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Monographie de Montégut-Arros (Gers) | |
LA VIE ECONOMIQUE 1-L'agriculture Montégut-Arros est un espace rural dominé par l'activité
agricole. De ce fait, depuis le moyen âge au moins, et sans doute
depuis la plus haute antiquité, l'espace est occupé par des
cultures et des productions agricoles.
La parcellisation des terres, sensible dès le moyen âge, entraînait un morcellement des propriétés et des terres, qui souvent ne dépassaient pas quelques ares. Le paysage qu'il faut donc imaginer, dès le 14e siècle, est un bocage de petites parcelles corsetées dans des haies d'épineux, d'arbres fruitiers... avec ponctuellement quelques fermes en matériaux périssables, surmontées par le môle église-château-barri, seul espace « urbain » surélevé dans un écrin de verdure. Ce paysage bocager subsiste très partiellement sur les coteaux, avec un rapide grignotage par les bois et les friches, il n'a par contre pas résisté en fond de vallée aux remembrements imposés par le « dieu maïs » ces dernières décennies. L'élevage est également présent dans toute
la documentation:
Le portrait qui peut être brossé à partir
de la documentation est ainsi celui d'une campagne assez riche et plutôt
prospère, sur des terres assez fertiles et variées pour résister
à la plupart des crises de l'ancien régime.
1-1-La terre au XIVe siècle Quelques articles permettent ponctuellement de connaître
la structure des terres cultivées à Montégut au 14e
siècle.
Le statut des terres, au milieu du 14e siècle, semble assez
variable. On retrouve cependant l'opposition classique entre les terres
du seigneur, la « réserve », et les terres concédées
aux paysans, les « tenures » soumises à cens.
Dans l'article 52, la terre du Laubernet (une aulnaie?) voisine
avec les honneurs (honoribus) de Pierre d'Ort et Sanche de Mediavila. Ce
mot semble désigner des terres qui furent autrefois attribuées
en rétribution d'une charge publique, et qui étaient donc
dotées d'un statut juridique et fiscal avantageux. Au 14e siècle
il est cependant probable que ces terres ne conservaient plus de leur origine
honorifique que les avantages juridiques, la charge ayant disparu. La terre
qui était réservée aux lépreux semble également
avoir eu un statut juridique particulier, qui n'est pas précisé.
1-2-Une société rurale au 17e et 18e siècle On ne possède pas de documentation accessible pour les
15e et 16e siècle. Au 17e siècle les archives de l'abbaye
de Saint-Sever permettent de voir que le paysage n'a pas fondamentalement
changé depuis deux siècles: des tenanciers exploitent de
nombreuses petites parcelles, souvent des bleds ou de la vigne, et n'hésitent
pas à louer les terres seigneuriales ou celles qui relèvent
de l'abbaye de Saint-Sever. Au besoin, plusieurs paysans s'associent pour
louer ou prendre à ferme l'ensemble des terres disponibles2.
1-3-L'abbaye de Saint-Sever-de-Rustan, un puissant propriétaire foncier et ecclésiastique Les archives de l'abbaye de Saint-Sever contiennent de nombreux
actes concernant Montégut-Arros. Avant 1568, l'abbaye était
propriétaire des dîmes levées sur la paroisse de Montégut,
à la fois la dîme des grains (sur les cultures) et les fruits
carnaux (sur tout le bétail et les animaux de basse-cour). En 1724,
suite à un procès entre l'abbé et les moines, un document
nous apprend que le revenu des dîmes de Montégut revenait
aux moines4.
