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Source :
SHAT, Archives du Génie, Article 15, Section 1, §4, Carton 2, pièce 20.

 

Relation de la bataille de Lawfeld, donnée le 2 Juillet 1747 par Sa Majesté le Roi Louis Quinze le Victorieux et le Bien Aimé.

 

L’armée des alliés s’étant déterminée a se porter vers Maastricht pour empêcher Monseigneur le Comte de Clermont et le Comte d’Estrées de s’établir devant cette place, M. le Maréchal envoya des ordres pour replier ces deux corps la droite à Tongres, la gauche vers Borelloven, ce qui fit croire que M le Maréchal ne se disposait pas à marcher vers la Meuse : ce mouvement fut exécuté le 27 ; le 28 il se passa quelques légères escarmouches où nous eûmes l’avantage de même que le 29.

M. le Maréchal fut averti par trois courriers différents que l’armée des alliés était à Chonoven, 2 lieues en arrière d’Hasselt, et que les corps détachés étaient à Diepenbek, lesquels s’étant réunis se proposaient devenir nous attaquer ; sur la certitude de cette nouvelle, S.A.S. se disposa à marcher le 30 au point du jour pour se rapprocher de l’armée du Roi, mais à minuit il vint des lettres de M. le Maréchal qui donnaient avis de nos arrivée avec sept brigades d’infanterie et la plus grande partie de la cavalerie.

Ce même jour, environ 30000 hommes des alliés vinrent camper entre Bilzen et la Commanderie, M. le Maréchal fut à la justice de Tongres reconnaître leur position qui était cachée derrière de grandes allées ; d’après cette promenade il se détermina à marcher le lendemain pour les reconnaître de plus près et pour les attaquer si cela était possible : cette marche se fit en quatre corps ; M de Clermont-Tonnerre avec 30 escadrons se porta vers Althoefelt pour observer si le reste de l’armée des alliés suivait son avant-garde qui avait passée par Bilzen et Munsterbilzen. Ce lieutenant général envoya une brigade d’infanterie et une de cavalerie pour masquer le déboucher du chemin qui mène de la Commanderie à Tongres passant par le marais de Mummerkem.

Les trois autres divisions se portèrent par échelle vers les ennemis ; le Comte d’Estrées avec son corps marcha à l’avant-garde jusque sur la hauteur de Herderen.

S.A.S. avec le sien soutenait le Comte d’Estrées, et M. de Senneterre avec 20 bataillons et du canon suivait S.A.S. ; les corps des troupes légères des ennemis furent poussés pendant que les troupes campées à la Commanderie prirent les armes dans l’intention de marcher à nôtre avant-garde mais leurs débouchés n’étant pas préparés ils changèrent d’avis et se portèrent la droite à la Commanderie et la gauche à Grote-Spouwen où elles travaillèrent à se retrancher.

M. le Maréchal persuadé que les ennemis n’étaient pas en force, manda au Roi, par le Comte d’Estrées, qu’il était en présence d’un corps ennemi et qu’il attendait ses ordres ; le Roi vint en personne lui dire qu’il le laissait le maître ; comme M le Maréchal faisait les dispositions, on vit venir du côté de Maëstricht le reste de l’armée qui s’était mis en marche pour occuper la même position où les alliés avoient campés pendant le siège de Namur.

Cette nouvelle compagnie fit prendre le parti de faire avancer le reste de l’armée qui était arrivé le matin du premier juillet à Tongres, n’étant parti que le 30 de Louvain : ces troupes très fatiguées de la marche avoient encore trois grandes lieues à faire par un temps épouvantable et qui dura toute la nuit et tout le jour de la bataille sans qu’il leur soit échappé la moindre plainte : on pensa à placer les troupes : 12 bataillons restèrent dans Tongres avec deux brigades de cavalerie ; une brigade d’infanterie resta au marais de Mummerckem, et la position fut prise a Herderen enforme de potence, la partie la plus courte était à gauche de Herderen et la plus longue tirait vers Riemst ou les ennemis se présentèrent vers les six heures du soir et canonnèrent très vivement les troupes de S.A.S. qui y étaient postées.

L’armée des alliés arrivait sur trois colonnes, son centre fut placé au village de Lawfeld (qui n’est point marqué sur le carte) et sa gauche laissant Montenaken en avant d’elle, tous les villages furent garnis d’une nombreuse infanterie et d’une artillerie très bien servie. Plusieurs lignes de cavalerie et d’infanterie liaient ces villages et rendaient la position des ennemis parfaitement bonne.

La nôtre, qui avait été prise momentanément à Herderen, devait changer lorsque l’armée serait arrivée.

M. le Maréchal, dont la gauche était parfaitement bien postée à Herderen, où le Roi devait se placer, et qui connaissait les difficultés d’attaquer les ennemis à leur droite, proposa au Roi de faire ses efforts au centre et de ne présenter qu’une légère attaque à la gauche.

