QUE FAIT LA POLICE ? 

Mensuel Numéro 54 Octobre 1999

Éditorial
La police socialiste veille
En bref...


   ÉDITORIAL   

La Police de la République
L'ordre règne à Paris. Dans le métro, surtout. II faut bien protéger la République contre ses ennemis. Le mardi 7 septembre, vers 8 heures 30, dans l'échangeur RER-métro, à la gare du Nord, il était possible d'assister à une scène de genre. Routinière. Trois policiers, dont deux crânes rasés, et une charmante policière, l'air rigolard et stupide, contrôlent à tour de bras. Visage fermé, masque dur des deux tondus. Ne sont interpellés que des colorés. Tutoiement de rigueur. Contrôle des papiers d'identité, suspicieux, palpation au corps. Une carte de crédit sort d'un portefeuille "C'est à toi, ça ?" En réserve, quatre civils sont en couverture. Sûrement des sprinters pour rattraper les récalcitrants qui seraient tentés de prendre la poudre d'escampette. Six contrôleurs de la RATP en uniforme complètent le bataillon. II ne manque à cette mise en scène que les gendarmes mobiles et les parachutistes ...Pauvre pays dont les élites se donnent l’illusion de faire régner un ordre que personne ne menace, et surtout pas dans le métro où la police n'a jamais intercepté le moindre terroriste. Pauvre gauche (plurielle) qui trouve naturel un tel déploiement de force, alors que les véritables délinquants se gardent bien de circuler dans les transports en commun. Triste spectacle que celui d'une police presque exclusivement occupée à traquer les précaires et les supposés immigrés "clandestins". Cette politique sécuritaire a un prix : la fascisation accélérée d'un corps de fonctionnaires d'autorité où le racisme vulgaire tend, de plus en plus, à remplacer le civisme obligé.
MAURICE RAJSFUS.

   LA POLICE SOCIALISTE VEILLE   

RATP–Police : dérapage
Lorsqu'un journaliste se déplace en autobus, à Paris, et qu'il assiste à une démonstration de la violence policière, il arrive qu'il fasse son métier. Le 14 août, dans le bus 27, lors d'un arrêt, six contrôleurs livrent à des policiers en patrouille deux jeunes, démunis de titre de transport. C'est devenu banal. Comme les garçons sont aussitôt malmenés, ils protestent et se retrouvent plaqués au sol, les bottes des policiers sur la nuque. Des témoins protestent, et une vieille dame, qui tient un enfant par la main, s'entend dire par un policier: "Toi arrête de me faire chier!" Un autre, tout aussi humaniste, lance à la foule: "Barrez-vous ou je vous gaze !". Une femme noire reçoit une gifle. Entre temps, les quatre policiers de cette patrouille ont reçu des renforts sous la forme d'une équipe des BAC. Les deux jeunes, menottés, sont embarqués, en compagnie de deux autres, complètement étrangers à cette affaire. Au commissariat, tous sont verbalisés pour "violence volontaire en réunion" et "rébellion".
(Source, Libération, 17 septembre 1999)

Drôle de mœurs
La lecture de France-Soir peut nous apprendre de belles. Par exemple l'existence d'une note de service émanant de la Direction départementale de la Sécurité publique des Bouches-du-Rhône, Il est tranquillement question du fichage des motards dans cette note datée du 18 juin 1999. Considérant que nombre d'usagers de la moto sont violents et commettent des vols, prétend ce document, il convient donc d'être vigilant en procédant à des contrôles renforcés des conducteurs de deux roues. Pratiquement, un commissaire divisionnaire donne à ses subordonnés un ordre apparemment illégal: "A l'occasion de ces contrôles, il conviendra de noter, à l'aide des fiches jointes, outre l'identité des personnes, leur signalement vestimentaire, l'heure et le lieu du contrôle, éléments qui pourront être déterminants pour l'enquête..." De telles pratiques sont doublement illégales, d'une part parce que les motards sont globalement considérés comme des suspects et, d'autre part, ce type de fichage ne semble pas avoir jamais été autorisé. Qu'en pense le ministère de l'Intérieur ?
(Source, France-Soir, 30 août 1999)

Chacun son tour
Un policier incarcéré à la maison d'arrêt de Fresnes, dans le cadre d'une affaire de trafic de stupéfiants, s'est plaint récemment des brutalités des gardiens à son endroit. Ce policier aurait été roué de coups, frappé à coups de clé et traité de "sale flic" et de "pourri" par les matons. Rien de très réjouissant, mais il s'agit d'une réalité bien connue par nombre de citoyens parfois incarcérés indûment. Cela dit, il est intéressant qu'un policier ayant failli fasse, lui-même le constat de la dure condition carcérale. Même un syndicat de policiers s'est indigné. Comme si un policier en prison devait bénéficier d'un traitement particulier.
(Source, Le Monde, 24 septembre 1999)

