AZINCOURT
ou UNE CERTAINE VISION DES CHOSES



Tous les mardis et mercredis à 20h30, du 9 avril au 2 juillet, les Faiseurs de plaisantristes jouent Azincourt à l'Etreinte café, 44 rue de Trévise (75009)



Photo 1 : Pierre Aussedat (Sbrodj) - Marie Vialle (Centuria) - Philippe Hérisson (Floque) / mise en scène : Gilles Cohen (théâtre du Rond-point 2005 / Paris)
Photo 2 : Pierre Aussedat (Sbrodj) - Emeline Bayart (Centuria) - Philippe Hérisson (Floque) / mise en scène : Gilles Cohen (théâtre du Rond-point 2006 / Paris)
Photos 3-4-5 : Peter Schorn (Sbrodj) - Christine Beiler (Centuria) - Joel Baret (Floque) / mise en scène : Marianne Toesca (Landestheater / Innsbruck)
Photo 6 : Les Fous de la rampe (théâtre de Ménilmontant 2006)

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AZINCOURT (deux versions d'une même pièce) : Le livre comprend la version courte, créée le 19 janvier 2005 au théâtre du Rond-Point dans le cadre de "La Baignoire et les deux chaises" et la version longue, achevée sans remords le 6 décembre 2004 à 14h53... La version courte est aussi éditée avec les quatorze autres textes sélectionnés et joués au Théâtre du Rond-Point (Éditions de l'Amandier).

La traduction en espagnol,Azincourt (una cierta vision de las cosas), a été jouée en juin 2007 à Guayaquil (Equateur) et à Majorque en mars 2008.




Mardi 13 février 2007, soit 591 ans après la bataille d'Azincourt et 161 ans après la naissance de Gabriel Fauré, a eu lieu au Théâtre du Rond-point une lecture animée de la version longue d'Azincourt magistralement interprétée par Christian Mulot (Floque), Hugues Boucher (Sbrodj) et Delphine Grandsart (Centuria).


Le 31 mai 2005,
Azincourt3, une version écourtée de la version longue (et non une version allongée de la courte), a été jouée (en français) au Landestheater d'Innsbruck par la troupe de l'Université. Le Caillou de Monsieur Pierre a aussi joué à cette occasion.

Festival d'Avignon 2005 : lecture d'Azincourt4 (autre version écourtée) le 21 juillet 2005 à 23h30 au Théâtre du Vieux balancier, dans le cadre de Vives voix.

Du 17 mars au 22 avril 2006, reprise du spectacle La baignoire et les deux chaises au Théâtre du Rond-Point (avec Pierre Aussedat, Emeline Bayart et Philippe Hérisson / mise en scène : Gilles Cohen). Azincourt y sera joué les mercredis 22, 29 mars, les 5, 12, 19 avril à 18h30 et les samedis 1er et 22 avril (intégrale).

En tournée : les 9 et 10 juillet 2005 à l'abbaye de Stavelot (Wallonie), sept Baignoires (dont Azincourt) ; du 10 au 12 mai 2006 à Châlon-sur-Saône (Espace des arts), cinq Baignoires (dont Azincourt) ; les 17 et 18 février 2006 à Aix-les-bains (intégrale).

La Baignoire et les deux chaises
(Un feuilleton théâtral sur une idée de Jean-Michel Ribes)
Un concours a été proposé à 120 écrivains, selon des contraintes préétablies. Trois acteurs, une femme et deux hommes pour un décor unique, une baignoire et deux chaises. La durée du spectacle ne devant pas dépasser vingt minutes, la bande-son comporter deux mugissements de vache, et les dialogues, la réplique “ ce yaourt est périmé ”. Après lecture d’un jury, quinze pièces ont été retenues, éditées et mises en production. Le metteur en scène Gilles Cohen va donner vie– trois pièces par soirée - à ces propositions les plus drôles, les plus inventives et les plus décoiffantes. Un imaginaire démultiplié d’autant de singularités se déploie généreusement sur le plateau. Voici les auteurs, Pierre Bénézit, May Bouhada-Nordmann, Joseph Danan, Timothée de Fombelle, Agnès Desarthe, Jean-Paul Farré, Léa Fazer, Christophe Ferré, Nathalie Fillion, Jean-Daniel Magnin, Pierre-Yves Millot, Christophe Pagnon, Jacques Séréna, Sébastien Thiéry, Raphaëlle Valbrune. Cinq épisodes d’une heure pour un feuilleton théâtral intempestif. À vos fauteuils !
V. Hotte (La Terrasse)



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Le livre est disponible chez votre libraire habituel ou en ligne : Chapitre.com - Fnac.com - Alapage.com
80 pages - format 11x15 - ISBN 2-914797-05-2 - parution : 2005 - Prix : 4,50 E


AZINCOURT (version longue) / PREMIER EXTRAIT (entrée en matière...)

