18 : 1958

En 1958, l'usine hésite entre le développement des 356 A suivant un programme T4 peu révolutionnaire et le lancement d'une nouvelle 356 B en 1960. C'est cette option qui est finalement choisie. Ceci nécessite un important travail de conception qui va occuper tous les ingénieurs de 1958 à 1959.

 1. Le convertible D remplace le Speedster.

Le Convertible D (alors appelé Speedster D) lors de sa présentation en août 5S. C'est plus un Cabriolet simplifié qu'un Speedster civilisé. Son utilisation en compétition sera exceptionnelle

La gamme 356 reste inchangée. Les Cabrios et les Coupés se vendent bien et s'il existe des problèmes, ce sont ceux générés par les délais de livraison. Par contre, on note un net fléchissement des ventes du Speedster, considéré comme inconfortable même aux Etats Unis. De plus, ce modèle "bas de gamme" dénote un peu chez Porsche qui cultive la qualité, le luxe et bien sûr des prix plus élevés que ceux de la concurrence. Enfin, le Speedster avait été une création sur commande de Max Hoffman et il avait déplu d'emblée à Ferry Porsche qui n'aimait pas les versions simplifiées, surtout à cause de leur faible rentabilité. Bref, le Speedster est condamné sans que le concept du roadster léger soit abandonné. Le nouveau modèle, qui sera baptisé Speedster D, puis Convertible D, aura la même carrosserie que le Speedster mais avec un pare-brise plus haut (mais encore amovible), une capote normale (quoique légère) et des vitres latérales à mécanisme. Adieu les sièges baquet inconfortables, les entrées d'eau le long des panneaux latéraux et le manque de visibilité. Le pare-brise du Convertible D a un encadrement chromé ce qui le distingue de celui du Cabrio dont l'encadrement est petit comme le reste de la carrosserie. Depuis la faillite de Gläser, toutes les 356 ont été carrossées par Reutter dont les capacités sont à la limite de la saturation. L'arrêt du Speedster permet au carrossier de respirer. Pour le nouveau modèle, Ferry décide de s'adresser au carrossier Drauz à Heilbronn, c'est lui le "D" de Convertible D.

2. Les moteurs Carrera.

Un bref résumé s'impose :
1. Les moteurs 547 sont des 1.500cc dont les distributeurs sont situés aux extrémités des arbres à cames, ce qui génère des vibrations destructrices. On distingue le Type 547 (1953-1955 environ) destiné aux Spyder et le Type 547/1 destiné aux 356 Carrera 1500 GS.
2. Les moteurs 692 ont leurs distributeurs situés en bout de vilebrequin. Le Type 692/0 est un 1.500cc à vilebrequin Hirth. Ce vilebrequin a ensuite été abandonné sur le Type 692/1 qui est un 1.500cc dont l'existence est motivée par la limite des catégories Grand Sport et Formule 2 de FIA.
Tous les autres moteurs Carrera sont des 1.600cc. Ce sont les 692/ 2 (qui équipent les dernières 356 Carrera de Luxe) et les 692/3 (destinés aux Speedster Carrera GT de 1959, aux Abarth Carrera GTS et à certains Coupés 356 B GT).

3. Développement de la 718 (1500 RSK).

L'as français du moment, Jean Behra, bien reconnaissable à son casque à damiers, au volant d'une 718 RSK au Nürburgring

La disposition en V des barres de torsion à l’avant (responsable de la lettre K de RSK) est rapidement abandonnée. On revient aux deux barres de torsion transversales et parallèles (comme sur la 356). La distance entre les barres est augmentée de 50%, ce qui augmente le débattement de la suspension.
La conception vieillotte de la suspension arrière qui, dans son principe, remontait aux Auto Union d'avant guerre, est une source de soucis. Il est clair que les constructeurs anglais et plus spécialement Eric Broadley (Lola) et Colin Chapman (Lotus) réalisent des voitures de course présentant une meilleure tenue de route que celle des Spyder. Le point faible des suspensions arrière des Porsche de série comme de course est la présence d'une barre de torsion transversale avec des bras tirés, le tout étant lourd d'une géométrie "à la Cox". Malgré l'avis défavorable d'une partie de la direction et du service des ventes, von Rucker dessine une nouvelle suspension arrière utilisant des ressorts à boudin dont l'axe de pivotement (roll centre ou centre de roulis) est abaissé autant que possible grâce à la présence d'un bras de suspension fixé sous le différentiel. Des biellettes de Watts encaissent les forces de réaction antérieures et postérieures.
Pendant les années 1958 et 1959, la suspension arrière des voitures d'usine ne va pas cesser d'évoluer, leur conférant chaque fois un certain avantage technique par rapport aux voitures des clients. Cette affirmation doit tout de même être nuancée, car les 550 A, dont la vente continue, se révèlent plus faciles à conduire et mieux équilibrées. Dans de nombreuses courses, les 550 A terminent devant les nouvelles 718 au comportement trop pointu. En 1958, le freinage se fait toujours au moyen de tambours, très efficaces mais fragilisés par leur extrême sophistication. Ainsi, lors des 24 heures du Mans, le nouveau système de fixation des garnitures aux tambours ne va pas tenir toute la durée de la course, entraînant de très longs arrêts aux stands. Le système a atteint ses limites.