Les dîmes étaient généralement affermées à quelques agriculteurs locaux, souvent associés à deux ou trois, qui profitaient de l'aubaine pour arrondir leur revenus en récoltant plus que le nécessaire. Pour tout le 17e siècle, les redevances annuelles étaient de 13 charrettes de grain pour la dîme des grains, six charrettes de blé froment, et six charrettes de carron (mélange d'orge et d'avoine) et de millet. Pour les fruits carnaux les redevances au monastère s'élevaient à 12 paires de volailles, chapons, poules, oisons. Ponctuellement ces redevances pouvaient être transformées en argent. Ainsi en 1612 Vital de Sénac est redevable de 15 livres pour le ferme des fruits carnaux de Montégut. On trouve par exemple en 1612 Vital de Sénac (pour les fruits carnaux), Samson Sorbet dit à Pépil, Firmin Fris et Jean Sorbet dit Jean Poguet de Montégut; Domenge Damail, Guillauton Maumus et Pierre Caton de Montégut en 1652; Arnauton Baudean dit Lespaignol5 et Pierre Salles de Lahitau (Sénac) en 1653. L'abbaye possédait également des terres, issues d'achats ou de donations, qu'elle louait en les mettant en fermage. Un extrait de cadastre de 1700 mentionne 25 journaux de terres appartenant aux moines situées « entre le presbitère et la chapelle de [...]6 depuis le chemin royal jusqua la rivière de Larros », soit une douzaine de parcelles de taille variable, affermées alors pour 25 sacs de froment et 5 paires de chapons7. Sur une des parcelles se trouvait également une grange, où était stocké du matériel agricole. Un inventaire réalisé en 1791 montre dans cette grange la présence de matériel viticole: un pressoir, des tonneaux... En 1707, ces terres sont louées globalement à cinq
agriculteurs de Montégut, Pierre Castan Depey dit la Seurete, Pey
Casaux Clareton, Jean-Pierre de Sens, Bertrand Soler et Jean Castan. Un
arpentement réalisé en 1711 indique que ces cinq personnes
cultivent l'ensemble des parcelles louées, et en 1712 un mandement
du baile royal Dominique Sorbet montre que les fermes n'ont pas été
payées depuis quatre années... On ne sait comment se termina
ce conflit, mais les archives montrent que postérieurement le syndic
de l'abbaye loua les terres parcelle par parcelle, ce qui était
apparemment plus rentable et comportait moins de risques8.
1-4-Les livres-terriers de 1700 (?) et 1755 Les archives conservent la trace d'au moins deux anciens livres-terriers.
Ces gros registres, ancêtres de nos cadastres, contenaient l'ensemble
des terres de tous les habitants de Montégut et de ceux qui y cultivaient
des terres ou avaient des propriétés, avec les redevances
dues (comme aujourd'hui: un cadastre est avant tout un document fiscal.
L'usage qu'en fait l'historien est un «détournement»).
Le plus ancien cadastre dont on possède un fragment remonte à 1700. Les moines de Saint-Sever en firent faire une copie partielle contenant l'ensemble des terres leur appartenant, et firent réaliser un nouvel arpentage de leurs biens en 17119. La seule information connue sur ce document est que les moines possédaient et louaient alors 25 journaux de terres (environ 5 hectares), partagés en une douzaine de parcelles mitoyennes, pour 25 sacs de froment et 5 paires de chapons. Le cadastre suivant, daté de 1754-1755, nous a par chance
été conservé10. Il contient l'ensemble des biens et
des propriétaires de Montégut à cette date.
Les biens nobles correspondent aux biens possédés
par le roi: le moulin, le bois dit « bois du roy »,
Le territoire compte alors 1188 arpents 1 journal et 3 places,
soit sensiblement la surface actuelle (1529 ha), correspondant à
un « allivrement » (impôt) de 425 livres 10 onces.
1-5-Les terres mises à cens Les terres des particuliers n'étaient pas entièrement
leur propriété. Jusqu'à la Révolution, elles
étaient grevées d'un impôt (parmi de nombreux autres),
le cens ou mise en fief, qui rappelait que le seigneur était propriétaire
éminent de toutes les terres et que les paysans n'en avaient qu'un
droit d'usage.
Les terres sont cultivées par 97 propriétaires locaux
et par des agriculteurs venant de 18 localités voisines, de quatre
ou cinq kilomètres à la ronde.
1-6-Les terres de la communauté en 1755 Le livre-terrier permet de connaître avec précision les biens de la communauté d'habitants, la « veziau ». Les terres de la communauté représentent alors 31 arpents 3 journaux et 8,25 places, mises en fief pour la somme symbolique de 8 onces. Ces terres sont constituées de chemins, de terres et de bâtiments. Les chemins sont au nombre de 26, ils correspondent aux actuels chemins communaux et vicinaux, qui étaient alors à l'entretien de la communauté d'habitants. Les terres sont peu nombreuses: 14 parcelles de terres, plus le
bois du Faget, correspondent à l'essentiel des biens. Ces terres
sont dispersées et ne sont pas cultivées, à une exception
près: ce sont des bousigues (friches) et des bustarra (bois taillis),
plus une broca (haie ou buissons d'épineux).
A côté de ces terres, la communauté possède et entretient une série de bâtiments: l'église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption et le cimetière
attenant
Si l'on excepte les maisons du château et l'église de la Carce, la situation n'est guère différente de celle du 19e siècle. Localisation des biens identifiables de la communauté de
Montégut-Arros en 1755:
1-7-Les terres du seigneur Le cadastre de 1755 relève également les terres
seigneuriales, c'est-à-dire à l'époque les terres
du roi. On trouve essentiellement des terres, ainsi que le moulin (avec
son canal et ses terres). L'emplacement de ces parcelles est remarquable:
groupées au centre de la seigneurie, autour du moulin, du château,
de l'église de la Carce. Il s'agit là probablement des vestiges
des terres seigneuriales du moyen-âge: le seigneur avait la château,
le moulin (droit de ban), ainsi que l'emplacement de la « carce »,
la prison qui a laissé son nom au quartier et à l'église
de ce nom.