Le décor est constitué de deux chaises et d’une baignoire. Floque est assis sur une chaise, pensif. Arrive Sbrodj, qui hésite à s'approcher, jusqu'à ce que Floque lui fasse signe.

FLOQUE : Entrez, c'est ouvert.

SBRODJ : Bonjour, je viens visiter l'appartement, c'est bien ici ?

FLOQUE : Oui, entrez, bonjour, entrez, bonjour, entrez, bonjour.

SBRODJ : Vous êtes la personne de l'agence ?

FLOQUE : Monsieur Floque, c'est moi.

SBRODJ : Je m'appelle Sbrodj.

FLOQUE : Sbrodj comme Sbrodj ?

SBRODJ : Non, non. Sbrodj.

Ils se serrent la main.

Sbrodj fait le tour de la scène et regarde vaguement autour de lui.

SBRODJ : C'est plutôt petit, je croyais que c'était un trois-pièces.

FLOQUE : C'était un trois-pièces, mais on a supprimé les cloisons... Elles prenaient trop de place. Et puis les cloisons, franchement...

SBRODJ : Ah ! Et l'annonce disait que c'était un meublé...

Floque fait un vague geste de la main vers les chaises et la baignoire.

SBRODJ (regardant autour de lui) : Ah oui, en effet.

FLOQUE : En effet.

SBRODJ (regardant une chaise) : Ah oui, en effet.

FLOQUE : En effet.

SBRODJ (désignant la baignoire) : C'est donc la salle de bains ?

Floque opine distraitement.

SBRODJ (voulant dérider la conversation, mais conscient qu'il ne rencontrera pas d'écho) : Sacrée baignoire quand même !

Sbrodj continue à se déplacer. Il observe le plafond.

SBRODJ : Tiens, il y a une fissure ! Et les peintures n'ont pas l'air récentes.

FLOQUE : C'est une question de point de vue. Tout a été entièrement repeint par un professionnel. Par un grand professionnel. Par un grand professionnel... de la peinture.

SBRODJ : Il y a combien de temps ?

FLOQUE : Vous savez, les grands professionnels, ça fait longtemps qu'on n'en trouve plus.

SBRODJ : Et ça donne sur quoi ? (regardant vers le public)

FLOQUE (air satisfait) : Regardez vous-même.

SBRODJ : C'est curieux, je ne vois rien.

FLOQUE : C'est normal, on a supprimé la vue. Elle n'apportait pas grand-chose... D'ailleurs, certains locataires s'étaient plaints. Reste le vide. Le vide total. Le néant absolu. Parfois, en scrutant l'horizon avec attention, on peut apercevoir un trou noir... Ça vous pose un problème, cette absence de vue ? Parce que si ça vous pose vraiment un problème, on peut la remettre...

SBRODJ (se voulant rassurant) : Ah, non, j'adore le vide. Tout ce qui s'approche de près ou de loin du... du... comment dire... du vide, voilà, du vide, ça me convient parfaitement. Et l'exposition ?

FLOQUE : L'exposition ? quelle exposition ?

SBRODJ : Je veux dire : l'orientation ?

FLOQUE : Ah, l'orientation. Plein nord !

SBRODJ : Plein nord ! C'est mieux plein sud, non ?

FLOQUE : Dans l'hémisphère nord, oui. Mais, pas dans l'hémisphère sud.

SBRODJ : Mais nous sommes dans l'hémisphère nord.

FLOQUE : La terre tourne, vous savez.

SBRODJ : C'est vrai.

FLOQUE : Un jour ou l'autre, nous serons tous dans l'hémisphère sud. Autant anticiper.

SBRODJ : Et les voisins ?

