QUE FAIT LA POLICE ? 

Mensuel Numéro 64 Septembre 2000

Éditorial
La police socialiste veille
En bref...


   ÉDITORIAL   

Supers citoyens
Il faut en finir avec cette détestable habitude des policiers à se considérer comme le centre du pouvoir. Les policiers ont, bien souvent, les droits qu'ils se donnent et les lois qu'ils inventent, selon les circonstances. Leur supériorité proclamée tient surtout à l'uniforme et à l'arme dont ils sont dotés. Curieusement, ces pseudo « gardiens de la paix » ignorent de plus en plus leurs devoirs et le sens de la mission qui leur est confiée : la protection des personnes et des biens. Ces fonctionnaires se plaisent à considérer, prioritairement, que leur rôle consiste à protéger l'État, bien plus que de se soucier des citoyens. Finalement, ils ont sans doute le sentiment d'être l'État ; la France représentant à leurs yeux un territoire de chasse où tout leur serait permis. Le cri du coeur imbécile du policier de Ris-Orangis, le 26 mars dernier : «Pas de chance, la loi c'est moi !» constitue la Bible de base de nombre de ces défenseurs de l'ordre public. Ils n'ont de cesse d'être performants, créant des incidents là même où il ne se passe rien. Dominateurs, les policiers aiment se présenter en victimes des bandes de «sauvageons» des banlieues. Ce qui doit leur permettre de se comporter en justiciers dans ces quartiers qui font partie des zones à « sécuriser ». Ce sont les policiers qui décident de tout, donnent des leçons de civisme, contrôlent, interpellent, rudoient à loisir, sans avoir à répondre de leurs actes. Qu'ont-ils à faire de la démocratie ? 
Maurice Rajsfus 

   LA POLICE SOCIALISTE VEILLE   

Sous le soleil de Marseille
Printemps comme hiver, la police marseillaise ne chôme pas. A l'initiative de SOS-Racisme, une liste (non-exhaustive) a été dressée des victimes ayant décidé de porter plainte contre la police pour violences et injures. Les prénoms de ces Marseillais les destinaient à devenir les souffre-douleur de policiers brutaux et racistes. Il convient de noter, également, que dans cette ville, le syndicat d'extrême-droite FPIP a obtenu 25% des voix lors des dernières élections aux Commissions paritaires de la police.

Le 10 septembre 1999, Zina intervient pour protester contre la brutalité des policiers. Elle s'entend dire : «On va niquer tous les Arabes !» Zina porte plainte mais les policiers l'accusent de rébellion. Le 3 février 2000, cette femme est condamnée à quatre mois de prison avec sursis. Sa plainte n'a toujours pas été instruite.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre 1999, Nadji, qui est médecin de garde dans les quartiers Nord se rend à la Belle de Mai pour visiter un patient. Il est interpellé par une équipe de policiers qui le soupçonnent de complicité de vol. Vont suivre neuf heures de garde à vue. Il est ensuite reconduit à son domicile menottes aux poignets au vu de tous ses voisins. Sa plainte n'a toujours pas été instruite.

Mohamed est interpellé par six policiers, suite à un vol de voiture, le 7 janvier 2000. Il est menotté puis roué de coups, et frappé à coups de battes de base-ball, au commissariat. Il a plusieurs dents cassées. Les coups sont accompagnés de ce commentaire : «Si on avait su, dès le départ, que tu étais Arabe, on aurait tiré sur le moteur de la voiture pour qu'elle te péte à la gueule !» Mohamed a quinze ans. Sa mère a porté plainte pour violence volontaire.

Nordine brûle un feu rouge, ce même 7 janvier. Interpellé, il est menotté. Un policier profère des insultes homophobes. Au commissariat l'alcootest ne révèle que 0, 64 gr. d'alcool dans le sang. Les policiers l'ayant reconnu comme Maghrébin, à la vue de ses papiers, la violence redouble à coups de pied dans le ventre et forces gifles. Les amis de Nordine, présents lors du
contrôle d'identité, ont porté plainte auprès du procureur de la République.

Le 12 avril 2000, dans les quartiers Nord de Marseille, Akli est passager d'une voiture ayant commis une infraction au Code de la route. Il est violemment pris à partie par les policiers, reçoit des coups à la tête, ses lunettes sont brisées. Ayant supplié les policiers d'arrêter de le tabasser car il a été hospitalisé, dix ans plus tôt, pour polytraumatisme à la tête, Akli est injurié en arabe. Il a déposé plainte.

