Le message du président Kabila à la nation en réponse aux conclusions de la Consultation nationale;

Chers frères et soeurs délégués à la Consultation nationale, chers compatriotes

Voici les réponses aux voeux formulés à mon endroit:

1. L’amendement du décret-loi n°194 relatif aux partis et aux regroupements politiques
Le décret-loi n°194 est une loi, comme toute loi et peut être, selon que les circonstances du moment l’exigent, sujet à amendement. A mon sens, cette tâche est désormais celle de l’Assemblée constituante et législative attendue dans un avenir très rapproché. Tout ceci reste conforme à l’article 8 du décret-loi constitutionnel n°0074 du 25 mai 1998. Cependant, en ce qui concerne la question de la domiciliation des membres fondateurs de tout parti en gestation qui semble être perçu comme l’obstacle majeur à l’agrément, tenant compte de l’état actuel de guerre, j’instruis le ministre d’Etat aux Affaires intérieures pour qu’il déroge à cette disposition.

2. Problématique des Cpp, Bnps, et Refeco
Je constate qu’il y a confusion entretenue à dessein au niveau de l’entendement. Les Comités du pouvoir populaire ont été créés par le décret-loi n°236 et sont, par conséquent, une institution de la République. Voilà pourquoi leur fonctionnement doit naturellement émarger du budget de l’Etat alors que le Bnps et le Refeco qui sont des regroupements gigantesques des organisations des masses ne l’ont jamais été. Personne au monde ne pourra prouver le contraire. Aussi dois-je, malgré moi, saisir cette occasion pour prodiguer des conseils aux vieux routiers de la politique de la IIème République dilués la plupart en associations des droits de l’homme, société civile etc, s’agitant donc éperdument pour briguer un nouveau mandat politique que l’espace actuel, celui de la troisième République, ne peut se permettre d’héberger des vendeurs des fantasmes chers naguère aux castes régnantes de la deuxième République. Nonobstant, qu’il est prévu par le projet constitutionnel que les partis politiques soient subventionnés par l’Etat selon les critères bien définis et conformément au décret-loi n°194, ce qui par voie de conséquence proscrit formellement le financement des partis politiques congolais par des étrangers sous peine de dissolution éventuelle de tout parti qui enfreindrait cette disposition.

3. Création du parlement de transition
Votre souhait rencontre le souci du législateur maintes fois exprimé par le décret constitutionnel n°0074 du 25 mai 1998, spécialement en ses articles 3,4 etc. Le 5 février dernier, j’avais proposé à une foule de compatriotes réunis autour de moi au Palais de la Nation, sa mise sur pied en vue de faciliter la poursuite du processus de démocratisation de notre pays. Je ne peux donc ici que souscrire solennellement à ce projet qui doit être matérialisé mi-mai prochain.

4. Formation du gouvernement et son ouverture à d’autres tendances politiques
La révolution du 17 mai 1997 était venue mettre un terme à une longue dictature autocratique prenant les astuces pour assurer sa longévité ces dernières décennies. Ces astuces furent combines, associations de politiciens discrédités au pouvoir sans obtenir l’aval du peuple. Quant à moi, pour éviter le retour à cet état de choses dramatiques, j’estime que la procédure la plus démocratique pouvant permettre à chacun et à tous d’être associés à la gestion de la chose publique dans notre pays, passerait avant tout par la création des partis politiques selon l’esprit et la lettre du décret-loi 194, de prendre ensuite part au débat multisectoriel. Et enfin de participer aux élections libres, démocratiques et transparentes à l’issue desquelles la composante majoritaire ou l’une des composantes importantes s’associerait à certaines autres pour obtenir la majorité et diriger le pays. Je suis naturellement aussi d’accord avec les compatriotes en tant que nationaliste, que la gestion de la chose publique en Rdc ne soit confiée qu’aux Congolais authentiques de père et de mère.

5. Libertés fondamentales et les droits humains

En tant que président de la République, j’ai le devoir, et c’est tout ce que je fais, de garantir tout naturellement et absolument tous les droits humains reconnus par notre pays et à cause même de son appartenance à la communauté internationale, dont je partage d’innombrables textes et traités en la matière. Toutefois, dans cette même perspective, je rappelle que les lois républicaines doivent être respectées par chacun des membres de la communauté nationale, notamment les activistes des droits de l’homme, les journalistes et leaders politiques. Absolument aussi, nul ne doit être au-dessus de la loi.

6. L’Office des biens mal acquis

Je vous informe que l’Obma constitue justement la structure appropriée devant recevoir toutes les réclamations au sujet des biens mal acquis ou non dans le but de les soumettre à une étude approfondie devant aboutir à une décision soit de les restituer à leurs propriétaires soit de conservation des biens ainsi saisis par l’Etat.

