Potier il est devenu, étape par étape, du tour au four, du four à une renommée de potier bien installé dans son village, dans sa province, entouré d' acheteurs qui sont ses amis, accomplissant une authentique fonction d' artisan d' aujourd' hui, libre, intelligent, prenant de la culture ce qui est de son appétit, fuyant les prétentions, choisissant les thèmes potiers qui lui plaisent, qui lui chantent, les pichets, les épis de faîtage, les cruches et la vaisselle de tous les jours. Chaque fois les marquant de sa personnalité, se faisant un style sans en avoir l' air, presque rien, une manière de tourner l' argile, de l' orner d' une volute nerveuse. On reconnaît ses pots, on les aime et on les utilise, comme ceux du vrai potier qu' il est, sans concession, prêt, si la commande se présente, à créer une oeuvre monumentale, quittant à peine son tour pour compléter son travail des modelages de potier, anses, reliefs sur des bases tournées, fidèle à la tradition des épis de faîtage qu' il aime faire, comme de routine, mais tous différents et pleins d' esprit.

Aujourd'hui Jean-Michel Doix s' est épris de « reliquaires » qu' il traite à la manière des terres vernissées, animées d' un graphisme gai, spirituel, d' une inspiration qui se situe entre l' art populaire de Catalogne, sa terre d' élection, la Transylvanie si riche en somptueuses poteries usuelles et les émouvants objets de la Fondation Dubuffet, art source s' il en est. C' est, dans la discrétion, un travail profond qui s' appuie sur des thèmes connus avec une telle liberté qu' ils sont nouveaux comme toute manifestation sensible en ce qu' elle n' imite pas mais traduit une gestuelle, une vision propre à l' auteur et, par conséquent engendre un objet intrinsèquement unique. Je pense, exemple magnifié, aux tigres de Hokusaï, faits de la même écriture, tous semblables et dissemblables.

La main, l' outil, le matériau, le métier dominé engendrant une ceuvre qui, par la force des choses prend le caractère d' être qu' ont, bien regardés les visages humains, forts de ce métier de la nature qui s' impose et signifie.

L' art de Jean-Michel Doix est dans la vie, il procède d' une création continue au sein dè laquelle l' idée se poursuit en paix, ne ressortant pas dans des clichés étouffants qui handicapent tant le créateur en voulant le convaincre qu' il faut être dans l' avant garde d' avant hier pour exister aujourd' hui, philosophie admirablement Shaddock. Il est de ceux qui sau- vegardent et transmettent la tradition, la vraie, qui est fidèlité dans l' invention et non pas seulement conservatoire des gestes dont l' habileté même est sujette à caution.
Robert Deblander