EVOLUTION DES DISPOSITIONS RELATIVES A L'INSERTION PROFESSIONNELLE DANS LA LEGISLATION DE L’AIDE SOCIALE

 

 

 

EVOLUTION DES DISPOSITIONS RELATIVES A L'INSERTION PROFESSIONNELLE DANS LA LEGISLATION DE L’AIDE SOCIALE. 1

Les Commission d’assistance publique. 2

DES C.A.P. au C.P.A.S. 4

1.        L’adoption des lois en matière d’aide sociale. 5

1.1.            L’adoption de la loi sur le minimex  5

1.1.1.            Les premières propositions  5

1.1.2.            Le minimex  6

1.1.3.            Les articles de loi relatifs à la mise au travail 7

A.        L'article 6 de la loi sur le minimex et son évolution jusqu’au début des années 1990  7

B.        L'article 18 de la loi sur le minimex  8

C.        L’article 23 bis de l’arrêté royal portant règlement général en matière de minimex  8

1.2.      La loi organique des Centres Publics d’Aide Sociale  10

1.2.1.            Les missions du C.P.A.S. 10

1.2.2.            Les moyens d'action du C.P.A.S. 11

1.2.3.            Les articles de la loi relatifs à la mise au travail 14

A.        L'article 60 § 7  14

2.     La loi du 12 janvier 1993 : Programme d’urgence pour une société plus solidaire. 19

2.1.            L’origine du contrat d’intégration sociale. 20

A.        Le mouvement A.T.D. Quart-Monde  20

B.        Le Revenu Minimum d’Insertion français  20

2.2.            Modification dans la loi sur le minimex  21

2.3.            Modification dans la loi organique des C.P.A.S. 23

2.4.      La notion de contrat 24

2.5.      La mise au travail comme projet individuel dans le cadre d’un contrat d’intégration sociale. 26

3.        Evolution jusqu’en 1999  27

La loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales. 27

LA VOIE VERS LE XXIe SIECLE.. 29

1.     Le Centre Public d’Action Sociale. 31

2.     Le Programme Printemps. 32

2.1.      La mise au travail dans le cadre de l’article 60 § 7  33

2.1.1.            L’objectif 33

2.1.2.            Vers plus de flexibilité  34

2.1.3.            Mise à disposition  35

2.2.            L'intérim d'insertion. 36

Fonctionnement de l’intérim d’insertion. 36

3.     Le revenu d’intégration  39

Les prises de positions par rapport à la réforme du minimex. 39

Conclusion. 41

 


 

Les Commission d’assistance publique

 

Les Commissions d'assistance publique (C.A.P.) sont créées, sur base communale, par la loi organique de l'assistance publique du 10 mars 1925. Cette nouvelle institution est issue de la fusion des hospices civils et des bureaux de bienfaisance.

 

L'article premier prévoit que les bourgmestres et échevins veillent à la constitution d'une Commission d'assistance publique ayant pour mission de soulager et prévenir la misère et d'organiser le service hospitalier dans les conditions déterminées par la présente loi.

 

Un triple rôle est donc assigné aux C.A.P. Il s'agit de soulager la misère, de pourvoir à l'hospitalisation des malades et des infirmes, ainsi que de prendre des mesures destinées à empêcher la misère de naître ou de se développer.

 

Le secours aux indigents est le type d'intervention de la C.A.P. qui nous intéresse le plus, car c'est à travers lui que l'on constate que le législateur de l'époque avait déjà prévu la possibilité d'assister les indigents par une mise au travail.

 

C'est l'article 68 qui précise la mission d'octroi de secours aux indigents.

 

En son alinéa premier, cet article précise que les secours ne peuvent être accordés qu'aux indigents, c'est-à-dire aux personnes incapables de subvenir à leurs besoins. Il s'agit donc des personnes dont les ressources, mises en rapport avec leurs charges, sont ordinairement insuffisantes pour qu'elles puissent pourvoir à leur subsistance.

 

L'article 68 de la loi précise, en son alinéa 3, les modes de secours possibles: Les pauvres capables de travailler reçoivent, de préférence, des secours sous forme de salaire pour travail fourni.

 

Cet alinéa a été commenté par le sénateur Van Overbergh[1]:

 

 Vous conviendrez tous, Messieurs, que de tous les modes de secours possibles aux adultes valides, le travail est le meilleur. L'assistance par le travail épargne la dignité de l'ouvrier; elle vient en aide aux chômeurs accidentels; elle facilite le relèvement du sans-travail d'habitude.

 M. Carton a singulièrement rabaissé la portée du troisième alinéa de l'article 68. Il s'imagine qu'il s'agit ici seulement d'ateliers de travail organisés par les commissions d'assistance. Et ayant ainsi créé un article 68 à sa façon, il a rappelé l'échec des essais de la Révolution française et de la Révolution de 1848, et même de son propre essai au cours de la guerre mondiale.

 A supposer que tout cela soit exact, il n'en reste pas moins vrai que l'atelier de travail de l'assistance publique n'est pas le seul ni surtout le principal objet de l'alinéa 3 de l'article 68.

 Le principal objet est de procurer du travail aux indigents dans l'industrie privée, auprès des administrations publiques, partout où l'on peut en découvrir.

 

Cette pratique de mise au travail sera reprise dans la loi qui transforme les commissions d'assistance publique en centres publics d'aide sociale.

 


 

DES C.A.P. au C.P.A.S.

 

 

Dans le courant des années 1970, deux lois vont modifier l’organisation de l’aide sociale en Belgique. La première de ces lois instaure, en 1974[2], le droit au minimum de moyens d’existence, plus communément appelé « minimex ». La seconde organise, dès 1976[3], les centres publics d’aide sociale (C.P.A.S.) amenés à remplacer les commissions d’assistance publique.[4]

 

 

Nous nous proposons, de brièvement décrire la loi sur le minimex et celle créant les C.P.A.S. en portant une attention particulière aux articles ayant une incidence sur les pratiques de mise au travail.

Dans un second temps, nous analyserons comment ces lois ont, de leur origine jusqu’aujourd’hui été adaptées pour mieux répondre à un objectif d’insertion professionnelle.

 

 


1.         L’adoption des lois en matière d’aide sociale

 

 

1.1.         L’adoption de la loi sur le minimex

 

 

1.1.1.  Les premières propositions

 

Dès les années 1960, dans un contexte où l’évolution socio-économique a depuis plusieurs années engendré un bien-être croissant pour une grande partie de la population et où le système de sécurité sociale permet de garantir une sécurité de vie à la plupart des groupes sociaux, s’élèvent de nombreuses voix pour que le système de sécurité sociale soit complété. En effet, il apparaît que certaines personnes passent à travers les mailles de la sécurité sociale. Un consensus existe donc pour créer un dispositif qui doit garantir une sécurité d’existence à toute personne sans revenu. L’assistance mise en place dans le cadre des C.A.P. n’est plus considérée adéquate. L’assistance sera transformée en un droit au minimex.

 

Dès 1969, différentes initiatives parlementaires ont été prises afin d'accorder une assistance à quiconque ne dispose pas de ressources suffisantes et n'est pas en mesure de se les assurer par ses efforts personnels ou par d'autres moyens, en particulier par des prestations accordées en vertu d'un régime de sécurité sociale.

 

La première proposition de loi, déposée au Sénat, visait à instaurer un droit à l'aide sociale.[5] Elle prévoyait que l'octroi des allocations d'aide sociale est subordonné à des conditions destinées à assurer la réintégration des bénéficiaires dans le processus du travail, à moins que ne s'y opposent des raisons d'ordre médical, social ou autre.[6] Devenue caduque suite à la dissolution des Chambres législatives, cette proposition fut redéposée en 1971.

 

Elle fut ensuite redéposée au Sénat en 1974 sous l'intitulé: Proposition de loi instaurant un droit à l'aide sociale destiné à garantir un minimum socio-vital.[7] Cette proposition prévoyait que la conservation du droit à l'aide sociale peut être subordonnée à des conditions d'intégration dans le circuit du travail, à moins qu'une telle intégration ne s'avère impossible pour raison de santé ou pour des motifs d'ordre social.[8]

 

Dans ces différentes propositions, la subordination du droit à l'aide sociale à des conditions d'intégration dans le circuit du travail est présente.

 

C’est finalement le 7 août 1974[9] que sera adoptée la loi instituant le droit à un minimum de moyens d’existence.

 

 

1.1.2.  Le minimex

 

Nous ne nous attacherons pas ici à faire une description approfondie du droit au minimex. Nous nous limitons  à exposer les éléments nécessaires à une vision générale de ce qu’est le minimex en insistant sur les articles de lois ayant un lien avec la mise au travail.

 

Le minimex est une allocation sociale octroyée à titre résiduaire. Pour y avoir droit différentes conditions sont à remplir :

 

-         être belge, ressortissant d’un pays de l’Union européenne, ayant exercé une activité en tant que travailleur en Belgique, ou un membre de sa famille, apatride, réfugié reconnu ;[10]

-         avoir atteint la majorité civile ;[11]

-         avoir sa résidence effective en Belgique ;

-         ne pas disposer de ressources suffisantes, ne pas être en mesure de se les procurer soit par ses efforts personnels, soit par d’autres moyens, disposer de ressources inférieures au minimex.

