15 – 1955: FIFTY FIFTIES

Le premier catalogue consacré aux 356 A et au Spyder 550 (11/1955)

Le milieu des années cinquante est une période contrastée. D'un côté, le ciel est assombri par la menace d'un conflit nucléaire. Les pays de l'Est concluent le Pacte de Varsovie et une nouvelle guerre fait rage en Algérie, un an après la chute de Dien Bien Phu. Mais d'autre part, la créativité est maximum, c'est l'année de l'invention du transistor, de la Citroën DS et du premier vol de la Caravelle. Il y a une grande joie de vivre qui fait oublier le péril atomique, On a justement dit de la période qui va de 1955 à 1960 que c'était le temps du futurisme et de l'optimisme.

Chez Porsche, la réussite est éclatante. Malheureusement, la production a du mal à suivre par manque de place, malgré la construction de l'usine Werk 2. Heureusement, en décembre, l’US Army libère les bâtiments de la Werk 1 qu'elle occupait depuis la guerre. La notoriété de la firme est immense, des clubs Porsche naissent dans tous les pays occidentaux. La VW, une autre création du grand Professeur continue un parcours triomphal: en 1955, Wolfsburg fête avec éclat la construction de la millionième Cox. A Stuttgart, la cinq millième 356 était sortie en mars 1954 et on en construit près de 3.000 en 1955.

La même année 55, la construction des Tracteurs Type 111 par la firme Allgaier cesse. Porsche en collaboration avec Mannesheim construit une nouvelle usine à Friederichshaffen, la Porsche-Diesel Motorenbau Gmbh, La production des tracteurs en très grandes quantités se révèlera très lucrative.

 1. Les 356 A T1.

En septembre 1955, les 356 vont connaître un grand changement avec l'arrivée de la version A. Les modèles antérieurs ont rétrospectivement été baptisés Pré-A (ou T0). On peut aisément distinguer les A par les bas de caisse latéraux qui sont verticaux et les arches de roue qui sont maintenant arrondies. Sur les Pré-A, les bas de caisse étaient incurvés vers l'intérieur et la découpe des roues était aplatie. Les premières 356 A correspondent à un programme technique élaboré par l'usine et portant l'appellation Tl pour Tecknische Programm. Il y aura beaucoup de programmes techniques, le T8 sera celui des premières 911.
Pour la motorisation des 356A, c'est l'arrêt des 1.500cc sauf sur les modèles Carrera. Il n'y a plus que des moteurs 1.600cc de 60cv (Type 616/1) et de 75cv ou Super (Type 616/2). L'abandon des vilebrequins à rouleaux Hirth se fait progressivement en commençant par le moteur 160ON. Les nouveaux vilebrequins à paliers lisses sont dits "Alfinger" car fabriqués à Wasseralfingen. Les carters moteurs sont maintenant en trois parties.
En fin 1955, une 356 A 1500 GS, dite Carrera, fait son apparition dans la gamme. Après avoir envisagé de ne fabriquer que des Speedster Carrera, l'usine décide que le moteur 100cv Carrera (1600cc) pourra être livré en option pour tous les modèles de 356. En général, les acheteurs choisissent une finition allégée avec un gros réservoir, pas de chauffage et une suspension plus ferme.

La Pooper est un hybride associant un moteur Porsche aux qualités d'un châssis de Cooper. En 1955, ce genre de voiture commençait à mettre en péril la suprématie des 550, tout au moins aux USA.

La gamme se décline en trois carrosseries: Coupé, Cabriolet et Speedster. Les pare-brises Knockscheibe disparaissent. Le Speedster a été décrit précédemment, c'est le bas de gamme. Le cabriolet est la version la plus luxueuse… et la plus lourde, ce qui fait qu'un Cabrio Carrera (100cv) est à peine plus nerveux qu'un Speedster Super (75cv) pesant une centaine de kilos de moins. Notons l'apparition d'une barre.

