C’est dans une Europe dominant le monde que naissent presque simultanément le XXè siècle et l’aventure automobile. Aujourd’hui, un siècle plus tard, diminuée par 2 guerres mondiales, notre vieux continent agonise sous les coups d’un pouvoir totalitaire mondialiste. Pour autant la tradition de l’art et de la technique automobile reste encore la chasse gardée d’une poignée de pays de l’Europe occidentale. L’Italie, l’Allemagne la France et l’Angleterre sont le creuset du génie Automobile. Et parmi ces génies qui marquèrent notre passion trône Ferdinand Porsche.

Chap 1 : Ferdinand, le génie précoce.

Pour citer Thriar, « peu d'hommes dans l'automobile ont été à l'origine d'une tradition comparable à celle qu'a généré Ferdinand Porsche. Les traces de son génie se retrouvent bien sûr dans les voitures qui portent son nom, mais encore dans les Audi et même dans les voitures à propulsion mixte comme la future Swatch. Assez curieusement, ce sont les Volkswagen qui se sont le plus éloignées de ses conceptions, mais ceci est en passe de changer depuis l'arrivée de son petit-fils à la tête de l'usine de Wolfsburg.

La maison natale de Ferdinand Porsche à Maffersdorf sur Neisze photographiée en 1888. C'est la ferblanterie d'Anton Porsche avec le magasin et les locaux d'habitation à l'avant tandis que les ateliers sont à l'arrière. Les objets exposés dans la vitrines sont des lampes à huile.

Ferdinand est originaire de Maffersdorf en bohème, région tchèque voisine de l'Autriche. Cette origine frontalière et le fait d'être issu d'une minorité germanophone pourraient expliquer le patriotisme allemand dont il devait toujours faire preuve. Il est né le 3 septembre 1875, soit onze ans seulement avant que la première voiture automobile de Carl Benz fasse ses premiers tours de roue. Son père, Anton, venait de la ville voisine de Reichenberg et était ferblantier, c'est à dire fabriquant de petits objets en métal.
Il eut cinq enfants dont le premier mourut, le second était Louise (aujourd'hui Piëch) et l'aîné des garçons survivants fut notre Ferdinand. Il aurait dû tout naturellement prendre la suite de son père dont l'entreprise familiale, décrite comme prospère, mais il ne manifestait que peu d'intérêt pour l'artisanat. Le jeune Porsche préférait se plonger dans les livres de physique et bien sûr d'électricité (science qui était moins complexe à l'époque que maintenant). Dès l'âge de quinze ans, il bricola un petit atelier de construction électrique dans le grenier de la maison familiale, ceci à l'insu de son père. Sa mère Anna Porsche l'aurait soutenu alors que son père désapprouvait ce qu'il appelait les fantaisies de son fils.
Ayant découvert le petit labo, Anton, tout aussi colérique que Ferdinand allait le devenir, aurait piétiné le matériel électrique. En renversant les réserves d'acide des batteries, il aurait même abîmé ses chaussures et troué son pantalon. Comme souvent après une crise, une solution de bon sens fut trouvée. Ferdinand travaillera de jour dans l'atelier familial mais pourra suivre les cours du soir à l'école Professionnelle de Reichenberg. C'est à ce moment que se situe l'anecdote bien connue par la célèbre photographie qui illustre cet article.

En 1894, le jeune Ferdinand pose fièrement devant l'installation électrique qu'il vient d'installer dans la cave pour éclairer la maison familiale. La force motrice est probablement produite par une machine à vapeur (invisible sur le cliché) utilisée pour l'atelier de ferblanterie sinon l'installation n'aurait pas été réalisé à l'insu du père. Il faut admirer la propreté du montage du tableau de distribution avec ses rhéostats, ses cadrans bien alignés et son éclairage. La photo est extraite de l'album familial.

 

 En rentrant un soir, le père Porsche a la surprise de voir sa maison entièrement illuminée. Ferdinand a installé une petite génératrice qui permet ce miracle de la "fée électricité" comme on disait à l'époque. A cette époque, il n'y a à Maffersdorf qu'une seule autre bâtisse éclairée à l'électricité, c'est une manufacture de tapis. Son propriétaire s'enquière de l'auteur de cette installation. Surpris que ce soit un jeune homme de 18 ans, il propose à Anton Porsche d'envoyer Ferdinand à Vienne, chez Bela Egger (firme qui sera connue ultérieurement sous le nom de Brown Boveri). A Vienne, Ferdinand n'a ni l'argent, ni le temps de s'inscrire à l'université. On raconte qu'il se glisse discrètement parmi les étudiants des cours du soir de l'école Technique Supérieure de Vienne. Si plus tard, il sera bien sûr nommé docteur-ingénieur, ce sera "honoris causa". En cela, il rejoindra les autres "génies de l'automobile" que sont Louis Renault, Henri Ford, Enzo Ferrari et Ettore Bugatti. Ce dernier pouvant être considéré comme l'équivalent latin de Ferdinand. Ferry Porsche, entraîné par le tourbillon des activités de son père Ferdinand, n'aura pas le temps de s'inscrire à l'université et sera aussi ingénieur "h.c".
Le séjour chez Bela Egger est un moment merveilleux pour Ferdinand qui apprend vite et beaucoup, alliant l'intelligence à l'ambition. A 22 ans, il est déjà directeur du service technique et il peut se livrer à son goût immodéré pour l'expérimentation qui vaudra tant de déboires à ses futurs employeurs. En 1897, il rencontre dans l'usine une jeune employée, Eloïse Koes, qu'il épouse en 1904. Elle se révélera une épouse efficace et sera jusqu'à sa mort la directrice occulte du brain-trust Porsche.
D'emblée, elle veille à ce que les trouvailles de son mari soient brevetées sous son nom. En effet, une des premières inventions de Ferdinand aurait été brevetée sous le nom d'Ernst Egger, fils de Bela.
En tant que spécialiste en moteurs électriques, Porsche va entrer en contact avec Ludwig Lohner qui est le plus grand carrossier hippomobile de l'époque. Ce viennois a bien compris que l'avenir est dans la motorisation des véhicules. Il s'adresse d'abord à Gottlieb Daimler qui refuse tout net car il désire exploiter ses inventions lui-même ou tout au moins en famille. Devant cet échec, il pense au voisin, Bela Egger, qui lui envoie Ferdinand, son chef technicien. Porsche est immédiatement séduit par l'automobile et l'idée d'utiliser ses compétences en propulsion électrique l'enthousiasme au point qu'il quitte immédiatement Bela Egger pour entrer chez Lohner. C'est le coup de foudre entre les deux hommes et en 1899, Ferdinand se retrouve à 24 ans pour la première fois "chef constructeur". On peut s'émerveiller de la rapidité de la réussite du jeune Porsche. C'était sans discussion possible un vrai génie, mais une part de l'explication doit être recherchée dans le contexte historique. Le début du vingtième siècle a été une époque merveilleuse. Dans sa dernière autobiographie, Ferry Porsche a intitulé ce chapitre de l'histoire de son père "Le monde était encore un lieu sûr". Cet âge était celui de l'empire Austro-Hongrois que Ferry appelle non sans raison "le précurseur des Etats-Unis d'Europe". On croyait dans la justice et le progrès. Les entreprises étaient prospères et prêtes aux expérimentations techniques. Elles allaient être comblées avec l'arrivée de Ferdinand Porsche dans le monde naissant de l'automobile. Cet âge d'or allait disparaître en 1918 avec le démantèlement de l'empire des Habsbourg.

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