Montégut-Arros



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Monographie de Montégut-Arros (Gers)
5-Montégut-Arros, un castelnau médiéval

 Une simple analyse du parcellaire impose une évidence: l'actuel quartier de l'église et de la mairie, nommé sur le cadastre quartier du château, correspond à ce que les historiens médiévistes appellent, à la suite de Benoît Cursente, un castelnau.
 Un castelnau désigne une fondation d'habitat réalisée entre le 11e et le 13e siècle, sous la forme d'une forteresse (un « château ») doublée d'un faubourg habité, souvent un petit village (le barri) également fortifié, et servant de première protection pour le château, alors que le château peut servir d'ultime refuge pour la population. Cette forme d'association entre un château et un habitat rural trouve souvent sa concrétisation sur le terrain et dans l'écrit. Ici, par chance, on possède les deux.

5-1-Les raisons de la fondation du castelnau

 On ne possède aucun document qui permette de donner les raisons précises de cette fondation. On peut cependant émettre une série d'hypothèses vraisemblables à ce sujet.
 Le premier motif, le plus simple et le plus évident, fut sans doute la volonté du seigneur du lieu de regrouper la population pour mieux la contrôler. La charte de coutumes du 14e siècle indique l'existence, sans doute ancienne, de corvées dues par les habitants sur les terres et les fortifications.
 L'augmentation de la population, déjà notée à propos de la création du « village » de la Gleyzasse, dut également jouer un rôle dans le regroupement de la population. L'existence, en 1357, de quatre consuls (le maximum possible) et d'une dizaine de chefs de famille témoins montre que Montégut était une seigneurie sans doute très peuplée, peut-être plusieurs centaines de personnes.

 Le contrôle des terres fut sans doute une autre raison déterminante: en position dominante, le château de Montégut surplombe toute la vallée de l'Arros entre  Saint-Sever et Villecomtal, et permet de surveiller toutes les terres, mais également les voies de communication et les cours d'eau

 On ne sait rien, hélas, des seigneurs de Montégut avant la fin du 13e siècle. Le village est alors une coseigneurie entre les sires de Montbardon et les comtes de Pardiac: les comtes ont-ils « hérité » de la coseigneurie, ou bien étaient-ils dès le départ impliqués dans un véritable paréage de fondation de Montégut ?

Si Montégut est la seule création de modestes seigneurs locaux, le « château » ainsi formé (on emploie en Gascogne le terme de castelnau) ne servait qu'à contrôler efficacement le territoire de la seigneurie et les routes la traversant.

 Si Montégut fut créée avec l'aide du comte de Pardiac, il faut envisager Montégut à une échelle différente, comme une sentinelle du comté de Pardiac face au comté de Bigorre.
 De nombreuses hypothèses ont été formulées -et contestées- à propos de l'existence de réseaux de forteresses frontalières dans les petits comtés de nos régions. Il n'est pas dans notre propos de disserter longuement sur ce problème épineux, mais nous noterons simplement que du côté bigourdan, en 1285, le comte de Bigorre possédait en propre trois forteresses qui faisaient face et « encadraient » toute cette frontière avec  le comté de Pardiac: Barbachen, Casteljaloux (Mingot) et Moumoulous, qui sont clairement mentionnées dans le document appelé Montre de 12851.
 
 

 La frontière Bigorre-Pardiac au début du 14e siècle. 1- Forteresses du comte de Bigorre citées en 1285; 2- Principaux castelnaux et sites castraux; 3- Bastides; 4- Rivière Arros; 5- Principaux axes de communication; 6-Limite de comté. La zone mesure environ 30 km de côté.