Dans la tête
Un jeune homme de 28 ans a reçu une balle dans la tête, le 1er septembre. Projectile tiré par un policier qui a aussitôt prétendu avoir tiré en l'air. Pourquoi cette agression, et ce mensonge ? Un simple contrôle d'identité, en forme de flagrant délit inventé de toutes pièces, est à l'origine de ce véritable meurtre manqué. Cela se passe à Cormeilles-en-Parisis (95) où un policier poursuit de sa haine, depuis des semaines, un jeune Français au prénom provocateur de Farad. Ce policier lui explique même, selon des témoins, en lui montrant son arme, "Tu peux toujours courir aussi vite que tu veux, il y a là une balle qui te rattrapera toujours !" Après le drame, le policier explique que le garçon s'est blessé à la tête en heurtant le trottoir dans sa chute. Manque de chance, à l'hôpital, on trouve une balle dans la tête de la victime. Suspendu, mis en examen pour "violence avec arme par dépositaire de l'autorité publique", le flingueur est laissé en liberté.
(Sources Le Monde et Libération, 6 et 7 septembre 1999)

Ma parole
Le 17 septembre 1997, en forêt de Fontainebleaux, un jeune Français prénommé Abdel était tué par deux policiers. La nuit suivante, des jeunes de Dammarie-les-Lys, cité où demeurait la victime, protestent violemment, avec les incidents inévitables provoqués par la colère des amis de la victime. II a fallu attendre deux ans pour que la justice qualifie de meurtre l'acte des deux policiers - qui sont toujours en liberté. Quant aux jeunes, interpellés au hasard le tribunal correctionnel de Melun ne leur a pas fait de cadeau. Malgré l'absence du moindre élément matériel de preuve, pouvant démontrer la culpabilité de ces jeunes, sur les seuls témoignages des policiers, le tribunal a suivi la réquisition du procureur : quinze mois de prison ferme pour deux garçons et douze mois de la même peine pour deux autres.
(Source, Libération, 7 septembre et France Inter, 27 septembre 1999)

Contrôle
Le 8 septembre, quatre CRS opérant dans la périphérie de Strasbourg, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de la capitale alsacienne. Le 15 avril 1998, deux jeunes gens avaient déposé plainte contre ces policiers, les accusant de violence, lors d'un contrôle routier. Selon leurs témoignages, les deux victimes avaient été extirpées de leur voiture et bousculés sans raison lors d'une fouille. Ensuite, les policiers auraient distribué force coups de poing et coup de pied, tout en proférant des injures racistes, avant de distribuer généreusement des effluves de gaz lacrymogènes, alors que les jeunes remontaient dans leur véhicule. Version contredite par les CRS. Mais, a demandé le président du tribunal, pourquoi n'avoir pas relevé le délit d'outrage ou de rébellion ? II est vrai que les policiers avaient produit des témoins riverains pour appuyer leurs dires, témoignages peu crédibles aux yeux de la justice. Tout arrive...
(Source, Les Dernières nouvelles d'Alsace, 9 septembre 1999)

Avec le temps
Cinq ans après les faits, un colonel de gendarmerie, en poste à l'Ile de la Réunion, reconnaît une bavure qui s'était déroulée le 7 mars 1994 dans sa juridiction. Au cours d'une manifestation, des incidents avaient opposé des dockers en grève aux gendarmes mobiles. C'est dans ce cadre qu'un gendarme effectuait un tir tendu avec une munition "non conforme", blessant grièvement un docker. A l'époque, la gendarmerie évoquait un "accident", le blessé ayant perdu un oeil après avoir reçu un éclat de grenade lacrymogène. Rien entendu, on ne retrouvera ni le fusil ni le registre de sortie des armes. Ce n'est qu'en avril 1998 que le tireur, un adjudant-chef, sera mis en examen, avant qu'un capitaine soit à son tour poursuivi. Ensuite, le colonel expliquera qu'il n'avait pas dénoncé le tireur, de peur qu'il se suicide. Le 5 août 1999, le colonel finira par mettre en cause la préfecture et le parquet. Du beau monde sur la sellette et une belle brochette de présumés coupables.
(Source, Le Journal du Dimanche, 18 septembre 1999)

LE SEUL RECOURS
Dans la nuit du 28 au 29 août, un gardien de la paix, qui n'est pas en service, se querelle avec trois consommateurs, dans un bar de Nancy. Frappé par l'un des hommes, qui lui reproche d'avoir participé à son arrestation, quelques mois plus tôt, le policier sort son arme de service et fait feu sur le véhicule des trois hommes, qui s'enfuient, personne n'étant blessé, fort heureusement. Une enquête administrative très sérieuse est ouverte pour déterminer si le policier a tiré en situation de légitime défense.
(Source, Libération, 31 août 1999)