4. Apparition du Spyder 1500 RSK type 718 Monoplace.

La célèbre 718 RSK chromée 1958 d'Otto Raker

A l'origine de la création de Spyder monoplaces, il y a le désir de Porsche de participer aux courses de Formule 1 dont on a annoncé que les moteurs auront leur cylindrée limitée à 1 .500cc en 1961. En attendant cette date, Porsche décide de se familiariser avec ce genre de compétition en participant au championnat de Formule 2. Le plus économique est de commencer avec un Spyder RSK utilisé tel quel avec sa carrosserie enveloppante, l'emplacement du passager étant simplement couvert. Les résultats sont très encourageants. Il vient alors à l'esprit des ingénieurs (surtout Wilhem Hild) que la voiture serait mieux équilibrée avec le siège du pilote placé au centre. On modifie la direction en reculant le boîtier qui est relié à deux barres d'accouplement symétriques et de même longueur. Lorsque le volant est fixé à gauche, la colonne de direction a une forme de Z (avec deux cardans). Si le volant est placé au milieu du tableau de bord (où il existe un support adéquat), on utilise une colonne de direction centrale. Bien sûr, les pédales, le levier du changement de vitesses et le siège peuvent être déplacés si nécessaire. Cette transformation en monoplace est d'abord effectuée sur la RSK de Paul Frère et Edgar Barth qui a couru au Mans. Comme la RSK est bien mieux profilée que ses concurrentes à roues non carénées, on choisit, pour débuter en F2, le GP de Reims avec ses longues lignes droites et seulement deux épingles. La voiture pilotée par Jean Behra est une 718 monoposto avec dérives arrière, les arches de roue couvertes et sans phare. Le résultat est brillant, Behra termine premier devant une meute de Cooper, Lotus, Osca et Ferrari.

Coffre avant de la version transformable de la 718 RSK : le tube transversal de la barre de torsion supérieur aura a été placé beaucoup plus haut que sur les 550, d'où la présence de deux réservoirs d'essence au lieu d'un seul. Le boîtier de direction est en position médiane et peut être relié à un volant central (comme sur la photo) ou situé à gauche

C'est à ce moment que Ferry Porsche décide de construire une vraie Formule 2 à roues non carénées. Les historiens considèrent rétrospectivement que ce fut une erreur de stratégie. Le temps et l'énergie consacrés aux F2-F1 fut perdu pour le développement des Spyder qui étaient plus proches de la philosophie des Porsche de série.
Pour l'époque cette 718 (monoplace ou pas) est une voiture extraordinaire. Malgré un prix très élevé (comme d'habitude), les commandes affluent. Seulement 37 RSK auront été livrées en fin de fabrication (1959). Comme toujours, il y eut des critiques, notamment concernant la tenue de route. Si la tendance au survirage terminal était plutôt bien contrôlée, un désastreux sous-virage faisait son apparition dans certaines circonstances (épingle, sol glissant) pour se transformer brusquement vers 150 km/h en un survirage brutal. Ceci s'explique d'abord par l'association d'un train avant de conception ancienne avec une suspension arrière plus performante (comme sur Mickymaus). Puis, l'augmentation de puissance du moteur s'est faite aux dépens de sa souplesse, en dessous de 6.500 tours, le moteur est creux.

 

 

 

5. Compétition.

Le cockpit de la même voiture montre que le tableau de bord (grand cadran) est situé à gauche. L'orifice visible au travers du volant permet le passage de la colonne de direction quand le volant est à gauche

1958 est encore une bonne année pour Porsche. Il est même impossible de citer tous les succès. Au Mans, la première RSK (Behra-Herrmann) est troisième à la distance après avoir bien failli terminer deuxième. Elle est suivie aux quatrième et cinquième places par la 718 RSK de Barth-Frère et la 550 A de Beaufort-Linge. Belle victoire groupée, d'autant plus que quatre des cinq Porsche engagées termineront.
Le meilleur résultat est bien sûr la victoire de Jean Behra en Formule 2 au GP de Reims. Sa quatrième place à Riverside au GP de Los Angeles (12 octobre 1958) est un beau succès car la concurrence est composée de Ferrari, Lister, Chevrolet et autres Jaguar Type D. Une nouveauté est la participation de Porsche aux courses de côte comptant pour le Grand Prix de la Montagne. Dans cette utilisation, le Spyder RSK convient parfaitement du fait de son faible empattement. Jean Behra (le meilleur pilote français des années cinquante) et von Trips écrasent la concurrence avec notamment des victoires au classement général au Parnasse, au Ventoux et à Ollon-Villars. A la 42e Targa Florio, la 718 de Behra-Scarlatti termine deuxième de l'épreuve et Porsche remporte les victoires de classe en Sport (avec une 550) et en GT (avec une Carrera).

 

Précédant

Suivant