-         prouver de la disposition au travail ;

-         faire valoir ses droits aux allocations sociales auxquelles la personne peut prétendre en vertu de la législation sociale ainsi que ses droits à la pension alimentaire à l’égard de son conjoint, de ses parents ou enfants.

 

Les jeunes de moins de 25 ans doivent également signer un contrat d’intégration. Nous y reviendrons largement par la suite.

 

 


1.1.3.  Les articles de loi relatifs à la mise au travail

 

 

A.                 L'article 6 de la loi sur le minimex et son évolution jusqu’au début des années 1990

 

 

A.1.     A l’origine

 

La loi sur le minimex qui sera finalement adoptée prévoit, en son article 6, que pour l'octroi et le maintien du minimum de moyens d'existence, l'intéressé doit:

1.  faire la preuve qu'il est disposé à être mis au travail à moins que cela s'avère impossible pour des raisons de santé ou pour des raisons sociales impératives;

2.  faire valoir ses droits aux prestations dont il peut bénéficier en vertu de la législation sociale belge ou étrangère.

 

Malgré la demande d'un membre de la Chambre des Représentants, les termes " faire la preuve qu'il est disposé à être mis au travail" n'ont pas été précisés.[12]

 

Dans un des ses ouvrages, publié en 1978, l'Union des Villes et Communes belges[13] fait état de deux jugements des Tribunaux du Travail[14] qui précisent la portée de l'article 6 de la loi sur le minimex.

 

Ils indiquent que l'intéressé dont l'inscription comme demandeur d'emploi est postérieure à la demande de minimex, n'apporte pas la preuve qu'il est disposé à être mis au travail. Il en est de même lorsque l'intéressé n'établit pas qu'il recherchait personnellement du travail et s'était inscrit comme demandeur d'emploi après son abandon de travail et avant sa demande de minimex.

 

 

 

 

 

A.2.            L'arrêté royal n°244 du 31 décembre 1983[15]

 

Cet arrêté amène deux modifications à l'article 6 de la loi sur le minimex. Premièrement, il étend aux conjoints vivant sous le même toit, la condition de faire la preuve qu'ils sont tous les deux disposés à être mis au travail. Deuxièmement, cet arrêté modifie le terme "raisons sociales impératives" en le remplaçant par "raisons d'équité". Toutefois, l'utilisation de cette nouvelle expression n'a pas entraîné de changement significatif.

 

 

B.                 L'article 18 de la loi sur le minimex

 

Lors de sa publication au moniteur, l'article 18 de la loi sur le minimex indiquait que l'Etat accorde au centre public d'aide sociale une subvention égale à 50 p.c. du montant du minimum de moyens d'existence accordé.

 

Lors du vote de la loi cet article fut contesté par un nombre élevé de parlementaires qui estimaient qu'une subvention de 50 p.c. était insuffisante. Depuis, cet article a connu de nombreuses modifications.

 

Nous ne nous attarderons pas sur les modifications de cet article qui visent à augmenter la subvention du minimex pour certaines catégories de bénéficiaires et suivant le nombre de bénéficiaires à charge des C.P.A.S. Nous examinerons les modifications qui encouragent l'insertion professionnelle et la mise au travail par les C.P.A.S. plus loin.

 

 

C.                 L’article 23 bis de l’arrêté royal portant règlement général en matière de minimex[16]

 

Une immunisation d’un nouveau type a été instaurée par arrêté royal.[17] Le nouvel article 23 bis de l’arrêté royal portant règlement général en matière de minimex vise à favoriser l’insertion socio-professionnelle des bénéficiaires du minimex. Cette nouvelle disposition permet de ne pas tenir compte, pour le calcul du minimex, des revenus nets provenant d’une mise au travail ou d’une formation professionnelle réalisées, à l’intervention du C.P.A.S., du service régional de l’emploi ou de personne, d’établissement ou de service avec lesquels le C.P.A.S. a conclu une convention à concurrence de montants fixés forfaitairement et dégressivement sur une période de trois ans.

Il s’agit d’une mesure visant à encourager les bénéficiaires du minimex à travailler, même pour un salaire moins élevé ou légèrement supérieur au minimex. Dans une certaine mesure, cette disposition répond à la critique de « trappe du chômage ».


 

1.2.   La loi organique des Centres Publics d’Aide Sociale

 

Comme nous l’avons déjà indiqué, les centres publics d’aide sociale sont créés dans toutes les communes et remplacent les Commissions d’assistance publique. Ces dernières n’étaient plus considérées comme suffisamment adaptées à l’évolution de la société.

Les points forts de la réforme sont :

-         l’adoption du concept d’aide sociale au détriment de celui plus traditionnel d’assistance ;

-         le passage de la notion de « nécessiteux » à celle de « toute personne » pour définir le public cible du C.P.A.S. ;

-         l’inscription de l’aide sociale comme un droit ;

-         le développement et la professionnalisation du service social.

 

 

1.2.1.  Les missions du C.P.A.S.

 

La loi organique prévoit en son article premier que "toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine".[18]

 

Le paragraphe 1er de l'article 57 indique que "les C.P.A.S. ont pour mission d'assurer aux personnes et aux familles l'aide due par la collectivité. Il assure non seulement une aide palliative ou curative, mais encore une aide préventive. Cette aide peut être matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique". Des dérogations sont prévues pour certaines catégories d'étrangers.

Cette mission doit être remplie en suivant les méthodes de travail social les plus adaptées et dans le respect des convictions idéologiques, philosophiques ou religieuses des intéressés.

 

 

 

 

 

 

1.2.2.  Les moyens d'action du C.P.A.S.

 

Pour remplir sa mission, le C.P.A.S. dispose d'une série de moyens d'action.

 

A.            Information

 

Dans le cadre de l'article 60 § 2, le centre doit fournir tout conseil et renseignement utiles et effectuer les démarches de nature à procurer aux intéressés tous les droits et avantages auxquels ils peuvent prétendre dans le cadre de la législation belge ou étrangère.

 

L'article 60 bis indique que le C.P.A.S. prend toutes les initiatives nécessaires en vue d'informer le public sur les différentes formes d'aide qu'il octroie.

 

B.        Aide matérielle

 

Le C.P.A.S. accorde l'aide matérielle sous la forme la plus appropriée (article 60 § 3). Cette aide matérielle peut être financière. Il s’agit par exemple de :

 

-         l’octroi d’une aide financière périodique ou occasionnelle ;

-         l’octroi du minimum de moyens d’existence ;

-         l’octroi de prestations sociales ;

-         l’octroi de prestations de services (repas à domicile, aide ménagère,…) ;

-         l’octroi d’une aide en nature ;

-         les avances sur pensions alimentaires ;

-        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C.            Guidance psycho-sociale

 

Conformément à l'article 60 § 4, le C.P.A.S. assure la guidance psycho-sociale, morale ou éducative nécessaire à la personne aidée. Cette guidance doit permettre à la personne de vaincre elle-même progressivement ses difficultés.

 

Exemples :

 

-         gestion du budget du ménage ;

-         aider la famille ou l’individu lors de la survenance de périodes de crises ou de situations conflictuelles ;

-        

 

 

D.            L’affiliation à un organisme assureur

 

En vertu de l'article 60 § 5, le C.P.A.S. doit assurer les personnes aidées contre la maladie et l'invalidité. La personne doit être affiliée à l'organisme assureur de son choix ou à défaut à la Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité.

 

 

E.            Établissements et services

 

Comme le prévoit l'article 60 § 6, le C.P.A.S. peut créer, étendre et gérer des établissements ou services à caractère social, curatif ou préventif.

 

Il peut, notamment, s'agir d’Agences Immobilières Sociales, de crèches, de services de « baby-sitting », de services de médiation de dettes, d'hôpitaux, d'établissements pour mineurs d'âge, de services de repas à domicile, de services d'aide aux familles et aux personnes âgées, de maisons de repos, de maisons de repos et de soins, de flats pour personnes âgées, de centres de services pour personnes âgées, de maisons d'accueil, etc.

 

 

 

 

 

F.        Mise au travail

 

En vertu de l'article 60 § 7, lorsqu'une personne doit justifier d'une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales ou afin de favoriser l'expérience professionnelle de l'intéressé, le centre public d'aide sociale prend toutes les dispositions de nature à lui procurer un emploi à temps plein ou à temps partiel. Il fournit cette forme d'aide sociale en agissant lui-même comme employeur.

 

Une mise au travail est également possible en vertu de l'article 61 et dans le cadre d’un contrat d’intégration. Nous y reviendrons.

 

 

G.            Tutelle sur des mineurs d'âge

 

L'article 63 indique que "tout mineur d'âge à l'égard duquel personne n'est investi de l'autorité parentale ou n'exerce la tutelle ou la garde matérielle, est confié au C.P.A.S. de la commune où il se trouve".

