QUE FAIT LA POLICE ? 

Mensuel Numéro 62 Juin - Juillet 2000

Éditorial
La police socialiste veille
En bref...


   ÉDITORIAL   

Guide pratique
C’est nouveau. Ca vient de sortir. La Documentation française publie un ouvrage préparé sous la haute direction du ministère de l’Intérieur, le Guide pratique de la police de proximité. Quelques têtes de chapitre de ce livre indispensable sont édifiantes : créer les conditions d’une véritable tranquillité publique, anticiper et prévenir les difficultés, répondre aux attentes de la population, etc. Nous trouvons, entre autres, cette déclaration de principe qui ne laisse d’inquiéter : étendre le territoire répressif où les policiers s’activent. Ici le rédacteur va droit au vif du sujet : " Le sentiment d’insécurité se nourrit aussi bien du cambriolage ou de l’agression que du vol d’autoradios ou des graffitis. Le respect de la loi concerne tous les champs, y compris la lutte contre les incivilités ou les infractions au Code de la route. " Nous y sommes. Le Zéro tolérance qui nous vient des États-Unis est désormais en voie d’application dans ce pays et le petit graffiteur sera désormais considéré comme un délinquant dangereux et traité comme tel s’il a le mauvais goût de se rebeller. C’est sans doute pourquoi le ministre de l’Intérieur veut mettre en place " une police à l’image de la population. " Si l’on se réfère au sondage qui, en mars dernier, faisait apparaître que 67% des Français se déclarent racistes, il y a de beaux jours pour ces policiers – de proximité ou pas – qui ne supportent pas la vue des jeunes au teint basané qui s’obstinent à habiter les banlieues…
MAURICE RAJSFUS.

   LA POLICE SOCIALISTE VEILLE   

Discrédit
Le directeur général de la police nationale, ancien cadre CRS, n’a pas apprécié qu’un éditorial du Monde fasse apparaître la France comme un pays de bavures. Bien entendu, il y avait, en arrière-fonds, le meurtre de Ryad, à Lille-Sud, par un policier de la brigade canine. Pourtant, l’argumentation de ce policier en chef est curieusement défensive. Par exemple : " Sachez que la France n’est pas une exception en Europe, et encore moins dans le monde. " Et puis : " de nombreux pays connaissent, eux aussi, dans l’usage des armes de service, des moments douloureux… " Rejetant l’accusation des bavures de routine, le directeur général souligne ce rappel récent du ministre de l’Intérieur : " La République n’est pas discréditée dès lors qu’elle sanctionne les fautes et qu’elle prend les mesures nécessaires. " L’ennui, c’est que la légitime défense est systématiquement invoquée. Ce qui permet de ne pas prendre trop de ces mesures disciplinaires qui discréditeraient la République…
(D’après Le Monde, 29 avril 2000)

L’homme de l’art
En 1996 et 1997, une bande de " saucissonneurs " opérait en région parisienne. A chacune de leurs opérations contre une personnalité supposée richissime, les malfrats étaient munis de fausses cartes de police, et de brassards adéquats – et même, à l’occasion, d’uniformes de gardiens de la paix, ainsi que de gyrophares. La manœuvre était facilitée par la présence, au sein de ce gang, d’un ancien CRS, détaché jusqu’en 1990 au service des voyages officiels. L’homme avait été, ensuite, chef de la sécurité dans une grande surface. Le 9 mai, l’ex-défenseur de l’ordre public comparaissait devant la cour d’assises du Val d’Oise.
(Source, Le Parisien, 9 mai 2000)

