les vieilles Gmund SL.

En 1953, l'usine abaisse le toit de deux de ses 356 SL et les munit d'un pare-brise Knickscheibe modifié de manière à les faire ressembler aux 356 de série dont les SL étaient censées faire la promotion. Elles sont encore engagées dans quelques grandes épreuves. Une 1300cc modifiée termine treizième au Liège-Rome-Liège. Au Mans, deux SL, une 1100 cc (toit abaissé) et une 1500cc (toit normal et double pare-brise) abandonneront sur panne mécanique. La même 1500, engagée dans la Carrera Panamericana, sera crashée. Pour clore ce chapitre historiquement important des SL, il faut signaler qu'elles seront encore engagées en 1954 et 1955 dans des grands rallyes comme le Liège-Rome-Liège et la Coupe des Alpes. A ce moment, une d'elles aura même un moteur 1500cc à quatre arbres à cames.

La Studebaker conçue par Porsche (type 5421. Il s'agit d'une propulsion à moteur avant, mais d'autres configurations avaient été envisagées

 4 Studebaker.

Ayant échoué dans la commercialisation des VW aux USA, Max Hoffman met Ferry Porsche en contact avec les dirigeants de Studebaker pour créer une " Wolkswagen for America ". Plusieurs projets seront vendus par Porsche, mais un seul prototype est construit, c'est la 542, berline traditionnelle, Studebaker étant confronté à de graves problèmes financiers, la collaboration entre les deux firmes cessa rapidement.

 

 

 

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