 

 

H.        Aide médicale urgente aux personnes en séjour illégal

 

L’aide médicale urgente est octroyée aux personnes résidant en Belgique sans y être autorisées. Il n'y a pas de critère objectif qui permette de définir ce qu'il faut entendre par aide médicale urgente. Toutefois l'arrêté royal[19] précise que l'aide médicale urgente peut être tant de nature préventive que curative. L'urgence est appréciée par le dispensateur de soins agréé et confirmée par un certificat médical. Les soins peuvent être donnés tant de manière ambulatoire que dans un établissement de soins. Le concept d'aide médicale urgente est donc compris de manière large. Toutefois, l'arrêté royal précise qu'une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature ne peut pas être octroyée au bénéficiaire de l'aide médicale urgente.


1.2.3.  Les articles de la loi relatifs à la mise au travail

 

A.            L'article 60 § 7

 

A.1.     A l’origine

 

Dés la création des C.P.A.S., la loi organique prévoit en son article 60 § 7 que lorsqu’une personne doit justifier d’une période de travail pour obtenir le bénéfice de certaines allocations sociales, le centre public d'aide sociale prend toutes dispositions de nature à lui procurer un emploi. Le cas échéant, il fournit cette forme d’aide sociale en agissant lui-même comme employeur pour la période visée.

 

Cet article a été adopté à 11 voix et une abstention en Commission du Sénat. Une certaine contradiction entre le fait pour le centre d'agir comme employeur dans le cadre de l'aide sociale et les dispositions relatives au personnel du centre est relevé par un membre. Toutefois, une quasi-unanimité s'est dégagée pour l'approbation de l'article 60 § 7, qui sera inscrit comme tel lors de la publication au Moniteur belge.[20]

 

Si l’on se réfère aux travaux parlementaires[21], il s’agit, suivant le Ministre de la Santé publique, d’une mise au travail très accidentelle et de courte durée, d’un système comparable à celui de la mise au travail des chômeurs par les pouvoirs publics.

Il s’agit de plus suivant le Ministre, de légaliser une pratique ancienne des Commissions d’Assistance Publique – surtout celles qui géraient des établissements et services – et qui mettaient au travail – avec ou sans application de la sécurité sociale – des personnes aidées.

 

 

 

 

 

 

 

Rapidement la question de savoir si cette forme d’aide sociale est impérative ou facultative s’est posée. Le Conseil d’Etat a amené les éclaircissements suivants :

L’article 60 § 7 de la loi du 8 juillet 1976 permet au centre public d’aide sociale d’engager par contrat un demandeur d’aide, sans qu’un emploi soit vacant dans le cadre de son personnel et sans qu’il soit tenu de respecter les règles régissant le recrutement du personnel. Il n’oblige pas le centre à prendre à son service toute personne qui doit justifier d’une période de travail pour obtenir certaines allocations sociales et à laquelle le centre ne parvient pas à procurer un emploi. L’engagement éventuel par le centre constitue un des moyens par lequel le centre peut assurer sa mission d’aide sociale. Il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu d’accorder cette forme d’aide. Pour fonder sa décision, il doit tenir compte de l’intérêt que présente pour le demandeur la mise au travail pendant une certaine période, mais aussi des possibilités qu’il a, compte tenu de l’organisation et des besoins de ses services, d’utiliser le demandeur dans ses services.

 

L’article 60 § 7 permet donc au C.P.A.S. d’engager par contrat un demandeur d’aide, sans qu’un emploi soit vacant dans le cadre de son personnel et sans qu’il soit tenu de respecter les règles régissant le recrutement du personnel.

 

Dans un article publié en 1985[22], le Secrétaire du C.P.A.S. de Charleroi explique, après avoir rappelé comment une mise au travail des personnes aidées pouvait se faire en application de l’article 60 § 7, que même s’il faut se méfier des jugements hâtifs, il convient de préciser qu’outre la remise dans le circuit de production ou au moins dans le système de protection de sécurité sociale, la mise au travail par le biais de l’article 60 permet de débusquer ceux qui manifestement sont allergiques à la pensée même de travailler.

A cette époque, l’objectif de la mise au travail poursuit donc un double objectif : premièrement réinsérer les personnes dans le marché du travail ou à tout le moins leur permettre de bénéficier d’une allocation de chômage. Deuxièmement, dans l’esprit de certains, il s’agit de contrôler les personnes aidées, afin de vérifier leur disponibilité au travail.

 

 

 


A.2.            Modification de l'article 60 § 7

 

A.2.1.            Proposition de loi de Laurette Onkelinx[23]

 

En 1991, Laurette Onkelinx dépose en tant que députée une proposition de loi visant à ajouter un § 8 à l'article 60 de la loi organique des C.P.A.S. L'alinéa 1er de ce nouveau paragraphe prévoit la création d’un contrat de réinsertion socioprofessionnelle qui doit être proposé par le C.P.A.S. à toute personne bénéficiant d'une aide financière périodique ou du minimex, à moins qu'elle n'en bénéficie à titre d'avance sur d'autres revenus ou allocations sociales ou à titre d'aide complémentaire à d'autres revenus ou allocations sociales.

Les alinéas suivants indiquent que:

-   l'intéressé peut refuser le contrat pour des raisons familiales, de santé, d'âge ou tout motif d'inaptitude durable;

-   en contrepartie de l'acceptation du contrat, l'intéressé bénéficie d'une aide supplémentaire de 200 francs par jour ouvrable;

-   en cas de refus de conclure le contrat ou de le poursuivre, sans motif valable, le C.P.A.S. peut limiter l'aide à une aide alimentaire ou aux frais d'hébergement, pour une durée de six mois et en cas de récidive dans les trois ans, pour une durée de douze mois.

 

 

A.2.2.  Loi du 5 août 1992 portant des dispositions relatives aux centres publics d'aide sociale[24]

 

Le 5 août 1992 le projet de loi portant des dispositions relatives aux centres publics d'aide sociale établi par la Ministre[25] est adopté. Cette loi contient des dispositions de droit administratif qui concernent le fonctionnement des centres publics d'aide sociale, mais le projet de loi comprenait certaines dispositions visant à proposer aux C.P.A.S. de mener une politique dite active.

 

 

 

 

 

 

 

Au départ, ce projet prévoyait de compléter l'article 60 § 4 de la loi organique. Dans l'exposé des motifs à la Chambre, la Ministre explique que l'allègement du fonctionnement des C.P.A.S. est poursuivi par des mesures qui concernent notamment:

 

(...)

-    la faculté de lier l'aide sociale à la réalisation de certains engagements;

-    la faculté d'employer une personne aidée dans d'autres cas que lorsqu'elle doit justifier d'une période de travail pour obtenir le bénéfice d'allocations sociales;

-    la formation professionnelle en lien avec le service régional compétent;

(...)[26]

 

Concrètement le projet de loi prévoyait de compléter l'article 60 § 4[27] de la loi organique en précisant que le C.P.A.S. peut à cette fin conclure avec l’intéressé une convention indiquant les engagements pris par l’intéressé, la nature de l’aide qui peut lui être accordée et le calendrier des démarches et activités qu’implique la réalisation de ce projet.

 

Dans les commentaires des articles, la Ministre explique que cet ajout vise à permettre aux centres de contractualiser l'aide sociale en négociant avec l'intéressé un plan d'insertion et d'assistance étalée dans le temps. (...) On ne peut en effet admettre qu'à la fin de la scolarité, un droit passif à l'aide sociale laisse le jeune s'enfermer dans l'assistance. (...) Le projet d'insertion peut consister en une mise au travail au sens de l'article 60, § 7, en une formation professionnelle, en des recherches d'emploi, en une cure sanitaire, etc.[28]

 

Notons que la Ministre n'a pas cru, compte tenu des particularités de chaque cas, opportun d'imposer aux C.P.A.S. de conclure des conventions d'insertion.

 

Par ailleurs, elle déclare également qu'il convient de ne pas perdre de vue, d'une part, que l'état de besoin est souvent la conséquence d'une situation structurelle (...) et d'autre part, que l'on ne peut jamais laisser personne sans aucune ressource, ce qui serait contraire à l'article 1er de la loi. Par conséquent, l'échec total ou partiel du projet ne peut justifier par lui-même le refus de l'aide sociale. [29]

 

 

Ni le contrat comme moyen de guidance, ni la prime d’insertion ne seront adoptés. Toutefois tous deux inspireront l’idée d’un contrat d’intégration prévu dans le programme d’urgence pour une société plus solidaire.

 

 

B.            L’article 61

 

Dés son adoption, la loi de 1976 contenait l’article 61. Ce dernier était libellé de la manière suivante :

 

Le centre peut recourir à la collaboration de personnes, d’établissements ou de services qui, créés soit par des pouvoirs publics, soit par l’initiative privée, disposent des moyens nécessaires pour réaliser les diverses solutions qui s’imposent, en respectant le libre choix de l’intéressé.

 

Le centre peut supporter les frais éventuels de cette collaboration, s’ils ne sont pas couverts en exécution d’une autre loi, d’un règlement, d’un contrat ou d’une décision judiciaire.