Le " connard " et sa victime
La main sur le cœur, les spécialistes de la police scientifique nous avaient rassurés. Le policier mis en cause dans l’incident de Ris-Orangis (se reporter à Que fait la police ? N°61/mai 2000) était innocent de toute violence et de toute injure. Finalement, le procureur de la République de l’Essonne a pourtant décidé de faire comparaître en correctionnelle le brave gardien de la paix qui, en pleine action agressive, s’était permis d’éructer : " La loi, c’est moi, pas de chance ! " Pour faire bonne mesure, le magistrat défère également la victime au tribunal. Laquelle, après avoir été brutalisée et injuriée, avait traité le policier d’un nom d’oiseau : " Connard ". Outrage insupportable. Pourtant, il semble que le document vidéo, réfuté par la police, ait été pris au sérieux par la justice, et l’affaire sera jugée le 23 juin, le délibéré nous conduisant vraisemblablement vers la mi-août. Nous verrons alors si la justice protège toujours systématiquement les policiers racistes et violents.
(Sources, Libération 11 mai et Le Monde, 12 mai 2000)

Copains-copains
Le 9 mai, le tribunal correctionnel de Toulon s’est penché sur les curieuses relations entretenues par trois policiers – dont un capitaine – avec le milieu varois. Dans le cas présent, ces fonctionnaires d’autorité étaient poursuivis pour avoir renseigné des truands, moyennant rétribution, particulièrement dans un trafic de drogue. Au terme d’une audience de quatorze heures, le procureur réclamait une peine de sept ans de prison ferme pour le capitaine et l’un de ses subordonnés, six ans pour le troisième larron. Délibéré le 13 juin. La réflexion des juges toulonnais sera t elle de nature à atténuer la sanction demandée ?
(Sources, Libération, 10 mai et Le Monde, 11 mai 2000)

Adjoints de sécurité
Depuis quelques semaines, le ministère de l’Intérieur distribue à profusion un dépliant vantant la nouvelle profession d’adjoint de sécurité (ADS). La police embauche mais les jeunes visés par cette proposition ne paraissent pas se précipiter avec autant d’enthousiasme que pouvait l’espérer Jean-Pierre Chevènement. Avec des policiers maghrébins et noirs en première ligne, on ne pourrait plus accuser les policiers bien blancs de racisme. Les " nouveaux acteurs de la sécurité " sont avertis que la formation sera rapide (deux mois) mais avec un salaire indécent (environ 6 000 francs net par mois). Que le contrat d’une durée de cinq ans ne sera pas renouvelable. Seule carotte, le jeune ADS sera doté d’une arme de service, comme les vrais cow-boys. Il n’est même pas indispensable de posséder le moindre diplôme. Les policiers " professionnels " n’apprécient pas…

Scène de racisme ordinaire
Le 27 avril, vers 19 heures, une centaine de personnes sont réunies dans une salle du foyer social de la cité du Pont de Sèvres, à Boulogne. Cette rencontre se déroule en protestation contre l’intervention brutale – la veille – de policiers des stup (ou de la BAC). Alors qu’un supposé dealer a été interpellé par les policiers, qui traitent tous les habitants de la cité comme des complices du trafic de drogue, un fier à bras veut interdire à un Maghrébin âgé de venir au secours de sa fille (18 ans) qui, choquée par la violence des fonctionnaires, déclenche une crise d’asthme. Le vieil homme est injurié, puis rudoyé, ainsi que sa fille et des voisins. Ce qui est à l’origine d’une bagarre généralisée. Les policiers, un instant débordés, tirent en l’air des coups de fusil flash-ball, puis font mine de viser les personnes présentes. Une dizaine d’adolescents, menottés dans le dos, sont embarqués. Arrivent ensuite des renforts de policiers, pour faire peur sans doute, et terroriser finalement. D’après les témoins, quelques jeunes auraient été sévèrement tabassés. C’est la cinquième fois, ces dernières années, que la cité de Sèvres est ainsi investie par les forces de police. A chaque fois, les contrôles d’identité à répétition exaspèrent les habitants, par ailleurs harassés d’injures racistes.
(Source, Cinquième zone, 7 mai 2000)

