Le bambesh
Emblème de la Ligne
Maginot
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LES REALISATIONS
SUCCESSIVES DE
1930 A 1940


LA
CONSTRUCTION


1- Les chantiers
2- Les travaux

3- Le coût



L'ORGANISATION

Coffrages avec en arrière plan, la mer

I. LES CHANTIERS

Pour réaliser cette oeuvre gigantesque, c'est à la main d'oeuvre civile qu'il fut décidé qu'on ferait appel. Bien entendu, comme toute réalisation militaire, la Ligne Maginot devait être empreinte du sceau du secret mais comment assurer la conservation de ce secret alors que de milliers d'hommes allaient circuler sur ces chantiers.

Certes, des mesures furent prises pour limiter les risques de fuite mais en fait, le hautes instances militaires françaises ne se faisaient guère d'illusions sur la valeur absolue du secret ainsi qu'en attestent diverses notes émanant des Hautes Autorités de la CORF quant à la dissimulation des ouvrages.

En fait, cette notion de secret portera plus sur les formes techniques de la fortification que sur l'emplacement des ouvrages. L'espionnage restera néanmoins une préoccupation majeure du Ministère de la Guerre ainsi qu'en atteste, par exemple, cette lettre du 16 Janvier 1933 attirant l'attention sur l'augmentation de l'effort des services de renseignements étrangers et déplorant les pertes nombreuses ( et inexpliquées) de calques et de plans ou cette autre du 13 Mai 1936, annonçant la condamnation le 2 Mai 1936 du soldat Schmitt Roger du 124° Escadron du Train à Toul à 20 ans de détention pour espionnage.

En 1938, la police faisait un rapport défavorable sur un entrepreneur du nom de Agnese, lieutenant dans l' Armée Italienne, et qui soumissionait par le biais de son associé français pour obtenir l'adjudication de travaux dans des ouvrages du SFAM (Rimplas). Ces quelques exemples illustrent bien le problème auquel étaient confrontés les constructeurs. Néanmoins, la construction devait être entreprise et les travaux se déroulèrent un peu près suivant l'ordre ci-dessous:
les expropriations :
l'ouverture des chantiers fut précédée des expropriations nécessaires aux diverses constructions. Celles-ci n'allèrent pas toujours sans problèmes, des terres de culture excellentes étant du jour au lendemain soustraites aux cultivateurs frontaliers. Dans la région de Nice, par exemple, la DTG locale s'attira les foudres de l'Autorité centrale parce qu'elle avait laissé le propriétaire d'un terrain couper les arbres qui y étaient plantés avant l'expropriation, le terrain tranchant alors nettement avec les terrains voisins. En effet, il était convenu que dans un but de camouflage, il serait enlevé un minimum de végétation tant pour l' établissement des chantiers que pour la construction proprement dite. La terre enlevée devait être récupérée pour construire les remblais, le terreau servant plus spécialement à l'ensemencement des blocs contruits.



A Ste Agnés, dans le SF AM, les constructeurs eurent quelques problèmes avec les propriétaires d'un hotel voisin qui, avec l'appui du maire local, adressa une pétition à la Direction du Génie pour obtenir l'autorisation d'aggrandir son hotel, ce qui aurait en pour effet de construire des dépendances dans la zone de servitude du bloc 2. La Direction du Génie ayant menacé d' une expropriation totale le propriétaire de l'hotel, l'affaire en resta là.
les soumissions :
les chantiers à ouvrir furent proposés par soumissions aux différentes entreprises locales. Ces adjudications étaient très prisées : les ouvrages représentaient en effet une garantie de travail d' au moins trois ans à une époque où le monde et le France traversaient une grave crise économique. Une preuve, s'il en est besoin : en Septembre 1928, onze entrepreneurs soumissionèrent pour obtenir le chantier de Rimplas dans les Alpes Maritimes. L'entreprise Faraut qui obtint l'adjudication dut consentir un rabais de 28,50% et verser un cautionnement de Frs 150.000 pour enlever l' affaire. Chaque entrepreneur qui avait réussi à s'octroyer une adjudication se voyait remettre un calque des plans uniquement pour la partie le concernant ainsi que diverses brochures établissant les normes standard à respecter tant pour la préparation du béton que pour la confection des ferraillages. Tout en effet, était conçu dans les moindres détails et fort peu d'initiatives étaient laissées à la discrétion des entrepreneurs. Bien entendu, tous ces calques et brochures devaient être restituées après usage, ce qui ne fut pas tourjours le cas.