Le 27 avril 2000, des policiers se présentent au domicile de Fatima 43 ans. Ils recherchent son fils, soupçonné de vol. Faute de trouver le garçon, la mère est conduite au commissariat où elle subit de mauvais traitements, puis se voit interdire d'aller aux toilettes, reçoit ensuite des coups et se voit adresser des injures car elle refuse de signer le procès-verbal. Fatima a déposé plainte auprès du procureur de la République.

Le 29 mai 2000, Norredine est victime d'une agression dans un cabinet d'huissiers. Il fait appel au Samu mais les policiers, au lieu de lui porter secours, le menottent, le tabassent, avant de le conduire au commissariat de la rue de Rome, où il subit un autre passage à tabac, agrémenté d'injures du type : « Sale Arabe, retourne dans ton pays !» Après 48 heures de garde à vue, il porte plainte auprès du procureur de la République.

Enquête dans les bas-fonds
Lorsque l'on pousse le ministre de l'Intérieur dans ses derniers retranchements, à propos de la violence et du racisme de ses policiers, il donne parfois quelques chiffres approximatifs. En fait, selon ses propres dires, de 2 à 2, 5% des policiers se retrouvent, bon an mal an, devant les Commissions de discipline de la police nationale. Peu de chose, en effet. Pourtant si cela ne représente que 2 500 à 3 000 policiers déviants, il faut savoir que, rapporté aux 60 millions de citoyens de ce pays, cela donnerait le chiffre de 1 à 1, 5 millions de délinquants.

Le mensuel Entrevue a mené l'enquête dans la corporation des CRS et relevé que l'absentéisme, les vols, les violences et les crimes divers constituent des dérapages plus fréquents qu'il n'y paraît dans un corps de fonctionnaires censé protéger les personnes et les biens. Il convient néanmoins de noter que les peines frappant ces policiers sont légères, quand ce n'est pas la relaxe et que les révocations sont rares. Sur 32 cas relevés par les journalistes d'Entrevue, il est possible de noter la mansuétude qui préside dans cette institution qui ne peut se résoudre à trop punir ses ouailles.
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Selon Gérard Boyer, secrétaire général du syndicat Alliance de la police nationale : «La proportion des policiers fautifs ou délictueux est représentative de reste de la population.» L'habile syndicaliste est, pour le moins, imprudent en avançant cette affirmation car il ne devrait pas y avoir un seul policier brutal, raciste ou sexiste dans la police, les récalcitrants devant être systématiquement écartés de cette fonction. Par ailleurs, nous prévient le même représentant de la base policière: «Le Conseil de discipline n'émet qu'un avis, la décision finale appartient au ministère de l'Intérieur.» Il n'empêche, Gérard Boyer assène : «99% des décisions prises par le Conseil de discipline sont respectées.» Comme les peines ne sont pas impitoyables, tout ce beau monde, une fois réprimandé, réintègre sa compagnie, à de rares exceptions près.
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Prenons en note les ivrognes, par exemple. Sur les 32 CRS morigénés, cités dans cette enquête, 19 l'ont été pour ivresse et, pour ces policiers d'élite, les sanctions vont de 15 jours d'exclusion temporaire, avec sursis, pour un gardien de la paix de la CRS 37 de Strasbourg pour « accident corporel de la circulation sous l'empire d'un état alcoolique », à 12 mois d'exclusion temporaire pour « accident matériel de la circulation en état d'ivresse et absence à la prise de service », pour un collègue de la CRS 17 de Bergerac. Sans oublier un brigadier de la CRS 07 de Deuil-la-Barre, relaxé au bénéfice du doute, lequel « en état d'ivresse, au volant de son véhicule, a provoqué un accident avec un autorail. » Peu de choses finalement. Rapporté à l'ensemble de la population de ce pays, cela représenterait de très nombreux pochards
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Il y a plus grave, évidemment. Ainsi ce gardien de la paix de la CRS 39, de Nancy, frappé d'une exclusion temporaire de quatre mois, pour « exhibition sexuelle » ; tandis qu'un de ses collègues de la CRS 03, basée à Quincy a quand même été révoqué pour « agression sexuelle sur mineure de moins de quinze ans. » Au hasard, relevons un meurtre accompli par un gardien de la
paix de la CRS 41 de Tours, ce qui lui a quand même valu la révocation, sous le motif : « A poignardé sa concubine et a déposé le corps dans un congélateur pendant 9 mois. » 
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Il est vrai que les Commissions de discipline sont pleines de compréhension pour les simples malfrats. Exemples : un mois d'exclusion temporaire pour un gardien de la CRS 50 de Saint-Etienne avec ce motif : « A dérobé divers matériels dans un magasin de bricolage. » Plus chanceux, un brigadier de la CRS 05, de Massy, a reçu un simple blâme : «A fait de fausses déclarations pour obtenir de manière indue des frais de déplacement.» Indue est tout a fait délicat.
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La clémence des « collègues » et des représentants de l'administration siégeant dans les Commissions de discipline est tout à fait évidente lorsque l'on constate qu'un brigadier de la CRS 19, basée à La Rochelle, est exclu pour cinq jours au motif suivant : « Rédaction d'un compte rendu mensonger à la suite de violences légères commises à l'encontre d'un particulier. » Le verdict le plus triste concerne un brigadier de la CRS 21 de Saint-Quentin, mis à la retraite d'office pour : « Vol et utilisation de 4 chèques
bancaires appartenant à un collègue. » Allons, nous sommes rassurés, la justice policière est bonne fille envers ces gardiens de l'ordre public dont on nous affirme qu'ils ne sont guère différents de la moyenne de la population.
(Source, Entrevue, n° 95, juin 2000)