 

Dans le même but, le centre peut conclure des conventions soit avec un autre centre public d’aide sociale, un autre pouvoir public ou un établissement d’utilité publique, soit avec une personne privée ou un organisme privé.

 

Cette disposition connaîtra des modifications, à travers la subsidiation prévue à l’article 18 de la loi sur le minimex, en 1998. Nous y reviendrons plus loin.

 


 

2.                La loi du 12 janvier 1993 : Programme d’urgence pour une société plus solidaire[30]

 

 

 

En 1993, le gouvernement fédéral souhaite mettre en œuvre un « Programme d’urgence pour une société plus solidaire »[31]. Ce programme se divise en quatre parties. La première partie vise à abroger la loi de 1891 réprimant le vagabondage et la mendicité ainsi que certains articles du Code Pénal ayant trait à la même problématique. La seconde partie introduit dans l’aide sociale la notion de projets individualisés d’intégration sociale établis sur base de relations contractuelles. La part du minimex prise en charge par l’Etat est revue dans la troisième partie et la dernière partie concerne l’unification des voies de recours en matière d’aide sociale et de minimex. Nous nous arrêterons ici à la deuxième partie du programme, qui marque selon nous une étape décisive vers les politiques dites actives en matière d’aide sociale.

 

Il s’agit donc d’une initiative visant à rendre la société plus solidaire. Dans l’exposé des motifs qu'elle présente devant la Chambre, la Ministre[32] précise que le gouvernement veut parfaire la protection sociale en reconnaissant aux centres publics d’aide sociale une mission essentielle de promouvoir avec les citoyens les plus pauvres eux-mêmes et avec tous les partenaires locaux disponibles une politique d’intégration sociale qui se veut un dépassement substantiel d’une politique traditionnelle d’aide sociale[33].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.1.     L’origine du contrat d’intégration sociale

 

Ce projet trouve son origine dans l’idée du contrat comme moyen de guidance et dans la proposition de prime d’insertion faite quelques mois auparavant, mais également dans le projet pédagogique volontaire proposé par ATD et dans le Revenu Minimum d’Insertion français.

 

 

A.        Le mouvement A.T.D. Quart-Monde

 

Devant le Sénat[34], la Ministre a justifié la nécessité de proposer aux jeunes un contrat d’intégration sociale en se référant à la pratique de travail social d’A.T.D. Quart-Monde. Elle a cité un extrait du n°73 de la revue Igloo : « Concrètement, le contrat-projet est écrit et signé, d’une part par l’équipe… Il est généralement établi pour une période de six mois… Il est écrit en langage simple et stipule les responsabilités de chacune des deux parties. Il est un projet d’avenir et non un objectif à court terme… Le contrat-projet doit aider à retrouver ces notions de temps, d’espace, d’appartenance à une histoire, à une culture spécifique et celles-ci doivent servir de base de découverte, de capacité et de possibilités. »

 

 

B.        Le Revenu Minimum d’Insertion français

 

L'idée d'inscrire en loi la contractualisation de l'aide sociale est également inspirée du Revenu Minimum d'Insertion français. Comme l’a déclaré la Ministre aux Sénateurs, la contractualisation permet de réaffirmer les valeurs démocratiques que doit mettre en œuvre l’action sociale, d’insister sur la participation des usagers et de favoriser un dialogue réel entre l’institution et l’usager.

 


2.2.     Modification dans la loi sur le minimex

 

Alors que les projets précédents proposant une contractualisation visaient à modifier la loi organique, le programme d’urgence pour une société plus solidaire modifie principalement l’article 6 de la loi sur le minimex. Le contrat apparaît comme un des modes de preuve de la disponibilité au travail et comme une condition supplémentaire à l’octroi et au maintien du minimex.

 

Une distinction est faite entre les ayants droit de moins de 25 ans et les personnes plus âgées. Cette distinction d’âge fait suite à l’augmentation importante du nombre d’ayants droit entre 18 et 25 ans et à la crainte des C.P.A.S. et des pouvoirs publics de voir les jeunes être assistés à vie.[35]

Toutefois, une étude de l’Union des Villes et Communes - Section « C.P.A.S. » indiquait, en 1995, que l’augmentation des facteurs liés aux jeunes découle à la fois de l’abaissement de l’âge de la majorité civile à 18 ans et d’autres facteurs de précarisation des moyens d’existence. La tranche des bénéficiaires de 18 à 21 ans influence donc à la hausse les demandes de minimex. Ce seul facteur est toutefois largement insuffisant pour expliquer l’augmentation de cette catégorie puisque la part contributive des jeunes de 18 à 21 ans n’est que de 15% dans l’augmentation globale du nombre des bénéficiaires du minimex entre 1991 et 1994.[36]

 

 

Pour les ayants droit de plus de 25 ans le contrat est donc facultatif. Toutefois, le C.P.A.S. peut proposer un contrat au plus de 25 ans. Ces derniers ne pourront le refuser, sans quoi leur minimex pourra être supprimé pour non-disponibilité au travail.

 

Les ayants droit de moins de 25 ans se voient contraints de signer, sauf pour des raisons de santé ou d'équité, un contrat contenant un projet individualisé d'intégration sociale dans un délai de trois mois à dater de leur demande initiale.

 

L’ayant droit n’a donc pas la liberté d’accepter ou de refuser le contrat qui lui est proposé.

Le contrat est écrit et un « intervenant extérieur » peut être co-signataire. Le contrat prévoit les modalités de l'intégration progressive, le contenu de la guidance, les modalités d'une éventuelle formation et mise au travail; il énonce sa durée et la motivation des exigences; il peut être modifié à la demande de chacune des parties après acceptation et au cours de son exécution.

 

Après une mise en demeure, si l’intéressé ne respecte pas sans motif légitime ses obligations prévues dans le contrat contenant un projet individualisé d’intégration sociale, le droit à un minimum de moyens d’existence peut, sur la proposition du travailleur social ayant en charge le dossier, être refusé ou suspendu partiellement ou totalement pour une période d’un mois au maximum. En cas de récidive dans un délai maximum d’un an, aux mêmes conditions, le droit peut être suspendu pour une période de trois mois au maximum.[37]

 

 

Modification de l’article 18

 

Afin d'inciter les C.P.A.S. à proposer un contrat contenant un projet individualisé d'intégration sociale, la loi prévoit d'augmenter le remboursement du minimex des jeunes ayant signé ce type contrat.

Le nouveau § 3 de l'article 18 indique que la subvention est égale pendant une durée maximale de six mois à 70% lorsque dans le cadre d'un contrat contenant un projet individualisé d'intégration sociale, passé en application de l'article 6, le bénéficiaire suit une formation à raison d'un minimum de 10 h/semaines et/ou travaille à raison d'un minimum de 10 h/semaine et d'un maximum de 20/semaine. La formation doit être organisée par un service public de formation des sans-emploi ou par un organisme conventionné avec le centre public d'aide sociale. Le travail devra être exercé au sein des services ou établissements du centre ou d'un service ou établissement visé à l'article 61 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale.

 

Notons que le C.P.A.S. n’aura pas droit à cette subvention s’il conclut un contrat d’intégration prévoyant une cure ou une recherche de logement salubre. Seules les formations et la mise au travail sont subsidiées et donc valorisées par l’Etat fédéral.

 


2.3.     Modification dans la loi organique des C.P.A.S.

 

La loi contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire modifie également l’esprit initial de la loi organique des C.P.A.S.

 

En effet, l’article 60 § 3 est complété par les alinéas suivants :

 

L’aide financière peut-être liée par décision du centre aux conditions énoncées par l’article 6 de la loi du 7 août 1974 instituant un droit à un minimum de moyen d’existence.

En cas de non-respect de ces conditions. Le droit à l’aide sociale financière peut, sur proposition du travailleur social ayant en charge le dossier, être refusé ou suspendu partiellement ou totalement pour une période d’un mois au maximum.

En cas de récidive dans un délai maximum d’un an, le droit à l’aide financière peut-être suspendu pour une période de trois mois au maximum.

 

L’aide sociale matérielle, et donc le respect de la dignité humaine, est rendue conditionnelle. Le bénéficiaire de ce type d’aide sociale devra, entre autres, faire la preuve de sa disponibilité au travail et se voir proposer l’acceptation et le suivi d’un projet individualisé d’intégration sociale.

 

Il s’agit de la première disposition qui introduit des sanctions dans la loi organique. L’article premier qui dispose que toute personne a droit à l’aide sociale afin de lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine est, à tout le moins, mis à mal.

 

 

 


2.4.     La notion de contrat

 

L’idée de contractualiser l’aide sociale a été fortement critiquée par différents observateurs. Le Conseil d’Etat et certains députés ont également émis quelques réserves à l’utilisation de la notion de contrat.