2. Les Spyder 550

Après les huit protos initiaux, l'usine continue à perfectionner les 550 qu'elle utilise en course. Une vingtaine d'exemplaires semble avoir été réalisée pour les besoins de l'usine. Ce chiffre est imprécis car des voitures anciennes ont souvent été réutilisées après complète reconstruction. Pendant ce temps (de 1954 à 1956), les Spyder " clients " continuent à être fabriqués en petite série, leur poids est de 10% supérieur à celui des voitures d'usine. Certains sont utilisés comme voiture de tourisme et bénéficient d'un équipement plus luxueux (capote).
En août 1955, les 550 sont munies d'une boîte à cinq vitesses. A la fin de la saison, il est évident que le Spyder 550, avec son châssis primitif, commence à n'être plus compétitif lors des compétitions de courte durée. Les nouvelles EMW, la Maserati 1.5 litre, les OSCA et les Lotus deviennent des adversaires coriaces. Aux USA, Peter Lovely a l'idée d'associer le moteur Porsche aux remarquables châssis des Cooper, ce qui donne naissance aux "Pooper", bien supérieures aux 550. A l'usine, on est bien conscient du problème et on travaille ferme à la mise au point d'un nouveau châssis tubulaire pour le futur Spyder (le 550A).

3 Le Mans tragique

C'est l'année terrible du plus grand accident de course automobile de tous les temps. Plus de quatre-vingts personnes seront tuées sur place et il y aura des centaines de brûlés, de mutilés et de blessés. Le désastre fut provoqué par la Jaguar D de Mike Hawthorn (qui devait quand même remporter l'épreuve). En rentrant un peu tard aux stands, il fit une queue de poisson à une Austin Healey, la forçant à déboîter devant la Mercedes 300 SLR de Pierre Levegh. La Mercedes fut propulsée dans les airs et, en retombant, aspergea le public de débris enflammés. Sa carrosserie en magnésium brûla avec une grande violence. On pense aujourd'hui que la haine viscérale de Hawthorn à l'égard de l'Allemagne l'avait conduit à prendre des risques inconsidérés pour dépasser les 300 SLR. Plus tard, il devait d'ailleurs se tuer sur route en essayant de dépasser à tout prix une Mercedes.
Après l'accident, l'équipe Mercedes s'étant retirée, le meilleur Spyder (Helmut Polenski et Richard von Frankenberg) remonta à la quatrième place du classement général, remportant la victoire en classe 1.500cc et à l'Indice de Performance. La Porsche suivante engagée par l'écurie Nationale Belge était pilotée par Wolfgang Seidel et un jeune génie du volant, Olivier Gendebien qui allait devenir le modèle parfait du gentleman driver de haut niveau avec à son actif quatre victoires au Mans. Les six Spyder engagés (un seul ne termina pas) étaient tous des 1.500cc sauf celui de Duntov/Veuillet qui était un 1.100cc à 4 arbres chargé de s'imposer en classe 1.100cc. Ce qu'il réussit, comme d'habitude suite à l'abandon de tous ses concurrents.

 4. Les Mille Miglia

La course mythique qui paralysait toute l'Italie les deux premiers jours de mai eut en 1955 un intérêt tout particulier du fait de la sensationnelle performance réalisée par Stirling Moss et Denis Jenkinson sur Mercedes 300 SLR (240cv). Ils remportèrent l'épreuve à la moyenne jamais égalée de plus de 157 km/h. Cet exploit fit un peu passer inaperçus les résultats des Porsche qui gagnèrent les classes GT 1300 (von Frankenberg), GT 1.600 (Guenzler) et Sport 1.500 (Seidel). La Porsche la plus rapide, la 1.500, parcourut les Mille Miglia à la moyenne remarquable de 131 km/h, terminant huitième au général derrière quatre Mercedes, deux Ferrari et une Maserati. 