Braguette raciste
Le 13 juin, devant le tribunal correctionnel de Lyon, une interdiction d'exercer pendant cinq ans et une peine de quatre mois de prison avec sursis étaient requises contre deux policiers de la ville. Qu'avaient bien pu faire ces deux serviteurs de l'ordre pour ainsi risquer leur carrière ? Peu de choses finalement.
Le 7 février 2000, ces deux policiers, affectés au poste de la gare de Lyon-Perrache, avaient simplement traité de « chienne » une jeune femme d'origine algérienne, après avoir glapi : « Vous, les femmes
arabes, vous êtes des déchets de la société ! » Ces deux policiers (42 et 49 ans) avaient, par ailleurs, tenus des propos accompagnés de gestes à connotation sexuelle ; l'un d'eux ayant même dénoué son ceinturon et fait mine d'ouvrir sa braguette devant sa victime. Il convient de noter que ce sont des jeunes policiers, témoins de la scène, qui ont alerté l'IGS et le parquet de Lyon. Lors du procès, le défenseur de ces voyous en uniforme a évoqué «les paroles maladroites et regrettables » de ses clients mais a surtout insisté sur « l'attitude provocatrice et insolente » de la victime. Dans l'attente du délibéré, les deux policiers n'ont pas été sanctionnés disciplinairement, mais simplement mutés.
(Source, Le Progrès, 14 juin 2000)

Tabassé mais condamné
Le 23 mai, un jeune français prénommé Nordine est tabassé dans sa cellule par une équipe de policiers, dont un ADS, alors qu'il doit être libéré de prison le jour même. (Se reporter à Que fait la police ? juillet/août 2000) Le jeune homme porte plainte mais les policiers le poursuivent pour «outrage et rébellion. » C'est classique. Résultat des courses : le 21 juin, le tribunal correctionnel condamne Nordine à 18 mois de prison, dont six avec sursis sans même attendre les conclusions de l'enquête en cours de
l'IGPN. Au cours du procès, le président du tribunal explique à la victime, qui avait dû être hospitalisée durant 24 heures, plus 15 jours d'ITT : «Vous portez uniquement des traces d'intervention en légitime défense des policiers, pour que force reste à la loi !» A police raciste, justice raciste. De telles décisions ne peuvent qu'inciter les policiers violents à l'être plus encore.
(Source, La Marseillaise, 22 juin 2000)

Les faussaires à l'oeuvre
Le 9 novembre 1993, lors d'un coup de filet de la police antiterroriste, une centaine d'Algériens sont interpellés. Pour que ce « flag » soit impeccable, les policiers glissent des documents provenant du GIA dans la sacoche d'un des Algériens. Rapidement mis dans le vent, les humanistes vont expliquer qu'il y a eu « erreur de manipulation » au moment de la mise sous scellées définitive des documents compromettants. Peu importe la méthode. Le 5 juillet 2000, le magistrat instructeur déclare le non-lieu. Mais, la victime des policiers a passé trois semaines en prison, complétées par six années d'assignation à résidence. Bien entendu, on ne saura jamais quels furent les policiers auteurs de cette «manipulation», pour faire «tomber» un supposé
terroriste. Son avocat envisage désormais de porter plainte. Il explique : «La hiérarchie policière a couvert, et continue à camoufler la vérité. C'est extrêmement inquiétant.»
(Source, Libération, 6 juillet 2000)