1-8-Le progrès agricole? La documentation est trop lacunaire pour savoir si le village
profita des progrès agricole. On sait par divers documents que des
marchands espagnols venaient dans la région acheter du vin. La route
voulue par l'intendant d'Etigny dans les années 1750-1760 permettait
d'aller vendre ses surplus de grains aux marchés de Miélan,
Mirande ou même Auch. Le maïs devait déjà être
cultivé assez largement à cette époque, comme le signale
le voyageur anglais Arthur Young pour la Bigorre et le Béarn. Le
bétail devait être peu important, comme l'atteste le faible
nombre de prairies. Au 19e siècle encore, le bétail est essentiellement
composé de boeufs de labour, très peu de vaches laitières
ou à viande.
1-9-L'apparition du système métrique et la fin des monnaies de compte médiévales Avec la Révolution apparut un système de mesures unifiées: le mètre, le litre... N'oublions pas qu'avant 1789 presque chaque ville et village avait son système de mesures, qui n'était que rarement compatible avec celui du voisin, ce qui entraînait de très nombreux conflits. L'ensemble des mesures employées à Montégut depuis le moyen âge disparut ainsi, tant celles de volume (les coupet et autres pugnères) que de surface. Un traité écrit en l'an X11 nous donne les correspondance valables pour l'ensemble du canton: 1 escat= 0,09972 are
et réciproquement: 1 are = 10, 0281 escats
On avait un escat qui valait 14 pans de côté; une place valait 18 escats; un journal valait 16 places; un arpent valait 4 journaux. Dans certaines communes (Aux, Bastanous... ) on parlait de casal
au lieu de journal. Le journal était, traditionnellement, la surface
de terre qu'un homme pouvait travailler dans une journée, soit environ
un quart d'hectare. C'était également à peu près
la taille d'un jardin, qu'on nommait en gascon moderne le casal ou casalère,
d'où l'équivalence des deux mots en terme de surface dans
certains villages12.
La monnaie a également disparu au début du 19e siècle
avec l'apparition du Franc Germinal, dont le dernier avatar a disparu en
2002 avec l'avènement de l'euro.
1-10-Les terres en 1830 Le cadastre de 1830 permet de faire un premier bilan complet de l'agriculture
communale. On peut y relever les chiffres suivants:
1-11-L'exploitation des terres communales au 19e siècle Divers actes conservés dans les registres communaux permettent de connaître en détail la gestion des terres communales au cours de ce siècle. En janvier 1835, le conseil décide par exemple de faire
couper et vendre les bois communaux, sauf ceux du Hajet et de la Tuilerie,
pour aider à la reconstruction des ponts de la commune. En janvier
1836, les bois communaux -de peu de valeur- situés aux marges de
la commune ont été pillés: ces bois, essentiellement
composés de châtaigniers, sont mis à ferme. Le mois
suivant, le maire demande au préfet l'autorisation de poursuivre
en justice plusieurs habitants qui ont usurpé des terres et des
chemins communaux si ceux-ci ne veulent pas les rendre. En particulier
le cas d'un sieur Duffar de Saillères est évoqué,
qui a usurpé depuis 28 ans un morceau de chemin dit chemin de saint
Martin. En août 1837, l'arpentage des bois à céder
a été réalisé et les terres (6 parcelles, soit
un peu plus de 7 hectares) sont mises au enchères à la bougie
et cédées en mai 1838. Une première enchère,
au mois d'avril, avait été annulée car les enchères
étaient trop faibles. La somme de 4590 francs est finalement récoltée,
pour servir à l'édification d'un presbytère et d'une
maison d'école.
Le passage des troupeaux causait de grands ravages dans les cultures: les bergers souvent issus de villages voisins ne s'embarrassaient guère des interdictions, ils détruisaient les clôtures et faisaient pâturer les bois en défens au mépris de la réglementation. La municipalité tenta d'intervenir à plusieurs reprises, sans grand succès. Le 19 août 1876, l'adjoint au maire demande à ce que les chevriers et bergers des communes voisines ne soient plus autorisés à venir faire pacager sur les terres communales, sous peine d'amende de 50 à 150 francs. Le 13 août 1878, le conseil interdit tout pacage de bête étrangère sur le territoire communal en dehors des mois de septembre et octobre, en raison « des dégâts considérables causés aux récoltes de toute nature ». En 1856, un garde-champêtre assermenté est créé pour faire respecter les règlements, notamment sur la vaine pâture. Jean Delort dit Joseph, un ancien militaire, est le premier nommé à ce poste. Il est rémunéré 50 francs en 1893. En mai 1888, le conseil municipal doit délibérer de nouveau sur ce problème de vaine pâture. L'interdiction est renouvelée, preuve que les bergers ne la respectaient pas. Le problème ne fut résolu qu'avec la disparition des troupeaux au début du 20e siècle. On trouve ponctuellement des mentions plus curieuses. Il existait
par exemple un fermier des boues, qui ramassait les boues des chemins et
les vendait aux propriétaires pour en engraisser les terres (en
1889).