Simplement étouffé ?
Dans la nuit du 23 au 24 mars, un jeune homme de 23 ans, interpellé en état d’ébriété, est mort au commissariat de police de Mayenne (53). Il avait été interpellé quelques heures plus tôt. Aussitôt, une enquête rapide privilégiait l’hypothèse du suicide. Selon le procureur " le jeune homme portait des traces de serrage au niveau du cou. Il s’est recroquevillé et s’est étouffé avec son pull. " Pourtant, alors que le procureur évoque toujours l’asphyxie, le 28 mars, l’autopsie relève " des ecchymoses inexpliquées " mais les enquêteurs expliquent qu’avant son interpellation le jeune homme s’était battu avec un membre de sa famille. De son côté, l’IGPN met " hors de cause l’action des services de l’ordre ", tout en affirmant que nul n’aurait pu se rendre compte de l’état du jeune homme car : " l’angle mort de la caméra ne permettait pas de voir ce qui se passait " dans la cellule. Commentaire d’autant plus curieux qu’à 3 heures 15 les policiers de garde avaient constaté que l’homme dormait, alors qu’à 3 heures 45, les mêmes fonctionnaires découvraient le jeune homme mort, face contre terre, pull noué autour du cou. L’expertise ordonnée par un magistrat de permanence permet de confirmer la mort par étouffement, à 3 heures 30, Ce qui est certain, c’est que les médecins légistes ont constaté des hématomes importants autour du cou, très difficilement compatibles avec le serrage par un pull. Selon les amis de la victime, le jeune homme est " mort de non-assistance à personne en danger. "
(Source, Le Courrier de la Mayenne, 27, 29 et 30 mars 2000)

Réveillon du 1er mai à Rennes
Dans la nuit du 30 avril au 1er mai, une association locale, " si on se parlait ", organisait un réveillon du 1er mai, à Rennes. Ce n’était pas du goût de la police qui, dans cette ville est particulièrement hargneuse.
" Alors que la soirée se déroulait sans accroc, une dizaine de policiers de la BAC et de la police canine faisaient irruption dans les locaux. Signalant la plainte du voisinage par rapport au bruit, il était demandé à l’organisateur de la soirée de baisser le son de la sono. Ceci fut fait dans l’instant mais, de suite, les forces de l’ordre ont procédé à son interpellation, sans aucune raison. Puis ce fut l’escalade. Apparemment tendus par une soirée sûrement fatigante, les forces de l’ordre décidèrent alors d’évacuer la salle. Matraques, violences physiques, envoi de gaz lacrymogènes…Une dizaine de personnes sont blessées et trois d’entre elles accompagneront l’organisateur jusqu’au poste de police. Ils sont relâchés lundi en fin de matinée, après plusieurs heures de garde à vue. "
Il est quand même curieux de noter que l’association " Si on se parlait " avait été créée dans le but d’apaiser les peurs et de combattre la violence…
(Source, tract distribué à Rennes dans les premiers jours de mai 2000 par l’association La Paloche)

On nous écrit
Dans le courrier des lecteurs, nous avons reçu cette lettre ouverte adressée au ministre de l’Intérieur :
" Monsieur le ministre. Nous nous permettons de vous adresser ce courrier afin de vous alerter sur des pratiques assez intolérables de la part des forces de police. Le mercredi 26 avril, notre fils, âgé de 18 ans, et deux de ses copains, se trouvaient à la station RER Saint-Michel-Notre-Dame, dans le hall conduisant du métro au RER C. Ils s’apprêtaient à rentrer à la maison, vers 19 heures 30. Des policiers ont alors pratiqué un contrôle d’identité et de billets. Ils avaient des billets en règle mais ne portaient sur eux que leur carte de lycéen. A cause de cela, ils ont été emmenés dans un local à part, et retenus là plus de deux heures, entendant des reproches de toutes sortes, comme s’ils devaient être coupables de quelques infractions.
Ils n’avaient commis aucun délit, et il nous semble que la carte d’identité n’est pas un document obligatoire, si l’on ne quitte pas le territoire. Toutefois, ils ont été gardés pendant plusieurs heures, comme des contrevenants, alors que nous attendions notre fils dans une grande inquiétude. Les jeunes de la banlieue sont-ils de si grands ennemis qu’il leur faut se promener avec tous leurs papiers sur eux, ou se restreindre à un périmètre à ne pas dépasser sous peine d’être traités en criminels ? Ce n’est pas la première fois que mon fils se trouve ainsi à la merci du bon vouloir de vos services, sans comprendre ce qu’on lui reproche, ce qu’on veut lui faire signer, ni ce qu’il a pu faire de mal. C’est très déstabilisant pour un jeune d’être ainsi rejeté, et d’avoir toujours tort face à la police. Ils ont toujours l’impression que leur plus grande faute est d’être jeune. Faut-il leur dire : " dépêchez-vous de vieillir car vingt ans, c’est intenable de nos jours " ?
Bien sûr, il est inutile de préciser que sur les trois jeunes contrôlés, deux sont Français d’origine maghrébine et le troisième d’origine espagnole… "