Bières Bretonnes
Nous connaissons la délicatesse du mode d'intervention des hommes du GIPN (Groupe d'intervention de la police nationale). A Quimperlé, le 13 juin, à l'heure du laitier, une équipe de ces policiers interpelle à son domicile un couple de militants bretons du mouvement Emgann. Une porte vole en éclat, brisée par des hommes en cagoule noire, une vingtaine en tout avec les civils. Ce même jour, cinq autres militants bretons sont interpellés à Saint-Nazaire, Fougères et Rennes. Le 17 juin, tous seront relâchés. Ils étaient impliqués dans une bagarre survenue lors du Salon des bières, qui avait opposé un groupe de militants à deux policiers. En clair, rien à voir avec les terroristes bretons recherchés. Une voisine du couple interpellé à Quimperlé témoigne : «Il est inacceptable d'imaginer la peur des enfants, réveillés par une vingtaine d'hommes casqués et cagoulés, armés jusqu'aux dents, donnant l'assaut à l'escalier. Inacceptable cette volonté à chercher à briser l'image des parents aux yeux des enfants, en humiliant le papa et la maman, en violant leur intimité. Nous prenons chaque jour position contre la violence à l'école, à la maison, à la télé. Mais à présent, c'est à une autre forme d'agression que nous devons faire face. Comment dire à nos enfants que c'est de l'État français et de son armée que nous devons nous protéger ? »
(Sources, Le Télégramme de Brest, 14 juin, Presse Océan, 17 juin et Ouest-France, 19 juin 2000)

Police républicaine
«Le 9 juin, comme chaque année, la population de Tulle commémorait le massacre accompli dans cette ville par les SS le 9 juin 1944. En 1999, les militants de Ras l'Front avaient réussi (dans le calme) à écarter un élu d'extrême-droite, et son garde du corps, de cette cérémonie, malgré quelques tentatives des forces de l'ordre de les protéger. Cette année, il n'en a pas été de même. Le fasciste, toujours escorté de ses nervis a été protégé par de nombreux policiers, lui permettant de polluer la cérémonie. Alors que certains d'entre-nous s'avançaient pour isoler l'indésirable, un responsable de la police nous a enjoint de reculer, expliquant que l'endroit était réservé aux personnalités invitées. Hélas ! le galonné n'a pas su ou voulu nous dire qui lançait les invitations»
(Ras l'Front, Tulle).

Rambo au féminin (suite)
La policière flingueuse ­ et menteuse ­ de Dammarie-les-Lys a finalement été condamnée à dix-huit mois de prison, dont six mois ferme, le 26 juin. Rappel des faits (déjà relatés dans Que fait la police ? juin 2000) : le 21 décembre 1997, cette gardienne de la paix qui n'est pas une débutante (elle est âgée de 39 ans) blesse par balle un garçon de 20 ans. Après avoir affirmée que son arme lui a été dérobée, la policière concède que le coup de feu est parti « accidentellement ». Cette fonctionnaire, qui n'était pas de service le soir de l'incident, avait été mutée à la Guadeloupe sans doute pour s'y faire oublier et calmer les esprits. Il n'est pas exclu, qu'en appel, la sanction soit adoucie, ce qui lui éviterait la révocation.
(Source, Libération, 27 juin 2000).


Tolérance zéro
La fameuse police de proximité, voulue par Jean-Pierre Chevènement, commence à produire ses effets. A Marseille, un lieutenant (on ne dit plus inspecteur) chargé de l'ordre public sur le cours Julien, là même où de graves incidents provoqués par la police se sont produits le 20 mai dernier (se reporter à Que fait la police ? numéro 63, juillet 2000) explique le sens de ses interventions : « a police de proximité, c'est un cadre très ouvert. On en fait ce qu'on en veut !» Nous en sommes ici à la «tolérance zéro», et un journaliste de La Provence commente : «Pour le lieutenant X et ses hommes, la loi est une. Tolérer une infraction, même minime, c'est mettre l'ensemble de l'édifice en péril. »Il ajoute, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : «Ainsi, sur le terrain, les officiers responsables de la mise en oeuvre de la réforme disposent-ils d'une marge d'interprétation très large» Il devient de plus en plus évident, en effet, que proximité n'a vraiment rien à voir avec convivialité.
(Source, La Provence, 11 juin 2000)