7. La Cour d’ordre militaire
La Cour d’ordre militaire a été organisée et fonctionne pour faire face aux problèmes de discipline au sein de nos forces armées en pleine restructuration ainsi qu’à l’insécurité généralisée imputable à la prolifération d’instruments de guerre au sein de la population. Comme vous, je pense que la Cour d’ordre militaire doit subir la restructuration pour que nous puissions répondre davantage aux exigences du respect des droits, de la défense, tout en garantissant le respect rigoureux de la discipline au sein des forces armées et de la Police sans occulter notre droit à la légitime défense contre les agressions intérieures et extérieures des intérêts de la nation. La baisse de criminalité remarquée ces trois dernières années devra être mise au nombre des acquis posititfs de cette cour. Ainsi, la Cour d’ordre militaire demeure une organisation de la justice militaire permettant l’exercice des voies de recours tant ordinaires qu’extraordinaires. Concrètement, il sera instituée au sein de la Cour d’ordre militaire une chambre d’annulation ayant compétence de connaître tout recours de violation de la loi introduit par le condamné et par le procureur militaire près la Cour d’ordre militaire. Les civils devront désormais être jugés par leur juge naturel qui est le juge de droit commun. Cette exception est prévue expressément par la loi.

8. Formation d’une armée républicaine

Je vous informe que notre armée n’a jamais été aussi nationale et républicaine qu’aujourd’hui. En effet, les Fac comprennent dans leur rang des jeunes recrues ressortissants de toutes les provinces de notre pays, les anciens éléments des Faz récupérés ainsi que des rebelles repentis. La guerre que nous vivons aujourd’hui ne nous a pas laissés le temps d’achever l’organisation de notre jeune armée dès la libération du pays qui aurait pu être la plus forte armée du continent.

9. Révision de l’ Accord de Lusaka

Je constate que les participants à la Consultation nationale ont, à l’unanimité, exigé la révision des Accords de Lusaka. Mon gouvernement tiendra désormais compte de cette exigence du reste prévue dans les articles desdits accords.


Récommandation de la Consultation nationale

A. Au gouvernement de la Rdc:
1. Que soit amendé le décret-loi n°194 portant orgnaisation des activités politiques pour permettre aux partis politiques de fonctionner normalement.
2. Que les Cpp, Refeco, Bnps, préoccupés par des projets de société, cessent, après libéralisation des activités politiques, de relever du budget de l’Etat à moins que tous les Partis régulièrement constitués ne soient subventionnés par l’Etat congolais.
3. Mettre en place un Parlement de transition pour contrôler l’action gouvernementale. Celui-ci sera composé par des membres élus là où cela est possible et des membres coptés à la base là où les conditions d’élection ne le permettent pas.
4. En vue de mettre fin à la marginalisation des autres composantes de la société congolaise, demandons au chef de l’Etat de former un gouvernement ouvert à d’autres tendances politiques, dirigé par un Premier ministre conciliateur, compétent, expérimenté, intègre et patriote. Nommer aux postes publics de l’Etat les Congolais authentiques, patriotes, compétents et dévoués.
5. Garantir les libertés fondamentales et les droits humains en mettant fin aux arrestations arbitraires des activistes des Droits Humains, des journalistes et des leaders politiques ainsi qu’aux tracasseries policières aux postes de contrôle, sur les routes et les voies fluviales;
6. Restituer les biens acquis des anciens dignitaires pour restaurer la confiance et créer une commission de restitution des biens en lieu et place de l’Obma.
8. Supprimer immédiatement les juridictions d’exception comme la Cour d’ordre militaire et réhabiliter les juridictions militaires ordinaires conformément au code de justice militaire.
9. Former une armée forte, républicaine dans laquelle tous les Congolais s’y retrouvent, y compris les éléments dignes et crédibles des Ex Forces armées congolaises;
10. Demander la révision de l’Accord de Lusaka et ce conformément à l’article III point 26 dudit Accord, compte tenu des lacunes qu’il renferme, notamment:
- le fait que cet Accort ne dissocie pas les problèmes inter-congolais des problèmes inter-Etats;

- la mission confiée aux belligérants de procéder au désarmement des milices armées et des Forces génocidaires est de nature à perpétuer les affrontements en Rdc;
- le fait que ces Accords demandent aux belligérants de garder leurs positions aux fronts le jour de l’entrée en vigueur du cessez le feu consacre d’office la partition du territoire congolais;
- la méconnaissance, lors de la négociation de l’Accord, des autres Forces vives de la Rdc impliquée dans la guerre comme l’opposition non armée, la Société civile et les Forces d’Auto-defense populaire;
- la non identification du Burundi comme partie au conflit et son manque d’implication dans l’Accord de Lusaka;
- le manque de sanctions en cas de non respect des dispositions de l’Accord;
- la mise en compte de la présence des troupes étrangères d’agression sur le territoire congolais comme un obstacle au dialogue inter-congolais.

B.A l’Opposition armée de:
- s’iimprégner du sentiment patriotique pour sortir de l’emprise des agresseurs et de leurs commanditaires;
- cultiver l’esprit de tolérance et de confiance;
- déposer immédiatement les armes par respect à la volonté du peuple congolais et se désolidariser de vos alliés.

