Sœur
Emmanuelle
Entretiens avec Marlène Tuininga
Le
Paradis c'est les autres
Marlène Tuininga est journaliste à
l'hebdomadaire La Vie. Elle a longuement rencontré sœur Emmanuelle et
nous fait partager son incroyable vitalité.
Le paradis, c'est les autres
« Je commence à en avoir assez de
cette sueur Emmanuelle! N'y en a‑t’il donc pas eu assez d'écrivains
qui ont fait apparaître ma vie dans tous les sens? Seulement voilà:
Marlène est une femme, peut-être a‑t’elle même quelque chose
d'une sage femme. Socrate, mon maître ès enseignement, avait emprunté
à sa mère l'art de la maïeutique pour essayer de faire accoucher ce
qu'il y avait de plus vital dans l'âme des jeunes éphèbes d'Athènes.
Marlène, elle, s'est accrochée à une vieille femme de
quatre‑vingt‑six ans. Pour "parler moderne",
j'avais l'impression qu'un laser pénétrait dans mes entrailles pour y
débusquer les deux composantes de ma personnalité qui sont à
l'origine de ma passion de vivre: la révolte et l'amour. »
Le résultat: ici, pour la première
fois, sueur Emmanuelle raconte elle‑même sa vie si riche et si
intense, et les idées, décapantes, généreuses, pleines d'espérance
qu'elle en a tirées. Aujourd'hui à la retraite, elle s'adresse
directement à son public: «Lecteur, je te lance un défi. Si, te détachant
un peu de ton nombril, tu voulais t'acharner à aider ceux qui
t'entourent, tu pourrais refaire la même expérience que celle que
j'ai vécue, moi: les autres, ça peut aussi être le paradis. »
:
LA
SANTE EN LIBRAIRIE. Les vertus de la
poésiethérapie
Jean-Joseph Julaud, un prof qui propose des
remèdes poétiques (DR). Enseignant,
Jean-Joseph Julaud est aussi
"poésiethérapeute". L'excipient qu'il a choisi
pour que ses remèdes poétiques atteignent une
efficacité maximale est l'humour. Il a bien voulu
expliquer au Quotidien par quels chemins lui est venue
cette vocation originale.
Jean-Joseph Julaud aurait bien un peu
hésité entre études de médecine
et études littéraires, et s'il a finalement
opté pour l'enseignement de la littérature,
c'est à condition de le pratiquer en
collège.
Il s'accommode mal en effet de cette façon
scientifique de la didactique qui a cours au lycée et
à l'université, de disséquer la
poésie : on ne doit pas pratiquer la vivisection
sur la poésie, explique-t-il, sous peine de tuer
l'émotion.
Comment peut-on se demander ce que le "locuteur" Rimbaud
veut dire à l'« allocutaire », en
l'occurrence le malheureux élève, sans enlever
une bonne partie du charme du Bateau ivre
? Sans ôter à la
majorité des « allocutaires » l'envie de
lire ledit poème et l'idée même qu'il
peut faire du bien ?
Or Jean-Joseph Julaud sait, par expérience, que
lorsqu'on lit un poème de Baudelaire, de Verlaine, de
Rimbaud ou de Racine, pour ne citer que quatre poètes
particulièrement chers à son coeur, "on se
sent mieux, on est guéri", même si on ne sait
pas toujours de quoi. S'étant habitué à
aller lire (ou réciter) des poèmes dans le
petit bois derrière chez lui, ayant constaté
combien cette pratique lui faisait de bien, il s'est dit que
d'autres pourraient en profiter et s'est donc attelé,
dictionnaire des symptômes en main, à la
rédaction d'un ouvrage de
poésiethérapie.
Une dimension jubilatoire
Comment, pourtant, reconduire le lecteur
vers cette poésie dont l'école l'a trop
souvent éloigné, voire
dégoûté ? L'humour lui est apparu comme
le meilleur moyen de retour à la poésie.