Pauvre médiateur
A quoi peuvent bien servir les médiateurs si, à la moindre de leur intervention ­ pour calmer le jeu ­ les policiers les poursuivent pour «outrage », après, parfois, les avoir roués de coups ? C'est l'aventure arrivée le 22 mai, à Créteil, à un médiateur (chargé de mission par la mairie) qui tentait de régler une querelle entre habitants d'une cité. Il n'y a pas de hasard si, dans le rapport concernant cet « incident », les policiers décrivent ce médiateur comme un « individu de race noire. » (On se croirait aux États-Unis.) Comme les policiers (une vingtaine de fonctionnaires, dont des BAC) se plaignent d'avoir été frappés, les délits
de rébellion et violence viennent s'ajouter à celui « d'outrage ». Le 19 juin, au tribunal de Créteil, ne pouvant se résoudre à réfuter la thèse des policiers, le procureur a requis 5 000 francs d'amende contre «l'individu de race noire.»
(Source, Le Monde, 22 juin 2000)

Garde à vue raffinée
Les conditions de la garde à vue dépendent essentiellement de la seule volonté (ou de la hargne) des policiers. Des militants bretons, interpellés dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre le Mac Do de Quévert en savent quelque chose. Passée la 72è heure de garde à vue, leurs avocats, venus les visiter, ont pu constater de nombreuses infractions à la légalité et, particulièrement, le fait que les entretiens avec leurs clients paraissent avoir été écoutés par les policiers. De plus, dans ce cas précis, en tout cas, les militants sont interrogés de 22 heures à 5 heures du matin et se « reposent » dans des cellules de dégrisement avant d'être repris en mains, deux heures plus tard, par une autre équipe. Par ailleurs, ils ne disposent pas de drap, ni de couvertures, ne peuvent pas prendre de douche pendant au moins quatre jours, et ne sont guère nourris car « aucune ligne
de crédit n'est prévue pour les repas. » Cela se passe dans les sous-sol d'un bâtiment du ministère de l'Intérieur, rue des Saussaies (sinistrement connu au temps de l'Occupation). D'où l'assignation en référé du ministre de l'Intérieur par les avocats indignés.
(Source, Libération, 24 juin 2000)

Nazis à l'école de police
Sinistre histoire narrée par le Canard Enchaîné. Trois élèves de l'École nationale de police de Paris organisaient des soirées arrosées et culturelles. On y chantait des refrains d'inspiration hitlérienne, tout en multipliant les saluts nazis. Ce sont d'autres élèves, indignés (et non la hiérarchie ) qui ont alerté leurs autorités supérieures. Rien que de relativement banal ont dû estimer ces dernières, si l'on en croit les sanctions prises en Commission de discipline, le 22 mars dernier. L'organisateur de ces parties fines (ancien gendarme) a été condamné à une exclusion temporaire de deux mois, et ses deux comparses à trois jours d'exclusion cette dernière peine portée à trente jours par le ministre de l'Intérieur, sans doute très en colère. A aucun moment donc il n'a été question d'exclure de la police ces éléments d'élite qui, depuis ces petites incartades, ont été réintégrés, et pourront bientôt exprimer pleinement leur sensibilité dans les commissariats ou chez les CRS.
(D'après le Canard Enchaîné, 28 juin 2000) 


Les salauds en action
Les mauvaises manières perdurent dans la police nationale. Le 19 juillet, près de Calais, une jeune Soudanaise qui tentait de passer en Angleterre, était interpellée et acheminée vers un «centre d'accueil ». Les deux hommes de la police de l'air et des frontières (PAF), chargés de cette mission ont, à cette occasion, franchi la ligne rouge, et l'un d'eux est accusé par cette jeune fille, âgée de 16 ans, de l'avoir violée. Entre temps, les deux policiers, qui s'étaient bien gardés d'accompagner leur future victime au lieu prévu, avaient rédigé une fausse main courante au commissariat avant de rejoindre la jeune fille, pour se «faire une black.» Pour toute explication, le salaud a déclaré que la jeune fille était consentante. Comme s'il était naturel qu'un policier d'élite puisse proposer des relations sexuelles en échange d'une aide pour passer la frontière. Les deux policiers ont été mis
en examen, suspendus ; mais remis en liberté. Seront-ils révoqués ?
(Sources, Libération, 21 juillet et Le Monde, 22 juillet)