 Dans le cadre de cette hypothèse, on peut dès lors envisager la création du castelnau de Montégut comme un élément d'une politique militaire et stratégique à l'échelle du comté, face à trois forteresses bigourdanes (en fait des sortes de villages fortifiés), avant la fin du 13e siècle. La situation fut singulièrement compliquée au siècle suivant, avec l'érection de la bastide royale fortifiée de Rabastens-de-Bigorre en 1306 (qui correspond à une fondation « parallèle » de Villecomtal, sur le modèle de  Marciac), du castrum de Montfaucon, de la « bastide » de Saint-Sever-de-Rustan en 1297...
 L'absence d'étude détaillée sur l'histoire du comté de Pardiac ne permet malheureusement pas d'aller beaucoup plus loin, ce qui aurait peut-être permis de préciser la date de création du castelnau de Montégut-Arros. Notons toutefois à titre de comparaison que Cénac-Moncaut place la fondation de la forteresse et du castelnau de Monlézun vers 1200, avec l'apparition dans les texte d'un Oger de Monlézun, qui devient par mariage comte de Pardiac2. René Caïrou place, lui, la construction de la forteresse de Monlézun vers la fin du 13e siècle, à l'emplacement d'un château plus ancien (en bois?)3. Face à de tels écarts, on ne peut que se réfugier prudemment dans une fourchette chronologique, et affirmer que Montégut, sous la forme d'un château puis d'un castelnau fut fondé entre le milieu du 11e siècle et la fin du 13e siècle4.

 On ne peut détacher la création de Montégut du contexte géopolitique des 11e-13e siècles et noter une nouvelle fois le caractère frontalier -et par conséquent stratégique- de Montégut à la frontière de deux comtés et de deux diocèses. On peut à ce sujet émettre une hypothèse: l'usurpation de ce territoire, mal contrôlé par les comtes de Bigorre, ne pourrait-elle être à l'origine de la création du castrum puis du castelnau des comtes de Pardiac à Montégut-Arros? Seule une étude chronologique fine des vestiges archéologiques enfouis sur le coteau pourrait peut-être permettre d'en savoir un peu plus... 
 

5-2-Les conséquences de la fondation

 Si on ne peut déterminer avec beaucoup de précision la fondation du castelnau, du moins peut-on en assurer quelques conséquences.

 La première conséquence fut très certainement le regroupement de la population dans le bourg du castelnau. La charte de 1357 est sur ce point très explicite (les consuls doivent surveiller les attributions des emplacements à lotir...). Cela implique une population assez nombreuse, qui fut probablement tirée des terres voisines. On peut donc supposer que c'est de cette période de regroupement que date l'abandon de la motte et de l'église de la gleyzasse, vidés de leur population par le castelnau, et qui ne sont même plus mentionnés en 1357. On peut également supposer que c'est alors que l'église du Lurus fut partiellement abandonnée et transformée en simple chapelle au profit d'un nouveau bâtiment.

 La léproserie, signalée en 1357 mais disparue depuis longtemps, pose d'autres problèmes que nous aborderons plus loin mais qui supposent également l'existence d'une population assez nombreuse.

 Deux églises peuvent par contre être rattachées à la fondation du castelnau.

 L'église paroissiale Notre-Dame de l'Assomption est implantée au coeur du castelnau et à proximité du château disparu. On doit supposer qu'il s'agit là de l'emplacement de l'église primitive. Sa dédicace, fréquente aux 11e-13e siècles, correspond parfaitement à la période de fondation supposée du castelnau. L'église paroissiale actuelle est cependant une reconstruction plus tardive, sans doute au même endroit.

 On doit supposer également que l'église Notre-Dame-de-la-Carce date de la même période5. Implantée au pied du castelnau, mais en bas de la colline et au pied de la route principale, cet édifice devait servir d'église secondaire et permettait aux passants de se recueillir, et aux habitants habitant de la vallée  et/ou travaillant aux champs de facilement venir prier sans avoir à remonter la colline pour se rendre à l'église paroissiale. La proximité de la place du marché, le marcadau, et de la terre des lépreux, indique une fréquentation importante de cette zone au pied du château.

 La fondation du castelnau a ainsi profondément changé la physionomie de la seigneurie médiévale: cette seigneurie telle qu'elle apparaît au 14e siècle ne ressemble plus guère à celle, dispersée, du 11e siècle.
 

5-3-Les coutumes du castelnau en 1357

 Quand un seigneur voulait peupler ou conserver les habitants d'un castelnau, il donnait souvent aux habitants, les poblans ou vesis, une série de droits et devoirs contractuels, sous la forme d'une charte de coutumes. Par un heureux hasard, la charte de coutumes de Montégut a été conservé, sous la forme d'une copie tardive qui contient cependant la majeure partie des données de la charte primitive.