Intérêt général
Le 26 janvier 1999, un policier demeurant à Pfettsheim (Bas-Rhin) aperçoit un jeune homme dans la cour de son immeuble, à 2 heures 30 du matin. Persuadé que l’on en veut à son véhicule, le fonctionnaire descend en peignoir, avec un revolver et une matraque. Bien entendu, c’est tout à fait " involontairement " qu’une balle du Manhurin 38 vient se loger dans la main du noctambule, relativement ivre et qui, effectivement, avait détérioré le rétroviseur de la voiture. Le 3 mai, les deux hommes se sont retrouvés devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Partageant les responsabilités, les juges ont condamné le jeune homme – étudiant en musicologie – à 150 heures de travail d’intérêt général, et le policier à 5 000 francs d’amende…avec sursis, alors que le procureur avait demandé six mois de prison avec sursis.
(Source, Les Dernières Nouvelle d’Alsace, 4 mai 2000)

Liberté surveillée
Il s’est constitué, dans le dix-huitième arrondissement de Paris, un collectif " Halte aux violences policières ". Une telle association ne peut que déplaire aux autorités. De fait, dès que les militants de ce groupe diffusent un tract – demandant la dissolution des BAC, plus particulièrement – près du quartier de la Goutte-d’Or, ils sont interpellés, et leur matériel saisi. Récemment, cinq distributeurs de tracts ont été mis à l’ombre durant quelques heures au commissariat de police du quartier. Tous doivent passer devant le tribunal de simple police et risquent une amende.
Ce qui a le don d’exaspérer les instances policières, c’est sans doute la description faite du comportement des BAC dans cet arrondissement :  " …Ils foncent en voiture dans les petites rues, font des interpellations à l’américaine (mains sur le toit de la voiture, jambes écartées), aboient et tutoient tout le monde, quand ils ne vident pas leur lacrymo sur les passants. Le plus inquiétant, c’est qu’ils ne sont ni plus formés, ni plus compétents que n’importe quel îlotier… " Les contrôles au faciès et les provocations des BAC ne font pas diminuer la criminalité, n’aident ni à résoudre les crimes, ni à retrouver les voitures volées. Ils servent seulement un objectif politique : montrer que les gouvernements s’intéressent à la sécurité et faire du sécuritaire qui se voit.
(Correspondant)

Aux armes, citoyens !
Notre société policière ne cesse de s’enrichir de nouveaux intervenants. Le 17 mai, en effet, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi sur la sécurité privée, prévoyant, dans un cadre législatif adéquat, de doter d’une arme de service les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Il ne manquait plus que cela pour améliorer le climat régnant dans le métro parisien. Certains aspects de ce projet ne laissent d’inquiéter : d’une part le fait que les agents de ces services internes pourront être dispensés du port de l’uniforme, et d’autre part, qu’ils pourront éventuellement intervenir sur la voie publique.
Et pourquoi ne pas armer également les conducteurs de rames, les guichetiers…et même les bons citoyens qui sont décider à faire régner un ordre musclé ? Dans quel esprit malade un tel projet a-t-il pu être conçu ? Qu’on ne nous dise pas que le seul Jean-Pierre Chevènement en ait eu l’idée. Cette information, qui nous est fournie par Libération, daté du 18 mai, n’est rien moins qu’inquiétante. Décidément, les préoccupations sécuritaires de la gauche plurielle doivent réjouir la droite disloquée, et l’extrême droite qui n’a toujours pas désarmé

