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RUXELLES ? … MA BELLE !

On aurait tendance à l’oublier, mais à l’origine, Bruxelles est une ville historiquement flamande qui a été francisée. Si actuellement on y trouve 85% de francophones et à peine 15% de flamands, en 1830, la proportion était presque inversée. Bruxelles s’est donc largement construite par l’émigration wallonne, mais aussi par la volonté politique, l’épargne et les investissements wallons. Il s’y est cependant développé en peu de temps une sensibilité bruxelloise propre, une certaine mentalité qui traverse les clivages politiques habituels.

Qui sont réellement les Bruxellois ? Si l’on sait qu’un Bruxellois sur trois est d’origine étrangère, les deux autres, qui sont-ils ? Plutôt que Wallons expatriés ou Flamands minorisés, les Bruxellois se sentent de plus en plus … bruxellois ! Beaucoup parmi eux n’ont pas un sentiment d’appartenance à une communauté bien définie aussi fort et développé que les Flamands ou, dans un certain sens, que les Wallons. En conséquence, ils se sentent un peu plus belges que dans le reste du pays.

En revanche, Bruxelles est le centre économique du pays et donc un lieu de pouvoir important où les capitaux flamands et wallons affluent. Comme toutes les capitales, Bruxelles a un fort pouvoir d’attraction pour les autres régions du pays, mais également pour les investisseurs étrangers. La Wallonie a, dans cette grande ville francophone à vocation européenne et internationale, des intérêts moraux, culturels, politiques et économiques évidents. Pour toutes ces raisons, elle se doit de conserver et même de renforcer les liens particuliers et privilégiés qui l’unissent à Bruxelles.

Le caractère hybride de cette ville, sa position géographique, sa culture politique en font un lieu théoriquement idéal pour abriter les institutions européennes. Mais à Bruxelles, la donne européenne relativise le caractère de capitale de la ville qui lui-même estompe la réalité francophone de celle-ci, au grand bénéfice de la minorité flamande bruxelloise et de la majorité flamande belge. Quoi qu’on ne puisse pas à proprement parler de minorité flamande à Bruxelles, mais seulement de ressortissants localement minoritaires d’une majorité flamande qui domine l’Etat.

La différence de mentalité, de culture et de sensibilité entre la Wallonie et Bruxelles est évidente, de même que leur situation économique. Au niveau politique et économique, Bruxelles s’imagine qu’elle aurait beaucoup à perdre de la disparition de la Belgique car elle perdrait son statut de centre vital du pays. Bruxelles croit donc avoir tout intérêt de voir se maintenir une Belgique unifiée. Pour cela, elle s’appuie tantôt sur la Wallonie, tantôt sur la Flandre pour défendre des intérêts qui lui sont propres. Or, aujourd’hui, Bruxelles n’est pas aidée réellement sur la plan financier par l’Etat belge et elle doit accepter d’être la capitale de la Flandre. Bruxelles ne tire donc plus profit, à vrai dire, de sa position de capitale de l’Etat belge. Le jour est proche où elle sera obligée de choisir son camp. L’heure venue, lorsque la nationalité belge disparaîtra par défaut d’Etat belge, les Bruxellois devront opter pour une nouvelle nationalité.

Dans l’optique économique d’une réunion à la France, la Wallonie possède le grand avantage sur la Flandre, de pouvoir prendre son destin en main indépendamment de Bruxelles. La Flandre, pour prendre son indépendance, a intérêt à voir disparaître la Belgique. Mais, pour elle, perdre Bruxelles serait catastrophique car cette ville, située en plein cœur de la région flamande, représente un poids économique considérable. Voilà pourquoi, dans cet étrange ménage à trois, Bruxelles est plus que jamais menacée par les plans d’absorption progressive de la Flandre. L’expansionnisme et l’intolérance flamands avancent masqués à Bruxelles. Mais le jour où la Flandre n’aura plus rien à tirer d’une fiction d’Etat belge, alors, les nouveaux maîtres pourraient bien ne tolérer que les Bruxellois ne restent eux-mêmes … qu’à la condition de devenir Flamands !