 Les coutumes de Montégut sont conservées dans le 25e volume des Glanages de Jean-Baptiste Larcher, un érudit bigourdan qui transcrivit vers le milieu du 18e siècle un nombre considérable d'archives médiévales concernant la région (les volumes originaux se trouvent à la Bibliothèque Municipale de Tarbes). Les mentions entourant le texte indiquent que l'original du document fut trouvé dans les archives royales conservées au trésor des chartes de Pau: il s'agit donc ici de la copie réalisée pour l'administration royale, et non de l'original conservé à Montégut, perdu bien plus tôt.

 Ce document possède une structure assez simple:
une première partie expose les raisons de la rédaction de la charte
une deuxième partie inventorie les droits concédés aux habitants, 54 articles établis sans ordre apparent. Les numéros sont probablement des adjonctions de Larcher vers 1750, mais ils ont été conservés car ils améliorent la lisibilité du document.
une troisième partie « authentifie » le texte par les formules en vigueur, le nom des témoins, du notaire, son seing manuel, les sceaux...
une dernière partie correspond aux adjonctions postérieures, confirmations de la charte au 14e et 15e siècle. 

 On peut ainsi distinguer plusieurs « strates » dans la composition du document.

 Le noyau d'articles le plus ancien est difficile à démêler des autres. Ce premier ensemble correspond aux coutumes primitives du castelnau. Celles-ci ont été accordée le 4 octobre 1279 par Arnaud-Guilhem II de Monlézun, comte de Pardiac6. Elles ne correspondent d'ailleurs pas forcément à la date de fondation du castelnau, qui est peut-être plus ancien (c'est de toute façon le cas pour le château, qui a une « vieille barbacane » en 1356).

 Ce premier document est repris et complété le 19 septembre 1357 par ordre du comte de Pardiac, Arnaud-Guilhem de Monlézun, petits-fils du premier donateur7.

 Cette deuxième charte est confirmée en 1369, et de nouveau en 1453 par les comtes de Pardiac, date de la dernière transcription de la charte de coutumes. Cette date indique probablement celle du parchemin que découvrit Larcher dans les archives paloises, qui lui servirent de base de travail.

 Cette charte fut une dernière fois confirmée en 1553 par Antoine de Bourbon, roi de Navarre et héritier des comtes de Pardiac et d'Armagnac, mais en français cette fois et sur un parchemin à part. La rédaction du document s'étend donc sur plus de trois siècles, si on prend en compte l'ensemble des copies réalisées et des confirmations.

 Le document le plus ancien dont parle le texte des coutumes de Montégut est donc un parchemin que présentèrent les habitants de Montégut en 1357 au juge ordinaire du comté de Pardiac, Jean de Bernio, et dont le contenu servit à rédiger la charte. Il s'agit certainement de la charte accordée en 1279. A cette occasion, plusieurs habitants du castelnau se déplacèrent au château de Monlézun, principale forteresse du comté, où ils rencontrèrent Jean Bertrand, procureur du comte de Pardiac (le texte précise: Arnaud-Guilhem, comte de Pardiac, baron de Biran et Ordan8). Le coseigneur du lieu, Arnaud de Montbardon, semble également avoir été présent9.

 Se sont déplacés les quatre consuls de Montégut, Gaillard du Pont, syndic, Auger de Castagne, Guilhem de Bonelle et Arnaud de Lestrade, et neuf autres chefs de famille (servant de témoins), dont le forgeron -le seul dont la profession soit indiquée: Raymond Ruphi, Dominique de Montaut, forgeron, Pierre de Mediaville, Arnaud Ruphi, Arnaud Marquade, Arnaud le Bigourdan, Arnaud le   Béarnais, Jean de Lasserre, Giraud de Tarbes10.