5. Les 12h de Sebring

Les 12 heures de Sebring en mars 1955. Le Spyder 550 de gauche (n°68) est la voiture de Huschke von Hanstein qui terminera à la huitième place

Il n'est certainement pas inutile d'évoquer les très nombreuses compétitions américaines auxquelles participent des Porsche 356 ou 550. Ce sont pour la plupart des courses locales, le plus souvent sur des circuits situés en Californie (Palm Springs, Bakersfield, Torrey Pines, Monterey, etc ... ). Ces manifestations suscitent un grand intérêt auprès du public qui dispose de plusieurs magazines (comme "Road & Track " ou "Car & Driver ") lui permettant de se tenir au courant. De nombreux jeunes pilotes américains commencent à acquérir une certaine notoriété. Citons John Fitch, Briggs Cuningham, Carroll Shelby, Jack McAfee, Richie Ginther, etc... Les 12 heures de Sebring (Floride) sont la course pour voitures de sport la plus connue des Etats Unis. En importance, elle est considérée comme venant juste après les 24 heures du Mans. En 1955, pour la première fois un Spyder 550 piloté par Huschke von Hanstein et Herbert Linge termine dans les dix premiers, en fait à la huitième place au général et cinquième à l'indice de performance. Ce n'est qu'un début, à partir de 1971, les Porsche triompheront régulièrement à Sebring.

6. James Dean

Pour les porschistes, 1955 c'est aussi l'année James Dean. Résumons les faits. Jimmy, jeune acteur prometteur, achète un Speedster 1500 en mars. Passionné de pilotage, il l'engage dans trois petites courses locales où il obtient des résultats satisfaisants, ce qui est normal vu la supériorité du Speedster sur ses concurrents. Ceci le conforte dans son désir de faire de la compétition. Ayant les moyens financiers ad hoc, il désire acheter ce qu'il y a de mieux à l'époque comme voiture sportive, En septembre, il commande donc un Spyder 550 à John von Neumann, patron du garage Pacific Motor. Le vendredi 30 septembre, lorsqu'il se rend pour la première fois à une course au volant de sa nouvelle auto, il est tué lors d'un banal accident de circulation. A un carrefour, un conducteur venant en sens inverse lui coupe la route en tournant vers la gauche. Son copilote et mécanicien, l'Allemand Rolf Wütherich, est gravement blessé. C'est un personnage de l'épopée Porsche dont nous reparlerons bientôt. Ce qui est extraordinaire dans cette médiocre histoire est son retentissement. A partir de cet accident dont est victime une jeune vedette n'ayant encore que trois films à son actif, va se créer une véritable légende. Bien plus, James Dean va immédiatement devenir le symbole du mal de vivre de toute une jeunesse. Dans la réalité, il s'agissait simplement d'un jeune acteur, peut-être un peu mal élevé, mais certainement pas en opposition avec le système dont il profitait à 100%. Bien que réformé pour homosexualité (ce qui lui évita la Corée), son goût pour les jolies actrices et les Porsche était notoire. Les vieux porschistes se souviendront qu'il avait publiquement déclaré avoir réussi la performance inouïe de faire J'amour dans l'habitacle minuscule de son Speedster 1500. L'heureuse élue était sa partenaire dans "La Fureur de Vivre", la jolie Nathalie Wood, qui, quelques années plus tard, sera la vedette inoubliable de West Side Story. Cet aspect joyeux et provocant du caractère de Jimmy a vite été oublié. C'est à tort qu'on en a fait un sombre révolté, ce qu'il n'a jamais été. En fait, on l'a confondu avec les personnages qu'il interprétait dans ses films et plus spécialement dans "Rebel without a cause". Dans ces conditions, il pouvait être récupéré par les jeunes contestataires des sixties et seventies. Sa mort violente en a fait une sorte de martyre. La saga Porsche s'est spontanément nourrie de cet accident qui a conféré aux voitures de Stuttgart une sorte d'aura glorieuse et dramatique. Plus curieux encore, la réalité historique a fini par s'altérer, presque tout le monde pensant à tort que Jimmy s'est tué au volant d'un Speedster, Ce qui a valu à ce modèle le nom de "voiture de James Dean". Ce phénomène de glorification d'un véhicule à l'occasion du décès de son propriétaire n'a qu'un équivalent, aujourd'hui presque oublié, la mort d'Isadora Duncan par strangulation lorsque sa longue écharpe s'était prise dans la roue d'une Bugatti (Nice, septembre 1927).

 

Le vendredi 30 septembre 1955, au petit matin, Jimmy et Wütherich partent de Hollywood pour Salinas. L'accident aura lieu le même jour à 17h45

 

Précédant

Suivant