FLOQUE : Pas d'inquiétude de ce côté-là, il n'y a pas de voisins. L'immeuble s'est complètement vidé depuis qu'on a coupé l'eau et l'électricité.

SBRODJ : Vous voulez dire qu'il n'y a ni eau ni électricité ?

FLOQUE : Oui. J'espère que vous ne prenez pas ça pour un inconvénient.

SBRODJ : Non, bien sûr.

FLOQUE : En fait on a enlevé tout ce qui était superflu...

Sbrodj se rapproche de la baignoire et sursaute en apercevant Centuria (invisible du public).

SBRODJ : Ah ! Qui c'est celle-là ?

FLOQUE (comme s'il inventait une explication) : C'est l'ancienne locataire.

SBRODJ : L'ancienne locataire ! Pourquoi est-elle encore là ?

FLOQUE (même jeu) : Elle est morte.

SBRODJ : Ah, merde ! Merde, merde, merde ! Une morte ! Mais, pourquoi ne l'a-t-on pas enterrée ?

FLOQUE : On a respecté ses dernières volontés. Vous voulez voir son testament ?

SBRODJ : Non, je vous crois sur parole.

FLOQUE : Vous dites ça, mais je vois bien que vous avez un doute. Tenez, je vais vous le montrer... (Il sort un document de sa poche et le tend à Sbrodj.)

SBRODJ : C'est écrit en latin !

FLOQUE : Oui. Et alors ?

SBRODJ : Vous ne trouvez pas ça bizarre de rédiger son testament dans une langue morte ?

(...)


AZINCOURT (version longue) / DEUXIÈME EXTRAIT (l'amour au sujonctif)

CENTURIA : Vous parlez d'amour, mais je ne suis pas amoureuse de cet homme.

FLOQUE : Eh bien, énamourez-vous !

CENTURIA : Que je m'énamoure ? Comment voulez-vous que je m'énamoure ?

FLOQUE : Par empathie.

CENTURIA : Par empathie ? Vous voulez que je m'énamoure de lui par empathie ? mais par empathie de quoi ? Je ne comprends rien à ce que vous dites.

FLOQUE : Forcément, dès qu'il s'agit de sentiments, les mots ne suffisent pas à expliquer ce que l'on ressent.

CENTURIA : Mais, vous m'énervez à la fin, puisque je me tue à vous répéter que je ne l'aime pas.

FLOQUE : Vous ne l'aimez pas aujourd'hui. Mais peut-être l'aimâtes-vous hier.

CENTURIA : Que je l'aimasse ?

FLOQUE : Oui, que vous l'aimassiez, que vous l'adorassiez, que vous le chérissiez, que vous le portassiez aux nues, que vous l'idolâtrassiez.

CENTURIA : Que je l'idolâtrasse ? Mais il aurait fallu qu'il me plût, qu'il me plût plus.

SBRODJ : Que je te plusse ? Tu aurais aimé que je te plusse plus.

CENTURIA : Ce n'est pas que j'aurais aimé que tu me plusses. C'est juste qu'il aurait fallu que tu me plusses plus pour que je pusse t'aimer.

SBRODJ : Mais comment le pusse ? Je veux dire comment le pus-je, le pussé-je, l'eussé-je pu ? Il aurait déjà fallu que je te connusse. Que je te visse ! Que je te parlasse ! Et que je te le disse !

CENTURIA : Que tu me disses quoi ?

SBRODJ : Ce que je pisse, pusse, euh... ce que je pense, que je pensasse ou que je pensais.

CENTURIA : L'eusses-tu pu ?

SBRODJ : Bien sûr que je l'eusse pu. Mais pour cela il aurait fallu que je te rencontrasse, t'abordasse, te parlasse, te courtisasse, t'amadouasse, t'attirasse, t'enjôlasse, t'appâtasse, t'entortillasse, te captivasse, te fascinasse, te charmasse, te troublasse, t'apitoyasse, t'enflammasse, t'impressionnasse, te bouleversasse, t'agitasse, t'ébranlasse, t'émoustillasse, t'excitasse, t'embrasasse, t'échauffasse, t'aiguillonnasse, t'électrisasse, t'enthousiasmasse, te transportasse, te galvanisasse, t'enivrasse, te passionnasse, t'exaltasse, te divertisse, te séduisisse, t'attendrisse, t'émusse, oui, il aurait fallu que je t'émusse pour que tu m'aimasses.