Colonialisme
Un noir ne vaut pas une blanche. C'est ce qu'a appris à ses dépens un fonctionnaires des Postes, originaire de la Guyane. Cela se passe le 10 mars 1999 à la gare RER d'Antony. Comme le tourniquet de sortie ne fonctionne pas, il imite une dame bien blanche, qui passe par-dessous. Mal lui en prend car c'est lui que les policiers interpellent, contrôlent son identité, palpent. On le conduit au commissariat et, comme à l'habitude (illégale) on lui passe les menottes. Le postier ne comprend pas et résiste, d'autant plus que les " poucettes " sont très serrées. Au poste de police d'Antony, il entend quelques amabilités, telles: "cet abruti travaille à la Poste..." Bien entendu, les policiers portent plainte contre leur victime pour "résistance avec violence" et "dégradation volontaire" du véhicule, mais c'est le postier qui a eu dix jours d'arrêt de travail pour raideurs cervicales et divers contusions et hématomes. De son côté, le postier vient de porter plainte contre les deux policiers, pour "abus d'autorité, coups et blessures et discrimination."
(Source, Libération, 10 septembre 1999)

Adjoints d'insécurité
Un vol de scooter est signalé, par erreur, le 20 septembre, au commissariat de police de Mulhouse, qui trouve aussitôt le coupable idéal. Manque de chance, ce garçon de 18 ans est pris en mains par des adjoints de sécurité. Vous savez, ces emplois jeune initiés par J.P Chevènement dans la police. (Ils sont déjà près de quinze mille) Le garçon est poussé à terre, alors qu’il est menotté dans le dos. Ce qui provoque une fracture styloïde cubitale droite. De plus, le jeune homme est insulté et son deux roues endommagé. De leur côté, ces policiers, ardents à la tâche pour démontrer leur utilité, expliquent que leur victime s'est blessée en tombant en arrière. Ces adjoints de sécurité sont promis à un bel avenir lorsqu'ils seront titularisés.
(source, le Monde, 22 septembre 1999).

Pour une fois
0n en voit de drôles dans les tribunaux. Le 3 septembre, le tribunal correctionnel de Bobigny juge un Sénégalais qui vient de faire les frais d'un excès de zèle policier. L'homme de couleur, donc très visible, est interpellé parce que le moteur de sa camionnette tourne et fume. Vérification des plaques d'immatriculation - le fourgon n'a pas été volé -, vérification des papiers d'identité, du numéro de châssis, de la carte grise, etc. Les braves défenseurs de la société décident d'embarquer l'homme au poste de police et lui passent les menottes. II se débat et refuse d'être ainsi traité. Evidemment, il y a "rébellion" et les policiers portent plainte contre leur victime. Bien sûr, il n'y a pas eu le moindre délit et le dossier étant désespérément vide, la présidente du tribunal annule la procédure. Pour une fois, l'acharnement policier n'a pas payé.
(Source, Libération, 6 septembre 1999)

Bac au soleil
Banal. Le 10 septembre, dans le XIIIe arrondissement de Marseille, une patrouille des BAC enquête sur un vol d'accessoires automobiles. Cela se passe dans la cité des Oliviers et, à la vue des policiers quelques jeune prennent la fuite. Ils sont rejoints rapidement et menottés. Très vite une trentaine de jeunes de la cité arrivent pour prendre la défense de leurs copains, et les policiers battent en retraite, l'un d'eux étant blessé. Peu de temps après, les hommes des BAC reviennent en grand nombre et n'hésitent pas à faire feu, à plusieurs reprises, avec des fusils flash-ball. Une mère de famille (maghrébine) qui voit son fils se faire matraquer, intervient pour le protéger et reçoit aussi des coups. D'autres se font insulter grossièrement, avec des injures à caractère raciste.
(Source, La Provence, 12 et 14 septembre 1999)

Sécurité active
Une quarantaine d'adjoints de sécurité (ADS) ont été recrutés au commissariat de police de La Courneuve (93) mais le sentiment d'insécurité demeure, se désolent les responsables du service "Prévention et sécurité", mis en place par la mairie. Pourtant, cette commune de la banlieue nord de Paris disposait déjà de quinze agents locaux de médiation, recrutés en 1998, dans le cadre d'un contrat local de sécurité. (CLS) Il n'en reste pas moins que la mairie communiste de La Courneuve se plaint du manque de moyens répressifs. Une solution immédiate s'offre à ce maire friand du tout sécuritaire: transformer tous les jeunes de sa cité en policiers de complément. Cette ville serait alors un lieu de dialogue où il ferait bon vivre.
(D'après Le Monde, 21 septembre 1999)