Chaque entrepreneur s'engageait en outre à disposer en permanence d'un personnel et d'un matériel suffisants pour qu'à aucun moment le travail ne soit interrompu.
le camouflage :
avant même que ne débutent les travaux, des notes de service déterminèrent les mesures à prendre pour établir une protection efficace des chantiers. Outre le facteur «végétation déjà évoqué, la construction de palissades en planches jointives et l'installation de baches au dessus des fouilles et de l'emprise des bétonnages devaient dissimuler les travaux aux regards indiscrets tant terrestres qu'aériens.



Quant au personnel de ces entreprises, bien que la France connut alors un chomage important, il se composait en grande partie de main d'oeuvre étrangère. Parmi ces étrangers, des polonais, des allemands, des hongrois, des italiens, des arabes, ... Chaque ouvrier embauché faisait l'objet d'une enquête dont les résultats étaient consignés sur une fiche dite «fiche individuelle». Si l'enquête était favorable, l'ouvrier était em-bauché et il lui était délivré une carte d'accés au chantier. Il ne percevait son salaire que contre restitution de la dite carte. La surveillance, de jour comme de nuit, était assurée par du personnel spécial et aucune personne, quelle que soit sa qualité, n'était admise sur le chantier si elle n'était pas en possession d'une carte d'accés et si d'autre part, l'officier de surveillance n'avait été préalablement averti.
l'organisation des chantiers :
avant de commencer le travail, tous les matériaux devaient être à pied d'oeuvre afin d'éviter que le bétonnage ne doive être interrompu par manque de l'un ou l'autre matériau.

Pour les bétonnages les hommes étaient répartis en équipes se succédant sur le chantier pour assurer la continuité du travail. Chaque équipe se composait de 40 hommes, répartis comme suit: - deux groupes affectés à la préparation du mortier, soit 26 hommes, chaque groupe comprenant: .Approvisionnement : 3 hommes .Mélange sable/ciment : 2 hommes .Malaxeur mortier : 2 hommes .Malaxeur béton : 4 hommes .Chargement : 2 hommes - transport et déchargement (3 wagonnets) : 6 hommes - régalage et mise en place des fers: 4 hommes - damage: 4 hommes

Sur la plupart des chantiers, le béton était préparé dans les bétonnières mais il était fréquent qu'il soit préparé à la main sur des chantiers de moindre importance.



L'entreprise devait garantir la bonne exécution des travaux et respecter le programme et les délais prescrits. Un cahier des Charges, approuvé par le Chef du Génie, permettait de suivre l'avancement de ces travaux. En ce qui concerne la réalisation des locaux souterrains, certaines mesures devaient être respectées: le chantier devait être éclairé en permanence pour qu'on puisse suivre l'avancement des travaux, des stocks de bois conservés à la tête des galeries permettaient de parer à toute éventualité, les eaux d'infiltration devaient être évacuées à charge de l' entrepreneur qui devait en assurer l'épuisement durant la construction de la galerie, sans compter des mesures de sécurité et d'hygiène. En plus, l'entrepreneur était tenu de se plier aux exigences du Chef du Génie qui pouvait exiger tous remaniements ou remplacements qu'il jugeait nécessaire et il devait démolir, et rétablir correctement les parties défectueuses. Ainsi, les chantiers n' étaient donc pas toujours une aubaine pour les entrepreneurs. Il est vrai que la réalisation de tels travaux n'était pas une mince affaire.

Haut de page 2. LES TRAVAUX


Les travaux de construction ont représenté une entreprise dont on peut difficilement aujourd'hui mesurer l'ampleur, du fait que les moyens ont bien changé. A beaucoup de points de vue, il a fallu innover, que ce soit dans le bétonnage des galeries souterraines, dans les recherches d'étanchéité ou la mise en place des cuirassements. Néanmoins, les travaux purent être menés dans la plupart des cas, suivant l'ordre établi :
les blocs
Après une étude géologique et hydrologique du terrain, les fouilles des différents blocs sont entreprises. Pour des raisons de camouflage d'une part et d'étanchéité d'autre part, ces fouilles devaient être menées au plus serré, c'est-à-dire le gabarit du bloc plus une marge pour la mise en place des coffrages.