FLOQUE (à Centuria) : Vous voyez que vous auriez pu l'aimer.

CENTURIA : Peut-être, mais je ne l'aime pas. Je ne vais tout de même pas me forcer, faire semblant !

FLOQUE : C'est un beau gâchis !

CENTURIA : Un gâchis de quoi ?

FLOQUE : De ce qui aurait pu être et qui ne sera pas.

CENTURIA : Être... ou ne pas être ! Cela n'aurait jamais pu être, ni avoir été et ne pourra jamais être, quel que soit le temps que vous choisissiez, présent, passé, futur, conditionnel, subjonctif, passé futuriste, présent subjectif, imparfait conjecturé, impératif postérieur, prétérit fictif, antériorité passéiste, futur oublié...

FLOQUE : Où allez-vous ?

CENTURIA : Chercher des outils de conjugaison. Dans mon passé, je trouverai bien quelque chose...

(...)


AZINCOURT (version longue) / TROISIÈME EXTRAIT (le rêve de Sbrodj)

SBRODJ : Je rêvais... je rêvais... un champ... des femmes... nues... au badminton... le requiem... des femmes nues... Des milliers de femmes nues, nues, rousses et anglophones, jouant au badminton, dans un immense champ de maïs au gazon coupé court et éclairé par la lune (rousse aussi), et chantant le Requiem de Fauré, vous savez celui qui fait la, lala, la, lala, lalalalala, lalalala, lalalala... Elles se renvoyaient des volants faits de plumes d'oies sauvages avec une grâce toute britannique, déplaçant leurs jambes îliennes avec une infinie agilité sur le gazon coupé court du champ de maïs, revers, coup droit, revers, revers, coup droit, amorti, coup droit, lob, smash, coup droit, revers, coup droit, coup droit, revers, smash, lob, smash, lob, smash, lob, smash, lob, smash, smash, smash, smash, smash, smash, amorti, coup droit, revers, coup droit, et toujours, tout en jouant, le Requiem de Fauré, la, lala, la, lala, coup droit, smash, revers, lalalalala, coup droit, amorti, smash, coup droit, lalalala, lalalala, smash, la, lala, la, lala, coup droit, smash, revers, lalalalala, coup droit, amorti, smash, coup droit, lalalala, lalalala, smash, la, lala, la, lala, coup droit, smash, revers, lalalalala, coup droit, amorti, smash, coup droit, lalalala, lalalala, smash, quel spectacle ! Des milliers de femmes nues, rousses et anglophones, et dans les tribunes autour du champ de maïs au gazon court coupé et éclairé par la lune (rousse aussi), d'innombrables spectateurs, les familles des joueuses sans doute, et peut-être leurs amis, des amis d'amis, des voisins, des amis de voisins, des voisins d'amis de voisins, des amis de voisins d'amis de voisins, accompagnés de voisins d'amis de voisins d'amis, des milliers, des millions, des milliards de spectateurs, l'humanité tout entière assistant au spectacle et reprenant en choeur le Requiem de Fauré, la, lala, la, lala, lalalalala, lala, lala, lala, lala...

FLOQUE (à Sbrodj) : Vous chantez faux.

SBRODJ : Je chante faux ?

FLOQUE : Oui, vous n'êtes pas dans le ton. C'est la, lala. Or vous, vous faites la, lala.

SBRODJ : C'est une question d’interprétation.

FLOQUE : Non, c'est écrit dans la partition. La, lala et non la, lala.

SBRODJ : On ne doit pas avoir la même version.

FLOQUE : Qu'est-ce que vous voulez dire : que Fauré a écrit plusieurs versions de son requiem ? Avouez plutôt que vous chantez faux.

SBRODJ : Faux ? Et d'abord, faux par rapport à quoi ?

FLOQUE : Par rapport au juste, justement. Il existe un ton juste, des notes vraies, une musique authentique, une vérité surgie d'on ne sait où, une vérité qui dit que la, lala, c'est juste, alors que la, lala, comme vous le faites vous, c'est faux. Et ce n’est pas une question de version. Il n'y a qu'une version de la vérité, c'est la, lala.



Chez PY MILLOT

















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