L'ordre blanc
A partir d'un simple PV, tout peut arriver. Y compris une situation de conflit tournant à la bataille rangée entre forces de l'ordre et badauds, lorsqu'un policier borné (et peut-être raciste) tient à affirmer son pouvoir illimité. Cela s'est passé à Paris, le 25 juillet, sur le boulevard de Strasbourg. Ce qui n'aurait dû être qu'un échange de mots (classique entre un policier et un automobiliste) se transforme en émeute. Une cinquantaine de képis, arrivés en renfort, vont s'affronter à autant de civils mécontents. Le « fautif » est Africain, et il est vrai que son refus d'obtempérer le conduit à se trouver «ligoté au sol et le visage ensanglanté Cinq policiers étaient sur lui. J'ai tenté d'intervenir, j'ai reçu des coups», dit une enseignante, témoin des faits. Selon un autre témoin, la chasse à l'homme se poursuit sur le quai de la station de métro Château-d'Eau, proche du lieu de la confrontation : une rame de métro est bloquée par les soins de la RATP, ce qui permet à une équipe de policiers secondée par des contrôleurs de s'activer à vérifier les titres de transport des passagers. Ce contrôle s'effectuant au faciès. Dans les wagons bondés, des Noirs sont « triés », alors qu'ils viennent d'une autre station. Interrogée, la préfecture de police prétend n'être pas au courant.
(Sources, Libération, 28 juillet et Le Monde, 29 juillet 2000)


   EN BREF....   

Comme d'habitude
Dans son rapport annuel sur les Droits de l'homme, Amnesty international dénonce, une fois de plus, les mauvais traitements et l'usage excessif de la force par la police française. Amnesty international estime également que les tribunaux ne se trouvent guère «empressés de condamner les policiers accusés de violence ou d'un recours abusif à la force, ni de prononcer des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.» L'Observatoire des Libertés publiques ne dit pas autre chose depuis 1994.
(Source, Le Monde, 16 juin 2000) 


Paranoïa
Le syndicat Unsa-Police ne manque pas d'esprit revendicatif. Réunis en congrès national, le 21 juin, les fonctionnaires de cette fédération ont entendu leur nouveau secrétaire général «exiger» du gouvernement des efforts significatifs pour augmenter les salaires des gardiens de la paix et gradés (brigadiers et brigadiers-chef) Coût du traitement : 6 milliards de francs. C'est à ce prix (en gros 50 000 francs par fonctionnaire) que serait assurée la mise en ¦oeuvre de la police de proximité. Il est vrai que le policier
n'est pas un fonctionnaire ordinaire.
(Source, Le Monde, 23 juin 2000)

Mauvais en tout
Le procès du policier brutal et raciste de Ris-Orangis devait se dérouler le 23 juin, mais le parquet de l'Essonne a décidé de renvoyer cette affaire au 26 septembre. Le procureur-adjoint a tenté, non de minimiser les faits, mais de les réduire à la responsabilité de la brute : Œ'Ce procès n'est pas celui de la police nationale. C'est le procès d'une minorité de fonctionnaires,
mal choisis, mal formés, mal encadrés.'' Bel aveu. Il faut donc poser la question essentielle : combien de policiers de ce pays sont-ils mal choisis, mal formés, mal encadrés ?
(Source, Le Monde, 26 juin 2000) 

Y a pas photo !
Le 20 juillet, près d'Arras, un photographe professionnel s'est permis de prendre quelques clichés de policiers s'acharnant contre des SDF, sur la place publique. Aussitôt, les policiers ont invoqué le «droit à l'image» pour confisquer la pellicule. En guise de consolation le commissaire a assuré au photographe qu'il lui serait possible, tout à son aise, de faire un reportage sur la police nationale.
(Source, Libération, 21 juillet 2000)

Maladroit
Il se passe toujours quelque chose dans les commissariats de Lille. Le 18 juillet, un policier qui ne savait pas manipuler son arme de service a grièvement blessé un adjoint de sécurité.
(Source, France-Info,18 juillet 2000) 