 Suit la liste des droits accordés. L'ordre des articles ne semble avoir aucune logique, mais c'est là un fait courant dans les chartes médiévales. Ici, il est probable qu'il existe au moins deux états de la rédaction (celle de la charte de 1279 et les articles qui ont été complétés ou rajoutés en 1357), ce qui complique encore le problème. Le lecteur attentif notera en particulier que certains articles semblent en apparence faire double emploi.

I- Élection des consuls du lieu par les consuls de l'année précédente, à Noël, sous le contrôle du bayle 
II- Droit de justice des consuls et du bayle
III- Droit des consuls d'instituer un ou plusieurs forgerons, qui seront tenus de réaliser les ferrures pour les coseigneurs.
IV- Droit des consuls de nommer un garde-champêtre (ou mésségué).
V- Les amendes ne peuvent être données que par le garde-champêtre, et non par les coseigneurs ou un de leurs proches.
VI- Les coseigneurs ne doivent pas gêner ou molester les habitants du lieu
VII- Droit des consuls et du garde-champêtre de mettre à l'amende toute personne ou propriétaire d'un animal qui s'introduirait et dégraderait les biens des coseigneurs.
VIII- Droit des consuls de réparer les routes et chemins
IX- Amende de 4 sous en cas d'altercation, et 2 sous de plus en cas de récidive.
X- Les dettes doivent être payées dans les 14 jours, sous peine d'amende.
XI- Limite de 2 sous d'amende.
XII- Droit des consuls de taxer le pain, le vin, les viandes et autres victuailles.
XIII- Droit de créer un crieur public
XIV- Les coseigneurs n'ont pas le droit de saisir et/ou juger un habitant et de prendre ses biens, le droit de justice relève des consuls et du bayle seuls dans la juridiction de Montégut.
XV- Dix sous d'amende en cas de destruction de biens
XVI- Deux sous d'amende en cas d'injures
XVII- Droit de mise en fief de terres aux habitants par les coseigneurs
XVIII- Corvée des habitants pour porter les grains des terres des coseigneurs pendant une journée et une nuit
XIX- Vente, location ou mise en fief d'une terre
XX- Amende si un animal entre dans le bedat de Damont
XXI- Bedat seigneurial dit du Fayet (la Hêtraie)
XXII- Amende de 5 sous si quelqu'un ramasse du bois mort au bois du Faget sans autorisation des seigneurs, et de dix sous si c'est un gros arbre.
XXIII- Droit d'ost et de chevauchée (« service militaire » des habitants)
XXIV- Règles de vente et de fixation des prix des denrées comestibles
XXV- Paiement annuel aux seigneurs pour chaque maison, d'une poule pour six tournois petits, une oie pour 8 deniers tournois, un coq pour deux tournois petits, un oison, à donner entre Pâques et la nativité de saint Jean-Baptiste. Les consuls sont responsables de la collecte.
XXVI- Mise à l'amende par un tiers délégué par les coseigneurs
XXVII- Délais de vente
XXVIII- Interdiction aux coseigneurs de s'en prendre aux biens des habitants
XXIX- Droit des habitants d'être toujours jugés en première instance par les consuls et bayle du lieu
XXX- Réparation des chemins
XXXI- Droit de vendre librement blé et vin
XXXII- Droit de mettre en défens une terre, un étang ou un colombier
XXXIII- Offense ou injure aux seigneurs
XXXIV- Droit de vendre le vin à la taverne, et amende de cinq sous petits si le vin n'a d'abord été proposé aux habitants du lieu.
XXXV- Les habitants doivent entretenir les clôtures (fortifications) du château et de la vieille barbacane du lieu, avec les coseigneurs, et les consuls surveillent la construction des places dans le bourg (barri) devant ce château.
XXXVI- Les habitants doivent construire et entretenir à leurs frais les portails et ponts du château et du barri.
XXXVII- Les coseigneurs peuvent fournir le bois d'oeuvre pour ces usages
XXXVIII- Droit de pacage des bêtes des habitants, y compris celles mises en gasaille, sauf dans les terres mises en défens.
XXXIX- Droit des habitants de battre leur blé avec leurs propres bêtes.
XL- Amende de 5 sous si quelqu'un pénètre dans les vignes des coseigneurs.
XLI- Droit d'avoir une terre commune (padouen) près du marcadau (lieu ou se tenait le marché), entre la terre de messire Buyer de Salle, la vigne de messire Auger de Lostau, et de la terre qui appartenait aux lépreux.
XLII- Une autre petite terre dite de Laubernet devient terre commune, située près de Saint-Sever et de l'Arros, voisine de divers parcelles privées.
XLIII- Appel au juge ordinaire du comté en cas de jugement d'un étranger au lieu.
XLIV- Gestion des terres communes