Une fois la fouille dégagée, on entame les fondations. Au niveau du terrassement, on construit un radier général dont l'épaisseur ne doit pas dépasser 1,25 m qui est limité par les murs de pourtour qui se prolongent, du côté exposé aux coups, sous le radier, afin d'éviter qu'un projectile, après avoir pénétré dans le sol, ne vienne éclater sous le bloc. Ce radier pouvait être effectué en maçonnerie de moellons, en béton ou en béton armé (dosage du béton : 250 à 300 kgs au m3).



Après cette confection du radier, intervient la mise en place des coffrages puis celle des ferraillages (barres métalliques) suivant des normes précisées par la STG. Le béton est ensuite coulé dans ces coffrages dans lesquels sont mis en place, au fur et à mesure, soit les moules en bois dégageant les futures ouvertures (niches, créneaux,...), soit directement les cuirassements.

Les murs intérieurs sont généralement montés en même temps que les murs extérieurs. Leur épaisseur est fixée 1 mètre et ils peuvent être établis en béton armé ou non, au dosage de 300 kgs au m3. En règle générale, les ouvertures devaient avoir la même hauteur que les locaux qu'elles desservaient de façon à éviter les linteaux qui sont appelés à être rapidement détruits (par les effets de l'inertie et des vibrations). Sur les murs, vient ensuite reposer la dalle. Celle-ci est constituée par une armature métallique sur laquelle on coule un béton dont le dosage en ciment augmente au fur et à mesure qu'on approche du sommet de la dalle. Ainsi, l'avant-dernière couche (chaque couche est d'une épaisseur égale à l'espacement vertical des quadrillages successifs) reçoit un béton dont le dosage atteint 600 kgs de ciment au m3 alors que pour la dernière couche, il passe à 800 kgs de ciment pour 0,300 m3 de sable fin et 0,800 m3 de gravier. Ce béton de la couche supérieure après damage, peut être régalé à la taloche et lissé à la truelle pour présenter une surface parfaitement lisse. En ce qui concerne la dalle des collerettes d'engins cuirassés, l'épaisseur prévue (note du 10.6.29) était fixée à au moins 6 m pour les tourelles et 3 m pour les cloches cuirassées, avec une ossature renforcée.

A l'intérieur des ouvrages, le revêtement des murs intérieurs devait être réalisé avec le plus grand soin. En effet, les décollements de béton et les fissures nuisent au moral des défenseurs : les murs exposés aux coups devaient donc intérieurement comporter un revêtement en métal déployé ou en tôle cependant que les autres murs étaient munis de grillages noyés dans le béton et reliés à des armatures aussi éloignées que possible du revêtement. Le décintrement des galeries et le retrait des coffrages intervenaient en principe 10 jours après. A ce moment, le béton n'offrait encore qu'une résistance limitée puisque 28 jours après un décintrement, cette résistance n'est estimée qu'à 44% de sa résistance normale.



Aussitôt après le décoffrage, les murs exposés aux coups étaient protégés par un remblai de pierrailles, rocailles et terres qui se prolonge de part et d'autre du bloc grâce à des murs en aile;
les galeries souterraines
Les entrées en puits ou en plan incliné étaient construites sur le même principe que les blocs de combat. Par contre, les entrées de plain-pied posaient un problème différent. En effet, tant que la masse de terrassement qui les surmonte n'a pas atteint une épaisseur suffisante pour les mettre à l'abri des projectiles, des dispositions spéciales devaient être prises pour assurer leur conservation sous les plus durs bombardements. En conséquence, les galeries voisines des entrées durent être bétonnées.

Ce bétonnage devait être effectué à ciel ouvert sur la plus grande longueur possible. En effet, la construction de galeries souterraines bétonnées posait plusieurs problèmes : d'une part, la fouille devait être considérablement plus large que le gabarit de la galerie projétée, d' autre part, l'épaisseur de la voute n'était pas constante. En effet, à proximité de l'entrée, les éléments de galerie bétonnée devait être à la protection n° 4 pour diminuer ensuite progressivement (protections 3, 2 et 1) au fur et à mesure que l'épaisseur du terrain augmentait.