 

Jean-François Funck rappelle que dans sa signification commune, le contrat est défini comme étant un accord entre personnes juridiques en vue de modifier ou d’éteindre des droits ou des obligations. (…) Le concept de contrat présuppose que tous les êtres dotés de la personnalité juridique sont égaux entre eux et libres de s’engager. Contracter consiste donc en un engagement volontaire vis-à-vis d’autrui à respecter des obligations déterminées.[38]

 

Le Conseil d’Etat a manifesté des réserves par rapport à l’utilisation du terme contrat, mais également par rapport à la possibilité de soumettre l’octroi de l’aide sociale à un contrat.

 

A propos du projet déposé par Miet Smet en 1992, qui visait à utiliser le contrat comme un moyen de guidance sociale dans le cadre de l’aide sociale ordinaire[39], le Conseil d’Etat déclarait :

 

L’intention est que le demandeur s’engage activement dans la procédure et prenne certains engagements. L’exposé des motifs indique à ce sujet qu’il est possible de « contractualiser l’aide sociale » (…)Le Conseil d’Etat rappelle que le droit à l’aide sociale est un droit subjectif, exigible même sans aucune contrepartie. (…) Et qu’au contraire, le texte proposé semble assimiler les accords conclus à un engagement de droit civil. L’article 1er de la loi étant toutefois maintenu tel quel, les engagements de la personne demandant l’aide sociale ne sauraient revêtir d’autre valeur que celle d’un engagement moral.[40]

 

 

 

 

 

Lors de son analyse du projet déposé par Laurette Onkelinx lorsqu’elle était députée, le Conseil d’Etat a répété que le terme contrat ne pouvait concerner que des engagements moraux et que le terme d’accord ou d’arrangement serait plus adéquat que celui de contrat.

 

Par ailleurs un parlementaire a mis, à l’occasion du dépôt d’un amendement, le caractère contraint du contrat en évidence. Il déclarait : Un contrat dont la signature ne pourrait être que contrainte en raison de la situation d’indigence des bénéficiaires serait nul dans tout autre domaine de notre législation.[41]

 


 

2.5.                     La mise au travail comme projet individuel dans le cadre d’un contrat d’intégration sociale

 

 

Le premier avant-projet de loi soumis au Conseil d'Etat parle de travail occasionnel[42] exercé dans le cadre du contrat contenant un projet individualisé d’intégration sociale. Ce travail devra être presté au sein des services du C.P.A.S. ou d'un service ou établissement conventionné avec le C.P.A.S. en application de l'article 6 de la loi organique.

Si ce terme est supprimé dès le deuxième avant-projet de loi[43], l'idée d'un travail occasionnel reste présente dans l'esprit de la Ministre. En effet, lors de l'exposé introductif de son projet à la Chambre, elle rappelle que le C.P.A.S. pourra encourager cette intégration notamment par l'octroi d'aides complémentaires et que la réglementation actuelle prévoit une immunisation spécifique des revenus du travail ou de la formation[44].

 

Par ailleurs, lorsque le contrat prévoit la mise au travail à titre d’essai, pour une brève période ou à titre occasionnel, le contrat énonce la nature et les modalités de l’aide sociale complémentaire octroyée éventuellement à titre d’encouragement au travail ; il prévoit les modalités de formation mise en œuvre au cours de ce travail ; il veille pour le moins à ce que le bénéficiaire dispose des vêtements spécifiques de travail, de la prise en charge de ses frais de déplacement et de la couverture par les assurances adéquates, notamment contre les accidents du travail.[45]

 

La contractualisation de l’aide sociale introduit donc dans le champ de l’aide sociale une nouvelle forme de mise au travail. Une mise au travail qui dans un objectif déclaré d’intégration sociale fait fi de la législation du travail et en revient aux pratiques des Commissions d’Assistance Publique, pratiques qui avaient été « légalisées » par l’instauration, en 1976, de l’article 60 § 7 de la loi organique. Rappelons que le Ministre compétent de l’époque avait laissé sous-entendre que l’article 60 § 7 devait permettre un respect plus grand de l’application des règles de sécurité sociale lors d’une mise au travail.

 

Cette nouvelle possibilité de mise au travail a entraîné des pratiques différentes parmi les C.P.A.S. Certains l’utilise pour de courte durée, d’autres utilisent cette forme de mise au travail pour des périodes de plusieurs mois.


3.         Evolution jusqu’en 1999

 

L’évolution principale qui a suivi la contractualisation de l’aide sociale est l’activation, à travers un subventionnement plus élevé, du dispositif « article 61 ».

 

La loi du 22 février 1998 portant des dispositions sociales[46]

 

Le paragraphe 4 de l'article 18 de la loi de 1974 est complété en vue de préciser qu'une subvention reste due au C.P.A.S. lorsque le centre conclut pour un bénéficiaire du minimex une convention en matière de mise au travail avec une entreprise privée.[47] Cette subvention devra servir à l'encadrement dans l'entreprise ou au sein du C.P.A.S. et à la formation des bénéficiaires.

L’arrêté royal du 16 avril 1998[48] précise la nouvelle forme de mise au travail possible via l’article 61.

 

Objet

 

Une subvention est due au C.P.A.S. lorsque, une convention en matière de mise au travail, est conclue entre le C.P.A.S. et une entreprise privée en application de l’article 61 et qu’elle a pour objet d’engager un bénéficiaire du minimex dans les liens d’un contrat de travail dans un régime au moins à mi-temps et pour une durée minimale d’un mois.

 

La convention

 

La convention entre l’entreprise privée et le C.P.A.S. doit contenir :

-         les modalités de l’encadrement et/ou de la formation qui aura lieu ;

-         l’identité des personnes chargées de l’encadrement et/ou de la formation ;

-         les modalités de l’évaluation.

Par ailleurs, la convention fixe le montant mensuel des frais d’encadrement et/ou de formation pris en charge par le centre.

 

 

Modalité

 

Le C.P.A.S. doit préalablement à une mise au travail dans le cadre de l’article 61 familiariser ou refamiliariser la personne avec les contraintes liées à une mise au travail.

Durant la mise au travail, le C.P.A.S. doit encadrer la personne. Cet encadrement consiste au suivi et à l’évaluation de la personne mise au travail.

 

 

La subvention

 

La subvention est destinée aux frais d’encadrement et/ou de formation. Son montant maximum est fixé à 10 000 francs par mois complet de travail à temps plein.

La subvention est due pour une durée maximale d’un an et peut être étalée sur deux ans si des contrats successifs ont été conclus pour la même personne.

 

Cet encouragement de la mise au travail via l’article 61 est à nos yeux un pas vers la privatisation de l’aide sociale. En effet, les modalités de cette mise au travail subventionnée par l’Etat fédéral ressemblent fort à l’intérim d’insertion[49]. Toutefois, on ne peut pas encore parler d’une privatisation au sens strict puisque la personne mise au travail reste encadrée par un agent du C.P.A.S., mais le processus est amorcé.

 

Toutefois, ce type de mise au travail a été peu utilisé pour mettre des personnes au travail. En janvier 1999, seul 4 personnes travaillaient, en Région Bruxelloise, dans le cadre de l’article 61.[50]


 LA VOIE VERS LE XXIe SIECLE

 

 

 

Suite aux élections du 13 juin 1999, un gouvernement « arc-en-ciel » composé des libéraux, des socialistes et des verts s’est constitué. Leur accord de gouvernement, nommé « la voie vers le XXIe siècle », annonce les politiques qui seront, notamment, mises en œuvre en matière d’aide sociale.

Parmi les treize points de l’accord, deux abordent la question de l’aide octroyée par les C.P.A.S.

 

Le point huit[51], dénommé une sécurité sociale moderne indique dans sa partie Politique en matière de pauvreté :

Notre pays compte plus de 80.000 minimexés dont près de la moitié a moins de 35 ans. La meilleure forme d’émancipation sociale est son intégration sur le marché du travail. Ce point constitue la priorité du gouvernement dans la lutte contre la pauvreté. A cet effet, il conviendra notamment d’appliquer également l’activation des allocations de chômage au minimex. Les instruments existants pour aider les minimexés à trouver un emploi continueront d’être développés, notamment par l’augmentation de l’intervention de l’Etat en cas d’emploi.

 

Le point neuf[52], dénommé l’Etat social actif indique :

Le Gouvernement a la ferme volonté de développer en Belgique un Etat social actif. Dans le passé, l’accent a été trop souvent mis sur une approche négative. La paupérisation et l’insécurité sociale étaient surtout combattues par des allocations de chômage et de C.P.A.S. (…) L’Etat social actif investit dans les gens, la formation, l’emploi et pas seulement uniquement dans les allocations. (…) Concrètement, le gouvernement veut mener une politique active de formation et d’emploi visant à augmenter le taux d’activité.

 

 

 

 

 

 

Parmi les sept mesures destinées à augmenter le taux d’activité la sixième[53] concerne plus particulièrement les personnes ayant droit au minimex. En effet, elle indique :

Une attention particulière sera accordée à l’intégration sur le marché du travail des chômeurs de longue durée, des bénéficiaires du minimex et de tous ceux qui courent le risque de tomber dans cette catégorie. Par une activation plus rapide des dépenses de chômage et des allocations de minimex, l’embauche de ces groupes cibles sera facilitée.

