Il faisait froid. C'était un matin à peu près comme les autres, dehors la neige tombait progressivement par gros flocons,
on aurait dit des boules de ouates qui s'aggloméraient partout dans la campagne sauvage. Il venait tout juste de se lever lorsqu'il admira ce décor féerique par la fenêtre de sa chambre.
Ce jour est magnifique, se dit-il, cette date est si chère à mon coeur, c'est celle de la rencontre de l'amour de ma vie. Il se tourna vers le visage encore endormit de son épouse et bien qu'elle ne puisse le voir car elle était habitée par les rêves du sommeil, il lui souri tendrement. Comme il est bon de vivre un amour toujours aussi intense. Il se dirigea vers la cuisine et pris sobrement son petit déjeuner regardant toujours par une fenêtre tombé la neige.
J'irai au village, se dit-il, il était à peine à quelques kilomètres de la maison qu'ils venaient d'acquérir, j'y achèterai un petit quelque chose pour mon amour et quelques vivres pour un copieux repas en tête à tête.
Il s'habilla le coeur joyeux et chaussa ses raquettes d'origine indienne, il pris son sac à dos et sortit. Dehors, le vent glacial vint lui piquer le visage et les mains,
alors il cala la tête dans son capuchon et dissimula ses mains dans les poches de son menteau.
Puis, prenant à travers la campagne, il avança résolument vers sa destination. Longeant la forêt, il savait que c'était la bonne direction.
Par moment, quelques arbres laissaient tomber de leur branches alourdis des paquets de neige qui venaient faire des trous sur l'uniformité du sol et qui rajoutaient leur bruit aux craquement des arbres, au vent sur la pleine et à la friction de ses raquettes résolument répétés à chaques pas. Par moment aussi, le chant de quelques oiseaux venaient déranger le silence sauvage de la grande prairie.

Il avançait au même rythme depuis déjà plusieurs heures, lorsque le vent se leva.
La neige avait cessée depuis un bon moment, juste le temps de recouvrir ses traces derrière lui. Il observait les tourbillons occasionnels de neige provoquer par ce vent qui semblait furieux. Hum, il fait froid se dit-il, mais le village ne devrait plus être loin maintenant, mais à mesure qu'il progressait contre ce mur invisible, ses pas devenaient plus pénibles. Le vent s'engouffrait dans son capuchon qu'il referma presque entièrement dans l'espoir de se protéger des engelures et pour faire fondre les morceaux de glace figés dans ses sourcils. Il s'efforça d'accélérer sa cadence pour se réchauffer un peu jetant de tant à autres un regard vers la forêt, se demandant s'il n'était pas mieux de s'y réfugier quelques instant. Mais à quoi bon se dit-il, il faudra quand même reprendre la marche, autant la faire tout de suite. Le froid toujours s'intensifiant, il sentait la brûlure de ses mains et de ses pieds lui signifier l'urgence de ne pas s'arrêter, mais plus il avançait,
plus la distance lui paraissait longue. Il pensa, " trop tard maintenant pour faire demi tour, il faut garder la trajectoire", mais des doutes aussi lui émergeaient à l'esprit dans la difficulté qu'il avait à penser clairement. "Me suis-je trompé de direction ? Je n'aurais jamais dû entreprendre ce trajet, j'aurais dû rester à la maison, j'aurais dû rester blottit contre le corps chaud de mon tendre amour,,,j'aurais dû..." Perdu dans ses pensées il trébucha, tomba dans la neige épaisse et poussa un gémissement qui s'apparentait d'avantage à un pleur qu'à un cri. Il se releva encore, plus par la force de la panique que par celle du courage.

Il ne sentait plus ses jambes, elles avançait et il pouvait commander leurs actions mais sans trop savoir si elles lui faisaient toujours mal. Puis il retomba immobile, il sentait la neige lui apporter une protection contre le vent et lui donner un peu de réconfort, presque la sensation d'une chaleur, une illusion. Il le savait bien mais ses jambes ne pouvaient plus porter son poids, épuisé et meurtris par le froid, une sensation terrifiante le saisit. Son heure était arrivé. Depuis plus d'une heure qu'il ressentait l'angoisse, maintenant, une sournoise idée de résignation venait habiter son coeur et en même temps une certaine béatitude euphorique procuré par le froid qui engourdissait tout ses membres et dans laquelle il se sentait glisser peu à peu. Soudain, un mot traversa son esprit, comme un éclair qui vient déchirer la nuit obscure, " l'assurance ". Si je meurt ici, on de pourra retrouver mon corps recouvert par la neige avant le printemps prochain si, par chance, quelqu'un passe par ici à ce moment et mon épouse ne pourra pas toucher la prime d'assurance. Elle perdra la maison et mourra d'inquiétude de ne pas savoir ce qui m'est arrivé. Alors sans plus attendre il réagit. Il commença par se traîner dans la neige pour atteindre un endroit où il se dit qu'il aurait des chance que l'on retrouve son corps. Une fois arrivé tant bien que mal, il s'arrêta quelques secondes, juste le temps de se dire; " non, ici non plus, c'est pareil, je vais atteindre le sommet de cette petite colline et là ce sera bien. Dans son coeur, tout s'était écroulé, tout espoir et même le désire de vivre, seul y restait, l'amour pour son épouse et le désir de faire encore un dernier mouvement pour elle. Alors tout aussi péniblement, il finit par atteindre l'endroit choisi et s'y arrêta incapable de faire plus.

Tout à coup, la neige craqua et il se senti comme emporté par le déplacement du terrain. L'autre versant de la petite colline était un escarpement et il fut emporté par une petite avalanche sur une pente d'une douzaine de mètres et de cet autre côté aussi, des regards l'aperçurent, c'était le village. Bien qu'ayant perdu par la suite l'usage de ses jambes, il survécu et c'était l'amour pour sa femme qui l'avait sauvé. Mais son handicap ne l'empêcha jamais de faire à nouveau de cet amour, la chose la plus importante de sa vie.
Marcel!

 

 

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