Chevènement anti-raciste ?
Le 16 mai, une conférence de presse annonçait la création d’un numéro vert gratuit, destiné à enregistrer les appels concernant les dérives racistes : le 114. Les militants du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB) s’étaient invités à cette rencontre et leur langage direct avait fortement déplu au ministre de l’Intérieur qui, selon des témoins, leur avait lancé : " On s’occupera de vous ! " Cela n’a pas tardé puisque le 18 mai, à l’aube, toute une compagnie de CRS, accompagnés de policiers cagoulés, donnait l’assaut au siège du MIB, enfonçait les portes et emportait les archives de cette association, trop active au gré de nos autorités. Il semble qu’une partie des vastes archives saisies aient été resituées dès le 19 mai, mais le local est muré. Belle façon de combattre le racisme ambiant.
(Correspondant)

" Circonstances malheureuses "
Le 17 avril, au lendemain du meurtre, par la police, d’un jeune homme, à Lille-Sud, abattu d’une balle dans la nuque, un CRS en poste dans cette même circonscription a violemment tabassé un lycéen âgé de quinze ans. Ce jour-là, quatre escadrons de CRS soumettaient les jeunes du quartier à des contrôles d’identité plutôt rugueux. Devant ce déploiement de forces de l’ordre, un jeune métis, d’origine cambodgienne, avait pris peur et s’était enfui. Aussitôt rattrapé, un CRS usait de sa matraque pour " le calmer ", car le garçon se débattait, mais l’un des coups portés devait provoquer une fissure du foie. Certes le CRS a été mis en examen – bien que laissé en liberté – pour " violences volontaires ". Le parquet de Lille évoque " un concours de circonstances malheureuses ". De son côté, le substitut du procureur souligne : " L’instruction dira si ce contrôle était justifié, et le coup adapté à la situation. "
(Source, Libération, 19 mai 2000)

Toujours l’outrage
Nous le savions déjà, l’outrage est une façon de nuire, incontournable, pour les policiers désireux de faire du chiffre. L’un des derniers exploits en date, qui remonte au 15 février, vient seulement de nous être relaté permet de comprendre à quel point le policier moyen fait peu de différence entre le malfrat et un citoyen au service de ses semblables.
Cela se passe à Voiron (Isère) lorsque deux policiers prennent en chasse le véhicule d’un médecin radiologue qui se hâte pour réaliser un scanner aux urgences de l’hôpital. Il est important de noter que la voiture des policiers n’est pas munie du gyrophare permettant de les identifier. Les deux cow-boys ont dû appeler du renfort par radio car, devant la porte des urgences, deux autre voitures sont déjà là – au cas où. Contrôle d’identité, comme pour un délinquant. Le temps passe, le médecin s’énerve et lance aux policiers : " …Vous me faites perdre mon temps. Vous êtes des pourris et vous ne vous conduiriez pas de la sorte si c’était votre enfant qui était sur le brancard du scanner… " Grave erreur. Il y a outrage. Bons princes, les policiers le laissent pourtant faire son intervention, mais l’affaire ne peut en rester là et il convient de laver l’honneur de la police.
A la sortie de l’hôpital, le médecin est interpellé et gardé à vue au commissariat de 22 heures 30 au lendemain 11 heures. Entre temps, les policiers ont simplement téléphoné à l’hôpital pour prévenir que le médecin ne pourrait assurer son service – il est pourtant seul radiologue de garde ce jour-là. Au commissariat, le " délinquant " a été mis entièrement à nu, après la fouille, dépouillé de sa ceinture, de ses lacets, montre, lunettes, et passe la nuit sur une planche. A la fin du mois d’avril, l’IGS puis l’IGPN, alertés par les soins du médecin, sont encore en pleine enquête. Pourtant, avant même que soient connues les conclusions de ces deux instances, le radiologue a déjà été déféré devant le tribunal d’instance de Voiron. Le 17 mars, il a été condamné à verser des dommages et intérêts aux deux policiers " outragés " ; soit 4 000 francs, plus 4 000 francs pour avoir grillé un feu rouge, ainsi que le paiement de la procédure et la perte de quatre points au permis de conduire. Une fois de plus, nous avons la démonstration que l’institution policière est bien une communauté de grands humanistes.
(D’après Libération, 23 mai 2000)


   EN BREF....   