 Il faut remarquer que la charte de coutumes de Montégut-Arros  s'inscrit dans une série de chartes accordées par  les comtes de Pardiac depuis la fin du 13e siècle. Le comté reçoit des coutumes en 1300, le castelnau de Tillac en est doté en 1312, avec des modifications jusqu'en 134011, le castelnau de Troncens reçoit sa charte en 131812, le castrum de Villecomtal en reçoit une en 133713... Les comtes de Pardiac, de la fin du 13e siècle jusqu'au milieu du 14e siècle, ont ainsi doté leurs terres d'une série de documents juridiques codifiant les relations entre seigneurs et paysans, et ont été suivi par plusieurs de leurs vassaux – les Montbardon les Troncens...
 On peut donner comme point d'impulsion probable la fondation des bastides voisines dotées dès leur fondation de chartes de fondation puis de coutumes: Mirande (1281), Miélan (1284), Beaumarchès (1288), Marciac (1298), Rabastens (1306), Sère-Rustaing (1310), Lubret (1322), Trie-sur-Baïse (1323). Les bastides, puissants pôles d'attraction, ont pu constituer une menace de dépeuplement pour les modestes castelnaux locaux. La mise par écrit des coutumes était une réponse à ce risque14.

 Le contexte de cette charte mérite d'être précisé. En 1357-1358, la grande peste de 1348-1352 fait encore sentir ses effets: on dénombre encore des foyers endémiques en 1361 en Bigorre voisine. La population de Montégut, comme partout ailleurs, a du être sévèrement touchée par la mortalité. De fait, il est probable que le réfection de la charte de coutumes procède d'une réorganisation liée à cette crise.
De plus, Montégut se trouve en limite de la zone contestée entre les français et les anglo-gascons pendant cette partie de la guerre de cent ans. En 1360, la Bigorre passe dans le camp anglais suite au traité de Brétigny. En 1361, Adam de Houghton, délégué par le roi d'Angleterre, visite et fait un inventaire de Rabastens et Mirande, en passant par Villecomtal15.

 A partir de 1362, le comte de Pardiac Arnaud-Guilhem de Monlézun prend le parti du roi de France et commence à harceler les troupes anglaises installées en Bigorre, notamment celles installées dans la forteresse de la bastide de Rabastens et dans le castrum de Montfaucon. En 1369, le comte de Pardiac participe à la prise de Tarbes, en compagnie des bigourdans fidèles au roi de France, après avoir dispersé la garnison de Montfaucon16. Ses habitants sont alors dotés par le comte d'Armagnac d'une charte de coutumes, qui précise notamment que les Montefalconais sont dégagés de leurs obligations envers les Rabastenais, car ceux-ci, qui soutiennent la garnison anglaise, sont « rebelles et désobéissants au roi » (rebelli et inobedienti Domino Regi). Rabastens capitule en 1370.
 La confirmation de la charte de coutumes de Montégut en 1369 correspond certainement à cette période troublée.

 Il ne fait pas de doute que l'obligation faite aux habitants du castelnau d'entretenir leurs fortifications s'inscrivit dans cette politique: Montégut dut servir de nombreuses fois de base arrière pour les « coups de main » perpétrés par le comte de Pardiac sur les cités voisines.

 De manière plus générale, il faut noter que la charte de coutumes est une forme de contrat (au sens moderne et juridique du terme) entre les seigneurs et les habitants du lieu: les articles définissent les droits et les obligations réciproques, ils limitent l'arbitraire seigneurial (en interdisant notamment aux coseigneurs tout jugement sans accord des consuls, toute création d'impôt nouveau...). La majeure partie des articles concerne d'ailleurs la justice (droit public et privé, droit rural, commercial, attributions judiciaires des consuls...). Les « libertés et franchises » médiévales accordées aux paysans, telles qu'elles sont vues au travers des chartes, montrent ainsi qu'elles ne sont pas de vraies libertés au sens moderne du terme, mais une limitation des droits du seigneur, qui constituaient autant de garanties pour le paysan.