 

Dans le cadre de l’accord de gouvernement, le parlement a décidé de changer la dénomination des C.P.A.S. De son côté le Ministre de l’Intégration sociale a fait une série de propositions inscrites dans le « Programme Printemps ». Par ailleurs un projet de réforme du minimex a été adopté 7 septembre 2001 par le gouvernement.


1.      Le Centre Public d’Action Sociale

 

Le 4 octobre 1999, Colette Burgeon[54] dépose une proposition de loi visant à modifier la dénomination des centres publics d’aide sociale.[55]. La proposition, déjà déposée précédemment[56], vise à remplacer l’appellation centre public d’aide sociale par celle de centre public d’action sociale.

 

D’après la députée ce nouveau vocable rend mieux compte de la réalité et conférerait aux institutions publiques locales une reconnaissance de l’action dynamique jouée par les C.P.A.S. dans la lutte contre l’exclusion sociale et pour la réinsertion des personnes en difficulté.[57]

 

Par ailleurs, C. Burgeon explique que les C.P.A.S. ont souhaité dépasser le cadre des missions qui leur étaient imposées par la loi du 7 août 1974 instituant le droit au minimum de moyens d’existence, en privilégiant, au travers de leurs actions, l’aspect préventif. C’est ainsi que parallèlement à l’octroi strictement passif du minimex ou de l’aide sociale, la plupart des C.P.A.S. ont créé, en leur sein, des cellules et services spécifiquement attachés au traitement des situations particulières.[58]

 

L’auteur de cette proposition semble oublier que les missions confiées aux C.P.A.S. le sont en vertu de la loi organique de 1976. L’octroi du minimex n’a toujours été qu’un moyen parmi d’autres pour permettre à chaque personne de mener une vie conforme à la dignité humaine. De plus la loi de 1976 offre la possibilité aux C.P.A.S. d’utiliser la méthode de travail social la plus adaptée (travail individuel, collectif ou communautaire) et permet aux C.P.A.S. de créer l’ensemble des services qu’ils jugent nécessaires pour améliorer le bien-être local. Les C.P.A.S. ont donc toujours été encouragés à prendre des initiatives, à être actifs.

 

Toutefois, cette proposition n’entraîne aucune objection et sera votée à une large majorité. Nous évoluons donc depuis 1925 de l’usager assisté à l’usager activé en étant passé par l’usager aidé.


2.      Le Programme Printemps[59]

 

Le 22 mars 2000, le gouvernement a adopté une note appelée « Programme Printemps : Trocque l’aide pour un boulot ». Cette note vise à concrétiser la volonté de transformation de l’Etat Social en un Etat social actif.

Ce programme se donne pour but de diminuer le nombre de bénéficiaires du minimum de moyens d’existence et d’aide financière en offrant à la fois plus de protection sociale et plus d’emploi. Quatre objectifs opérationnels doivent permettre d’atteindre ce but.

Le premier objectif vise, sous le titre de l’assistance au droit, à diminuer le nombre d’octrois du minimex comme complément aux prestations de sécurité sociale. Pour ce faire les allocations d’attente pour les chômeurs de plus de 21 ans et le revenu garanti aux personnes âgées seront revus à la hausse.

Resserrer les mailles du filet est le second objectif que se fixe le gouvernement pour diminuer le nombre des personnes aidées par le C.P.A.S. Il s’agira de prendre des mesures concernant les avances sur les prestations de sécurité sociale et d’autres mesures concernant les sanctions administratives prises à l’égard des chômeurs.

Sous le titre l’Etat social actif, le gouvernement s’engage à prendre des mesures visant à activer les minimexés.

Le dernier objectif est en réalité un accord visant à examiner au cours de la seconde moitié de la législature la possibilité d’augmenter le minimex.

 

Nous n’examinerons ici que les mesures visant à activer les minimexés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


2.1.     La mise au travail dans le cadre de l’article 60 § 7

 

Dans le cadre du Programme Printemps l’article 60 § 7 a été modifié[60]. Lorsqu’une personne doit justifier d’une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales ou afin de favoriser l’expérience professionnelle de l’intéressé, le centre public d’aide sociale prend toutes les dispositions de nature à lui procurer un emploi à temps plein ou à temps partiel. Le cas échéant, il fournit cette forme d’aide sociale en agissant lui-même comme employeur pour la période visée.[61]

 

2.1.1.            L’objectif

 

C’est donc l’objectif déclaré de cette forme de mise au travail qui changerait. Alors qu’auparavant il s’agissait de permettre aux bénéficiaires d’une mise au travail de prétendre aux allocations de chômage, l’acquisition d’une expérience professionnelle devient l’objectif premier.

 

En réalité, l’objectif d’acquisition d’une expérience professionnelle était déjà attribué depuis plusieurs années à la mise au travail.

 

En effet, il y a quelques années, s’exprimant dans une revue un assistant social du service insertion professionnelle d’une grande commune de Wallonie expliquait : Avant le développement des projets d’insertion, ces contrats (art. 60 § 7) étaient essentiellement attribués aux bénéficiaires auxquels il manquait peu de jours ou de mois de travail pour accéder au statut de chômeur complet indemnisé. Il ajoutait que la période de contrat doit être considérée essentiellement comme une période de formation, d’adaptation progressive au milieu de travail, d’apprentissage technique permettant l’acquisition de l’autonomie nécessaire dans le métier choisi.

Depuis, les choses ont changé, les contrats de longue durée se sont multipliés, et les C.P.A.S., en principe, se sont engagés dans une démarche qui dépasse de loin le simple accès aux allocations de chômage.[62]

 

 

 

 

Dans le même sens, Miet Smet déclarait à l’époque où elle était Secrétaire d’Etat à l’Emancipation sociale: Il semble utile de confirmer[63] que le centre peut employer une personne aidée, dans d’autres cas que lorsque la personne doit justifier d’une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de certaines allocations sociales. Ceci correspond en effet à une pratique quotidienne des C.P.A.S., qui peut constituer une partie importante de l’aide accordée : on pourrait parler d’une mise au travail « pédagogique » qui peut donner à l’intéressé l’occasion de s’adapter au rythme et aux horaires de travail, etc.[64]

 

On le voit, l’objectif de l’article 60 § 7 est, depuis qu’il est utilisé avec une plus grande fréquence, double : l’accès aux allocations de chômage d’une part et la réinsertion de l’autre.

 

2.1.2.  Vers plus de flexibilité

 

Depuis le Programme Printemps, l’article 60 connaît plutôt une évolution vers la flexibilité. Miet Smet déclarait, il y a une dizaine d’années, qu’afin d’éviter les abus, la durée maximale de l’engagement est (…)la période requise pour bénéficier d’une allocation de chômage.[65]

Dans le cadre du Programme Printemps, les possibilités d’engagement ont été revues. Le C.P.A.S. peut engager les personnes pour une courte durée ou pour une durée indéterminée et dans le cadre d’un contrat à temps plein ou à temps partiel.

Toutefois, si le C.P.A.S. veut bénéficier des subventions de l’Etat fédéral, il devra se soumettre à certaines conditions qui limitent partiellement cette flexibilité. Dans le cas d’une mise au travail à temps partiel, le subside est, par exemple, limité à une durée de six mois non renouvelables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.1.3.  Mise à disposition

 

Auparavant le C.P.A.S. pouvait mettre des personnes mises au travail à disposition :

-         des communes ;

-         des ASBL ou intercommunales à caractère social, culturel ou écologique ;

-         des Associations à finalité sociale ;

-         d’autres C.P.A.S. ;

-         d’un hôpital public.

 

Dans une brochure[66] publiée avec l’appui du Secrétaire d’Etat à l’Intégration Sociale, il est expliqué que la limitation à ce type d’organismes a pour but d’éviter de faire de l’article 60 § 7 un instrument permettant de fournir de la main-d’œuvre  bon marché à des initiatives commerciales.

 

Dans le cadre du Programme Printemps, les possibilités de mise à disposition des personnes mises au travail dans le cadre de l’article 60 § 7 par le C.P.A.S. sont élargies à deux types d’employeurs :

-         les initiatives d’économie sociale ;

-         les partenaires qui ont conclu une convention avec le C.P.A.S. sur base de la loi organique.

L’ouverture à ce nouveau type d’employeur est en définitive une ouverture à tous les employeurs potentiels. Même les entreprises privées, définies comme toute personne physique ou morale de droit privé dont l’activité poursuit un but de lucre, pourront bénéficier de personnes mises au travail par le C.P.A.S.[67]

 

Cette ouverture aux entreprises privées amène Alexandre Lesiw à constater que dès lors que la loi autorise des mises à disposition de personnes engagées dans le cadre de l’article 60 § 7 dans le secteur privé, sans limite de durée d’activité, cela va concurrencer les contrats négociés avec les entreprises privées dans le cadre de l’article 61.[68] Depuis des limites à la durée de la mise à disposition ont été prises et l’article 61 reste un dispositif qui peut être utilisé par les C.P.A.S. [69]

 


2.2.     L'intérim d'insertion

 

Dans le cadre du Programme Printemps, le gouvernement a fait appel aux entreprises d'intérim pour favoriser l'insertion professionnelle durable sur le marché du travail des minimexés, de certains bénéficiaires d'une aide sociale financière[70] et des chômeurs de longue durée.