Suicide
Un gardien de la paix affecté à la brigade d'information de la voie publique s'est suicidé chez lui, avec son arme de service, le 23 juin. D'après le syndicat Unsa-Police, ce policier était victime de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie, ce qui paraît être fréquent.
(Source, Le Parisien, 24 juin 2000)

Non coupable
Il ne pouvait en être autrement : le policier lillois qui a tué le jeune Ryad, dans la nuit du 15 au 16 avril, ne l'a pas fait exprès. C'est pourquoi il est question de requalifier ce crime en homicide involontaire. Bel euphémisme. Un enquêteur évoque même : «Un geste réflexe extrêmement malheureux.» Allons, il faut que cela soit dit une fois pour toutes : un policier ne peut être totalement coupable.
(D'après Libération, 30 juin 2000)

A peine coupables
En novembre 1998, un jeune Zaïrois mourait, suite à un «processus d'asphyxie par compression thoracique», après son interpellation dans une rue de Tourcoing, alors qu'il circulait en patins à roulettes. (Se reporter à Que fait la police ? novembre 1998) Le 5 juillet, deux des policiers, qui ont tué «Sans intention de donner la mort», selon la formule consacrée, ont été condamnés à 7 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lille. Les trois autres policiers ont bénéficié de la relaxe. Pourquoi cette mansuétude ? Réponse : ces tueurs n'étaient pas tout à fait coupables.
(Source, France 2, 6 juillet 2000)

Grosses caisses
Le 21 juin, c'est la fête de la musique. Sauf pour certains policiers qui considèrent les flonflons comme un trouble à l'ordre public. C'était le cas, à Vierzon, lorsque des policiers ont signifié à deux groupes de percussionnistes d'avoir à déguerpir, sous le prétexte qu'ils n'étaient pas inscrits au programme. Ces braves serviteurs de la Nation devaient ignorer qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une autorisation le soir de la fête de la musique pour jouer dans la rue.
(Source, La Nouvelle République du Centre Ouest, 28 juin 2000) 

Désespéré
Le 14 juillet, à proximité de la Tour Eiffel, un CRS s'est tué d'une balle dans la bouche, au milieu de ses collègues, dans le car qui le transportait pour sa dernière mission.
(Source, Le Monde, 19 juillet 2000)

Imprudence ?
Un jeune homme est décédé le 20 juillet au commissariat central de Strasbourg, durant une garde à vue. Selon le procureur, la police n'aurait fait aucune faute.
(Source, France-info, 21 juillet 2000)

Double emploi
Une société de service de sécurité a été mise en examen après la découverte d'un système de rémunération occulte de policiers. Un gardien de la paix et un capitaine, qui en «croquaient», ont été également mis en examen.
(Source, Le Monde, 21 juillet 2000)

Rétention de mineurs
Nous avons fréquemment abordé les conditions faites aux sans-papiers dans les centres de rétention administratifs, comme dans les zones d'attente, telles celle de Roissy II. Il est bien connu que la police y fait régner une atmosphère carcérale accompagnée de sanctions humiliantes et d'insultes racistes. Il convient maintenant d'ajouter à ce lourd dossier le fait que des jeunes étrangers mineurs se retrouvent également dans ces lieux de non-droit. Interpellés par la police de l'air et des frontières (PAF) des jeunes garçons et filles sont aussi maltraités que peuvent l'être les adultes. Le vice-président du Conseil général de Seine-Saint-Denis apostrophe la police : « On est en totale contradiction avec la Convention des droits de l'enfant qui prévoit une assistance pour les jeunes demandeurs d'asile. » La police est-elle réellement informée des droits de l'enfant ?
(Source, Le Parisien, 23 juin 2000)

Drôles de pistolets
Surprise. Le ministre de l'Intérieur vient de s'apercevoir que les revolvers dont sont dotés ses policiers sont dépourvus de cran de sûreté. C'est sans doute pour cette raison que les coups de feu partent tout seul quand nos cerbères s'estiment en situation de légitime défense. Pour en finir avec cette situation insupportable, Jean-Pierre Chevènement souhaite tester des pistolets, qui ne seraient pas trop mortifères, pour nos braves gardiens de la paix. Pourtant, comme l'abandon du revolver par la police pourrait provoquer de graves difficultés pour la firme Manhurin, il faudra attendre plusieurs années avant que soit généralisé l'usage du pistolet. Les flingueurs ont encore de beaux jours devant eux.
(Source, Le Monde, 28 juin 2000)