Pour pouvoir réaliser les bétonnages de ces galeries dans de bonnes conditions, il fut donc nécessaire de ménager au-dessus de l'extrados des galeries, un vide provisoire suffisant pour la circulation du personnel et des wagonnets (1,75 à la clef). Après achévement des travaux, ce vide devait être comblé par des pierres séches. La figure ci-contre illustre des différentes phases du creusement des galeries, qui étaient, dans l'ordre :
- percement de la galerie d'avancement, de 2,50 m sur 3,50 en moyenne, à hauteur de la voute;
- abattage sur les côtés, exécution de la fouille de la voûte et étayage latéral;
- mise en place des cintres et exécution d'un rouleau de voûte;
- fouille de la première cunette de stross sous la voûte;
- reprise en sous-oeuvre et construction des demi-piédroits supérieurs par piliers en quinconce;
- fouille de la deuxième cunette de stross;
- reprise en sous-oeuvre et construction des demi-piédroits inférieurs par piliers en quinconce;
- confection d'un énduit lissé sur les piédroits et du radier;
- coffrage et bétonnage de la gaine en reculant du fond de la gaine vers l'entrée;
- blocage, avec de la maçonnerie de piérre séche, du vide compris entre le chape de la gaine et la voute de protection.

Une fois que la profondeur devenait suffisante, cette méthode faisait place à une méthode plus simple puisque le bétonnage devenait superflu. Cette profondeur minimale était établie comme suit :
- 12 m pour les terrains en roc dur;
- 16 m pour les terrains en calcaire tendre;
- 18 à 20 m pour les terrains de consistance moyenne;
- 25 à 30 m pour les terrains contenant une forte proportion d'argile.
Les fouilles devaient en général être conduites en montant pour faciliter l'évacuation des eaux d'infiltration et réalisées au moyen de perforateurs mécaniques ou des outils à air comprimé.
Une fois atteinte la profondeur minimale, les gaines sont réalisées en maçonnerie (pierre, briques,...) et recouvertes en général d'un revêtement de ciment, destinés surtout à limiter les infiltrations.
En effet, l'étanchéité aussi fut l'objet de beaucoup de recherches. Il était en effet admis que si l'on pouvait tolérer une humidité relative dans certains locaux (WC, lavabos, galeries nues,...), il était absolument nécessaire que partout ailleurs, on obtienne une étanchéité absolue.
En conséquence, les fouilles durent être exécutées au plus près et les maçonneries suivre de peu le creusement de ces fouilles. Les tassements qui se produisent en général au-dessus des maçonneries ont en effet souvent pour conséquence de colmater plus ou moins les fissures du terrain et de diminuer voire de stopper les infiltrations naturelles.
En fait, dans la réalité, tout n'alla pas toujours aussi bien que le prévoyaient les ingénieurs, d'une part parce qu'il est impossible de réaliser une telle oeuvre sans rencontrer certains aléas, d'autre part, parce qu'aussi précis que furent les plans, ils ne pouvaient prévoir toutes les conduites à tenir.
Ainsi, en tout premier lieu, suivant la nature du terrain, le percement de certaines galeries, s'avéra plus où moins difficile. Dans les Alpes, c'est dans le roc qu'il fallut creuser pratiquement partout, mais ce fut parfois aussi le cas en Lorraine. Ainsi, au Bambesch, l'entreprise qui s'était octroyée l'adjudication fit faillite peu après avoir brisé son unique trépan lors du percement du puits de la tourelle. A Immerhof et aux Sarts, les galeries furent réalisées à ciel ouvert avant d'être recouvertes de terre.