 La comparaison avec les coutumes de Troncens étudiées par Guy Sénac de Monsembernard en 1992 est éclairante17. Cette charte, datée de 1318, prend place entre la première version de celle de Montégut en 1279 et sa réécriture en 1357.  La parenté entre les deux chartes est évidente, d'autant plus qu'elles émanent du même milieu (le groupe de petits nobles entourant le comte de Pardiac), qu'elles sont presque contemporaines et qu'elles concernent toutes deux un castelnau.
 A Troncens comme à Montégut, certains articles indiquent l'existence de coutumes antérieures à leur mise par écrit: la présence de serfs en face des hommes libres du castrum, le mode de désignation des gardes des récoltes et du forgeron...
 Les dispositions pénales sont semblables: délai de deux semaines sous menace d'amende pour une réclamation entre deux habitants; obligation d'annonce préalable d'une vente du vin aux autres habitants avant de le vendre hors du village, sauvegarde et protection des forêts (création de mésségués ou gardes messiers) et des biens du seigneur...
 Les rapports entre seigneur et tenanciers sont de même nature: seigneurs et habitants se doivent assistance mutuelle, et en particulier les habitants de Troncens doivent entretenir les murs de terre qui clôturent le castelnau.
 L'abrogation de certains droits est identique: les consuls nomment le ou les forgerons (il n'y a plus de forge banale, monopole du seigneur), la surveillance des récoltes et la gestion des terres sont du ressort des consuls et de leurs délégués.
 La limitation d'autres droits n'est par contre présente qu'à Troncens: il n'est pas fait mention à Montégut des droits liés à l'agrier (est-ce parce que les moines de Saint-Sever y levaient déjà la dîme?). Le retrait féodal et la question du service militaire ne sont abordés qu'incidemment à Montégut.
 Par contre les relations de justice entre le seigneur et ses administrés sont semblables dans les deux cas: le seigneur ne peut intervenir que dans des limites précises, et sa justice ne peut se substituer à celle des consuls. A Troncens comme à Montégut tout habitant peut également mettre en défens un bien qui le nécessite (colombier, étang...) sans autorisation de son seigneur. Les pouvoirs des consuls sont dans les deux cas très bien définis (pouvoir de justice, sur la voirie, l'ordre public...). 
 A l'évidence, la grande parenté entre ces deux chartes seigneuriales indique une origine commune. Nul doute que les juristes de Pardiac devaient copier les dispositions de documents voisins plus anciens pour rédiger leurs chartes quand le besoin s'en faisait sentir. Comme pour les chartes des bastides, dont on recopiait la plupart des articles en changeant seulement les noms et les dates, les mêmes types de dispositions ont été accordée aux habitants des castelnaux du Pardiac, du moins dans ces deux exemples dont la charte a été conservée par Larcher.
 

5-4-La structure du castelnau et de son territoire

 La seigneurie de Montégut, telle qu'elle est révélée par la charte de 1357, semble déjà atteindre la taille de la commune actuelle, avec un castelnau en son centre, surveillant la vallée de l'Arros et sa vie de passage nord-sud, et un « point de vie » secondaire autour de l'église de La Carce. Les autres églises, plus anciennes, devaient subsister au titre de « chapelles  rurales» pour les exploitations dispersées et les passants. La terre est largement exploitée, pour le blé, le vin et la viande (élevage) essentiellement.

 Les seules « originalités » sont la mention d'une place de marché (le marcadau, sans doute un simple champ) près de l'église de la carce et d'une léproserie qui servait à isoler les ladres de la communauté. Cette léproserie semble avoir déjà disparu en 1357 car c'est le passé qui est employé pour désigner leur terre (terra quae fuit leprosorum). 
 

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Dernière modification : 1/03/02