Contactez-nous

pour nous donner votre avis

 

 

FORUM

Dette publique et choix politique pour la Wallonie

 

[…] La dette publique propre de la Wallonie et son économie vont limiter son choix et l'empêcher de faire "n'importe quoi".

La dette publique belge est la plus élevée de tous les pays industrialisés: près d'un quart de nos impôts sont encore consacrés à en rembourser les seuls intérêts.

La dette publique belge au sens Maastricht peut être scindée en quatre sous-ensembles dont deux sont directement régionalisables: ceux désignés sous l'appellation "entité II" par le Ministère des finances, c.-à-d. Communautés et Régions et Pouvoirs locaux. Dans l'"entité I", seule la sécurité sociale ne pose aucun problème car elle présente une dette "négative" – ou, si l'on veut, un "boni". Reste le gros morceau, celui de la dette du pouvoir fédéral. Elle représente effectivement 92,2% du total de la dette brute consolidée de la Belgique ou dette "au sens Maastricht".

Il existe toute une gamme de formules diverses de partage de la partie de dette qui posera problème: celle du pouvoir fédéral. Mais il est à penser que les hommes politiques flamands ne trouveront aucune raison intéressante pour nous faire des cadeaux. Force est d'admettre provisoirement une formule qui, si nous faisons bien nos prières chaque soir, pourrait être politiquement possible, c.-à-d. au prorata des poids démographiques respectifs.

Pour un particulier, une dette déterminée (un million, par exemple) se juge à l'importance de sa fortune et de ses revenus. Il en va de même pour un Etat: la dette se juge alors à l'importance de son PIB. Pour la Belgique, ce rapport est de 122,2%

Or, le PIB wallon est seulement de 26,3% du PIB belge (voire, plus vraisemblablement, 25,1% et malheureusement pas 33% qui est le rapport entre la population wallonne et la population belge.) La dette publique de la Wallonie est alors portée à 152,2% de son PIB, situation particulièrement dramatique au regard des bornes (60%) imposées par le traité de Maastricht pour l'entrée dans la zone euro et surtout au regard de l'obsédant et bien réel "effet boule de neige".

Avec de telles valeurs de la dette publique, il est inévitable d'assister à un véritable saut en hauteur du déficit public, bien au-delà des 3% attendus par le même traité de Maastricht. L'examen des conséquences de cette situation pour la Wallonie entraîne à craindre vraiment que celle-ci ne devienne indépendante ou simplement n'acquière son autonomie fiscale.

Les présidents des banques centrales de la zone euro s'opposeraient farouchement à un tel choix politique si dommageable à l'image internationale de l'euro. Parallèlement, il tombe sous le sens que la fiscalité à venir serait promise à atteindre des valeurs jamais égalées qui ne laisseraient pas le monde salarial sans réaction!

Apparemment nous sommes totalement dans l'impasse: manque d'intérêt (supposé mais non réel) du monde politique français pour s'agrandir d'une Wallonie exsangue, interdiction – pour des raisons financières et économiques – d'échafauder une Wallonie indépendante, veto formel de la BCE pour envisager même une autonomie financière, impossibilité psychologique d'admettre que la Wallonie soit financièrement, fiscalement et techniquement sous tutelle de la Flandre.

Dès que la Flandre a déclaré son autonomie fiscale, la Wallonie est contrainte de trouver hâtivement une solution politique entièrement nouvelle qui, conjointement, implique le séparatisme et exclut l'indépendance!

Une solution d'une limpidité déconcertante au sujet de la dette publique wallonne et, subsidiairement, au sujet du maintien automatique de la Wallonie dans la zone euro, est à portée de main à condition que les choses se préparent de chaque côté de la frontière française.

Dès lors que la Wallonie serait réunie à la France, la dette publique brute rapportée au PIB dans la nouvelle France s'élèverait à 61,6% qui est le rapport entre la somme des dettes publiques et la somme des PIB respectifs. Dans la France actuelle, ce rapport est de 58% du PIB. Mais la Wallonie passerait donc de 152,2 à 61,6% du PIB. Cette dette publique wallonne chuterait donc brutalement à 40,5% de sa valeur actuelle.

Du côté français, la facture serait passablement peu douloureuse: au pire, la nouvelle France (celle constituée de la France actuelle et de la Wallonie) ne verrait augmenter sa dette publique que de 3,6% du PIB. Elle passerait effectivement de 58,0 à 61,6% du PIB! Pour les Français de 1998, elle augmenterait ainsi de 6,2% qui est le rapport entre 3,6 et 58,0.

La médiocrité du PIB wallon accroît très lourdement l'importance de la dette publique relative de la Wallonie. Par contre, elle n'a qu'une influence dérisoire sur la dette publique relative de la nouvelle France. Le facteur décisif est donc tout simplement l'énormité de la dette belge en elle-même.

Le prix de la Wallonie est peu de chose au regard de ce que fut le "prix" de l'ex-Allemagne de l'Est pour l'Allemagne fédérale.

Il n'y a pas de raison de s'inquiéter de l'attitude des autres pays de la zone euro face à un léger mais nouveau dépassement, pour la nouvelle France, des fatidiques 60% de dette publique par rapport au PIB. En effet, on se réjouirait, à Francfort, que la Wallonie ne se soit pas entêtée à jouer le pari stupide et indécent de l'indépendance; l'Italie, de son côté, avec ses 121,6% de dette publique, aurait mauvaise grâce d'y trouver ombrage. Or, ces trois pays, France, Allemagne et Italie, totalisent à eux seuls près des trois quarts (74,1%) du PIB des pays de la zone euro.

Ce qui est, pour nous Wallons, une montagne inaccessible devient une taupinière dans la nouvelle France. Mais la montagne n'est pas du tout imaginaire; elle est en plus le siège de séismes virtuels d'une extrême gravité que les tenants des diverses formules de la Wallonie indépendante n'ont pas l'air de soupçonner. Pour la France, par contre, la gravité de la dette publique est une taupinière.

La Flandre, présentement proche du plein emploi, est en mesure de relever le défi de sa propre dette publique et nous fera, en même temps, l'affront de diminuer sa fiscalité: c'est évidemment pour cela qu'elle en exige aujourd'hui la régionalisation!

 Corollaire heureux: la Wallonie, grâce à son retour à la France, va voir tout d'un coup s'alléger énormément le poids de la dette publique et, surtout, fondre la fiscalité qui en est l'enfant pervers. Paradoxe supplémentaire: c'est d'abord la Wallonie malade qui tirera le meilleur profit de ce bouleversement de la carte politique d'Europe, puis Bruxelles-Capitale, puis seulement la Flandre.

Le chemin à suivre est direct; il n'y a pas de bifurcation, pas d'alternative. Ce n'est plus un choix, c'est une contrainte. Une chose est certaine: plus vite nous empruntons ce chemin, plus vite nous y retrouverons des bénéfices financiers non négligeables. Pourquoi attendre?

 

Adrien LAURANT

20-08-1998