Certes, il y a un peu de provocation dans l'appel à
Charles Péguy pour traiter la constipation, ou dans
la lecture tout à fait particulière, à
l'intention des éjaculateurs précoces, du
combat contre les Mores du Cid de
Corneille. Mais, comme le souligne Jean-Joseph Julaud, on a
complètement perdu la dimension un peu rabelaisienne,
jubilatoire, de la poésie. Combien d'anciens
écoliers savent que Corneille, "fieffé
coquin", a truffé ses vers de jeux de mots, de
montages cachant des double sens ? Le plus connu d'entre eux
est sans doute le fameux passage de Polyeucte :
"Plus le désir s'accroît,
Plus l'effet se recule", mais c'est loin d'être le
seul.
Accessible grâce à l'humour, la
poésie peut jouer un rôle de catharsis, d'exutoire qui ne soit
pas tout à fait seulement de l'ordre de la
plaisanterie. Du reste, si à la lecture des
poèmes, on y ajoute l'apprentissage, il est bien
possible que le travail de mémoire ainsi
réalisé prémunisse contre certains
maux.
Les mots contre la douleur
Jean-Joseph Julaud, convaincu de
l'efficacité des prescriptions de
poésiethérapie, n'a-t-il pas été
récemment sollicité par un
déprimé ayant entendu parler de son livre et
lui demandant conseil ? N'a-t-il pas eu confirmation du
fait qu'un homme, dont le mal était de ne rire
jamais, avait ri en lisant son livre ?
Qui peut affirmer que "l'effervescence des mots" du
poème de Baudelaire Recueillement (le fameux :
"Sois sage, ô ma douleur... "), bien amenée,
fasse aussi bien qu'acide acétylsalicylique ou
paracétamol ? Ou que François Villon ait
des mots plus convaincants pour freiner certains
appétits féroces, que les traités de
nutrition les plus savants ?
On ne saurait cependant se passer, pour plus
d'efficacité, des mots de Jean-Joseph Julaud, fort
habile à présenter le mal qui correspond
à chaque remède-poésie, dans un style
humoristico-poétique qui n'est pas
précisément celui des questions d'internat,
mais qui sait en utiliser les mots techniques. Laissons-le,
par exemple, avertir ceux qui ne prennent pas attention
à leur coeur : "Méfiez-vous donc, lorsque vous
êtes farci de soucis, de problèmes, de tracas,
le mauvais sang sécrète des acides gras, les
artères se bouchent. Le myocarde pompe, pompe
à tour de bras, mais bientôt plus rien ne
vient. Alors, il ferme ses oreillettes, vide ses
ventricules... " Et au bout de quelques paragraphes,
Verlaine s'impose avec son poème Nevermore strophes de soutien,
d'encouragement, à son "pauvre coeur", son "vieux
complice". Phèdre viendra ainsi au secours des
"risques de la ménopause", Georges Chennevière
au secours des allergiques, Baudelaire au secours des
migraineux ou des agueusiques, Aragon viendra à bout
des "oculopathies" - eh, oui, il faut bien un peu
d'invention aussi -, avec les yeux d'Elsa, le daltonisme
restant le domaine de Paul Eluard et la goutte celui de
Ronsard.
A sa présentation diagnostique tout à fait
personnelle, au poème-remède correspondant au
mal en cause, Jean-Joseph Julaud ajoute en fin de chaque
chapitre un petit encadré intitulé "Notre
conseil", pirouette de dernière minute qui interdit
au lecteur tout plongeon intempestif dans le sérieux.
On s'en doute, jamais Jean-Joseph Julaud n'a eu pour
intention de se substituer aux médecins :
heureusement qu'ils sont là, s'exclame-t-il. Ce qui
est sûr, c'est qu'il n'a misque deux mois pour
rédiger ce livre ; sans doute son inconscient
avait-il effectué un travail préalable
conséquent, ajoute-t-il aussitôt, prêt
à continuer si l'occasion se
présentait.
Dr Dominique BRILLAUD
Ça ne va pas ? - Manuel de
poésithérapie, Jean-Joseph Julaud, Le
Cherche-Midi éditeur, 213
pages.
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Copyright : Liste Malgenorph
(2001)
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