Ragoût
0n n'arrête pas le progrès. La gendarmerie dispose également de l'équivalent de l'IGS (Inspection générale des services), la "police des polices". Ces boeuf-carottes pandore, constitués sous l'appellation de BEC (Bureau des enquêtes et contrôles) semblent bien avoir du pain sur la planche puisque ce service, jusqu'alors plutôt discret vient d'être étoffé. Le BEC avait été crée en 1996, après la mise à jour d'une sinistre affaire de corruption et d'escroquerie montée par vingt-deux gendarmes des Pyrénées-Orientales qui, entre 1992 et 1994, rançonnaient les automobilistes de la région. Depuis, les plus illustres des gendarmes, largement médiatisée depuis les révélations au juge de l'un d'entre eux, ont été ceux de 1a sinistre affaire des "paillotes" corses.
(Source, Le Monde, 25 septembre 1999)

 

   EN BREF....   

Pandore violent
Lors d'une garde-à-vue, en 1994, un prévenu avait été victime de mauvais traitements dans une gendarmerie des Pyrénées Orientales. Le 23 août, la cour d'appel de Pau a condamné les deux gendarmes violents pour "mauvais traitements infligés à un détenu", à 115 000 francs de dommages et intérêts à verser à leur victime qui, au cours de l'interrogatoire musclé, avait eu deux côtes cassées.
(Source, Les Dernières nouvelles d'Alsace, 24 septembre 1999)

Changement
Un nouveau directeur central est arrivé à la tête de la police judiciaire: Patrick Riou. II paraît que cet important fonctionnaire est un homme de consensus. Nous verrons à l'usage.
(Source, Le Monde, 23 septembre 1999)

Plein emploi
Dans son discours-programme prononcé devant les parlementaires socialistes, le 27 septembre 1999, à Strasbourg, Lionel Jospin a promis, entre deux mesures sociales, d'augmenter rapidement le nombre de policiers. Voilà au moins une mesure énergique permet tant de juguler efficacement le chômage, tout en mettant en place les moyens nécessaires pour calmer les chômeurs qui se risqueraient à nouveau à occuper les locaux des Assedic, de l'ANPE ou du parti socialiste - comme durant l'hiver 1997/1998.

Nouveau
Une filière formation police est désormais proposée aux lycéens ayant passé le bac. L'Education nationale a enfin compris comment provoquer les vraies vocations en ouvrant la voie à une profession qui ne connait pas le chômage. Encore bravo à Claude Allègre.
(Source FR 3, 25 septembre 1999)

Cran d'arrêt
En décembre 1998, un chauffeur de taxi parisien était découvert mort à son domicile, lardé de vingt-six coups de couteau. Le 28 septembre 1999, un élève gardien de la paix, interpellé sur les bancs de l'école, a reconnu le meurtre qui aurait eu pour mobile la jalousie.
(Source, Libération, 1er octobre 1999)

Échange
Nous avons reçu le numéro de septembre du bulletin Info-bavures édité par nos amis canadiens du Québec. En matière de police de proximité, ce n'est pas la joie non plus dans ce beau pays où contravention se dit "ticket"...

Colonies
À la Guadeloupe, lorsque des salariés manifestent pour obtenir la libération d'un leader syndical, mis an garde-à-vue pour cause de solidarité active, le préfet leur envoie la police. D'où, évidemment, heurts et déprédations, puis condamnation d'un autre militant à quatre mois de prison ferme pour "coups et blessures" à un policier. "L'émeute" s'est déroulée le 24 septembre, à Pointe-à-Pitre et, depuis la ville a été mise en état de siège par les gendarmes mobiles. II parait que les Antilles française ne sont plus des colonies...
(Source, Libération, 27 septembre 1999)

Pétards
Deux policiers des Hauts-de-Seine sont mis en examen, le 8 septembre, par un juge d'instruction de Nanterre. (92) Ces deux inspecteurs, qui officiaient pour le compte de la brigades des stupéfiants, sont soupçonné d'avoir fourni du cannabis à un dealer, pour le "faire tomber en flag" comme on dit dans le jargon rustique de la Grande Maison. Placés sous contrôle judiciaire, les deux policiers sont également interdits d'exercer leur activité habituelle.
(Source, Le Monde, 10 septembrs 1999)

Gyrophare
Jean-Louis Arajol, secrétaire général du SGP (policiers en tenue) vient de quitter ses fonctions pour prendre des responsabilités au RPF de Charles Pacqua et Philippe de Villiers. On comprend mieux, dès lors, (attitude de ce grand républicain lorsqu'il "couvrait" les bavures de ses collègues. Faut-il dire adieu au pseudo-syndicalisme de gauche de la police ?