A.A l’Opposition pacifique de:
- cultiver le sens du patriotisme; - Passer de l’opposition d’obstruction à celle de construction;
- renoncer à la personnalisation du débat politique et privilégier la confrontation des idées sur base des projets de société réalistes;
- renoncer de recourir à l’étranger pour se faire accréditer au pouvoir et pour résoudre des problèmes nationaux.
D. Au peuple congolais de:
- cultiver le sens du patriotisme, de l’abnégation ainsi que celui de l’intérêt général;
- cultiver les vertus du dialogue et du pardon à tout moment;
- promouvoir une culture de concertation, de dialogue, d’écoute et d’acceptation mutuelle de nos différences entre Congolais pour sauvegarder l’Unité dans la diversité, et entre notre pays et les pays étrangers ensuite;
- l’interdiction de poser des actes qui aliénent les intérêts nationaux au profit des puissances étrangères;
- le refus de recourir désormais aux armes pour soutenir des revendications de n’importe quel ordre.

E. A la communauté internationale:

1. La condamnation sans atermoiement de l’agression dont le peuple congolais est victime de la part du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda.
2. Le déploiement immédiat de la Force d’interposition et de maintien de la paix des Nations Unies aux frontières de la Rdc, conformément à la résolution 1234 du Conseil de sécurité aux fins de veiller au retrait de toutes les troupes étrangères en commençant par celles d’agression.
3. Le respect strict et sans condition de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Rdc conformément aux instruments juridiques internationaux, notamment les Chartes de l’Onu et de l’Oua.
4. L’implication immédiate et dynamique de l’Onu et de l’Oua dans l’application des résolutions 1234 et 1291 du Conseil de sécurité de l’Onu.
5. La facilitation de la procédure d’amendement de l’Accord de Lusaka, et ce conformément à l’article III point 26 dudit Accord, compte tenu des lacunes qu’il renferme.
6. La promotion d’un dialogue sincère entre les parties en conflits.
7. L’acceptation du principe d’adjoindre au facilitateur accepté par les parties les chefs des Confessions religieuses organisateurs des présentes assises.
8. La création d’une commission internationale d’enquête sur les massacres perpetrés en Rdc pendant la guerre d’agression et la réparation des préjudices subis par celle-ci.
9. Exigence aux pays agresseurs de libérer les prisonniers et détenus congolais.
10 L’organisation d’une Conférence internationale sur la paix et la sécurité internationale dans la région des Grands Lacs.
11. La mise en place d’un plan de développement et de démocratisation de la Région des Grands Lacs et plus spécialement au Rwanda, Burundi et en Ouganda pour y mettre un terme à l’instabilité due essentiellement à la pauvreté et à la confiscation de tous les pouvoirs par une minorité ethnique.
Fait à Kinshasa, le 11mars 2000

Déclaration finale;
Nous, peuple congolais, croyants en Dieu créateur et sauveur des hommes, participants à la Consultation nationale initiée et organisée par les chefs des Confessions religieuses en la Cathédarale du Centenaire protestant de Kinshasa du 24 février au 11 mars 2000,

Affirmons solennellement que:
- Comme tout autre peuple, le peuple congolais est souverain;
- le peuple congolais est un peuple uni et indivisible sur le territoire de la République démocratique du Congo à l’intérieur des frontières héritées de la colonisation;
- le peuple congolais aspire légitimement à la paix, à la concorde, à la démocratie et au développement;
- notre pays le Congo n’est pas simplement un amas de ressources naturelles, ni non plus un no man’s land, mais essentiellement un espace de vie accordé par Dieu à notre peuple depuis les temps de nos ancêtres.

Condamnons:
- La guerre d’agression et l’occupation de notre territoirie national;
- les tueries massives de notre population;
- les viols et voies de fait;
- le mépris de notre peuple et sa mise sous tutelle;
- la déportation de nos populations comme à l’époque du nazisme à la seconde guerre mondiale;
- le pillage de nos ressources naturelles et la destruction de nos infrastructures économiques et sociales;
- la destruction de notre environnement.
Invitons:

- nos frères et soeurs de l’opposition armée à avoir l’esprit patriotique, à prendre le courage de renoncer immédiatement à la guerre et se désolidariser des ennemis de notre peuple;
- nos frères et soeurs de l’opposition pacifique à la tolérance, à l’esprit de conciliation et à renoncer à la politique de la chaise vide;
- nos frères et soeurs de la société civile à jouer pleinement leur rôle de catalyseurs, d’encadreurs, d’animateurs culturels et socio-économiques;
- le gouvernement à prendre en considération les aspirations du peuple congolais telles qu’exprimées par la Consultation nationale, et à créer un espace favorable au Dialogue national;
- le peuple congolais à s’unir pour construire ensemble notre pays dans l’amour, le pardon et la réconciliation;
- la communauté internationale au strict respect de la Charte de l’Onu, de l’Oua et de toutes les conventions internationales ainsi que des aspirations du peuple congolais telle qu’exprimées par la Consultation nationale.
Tous unis, allons au Dialogue national, sauvons le Congo notre pays, sauvons le peuple congolais et sauvons l’Afrique.
Nous implorons le Dieu tout puissant et miséricordieux de nous accorder sa sagesse afin de privilégier entre nous Congolais l’échange de paroles qui seul construit.

Fait à Kinshasa/temple du Centenaire protestant, le 11 mars 2000
Les participants à la Consultation nationale

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