Ce front d’attaque fut divisé en quatre parties, M de Clermont-Tonnerre avec 30 escadrons devait charger entre Spouwen et Lawfeld ; M de Salières avec six brigades devait attaquer le village de Vlijtingen à gauche de Spouwen ; et M. le Comte de Clermont avec quatre brigades devait marcher à hauteur de M. de Salières pour attaquer Lawfeld ; M. de Ségur à la tête du corps de cavalerie de S.A.S. devait marcher à côté de cette infanterie. Le Comte d’Estrées avec 4 bataillons de Grenadiers Royaux, l’infanterie et la cavalerie légère, 3 brigades de cavalerie et 4 pièces de canon, devait se porter à la droite de tout ; pour cet effet il reçut ordre de s’allonger sur deux colonnes jusqu'à hauteur de Montenaken où il attendit que les troupes du centre débouchassent ; il put faire ce mouvement sans danger étant séparé de l’ennemi par un ravin.

Lorsque toutes les troupes furent placées, M. de Lautrec, sous les ordres de S.A.S., marcha au village de Lawfeld, et le Comte d’Estrées à Montenaken afin de pouvoir se mettre en présence de l’ennemi, ce dernier village fut attaqué par M. de Rochechouard avec les Grenadiers Royaux et les troupes légères à pied ; comme ce point est de petite conséquence en comparaison des attaques du village de Lawfeld où l’ennemi avait porté ses principales forces et la tête de son infanterie, je reviens à ce qui s’est passé à ce village que la présence du Roy et l’intrépidité des troupes rendront plus célèbre que celui de Neerwinden. M. le Comte de Clermont, digne imitateur de ses pères, de même qu’eux, s’est mis à la tête de l’infanterie et la conduit au combat avec une présence d’esprit et un courage digne du sang dont il est sorti, l’histoire ne nous fournit point d’exemple d’une attaque et d’une défense plus opiniâtre.

Les brigades de La Fère, Monaco, Bourbon, et Ségur, sous les ordres de MM. de Lautrec, de Laigle, de Beaupréau et de Froulay, commencèrent l’attaque ; ces brigades emportèrent d’abord le village, mais en ayant été repoussées, elles furent soutenues par celles de la Marck, des Vaisseaux, de Bettens et des Irlandais aux ordres de Milord Clare et M. de Fitz-James qui attaquèrent le village de Lawfeld, il fut emporté quatre fois et repris autant ; la brigade du Roi, celle d’Orléans et de La Tour du Pin, aux ordres de MM. de Salières, Guerchy et de Lorge, formaient cette attaque. Ces brigades parvinrent enfin à se maintenir dans le village et en chassèrent les ennemis. Une charge de cavalerie faite en même temps à la gauche de cette infanterie par les brigades des Cravates et du Roi favorisa ce moment si désiré ou l’armée ennemie fut séparée en deux, ce qui détermina l’aile gauche des alliés à penser à sa retraite vers Maëstricht.

Pendant ce temps-là, les Grenadiers Royaux de Dolan et de Chatillon, qui s’étaient maintenus dans le village de Montenaken, quoi qu’ils y fussent été attaqués deux fois, venaient d’être obligés de s’en retirer.

La cavalerie aux ordres de M. de Ségur avait fait un mouvement par sa gauche et celle du Comte d’Estrées, privé du point d’appui de M. de Ségur à sa gauche et du village de Montenaken à sa droite, se vit obligé de repasser un chemin creux, tant pour se rapprocher de M. de Ségur que pour n’être pas soumis au feu de flanc qui partait du village de Montenaken.

Ce mouvement s’exécuta d’abord assez tranquillement, mais étant sorti de l’infanterie légère et 3 ou 400 hussards des haies de Montenaken, deux des derniers escadrons furent poussés jusqu’au chemin creux où nôtre infanterie était postée, dont le feu mit l’ennemi en grand désordre ; dans ce moment les Anglais venaient d’être chassés de Lawfeld. On pensa à faire une nouvelle disposition : 24 escadrons furent placés sur deux lignes, les troupes légères à cheval derrière, M. d’Armentières mit l’infanterie en colonne sur le flanc droit.

Dans ce nouvel ordre, M. le Maréchal fit dire au Comte d Estrées de se présenter à l’ennemi dont l’aile gauche de cavalerie était en bataille sur deux lignes et était soutenue de toute l’infanterie anglaise qui se retirait en bon ordre par le village de Kesselt ; cette cavalerie débordait nôtre droite de 8 ou 10 escadrons, mais dans ce moment cela n’était pas inquiétant, le chemin creux étant garni d’infanterie.