 

Les travaux parlementaires ne sont pas riches en commentaires et en réflexions par rapport à l’intérim d’insertion. Le rapport fait au nom de la commission des affaires sociales[71] indique à propos de l’article[72] instaurant le principe de l’intérim d’insertion : Cet article ne donne lieu à aucune discussion et est adopté par 9 voix contre 6.

A en croire la presse, les débats se seraient plutôt passés au sein du Conseil des Ministres. Le Soir du 23 mars 2000 indiquait qu’à la demande des ministres écolos, le projet « intérim d’insertion » a été transmis au Conseil national du travail (CNT). Les ministres l’examineront après avis des partenaires sociaux.

 

 

Fonctionnement de l’intérim d’insertion

 

L’objectif de l’intérim d’insertion est de contribuer, par le biais du travail intérimaire, à l’insertion professionnelle durable sur le marché du travail de bénéficiaires d’allocations sociales. Un encadrement spécifique, une expérience de travail et une formation adéquate devront permettre aux personnes mises au travail d’augmenter leurs chances de s’insérer dans le marché du travail.

 

Toute personne ayant droit au minimex ou à l’aide sociale équivalente (à condition d’être inscrite au registre de la population) peut être mise au travail dans le cadre de l’intérim d’insertion.

 

 

 

 

 

Le groupe cible visé n’est donc pas celui qui a nécessairement besoin d’un encadrement spécifique, d’une expérience de travail et d’une formation adéquate. En effet, est-on persuadé que l’étudiant minimexé, qui termine ses études a besoin d’une mise au travail pour s’insérer dans le marché de l’emploi ? Ne serait-ce pas plutôt une main-d’œuvre classique des agences d’intérim, mais à un coût moins élevé ?

Il est prévu que les agences d’intérim peuvent engager des personnes qui ont été minimexées dans les 40 jours qui précèdent leur engagement. Cette disposition doit permettre aux agences d’intérim de proposer une mission d’un mois aux personnes qui pourraient être mises au travail dans le cadre de l’intérim d’insertion. Cela augmente probablement les risques d’effet d’aubaine. Il n’est pas inimaginable qu’une personne travaillant déjà occasionnellement pour une agence d’intérim soit mise au travail dans le cadre de l’intérim d’insertion. R. Cherenti ne fait-il d’ailleurs pas état de son étonnement d’avoir constaté que certaines agences d’intérim demandaient aux C.P.A.S. (qui quelquefois y répondent) un listing de leurs bénéficiaires afin de pouvoir, sur base de ce listing, sélectionner les personnes susceptibles de les intéresser.[73]

Enfin notons qu’une personne mise au travail dans le cadre d’un article 60 § 7, peut également se voir proposer l’intérim d’insertion. Ces deux dispositifs ayant des objectifs similaires on peut s’étonner du passage organisé de l’un à l’autre.

 

Pour pouvoir bénéficier de personnes mises au travail, la société de travail intérimaire doit signer un accord-cadre avec le Ministre ayant l’intégration sociale dans ses attributions.

 

Cet accord-cadre prévoit :

 

-         le nombre et le rythme d’engagements des bénéficiaires du minimex et de l’aide sociale financière ;

-         les modalités de sélection des candidats par le C.P.A.S. et par l’entreprise de travail intérimaire ;

-         la possibilité de proposer une mission d’intérim d’une durée maximale d’un mois avant la signature du contrat à durée indéterminée ;

-         l’obligation de déterminer la nature des missions et leurs conditions d’exécution dans le contrat de travail ;

-         les modalités de financement prévues par la réglementation (activation et prime de tutorat) ;

-         l’obligation de négocier avec le C.P.A.S. un programme d’insertion professionnelle pour chaque candidat ;

-         l’engagement, par les entreprises de travail intérimaire d’organiser et de prendre en charge le coût du transport des personnes engagées, par les moyens qu’elles jugent opportuns, lorsque cela s’avère nécessaire à la réalisation du contrat de travail ;

-         la garantie du droit au travail durant une période de référence de 24 mois ininterrompus ;

-         les possibilités pour mettre fin au contrat de travail ;

-         les modalités d’évaluation de l’accord-cadre.

 

Un subside de 20.000 francs est octroyé à l’entreprise de travail intérimaire durant une période de 24 mois, lorsqu’elle met une personne au travail. L’entreprise doit engager la personne dans le cadre d’un contrat de travail écrit. L’engagement doit être conclu pour un temps plein à durée indéterminée.

 

Une prime de tutorat peut également être octroyée aux entreprises de travail intérimaire qui ont signé une convention individuelle avec le C.P.A.S. Cette prime doit couvrir les frais d’encadrement et/ou de formation et est octroyée par le C.P.A.S. pendant une période de 12 mois.

 

Les candidats à la mise au travail sont présélectionnés par le C.P.A.S. Cette présélection se fait sur base volontaire et en tenant compte de l’aptitude au travail des candidats. Notons qu’il n’est nulle part défini ce que le législateur entend par l’aptitude au travail. Le risque existe, s’il s’agit pour le C.P.A.S. de présélectionner un panel de candidats n’ayant pas besoin d’un suivi particulier pour réintégrer le monde du travail, que le dispositif de l’intérim d’insertion devienne un simple subside aux entreprises de travail intérimaire.

L’entreprise de travail intérimaire sélectionne un candidat parmi ceux proposés par le C.P.A.S.

Une fois le contrat signé, si le travailleur quitte son emploi volontairement, il n’aura pas droit au minimex.[74]

 


3.      Le revenu d’intégration

 

Dans sa déclaration de politique fédérale[75] faite le 17 octobre 2000, le Premier ministre annonce que le régime du minimum de moyens d’existence sera modernisé et amélioré tant au niveau du contenu que sur le plan administratif, juridique et financier.

 

Dans le courant du mois de mai 2001, le Ministre compétent explique le projet concernant le droit à l’intégration sociale qu’il va soumettre au gouvernement. Il souhaitait que son projet soit adopté au Conseil des Ministres du 19 juillet 2001. Toutefois comme l’indiquait le journal Le Soir : Mercredi matin (18 juillet 2001), en conseil des ministres restreint (le « kern »), Isabelle Durant, la vice-Première Ecolo, a bloqué le projet de réforme du minimex déposé par le vice-Premier SP, Johan Vande Lanotte, ministre du Budget et de l'Intégration sociale. Un « intercabinets » a été convoqué l'après-midi. Les verts n'ayant pas desserré le frein, le point inscrit au programme du conseil des ministres de ce jeudi a été reporté après l'été.[76]

 

La proposition a été amendée et adoptée par le gouvernement le 7 septembre 2001. Nous ne l’analyserons pas ici.

 

Nous noterons juste les positions défendues par le P.S. et par Ecolo en matière de minimex et d’aide sociale avant que le projet de réforme du minimex ne soit rendu public.

 

Les prises de positions par rapport à la réforme du minimex

 

Concernant le débat qui entoure la réforme annoncée du minimex, deux partis francophones ont mis en avant leurs priorités.

 

A la veille du premier mai, Ecolo fait connaître 5 exigences et 25 propositions visant à améliorer le pouvoir d’achat et la qualité de la vie pour tous. La proposition 6 concerne particulièrement l’insertion des minimexés. Ecolo propose d’élargir et mieux rémunérer les contrats d’insertion des titulaires du minimex. La contractualisation de l’aide sociale, contestée par Ecolo en 1993, fait donc aujourd’hui l’unanimité. Seules les modalités continuent à faire débat.

 


Le Parti Socialiste, quant à lui, a une longueur d’avance. Acquis de longue date à la contractualisation de l’aide sociale, il propose d’utiliser le minimex comme outil d’intégration sociale et d’émancipation.[77] Pour ce faire, il émet plusieurs propositions :

 

Le minimex et les jeunes

 

Pour le PS, il y a lieu de distinguer les étudiants bénéficiaires du minimex d’une part et les autres jeunes susceptibles d’une intégration professionnelle rapide ou à défaut, pour y arriver, ceux qui doivent participer d’une remise à niveau, d’une formation.

 

Considérant que les études constituent la meilleure voie d’intégration socio-professionnelle, le PS propose que la subvention de l’Etat soit élevée à 90 % du minimex pendant toute la durée des études.

 

Pour les autres jeunes, le minimex doit être utilisé comme un véritable tremplin en vue d’une intégration socio-professionnelle et d’une émancipation. A cette fin il y a lieu de proposer un emploi à tous ceux qui sont susceptibles de travailler.[78]

 

Concrètement le PS propose d’encourager le contrat d’intégration pour tous les bénéficiaires, quel que soit leur âge par une intervention majorée de l’Etat de 20% supplémentaire, soit 90% durant les six premiers mois.

