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Source :
SHAT - Archives du génie, Article 15, section 1, paragraphe 5, pièce 38.

 

Détail de la bataille de Lutzelberg gagnée par M. le prince de Soubise le 10 octobre 1758.

 

La division de M. de Chevert, composée de 25 bataillons, 18 escadrons, des hussards de Bercheny, de la Légion Royale et des Volontaires de Flandres, arriva le 8 au camp sous Cassel, le 9 celle aux ordres de Fitzjames, composée de 10 bataillons et de 12 escadrons passa la Fulda à la suite de toute l'armée.

La division de M. de Chevert ayant été destinée à attaquer la garde des ennemis, M. le Marquis de Voyer fut détaché avec 20 compagnies de grenadiers, 20 piquets, 450 Carabiniers, de la cavalerie, la Légion Royale, les Volontaires de Flandres, et le corps de Fischer.

Comme l'on se proposait de faire passer à toute l'armée le ruisseau de Belkenkgen et de la faire camper au-delà, M. de Voyer fit ses dispositions pour attaquer le village d'Eheylingenrod, mais le projet de tourner la gauche des ennemis ayant prévalu, il se porta jusque sur les hauteurs qui plongent (sur) le village de Dalem ; il fut renforcé pendant la nuit de 10 compagnies de grenadiers, de la brigade des Palatins, et de la brigade de Dauphin Cavalerie.

Le 10 à la pointe du jour, il parut un mouvement considérable dans l'armée des ennemis qui abandonna son camp de Landweragen pour occuper une position plus reculée sur des hauteurs et dans des bois qui couvraient également leur front et leur flanc gauche ; à la pointe du jour l'avant-garde de M. le Marquis de Voyer passa le ravin de Dalem et gagna les hauteurs de Flikenstein et fit attaquer par les troupes légères le hameau Bruck et un bois de haute futaie qui est avant dans l'objet d'avoir une connaissance exacte de la nouvelle position des ennemis ; il y eut une fusillade assez vive ou M. de Chabot repoussa les ennemis et perdit environ 150 hommes tués ou blessés ; comme on ne tarda pas à être assurés que toute l'armée ennemie était dans la disposition d'attendre le combat M. le Prince de Soubise fit ses dispositions et déboucha toutes ses troupes précédées d'une avant-garde aux ordres de M. le Duc de Broglio.

Les troupes qui avant l'arrivée de M. de Chevert et de M. de Fitzjames composaient l'armée de M. le Prince de Soubise furent destinées à attaquer le front des ennemis, tandis que M. de Fitzjames en attaquerait la gauche et que M. de Chevert en tournerait le flanc ; toutes les troupes étant arrivées à leur point de débouché, les avant-gardes de M. de Broglio et de Voyer rentrèrent dans leurs colonnes. A deux heures trois quart, M. de Chevert donna par quatre coups de canons le signal de l'attaque générale et déboucha en même temps pour marcher à l'ennemi.

Toutes les colonnes s'ébranlèrent ensemble, mais ayant eu plus de chemin à parcourir ou plus d'obstacles à surmonter, presque tout le combat se passa à la division de M. de Chevert.

Les ennemis le voyant entrer dans le bois qui couvrait leur flanc, et craignant avec raison pour leur derrière, dégarnirent leur droite et portèrent la plus grande partie de leurs troupes en équerre de ce côté ; ils se présentèrent en force à la sortie du bois que M. de Chevert avait fait traverser à ses troupes sur trois colonnes dont deux d'infanterie et la cavalerie dans le centre.

Les ennemis, se voyant pressés par cette disposition à laquelle on doit le succès de la journée, prirent le parti de faire avancer une colonne nombreuse pour nous attaquer et nous empêcher de déboucher dans la plaine. M. de Chevert, après l'avoir faite canonner par son artillerie qui a été servie pendant toute la journée avec la plus grande vivacité et le plus à propos, donna ordre à MM. de Voyer et de Bellefonds, qui étaient à la tête de la cavalerie, de charger cette colonne ; dans le moment elle fut attaquée et culbutée. C’est à cette charge que M. le Marquis de Voyer fut blessé. Il y avait à la tête de chacune des colonnes d’infanterie une avant-garde de 10 compagnies de grenadiers commandées - savoir celle de gauche par M. le Comte Soline et celle de la droite par M. le vicomte de Belzunce ; ce dernier ayant été grièvement blessé, M. le chevalier de Broglie prit sa place.

La cavalerie, après ce premier combat, déboucha dans la plaine et s'y mit en bataille pour faire face à la cavalerie ennemie qui s’avança en bon ordre pour favoriser la retraite de la colonne d’infanterie et rétablit le combat. Cette cavalerie fut également pliée et, tant que la bataille a duré, elle a toujours eu le même sort a plusieurs reprises différentes.

Pendant ce temps, les Saxons qui formaient la colonne de la gauche, commandés par S.A.R. Monseigneur le Prince Xavier, attaquèrent une hauteur où les ennemis avaient placé plusieurs batteries et un gros corps de troupes et d’où ils dominaient la plaine par laquelle nos colonnes débouchèrent. S.A.R. chargea M. le Baron d’Yhern de prendre la hauteur à revers tandis quelle attaquerait les ennemis de front. Après un combat très opiniâtre, la disposition aussi valeureuse que militaire de S.A.R. le rendit maître de la hauteur et du canon que les ennemis y avaient établi.

Alors la victoire ne fut pas balancée, quoique les ennemis fissent encore plusieurs tentatives pour nous arrêter et favoriser leur retraites, ils ont pris la fuite par le village de Lutzelberg et n’ont sauvé le débris de leur armée qu’à la faveur de la nuit. Au premier moment de notre attaque, toute l’armée ayant marché à la même hauteur, elle s’est, par la promptitude de ses mouvements, trouvée à portée de faire un feu d’artillerie très vif et très suivi sur la partie de l’armée ennemie qu'elle a contraint de se jeter en désordre dans les bois qui bordent la Verra. Des détachements tirés de la gauche de l’armée ont suivi et canonné les ennemis jusqu'à 3 heures du matin.

On ne peut encore donner qu’un aperçu de leurs pertes ; les troupes de la droite ont pris 11 pièces de canons et les hussards de Bercheny, qui étaient détachés sur le flanc gauche de notre armée, en ont pris 13 et beaucoup de bagages. Les ennemis ont perdu des drapeaux et des étendards, on n’en sait point encore le nombre, non plus que celui des prisonniers qui (se) monte actuellement à plus de 500. Il y a dans ce nombre des officiers de tout grade. Notre perte ne parait point considérable, les bornes de ce détail ne permettent pas de nommer tous ceux qui se sont distingués dans cette journée ; on peut dire en général que toutes les troupes ont montré à l’envie une ardeur et une fermeté digne des Français, des Saxons et des Palatins, dont chaque commandant en particulier leur ont montré l’exemple.

M. le Marquis de Crillon a été détaché avec trois brigades d’infanterie et les troupes légères pour suivre les ennemis dans leur retraite ; il s’est porté jusqu'à Munden, on attend des nouvelles de ce détachement. Il y a apparence qu’il n’a pas pu les poursuivre au-delà de cette ville à cause des défilés et de la difficulté du pays.

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