M le Maréchal fit avancer du canon à Lawfeld, les Carabiniers et un plus gros corps de cavalerie afin de charger celle des ennemis, mais ces troupes n’arrivèrent pas à temps : les dragons de Beaufremont et quelques escadrons de Carabiniers arrivèrent les premiers ; les dragons passèrent à la droite de tout ; comme ce corps n’était pas suffisant pour remplir le terrain, le Comte d Estrées les fit soutenir par toutes les troupes légères à cheval qui s’allongèrent jusqu’au village de Montenaken où il n’y avait plus d’infanterie.

M. de Ligonier, à la tête de la cavalerie anglaise et hessoise, jugeant sainement de la faiblesse de cette droite, mit en mouvement toute son aile de cavalerie pour nous charger, ce qu’il exécuta avec courage ; les troupes qui étaient au-delà du ravin furent culbutées jusque sur nôtre infanterie qui prit la revanche.

Pendant ce temps-là, le Comte d’Estrées qui avait mis sur le flanc de M. de Ligonier deux escadrons de Carabiniers et qui s’était porté à la brigade d’Anjou chargea en flanc plusieurs escadrons hessois qui furent mis en si grand désordre qu’il ne leur fut pas possible de se rallier.

Le Marquis d’Armentières qui avait quitté la première ligne et s’était porté à la droite pour rallier nos troupes qui avoient été rompues, les ayant tenues en ordre autant que cela avait été possible, remarcha avec audace à la cavalerie anglaise qui cherchait à rejoindre les hessois, mais le Duc de Broglie avec la brigade de Royal s’étant opposé à cette cavalerie ennemie, l’attaqua et la battit de façon quelle fut entièrement défaite et particulièrement les deux escadrons de gardes anglaises où M. de Ligonier fut pris par l’un des deux escadrons de Carabiniers dont j’ai parlé ci-dessus ; les troupes légères se chargèrent de reconduire les fuyards jusque vers Maëstricht ; on forma des escadrons pour suivre en ordre ; cependant l’infanterie anglaise marchant vers Maëstricht longeait un chemin creux ; S.A.S. s’en étant aperçu fit avancer quelques pièces de canon qui déterminèrent la marche de toute l’aile gauche jusque sous cette ville.

M. de Batiany avec tous les autrichiens et partie des hollandais était toujours resté en bataille à la Commanderie. M. le Maréchal se porta à  Herderen pour l’attaquer pendant que les troupes de sa droite se présenteraient sur le flanc de l’ennemi pour le déposter et pour lui couper sa retraite vers Maëstricht, projet arrêté des la veille et judicieusement conçu, mais qui n’a pu être exécuté, le mouvement de toutes les troupes de l’aile droite, qui étaient excédées de fatigue ne s’étant pas fait assez promptement et ainsi que M. le Maréchal le désirait : M de Batiani voyant de la hauteur cette nouvelle disposition qui le menaçait pensa à se retirer, ce qu’il fit sans avoir été entamé, ayant placé de l’infanterie dans les haies de Kontpertiz et fait jeter sa cavalerie dans tous les chemins qui mènent sur la bruyère par où il gagna les hauteurs de Gellik et revint par l’abbaye Doichen rejoindre les Anglais qui étaient retirés sous Maëstricht : ces troupes réunies ont repassés la Meuse la nuit du 3 au 4.

M de Batiani fut suivi dans cette retraite par MM. de Clermont-Tonnerre et de Clermont-Gallerande, mais comme leurs principale forces étaient de cavalerie, ils ne purent rien tenter contre de l’infanterie postée.

Toutes les troupes ont montré une extrême valeur, elles ne pouvaient se dispenser de suivre les grands exemples quelles avoient sous les yeux. Le Roi est resté sur la hauteur d’Herderen d’où il envoyait les ordres et d’où il voyait, avec sa grandeur d’âme et sa tranquillité ordinaire, les bons et mauvais succès, et si la situation où était l’aile droite de l’ennemi eut permis à son aile gauche de charger, S. M. l’eut menée elle même au combat et à la victoire. M. le Maréchal, qu’elle avait chargée de l’attaque du centre et de celle de la droite, les à dirigées avec toute la prudence et toute la vigueur dont il est capable, on ne peut lui reprocher que d’avoir trop exposé sa personne dont la conservation est si nécessaire dans un pareil jour.

Les ennemis ont perdu plus de 12000 hommes et l’armée du Roi environ 6000 hommes dont grand nombre d’officiers : on n’a pas encore au juste la liste des morts et des blessés.

Nous avons pris 20 pièces de canon, des timbales et des étendards ; nous avons perdu quelques drapeaux à l’attaque du village et quelques étendards dans le combat de cavalerie qui cependant a été totalement à nôtre avantage.

A présent, l’armée du Roi est placée, la gauche à la Commanderie et la droite à Oesmal sur le Jaar d’où le Comte d’Estrées avec 5 brigades d’infanterie, deux de cavalerie et toutes les troupes légères barre tout le pays jusqu'à Liège.

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