Galéjade
Dimanche 30 avril. Au cours de l’émission " Riposte " sur France 2, un sujet est consacré à la formation des policiers. Le directeur national de la formation de la police nationale, interrogé sur la fréquence des bavures policières n’hésite pas à affirmer qu’une " affaire " comme celle du 15 avril 2000, à Lille-Sud, ne se produit que très rarement : " Une fois tous les deux ou trois ans. " Il a ensuite énoncé cette comparaison étonnante : " Il n’y a pas plus de risque à être victime d’une bavure que de mourir d’un accident d’avion. " Si cet habile fonctionnaire n’est pas encore titulaire de la médaille de la police, il convient de réparer rapidement cet oubli.

Faut-il tenir sa langue ?
Un militant de la langue bretonne, à qui il est surtout reproché de rédiger ses chèques en breton, s’est retrouvé en garde à vue pendant quatre-vingt heures dans le cadre de l’enquête sur le attentats visant les Mac Do bretons. Le 3 mai, il était interpellé sur l’île de Groix par deux policiers et deux gendarmes puis transporté par hélicoptère à Lorient et à Rennes. A chaque interrogatoire, il répond en breton aux policiers, qui n’apprécient peut-être pas. Remis en liberté, il ne fait l’objet d’aucune poursuite mais son interpellation pose problème : est-ce que le fait de parler breton expose le locuteur à dormir sur la paille humide des cachots ?
(Source Le Monde, 11 mai 2000)

Pandorade
En marge de l’attentat contre le restaurant Mac Do de Quevert, il apparaît que les gendarmes ont produit un faux procès-verbal concernant un attentat intervenu, quelques jours plus tôt, contre le Mac Do de Pornic. Dans la nuit du 13 au 14 avril, les gendarmes locaux auraient constaté des bris de vitre et diverses dégradations, alors qu’ils ne se sont même pas déplacés, expliquant ensuite, pris la main dans le sac, qu’ils avaient autre chose à faire. Finalement, le parquet de Saint-Nazaire a renoncé à poursuivre le pandore rédacteur du PV délictueux, le procureur faisant une déclaration étonnante : " J’estime qu’il n’y a pas d’éléments suffisants pour qu’une infraction pénale soit constituée. "
(Sources, France Inter et Libération, 4 mai et, Le Monde, 9 mai 2000)

Vigilant
Il y a bien longtemps qu’un vigile n’avait pas tué durant l’une de ses missions. Le 27 avril, près de Marseille, le vigile d’une grande surface a littéralement assassiné un voleur de compact-disc, lequel est mort par " défaut de ventilation de cause mécanique. " En clair, le jeune homme avait été plaqué face contre terre par ce vigile, aidé par un employé zélé. " Toute la question est de savoir si la violence utilisée pour l’interpellation était légitime ou excessive. " Le magistrat qui s’interroge ainsi semble admettre qu’un vigile, qui n’a pas de pouvoir de police, peut administrer la peine de mort pour le vol d’un disque. La loi du juge Lynch n’est pas loin…
(Source, Libération, 29 avril 2000)

Les brutes
Le 24 mai, à Marseille, les CRS interviennent avec une rare violence contre des employés des cantines qui manifestent sur la Cannebière. Matraques et gaz lacrymogène sont utilisés. Plusieurs femmes sont blessées. Pour les autorités, il fallait faciliter la circulation.
(Source, TF1, 24 mai 2000)

Noir
Un rappeur d’origine africaine raconte : " Je n’ai pas besoin de réciter tous les matins que je suis noir, je le vis tous les jours avec les contrôles de police. En revanche, à l’école, on va essayer de te démontrer que tu es comme tout le monde. "
(Source, Libération, 24 mai 2000)