Dans le Secteur Fortifié de Maubeuge, les constructeurs de l'ouvrage du Boussois furent confrontés à un autre problème. En effet, l'ouvrage du Boussois est en fait construit sur le massif même de l'ancien fort du Boussois, érigé vers 1880 et en grande partie démoli par les bombardements d'Août 1914. Du reste, aux yeux des responsables, il ne s'agit pas de construction d'un ouvrage mais de modernisation d'un ancien fort dans le cadre de la Ligne Maginot, comme ce sera le cas des quatre ouvrages de ce secteur. Dans un premier temps, il s'agit pour les batisseurs de remblayer les anciens locaux, de dégager les fossés qui seront conservés et de creuser de profondes galeries à l'épreuve.
Or, en creu- sant ces galeries, les constructeurs débouchent brusquement sur un réseau d'anciennes galeries dont personne ne soupçonnait l'existence. Un enquête menée parmi les vieux travailleurs de la région permet de découvrir que ces galeries ont vraisemblablement été percées par les Mines de Senelle-Maubeuge vers 1864, les Mines ayant obtenu concession du terrain vers 1860. Un échange de correspondance entre cette Société et les Autorités du Génie ne permit pas de résoudre le problème, les plans de ces galeries ayant vraisemblablement été détruits au cours de la Grande Guerre.
Entretemps, certains bruits ayant filtré, la presse s'empare de l'affaire et des articles parus dans l'Echo du Nord des 22 et 23 Juin 1935 font état de découvertes de galeries datant de 1914 et de nombreux cadavres de soldats français ensevelis. Une enquête est ouverte pour connaître l'origine de ces bruits et des sanctions demandées.
L'entreprise Caroni qui est chargée de la construction de l'ouvrage n'est pas au bout de ses peines puisqu'en Août 1936, suite aux nombreuses grèves qui eurent lieu cette année-là, le syndicat CGT demanda qu'une enquête soit ouverte, certains ouvriers estimant que l'embauche de personnels non qualifiés pourrait avoir eu comme conséquence certaines malfaçons. Les sondages effectués ne donnent aucun résultat confirmant ces assertions et tout rentre dans l'ordre jusqu'en Mai 1938.
A cette date, un ouvrier nommé Iris, employé sur le chantier en 1935, déclare aux autorités militaires que des malfaçons voire même du sabotage, ont été perpétrés par les constructeurs lors de la construction des maçonneries. Parmi ces malfaçons, Iris cite notamment des travaux facturés, mais non exécutés, des murs réduits de moitié, des cotes non respectées et de nombreux coffrages laissés en place pour donner du volume là où les cloisons n'atteignent pas la largeur normale.
Accusations lourdes de conséquences pour l'entrepreneur d'une part, pour l'officier chargé de contrôler le cahier des charges et les travaux d'autre part.
L'enquête est donc réouverte et les conclusions rapportées aux plus hautes instances : les sondages effectués ne révèlent aucune diminution de l'épaisseur des murs au contraire puisqu'il apparait que le chef de chantier a pris sur lui de renforcer certaines parties lorqu'il estimait que la nature du terrain l'imposait. De plus, l'interrogatoire du nommé Iris et les recherches menées quant à la période de travail du susnommé sur le chantier permirent de constater que celui-ci n'avais jamais été à même de juger de la qualité du travail effectué, d'une part par son manque de qualification, d'autre part, par les tâches aux- quelles il était affecté. De plus, le fait qu'Iris aît attendu si longtemps pour révéler ces prétendues malfaçons laisse supposer qu'il s'agissait d'une manoeuvre montée pour porter préjudice à l'entrepreneur ou pour retarder les travaux.
Ce fait divers, extrait d'échanges de correspondances entre le Général Frossard et le Général Commandant le Génie de la 10 Région, ainsi que du rapport de l'officier chargé de l'enquête, illustre assez bien les difficultés rencontrées par les batisseurs, à une époque ou l'incertitude internationale et le climat social intérieur, avec les restrictions de budget qu'il a entrainées, ont pesé lourdement sur la bonne marche des travaux.
Dans les Alpes Maritimes, on constata en Mars 1935 que le creusement des galeries de l'ouvrage du Barbonnet avait causé des fissures importantes dans l'ancien fort du même nom situé juste au-dessus. Avec ses deux tourelles de 155 Mougin, ce fort devait être inclus dans la position de résistance, aussi ces fissures étaient elles fâcheuses. Heureusement, la situation ne s'aggrava pas et ces fissures sont toujours visibles aujourd'hui.
Après les problèmes inhérents aux fouilles, se posèrent des problèmes de béton. De fait, il n'est pas toujours facile de couler d'un seul jet une telle masse de béton et souvent il faudra creuser dans la couche précédente pour créer des points d'ancrage pour la nouvelle couche. En effet, il ne devait pas s'écouler plus de trois heures entre chaque coulée, ce qui ne fut pas toujours le cas. Dans d'autres cas, on se résolût à faire des coulées séparées verticales, chaque coulée étant séparée de la précédente par un joint vertical dont l'emplacement devait étre déterminé à l'avance. Ainsi fut fait au bloc I du Hochwald qui fut coulé en trois parties séparées par deux joints de dilatation. Malheureusement, peu après, le bloc se mit en mouvement et il fallut desceller le cuvelage de la tourelle pour le rendre indépendant à l'aide de vérins.



