Loin de Paris

 

 

            Les deux étangs sont un peu plus bas que la grange, en-dessous d’un champ cultivé où croît tantôt le maïs, tantôt, comme à présent, du blé en herbe. Ce sont des étangs artificiels, récemment creusés pour les plaisirs de la pêche dans une terre argileuse sur laquelle abondent les joncs. Le premier étang, de forme oblongue, avec des bords encore un peu chauves malgré le passage des années, conserve le caractère brutal qu’il avait lorsque ses propriétaires l’ont fait venir à l’existence : son eau jaunâtre se ride sous le vent, c’est vrai, elle reflète le bois qui la borde et que le désir de se chauffer à bon marché réduit à chaque saison. Mais il n’attire pas les animaux, c’est comme si les buttes de déblaiement qui l’entourent, et qu’habillent ou masquent herbes et ronces, le dénonçaient au paysage, où se mène une lutte sourde entre les hommes et la terre. La terre qui ne veut rien, les hommes qui ne savent pas ce qu’ils veulent.

            Le second étang, en revanche, comment cela se fait-il ? est devenu un lieu. Il exerce une attirance sur l’esprit, entretient le désir d’y aller faire un tour et d’y passer du temps. Ses rives sont plates et accueillantes, avec une cabane auprès pour entreposer des sacs d’aliments à canards et des outils, une pente douce qui incite à s’asseoir pour regarder l’eau en attendant que les poissons reviennent vers la surface, sautent, happent, s’adonnent au plaisir de se faire caresser par la lumière. Mais voici qu’un couple de canards sort à découvert : apeurés, ils étaient allés se cacher derrière l’île qui agrémente le milieu de l’étang, une île artificielle comme le reste, une sorte de pâté de terre irrégulier que la végétation a adopté, naturalisé et sur lequel elle s’est installée comme un chat sur des genoux. Humains, poissons, oiseaux, nous fréquentons ce second étang, mais nuls plus que les canards. Au fil des minutes, d’autres couples paraissent, des mères suivies de canetons, tout une population qui commence à caqueter. Tout à coup, déconcerté par un geste brusque, un couple s’envole bruyamment, s’élève assez haut. Ils tournent lentement autour de l’étang en tendant le cou, et en les suivant du regard, on a le sentiment de voir ce qu’ils voient, de les voir nous voir, deux silhouettes immobiles au bord de l’eau, vues sous divers angles. Eux, ils sont dans le ciel, qui est leur terrain de jeu et de voyage, leur belvédère. Leur arrivée en ce printemps, leurs traversées du ciel élargissent nos regards et nous ôtent un poids de dessus la tête. En tournant le dos à l’étang pour repartir le long d’une haie renforcée par des chênes, on voit de loin sur l’horizon la grange bien close, et le hangar gris aux tôles déchirées par la tempête, qu’il faudrait bien faire réparer.

 

            Le soir, à la sortie du restaurant, engourdis par la nourriture et la chaleur d’une cheminée, on fait quelques pas vers la mer, accueillis par la voûte du ciel scintillant et par les lumières de l’île de Ré qui s’allongent en face. Le vin blanc et la nuit profonde et froide agitée par le vent nous enivrent et nous poussent vers un banc, serrés l’un contre l’autre pour garder la chaleur, puis nous font tituber sur la route déserte, rire, descendre vers le sol et remonter encore. On se chahute gaiement, logés quelque part dans la grande auberge planétaire qui bascule. De plus en plus assoiffés, avides de boire cette noirceur éclairée, transfigurée pour quelques heures encore. Les vêtements à ouvrir ou refermer, les clés égarées qu’on recherche, et la voiture obéissante part dans l’obscurité, ses phares, comme deux cornes de lumière, perçant la nuit dans laquelle s’enveloppent la route, les arbres, les villages et les champs. Nuit de chance. L’ivresse du ciel est en nous, dans la bagnole bien chauffée et véloce. Echapper pour un temps à la terre dont nous sommes pétris, et qui nous veut.

                                                                                                            Pierre Pachet

 

 

 

--- Appel a soutenir la coalition israelo-palestinienne pour la paix !

http://lapaixmaintenant.org/petition.htm

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--- Les medecins pour les droits de l'homme - Israel lancent un appel urgent a toute contribution pour soutenir l'operation qu'ils ont lancee pour porter secours aux Palestiniens blesses recemment et approvisionner en assistance medicale (equipement, medicaments et soins) les hopitaux des territoires occupes. Cheques postaux ou bancaires a envoyer a Physicians for Human Rights-Medical Operation, Levanda 30 Tel-Aviv 66020 ou via the New Israel Fund, POB 91588, Washington DC, 20090-1588, USA. En raison des legislations douanieres, ne pas envoyer de medicaments. Details aupres de Miri Weingarten, miri@phr.org.il

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