Défendre Bruxelles au nom de la communauté de destin et d’intérêts qui nous lient, oui, mais en toute indépendance et sans que cela ne puisse retarder l’intégration de la Wallonie dans la République. L’avenir de Bruxelles ne doit pas décider du sort de la Wallonie. Il faut cependant combattre cette idée fausse qu’une Wallonie qui choisirait la réunion à la France " abandonnerait " Bruxelles. Elle lui donnerait l’occasion et la liberté d’exprimer son choix. L’avenir des Bruxellois n’appartiendra qu’aux Bruxellois ! Libre à eux de nous suivre dans cette direction.

De toute façon, en cas d’éclatement de la Belgique, il n’existe pas énormément de solutions d’avenir possible pour cette majorité de francophones. Celle d’une annexion pure et simple à la Flandre ! Celle du maintien d’un résidu de Belgique avec les seules régions bruxelloise et wallonne. Celle d’une Belgique à eux tout seuls ! Celle de la création d’un petit Etat indépendant en plein cœur de l’Europe, style Monaco ou paradis fiscal, cela jamais les autres pays européens ne l’accepteraient. Reste la thèse d’un hypothétique district européen qui repose sur une vision erronée de la nature et des moyens juridiques des institutions européennes. L’Union européenne n’étant pas un Etat fédéral, elle ne peut avoir une capitale fédérale et elle n’a pas le pouvoir d’administrer un territoire. Et pourquoi irait-elle s’encombrer d’un tel district et créer ainsi un dangereux précédent, rien que faire plaisir à moins d’un million d’habitants.

Soyons réaliste seule l’adhésion à la France pourra garantir à Bruxelles son rôle de grande ville francophone, de grande ville internationale et de siège d’institutions européennes et internationales. Seule la France plurielle pourra garantir à Bruxelles le maintien de la liberté culturelle, un modèle d’intégration pour les citoyens issus de l’immigration et une protection contre les dérives douteuses.

Il ne faut pas nier que Bruxelles présente des atouts considérables pour la France en dehors de son statut de ville francophone, européenne et internationale : le poids démographique de ses habitants, sa proximité géographique et la présence d’importantes compagnies industrielles et financières.

Revenons sur cette notion de proximité géographique (moins de 2000 mètres par rapport aux limites régionales actuelles). Ces limites de la région bruxelloise ont été fixées arbitrairement, contre le vote d’une majorité de Francophones en 1962, ce qui a entraîné l’isolement des Francophones de la périphérie et a fait de Bruxelles une ville enclavée, coupée de la Wallonie. Mais le sort des communes dites à facilités devra obligatoirement être réglé au moment de la fixation des nouvelles frontières d’états. Celles-ci ne pourront être admises sans l’approbation de la Communauté internationale, et plus particulièrement de l’Europe, quant à leur tracé définitif et au mode démocratique de leur fixation. C’est ici le droit international et le droit des gens qui seront mis en opposition avec le dogme flamand de l’homogénéité linguistique et de la transformation de simples limites administratives en frontières d’Etat. Mais encore une fois, ce sera aux Bruxellois et aux habitants des communes concernées (d’où l’importance de l’ouverture du droit de vote aux étrangers appartenant à la Communauté Européenne ou non) de s’exprimer. C’est là la seule solution démocratique ! A ce sujet, il est important de savoir que la commune de Rhode Ste Genèse, qui établit la continuité sociologique entre le Brabant Wallon et le sud de la Région Bruxelloise (Uccle, Boitsfort), compte 56% de francophones. Des communes comme Drogenbos, Linkebeek, Wezembeek Oppem et Crainhem sont actuellement à plus de 75% francophones.

A l’heure actuelle, le seul lien véritable qui unit la Wallonie et Bruxelles, c’est la Communauté Française. Mais on ne peut pas penser que la Communauté Française de Belgique représente et définit véritablement les Wallons ; celle-ci semble plutôt être une notion hybride et artificielle, sans véritable enracinement. La Communauté Française exprime, dans l’image qu’elle véhicule ici et surtout à l’étranger, une sorte de nostalgie, celle d’être le résidu de l’ancienne Belgique francophone. La Communauté Française serait donc, qu’elle le veuille ou non, complice du concept de belgitude. La réunion à la France fera disparaître la Communauté Française. Mais nos deux régions subsisteront, pour le plus grand bien des Wallons et des Bruxellois.

Eric SMETS

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