CRS violeurs
Le 16 août 1999, une jeune femme portait plainte pour viol contre quatre CRS, suite à un contrôle d’alcoolémie et mise en cellule de dégrisement. Affaire aussitôt classée sans suite par le procureur. Nouvelle plainte en novembre 1999. Le 23 mai, le tribunal de Bobigny s’est enfin penché sur le cas de cette victime qui, en sanglot, déclare : " J’ai été violée et torturée pendant ma garde à vue par quatre CRS, durant quatorze heures. " Affaire à suivre avec attention.
(Source, Libération, 24 mai 2000)

Insolite
Une nouvelle variété de contrôleurs vient de faire son apparition dans le métro parisien. Il s’agit du CSA (Contrôle, Sécurité, Assistance). En fait, une équipe de gros bras à la mine patibulaire qui, en matière d’assistance, doivent se révéler imbattables. Pour le contrôle, le service est certainement impeccable. Quant à la sécurité des voyageurs, il n’est pas certain que ce soit le but recherché par ces humanistes qui sont décorés du sigle RATP.
(Correspondant)

Bavure
A propos de la bavure de Ris-Orangis (se reporter à Que fait la police ? mai 2000), un rapport en interne décrivait de façon fort sympathique le policier violent : " Il semble que ce fonctionnaire connaisse, sur le plan psychologique, une déconnexion avec la réalité, personnalisant les situations de police comme une agression envers sa personne… " Comment est-il possible de conserver de tels éléments dans la police ?
(Source, Libération, 22 mai 2000)

Faussaire
Le 12 mai, l’ancien patron de l’Inspection générale des services (IGS), de 1995 à 1999, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris, pour l’établissement d’un faux certificat et usage. Il est reproché à cet honorable policier d’avoir falsifié un procès-verbal d’enquête interne, lors d’une perquisition illégale effectuée, en juillet 1995, dans le bureau d’un commissaire des RG, lequel a d’ailleurs été révoqué depuis.
(Source, Le Monde, 18 mai 2000)

Sang-froid
Un policier de Belfort a été condamné à 2 000 francs d’amende par le tribunal correctionnel, le 26 avril. Le 6 mars, ce fonctionnaire, âgé de 55 ans, avait giflé un jeune homme de 20 ans, en garde à vue au commissariat de Belfort, parce qu’il avait réclamé avec " véhémence " son téléphone portable qui lui avait été confisqué. Selon l’expertise médicale, la gifle avait causé une lésion au tympan de la victime. Lors du procès, le policier a admis avoir perdu son sang-froid.
(Source, Le Républicain Lorrain, édition électronique, 27 avril 2000)

Brigade canine
Bien souvent, les " faits divers " calamiteux, mettant en cause des policiers flingueurs, ne sont connus qu’avec un certain retard. De plus, la presse nationale s’intéresse rarement aux dérives violentes. Ainsi, dans la nuit du 7 au 8 mars, à Thionville, un policier de la brigade canine a fait usage de son arme de service contre un " individu " qui criait et faisait du tapage sur la voie publique, le blessant à l’épaule. Le policier aurait été contraint de se défendre, face à un homme armé d’un couteau. La légitime défense ayant été constituée, il n’y a pas eu de mesure disciplinaire contre le fonctionnaire.
(Source, Le Républicain Lorrain, 12 mars 2000)

Au viol
Un officier de police judiciaire, âgé de 53 ans, comparaissait, le 11 avril, devant la cour d’assises du Doubs. Depuis 1986, ce représentant de l’ordre public avait violé sa belle-fille à plusieurs reprises. Considéré comme un fonctionnaire exemplaire par sa hiérarchie, l’accusé tentait de retourner le procès et y réussissait partiellement puisque la présidente du tribunal regrettait que l’on ne puisse poursuivre la mère pour non-assistance à personne en danger. Un comble. Au final, le violeur a été condamné à six ans de prison ferme. Pas cher payé, mais l’on savait déjà que le policier qui a failli n’est pas un justiciable ordinaire.
( Source, L’Est Républicain, 12 et 13 avril 2000)