Diverses expériences furent également tentées pour améliorer le rendement. Ainsi, des transporteurs mécaniques ou pneumatiques (transporteurs à godets, à courroie,...) furent essayés mais la consistance du béton spécial se prétait mal à leur emploi. Une autre expérience intéressante fut réalisée en Septembre 1930: l'entreprise Borie qui avait obtenu l'adjudication de divers ouvrages du SF Haguenau proposa d'expérimenter une tour à béton sur le chantier de la casemate de Seltz. Pesant 5,6 tonnes, cette tour pouvait débiter l5 m3/h. Les essais se révélèrent peu concluants, le béton ne coulant que s'il était très liquide, ce qui le rendait alors très difficile à damer. Le système fut abandonné.y Le damage lui aussi fit l'objet de recherches en vue d'améliorer le système. Initialement, il était prévu que le damage se ferait manuellement à la dame de 15 kgs, mais très vite, on en vint à expérimenter des procédés de pilonnage mécanique (fouloirs pneumatiques) et même des appareils fonctionnant par vibration, solution qui sera adoptée. ..bien plus tard.
Le troisième problème mais non le moindre, fut l'eau d'infiltration. En effet, malgré les conseils prodigués, il fut souvent difficile de ralentir ou de stopper les infiltrations. Des expédients tels des remblais en pierres séches derrière les murs ou des colmatages à l'enduit comme l'Aquisit A permirent certes d'obtenir quelques résultats mais bien souvent comme au Chesnois ou au Kerfent, les infiltrations seront telles que, même après la finition des dessous et la mise en place des drains, il faudra que des pompes hydrauliques fonctionnent en permanence pour éviter une inondation partielle voire même totale des galeries. Dans la plupart des ouvrages, les infiltrations suffiront, après avoir été canalisées et stockées, à assurer le refroidissement des diesels.
Dans d'autres cas, le tassement de la terre autour des blocs permit une diminution substantielle des infiltrations (Anzeling) et parfois même l'arrêt total comme au Hochwald-Est. A l'abri du Légeret (SF Rohrbach), il fut par contre nécessaire d'injecter du mortier de ciment pour obtenir l'étanchéité voulue. Il semble qu'il s'agisse là d'un problème propre au secteur puisque déjà des problèmes avaient eu lieu lors du percement d'un puits au Simserhof.
Enfin, l'ensemble des travaux dût parfois être mené au jour le jour. En effet, dans certains ouvrages, il fallut tenir compte des difficultés propres au terrain ou au climat. A Rimplas, en particulier, la construction fut conditionnée par la mise au point progressive des matériels de forteresse dont les caractéristiques n'étaient pas connues au début des travaux (cf Annexe 4). Souvent, et bien que les plans aient été établis avec la précision la plus absolue, des modifications intervinrent en cours de construction : ici, on ajouta une cloche, là, on changea l'armement prévu.En effet, on se rendit souvent compte, en cours de travaux, que l'armement étudié pour un bloc s'avérait insuffisant ou inadapté, notamment dans les Alpes. Des croquis particulièrement soignés sur lesquels tous les débouchés possibles figuraient, avaient pourtant été établis, mais, néanmoins, on dût souvent modifier les plans initiaux, soit par l'augmentation de l'armement d'un ou plusieurs blocs, soit par la construction de blocs non prévus, lesquels se composaient généralement d'une seule cloche.
Parfois, même, les Ponts et Chaussées durent modifier le parapet d'une route ou d'un pont pour dégager les champs de tir de certains blocs (remplacement des blocs de béton par des balustrades ajourées).Enfin, l'adoption des matériels anti-char à partir de 1934 obligea à recourir à des systèmes particuliers (rails de roulement fixés dans les chambres de tir) alors que les locaux en question se prétaient parfois fort mal à leur installation.
Si l'on ajoute encore à ces problèmes, les effondrements et les éboulements fréquents, qui ralentissaient la progression des terrassiers, le mauvais temps et l'hiver qui les arrétaient parfois totalement, dans les Alpes notamment, les grèves, on imagine mieux l'ampleur du travail accompli en moins de six ans.