1-12-Le phylloxéra: Le premier tournant de l'agriculture à Montégut-Arros
se situe à la fin du 19e siècle, vers 1881-1882, avec l'apparition
du phylloxéra qui détruisit la quasi-totalité des
vignes de la commune: les fermes, déjà mises à mal
par le départ de nombreux jeunes, furent pour la plupart ruinées,
la production céréalière et l'élevage sur des
terres trop étriquées et avec des rendements trop faibles
étant insuffisants pour assurer le maintien des revenus.
« L'an mil huit cent quatre-vingt-trois et le sept octobre le
Conseil Municipal de la commune de Montégut-Arros s'est réuni
extraordinairement dans la salle de ses délibérations en
vertu d'une convocation régulière et sous la présidence
de M. de Maire.
M. le Président expose que le Conseil Général du
Gers dans sa séance du 25 août dernier, a décidé,
avant de voter de nouveaux sacrifices pour la continuation du traitement
par le sulfure de carbone, des vignes phylloxérées dans le
département, d'ouvrir une enquête où seraient appelés
à donner leur avis, les Conseils municipaux, les sociétés
et Comices d'Agriculture, tous les propriétaires et viticulteurs,
afin de pouvoir se fixer sur l'opinion générale.
Le Conseil,
Le 25 octobre 1891, la Société d'encouragement d'Agriculture
du Gers propose à la commune la visite d'une professeur de viticulture
parisien, M. Viala, de l'Institut national Agronomique « considérant
que la commune [...] est une des plus frappées du département
du Gers par le [terrible fléau] phyloxéra ». Celui-ci
ne peut que constater l'étendue des dégâts et proposer
la mise en place rapide de plants américains. Ces plants sont cependant
chers et délicats à mettre en oeuvre par greffage. Il faut
attendre le 29 novembre 1896 pour qu'une subvention de 30 francs soit votée
pour faire donner des cours de greffage aux agriculteurs de la commune.
Le mal est déjà fait, la plupart des vignes détruites
par la maladie ne seront jamais replantées (sur les coteaux en terrasse,
d'accès et d'entretien difficiles) et ces terres seront progressivement
gagnées par les bois et taillis, faisant considérablement
progresser le couvert forestier au 20e siècle.
1-13-Les transformations de l'agriculture au 20e siècle Les transformations de l'agriculture, considérables dans
la deuxième moitié du 20e siècle, sont liés
à deux facteurs essentiels:
Le premier aspect à noter est la transformation des modes
de production agricole: dans les années 1950 les premiers tracteurs
ont très rapidement supplanté les boeufs de labour, suivant
de peu les moissonneuses mécanique et précédant l'arrivée
des moissonneuses et autres lieuses.. Dans le même temps les rendements
ont été multipliés par de nouvelles semences sélectionnées,
des engrais puissants et des pesticides de plus en plus efficaces.
La deuxième conséquence importante est que les terres mécanisables, essentiellement les terres de la vallée de l'Arros, ont été massivement converties à la culture du maïs, devenue une quasi-monoculture, poussée par de puissantes coopératives et nécessitant des investissements énormes (tracteurs, charrues ou même moissonneuses) qui interdisent une diversification qui serait pourtant utile si les cours venaient à chuter. Les seuls autres types de production se trouvent justement au Lurus, où le manque de terres à maïs a favorisé le maintien de fermes en polyculture (élevage bovin, élevage de palmipèdes « gras »). Dans le même temps le nombre d'exploitation s'est réduit considérablement: il subsiste 7 exploitations pour 800 hectares de Surface Agricole Utilisable. Le faible nombre d'agriculteurs, l'obligation du rendement constituent
la norme actuelle, ce qui va à terme poser une série
de problèmes épineux:
Ces quelques questions posées mettent l'accent sur l'évolution
du monde agricole contemporain, de plus en plus lié au monde, soumis
à des contraintes (économiques, sociales, techniques...)
de plus en plus fortes. Les réponses seront difficiles à
trouver et à accorder.
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