 

Il semble donc que l’emploi à proposer à tous ceux qui sont susceptibles de travailler soit en réalité une mise au travail dans le cadre du contrat d’intégration telle que nous l’avons abordée plus haut.

 

Exonération des revenus de l’intégration

 

Le PS propose de faire une distinction entre les revenus issus de la formation et ceux issus d’un emploi. Actuellement ces deux types de revenus sont exonérés conformément à l’article 23 bis de l’arrêté royal du 30 octobre 1974. La proposition faite est d’ajouter les revenus issus d’une formation à la liste des montants immunisés.[79] L’objectif de cette proposition est de motiver la personne en recherche d’insertion en lui permettant de profiter par la suite, en cours d’emploi, de l’article 23 bis.

Sanctions

 

En matière de sanctions, le PS propose de remplacer la sanction de la suspension par une diminution temporaire et partielle du minimex. L’objectif est qu’il y ait une plus juste proportionnalité entre le non-respect de l’obligation et la sanction.

 

Conclusion

 

Voilà une analyse de l’évolution de la législation de l’aide sociale qui doit nous aider dans notre combat contre le revenu d’intégration



[1]  Cité par J. RENSON, La réforme de la bienfaisance publique : Commentaire pratique de la loi organique de l’Assistance publique du 10 mars 1925, Liège, Ed. Georges Thone, 1935 p 249.

[2] Loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence (M.B. 18 septembre 1974)

[3] Loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale (M.B. 5 août 1976)

[4] La loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d’aide sociale est également importante. Toutefois elle ne sera pas traité ici car elle n’a pas d’influence directe sur la relation entre travail et pauvreté.

[5] voy. Proposition de loi tendant à instaurer un droit à l'aide sociale, Doc. Parl., Sénat., sess. 1969-1970, n°131.

[6] Doc. parl., Sénat, 1969-70, n°131, p.5.

[7] voy. Proposition de loi instaurant un droit à l'aide sociale destiné à garantir un minimum socio-vital, Doc. Parl., Sénat., session. extraordinaire 1974, n°42/1.

[8] Doc. Parl., Sénat., session. extraordinaire 1974, n°42/1 p. 9.

[9] Sous un gouvernement Tindemans de coalition C.V.P.-P.S.C.-P.L.P.-P.V.V.-R.W.

[10] Notons que sous l’effet de la jurisprudence s’est développé un droit à l’aide sociale équivalente au minimex pour les étrangers en ordre de séjour. Par ailleurs, l’actuel Ministre de l’Intégration Sociale souhaite étendre le droit au minimex aux étrangers inscrits au registre de la population.

[11] Certains mineurs (émancipé par le mariage, ayant un ou plusieurs enfants à charge, enceinte) ont également droit au minimex.

[12] Doc. Parl., Chambre, 1974, n°192/2 p 9.

[13]Union des Villes et Communes belges Section "Aide sociale", Le droit à un minimum de moyens d'existence, 1978.

[14] Trib. Trav., Dinant, 2-5-1978 et Trib. Trav., Tournai, 14-3-1978.

[15] M.B. 25 janvier 1984

[16] Arrêté royal du 30 octobre 1974 portant règlement général en matière de minimum de moyens d’existence (M.B. 19 novembre 1974)

[17] Arrêté royal du 29 mai 1990 modifiant l’arrêté royal du 30 octobre 1974 portant règlement général en matière de minimum de moyens d’existence. (M.B. 30 juin 1990)

[18] Plus tard la Constitution a repris ce principe fondamental en son article 23 qui indique : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la  dignité humaine ».

 

[19] L'A.R. du 12 décembre 1996 (M.B., 10 janvier 1997)

[20] Notons qu'une précédente proposition de loi, discutée le 16 mai 1974 au Sénat et visant la création des centres d'aide sociale, prévoyait déjà en son article 49 que lorsque les intéressés doivent justifier d'une période de travail pour obtenir le bénéfice complet de ladite affiliation, le centre d'aide sociale prend toutes dispositions de nature à leur procurer un emploi.

[21] voy. Rapport fait au nom de la commission de la santé publique et de la famille par M. Verbist, Doc. Parl., Sénat., sess. ord. 1974- 1975, n°581/2, pp. 116

[22] BERGER, J.M., 1985, L’insertion socioprofessionnelle de personnes aidées par les Centres Publics d’Aide Sociale. Le Mouvement communal, n°2 : 76-85

[23] Doc. Parl., Chambre., session. ordinaire 1990-91, n°1574/1.

[24] M.B. 8 octobre 1992

[25] La Ministre de l'époque était Miet Smet (CVP)

[26] Doc. Parl., Chambre, 1990-91, n°1734/1 p 6-7.

[27] Pour rappel, cet article prévoit que le C.P.A.S. assure en respectant le libre choix de l’intéressé, la guidance psycho-sociale, morale ou éducative nécessaire à la personne aidée pour lui permettre de vaincre elle-même progressivement ses difficultés.

[28] Doc. Parl., Chambre, 1990-91, n°1734/1 p 19.

[29] ibid.

[30] M.B., 4 février 1993

[31] voy. Projet de loi contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire, Doc. Parl., Ch. Repr., sess. Extr. 1991-1992, n°630/1.

[32] La Ministre de l'époque était Laurette Onkelinx (P.S.)

[33] Doc. parl., Chambre, 1991-92, n°630/1, p.8.

[34] Doc. parl., Sénat, 1992-93, n°546/2, p.5 .

[35] Dans un article publié 1985 dans la revue du Mouvement Communal, le Secrétaire du C.P.A.S. de Charleroi constate que les C.P.A.S. aident un nombre croissant de jeunes sans espoir d’emploi. Il pose la question : Que fait le C.P.A.S. afin d’éviter que le minimex, la pension à 20 ans, soit la seule solution ?

voy. Projet de loi contenant un programme d’urgence pour une société plus solidaire, exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. Repr., sess. Extr. 1991-1992, n°630/1.

[36] « Enquête sur l’accroissement du nombre des demandes en vue de l’obtention du minimex »Mouvement communal, n°6-7, 1995, pp 375-380

 

[37] Article 6, § 2 de la loi du 7 août 1974

[38] FUNCK J.-F., Minimex et projet individualisé d'intégration sociale, Journal du droit des jeunes, n°124, avril 1993, pp. 3-7.

[39] Nous appelons aide sociale ordinaire l’aide prévue dans la loi organique des C.P.A.S.

[40] Doc. parl., Chambre, 1990-91, n°1734/1, p.82.

[41] Amendement de M. Snappe, Doc. Parl., Sénat, n°546-4 (1992-93)

[42] Doc. Parl., Chambre, 1991-92, n°630/1 p 18.

[43] Doc. Parl., Chambre, 1991-92, n°630/1 p 30.

[44] Doc. Parl., Chambre, 1991-92, n°630/5 p 18.

[45] Article 7 de l’arrêté royal du 24 mars 1993 fixant les conditions minimales et les modalités auxquelles doivent répondre les contrats contenant un projet individualisé d’intégration sociale.

[46] M.B. 3 mars 1998

[47] Cette mise au travail doit se faire en application de l'article 61 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'aide sociale.

[48] Arrêté royal du 16 avril 1998 portant fixation du montant, des conditions, de la durée et des modalités de la subvention visée à l’article 18, § 4 alinéa 2, de la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence. (M.B. 01.05.1998)

[49] L’intérim d’insertion est une nouvelle disposition prise par l’actuel gouvernement. Nous y reviendrons plus largement dans la troisième partie.

[50] Secrétaire d’Etat à l’intégration sociale : Note concernant le nombre de mises au travail des minimexés en janvier 1999

[51] Accord de gouvernement, 1999, La voie vers le XXIe siècle. p25.

[52] Ibidem  p16.

[53] Ibidem p18.

[54] Députée PS

[55] voy. Proposition de loi modifiant la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale en vue de modifier la dénomination des centres publics d’aide sociale, Doc. Parl., Chambre., sess. extr. 1999, n°114/1

[56] voy. Proposition de loi modifiant la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale en vue de modifier la dénomination des centres publics d’aide sociale, Doc. Parl., Chambre., sess. 1996-1997, n°1088/1

[57] voy. Proposition de loi modifiant la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale en vue de modifier la dénomination des centres publics d’aide sociale, Doc. Parl., Chambre., sess. extr. 1999, n°114/1 p3.

[58] Ibidem p 1-2

[59] Note aux membres du Conseil des Ministres, objet : Programme Printemps : Trocque l’aide pour un boulot p62.

[60] Loi du 24 décembre 1999 portant des dispositions sociales et diverses (M.B. 31 décembre 1999 (Ed.3))

[61] Les changements sont en gras.

[62] DUFRASNE L., L’article 60 paragraphe sept, un sac d’embrouilles pas faciles à démêler, Travailler le social, n°14, 1995/96, pp 88-94

[63] Nous nous permettons de mettre certains termes en évidence

[64] Doc. Parl., Chambre, 1990-91, n°1734/1 p 20.

[65] Ibidem p 20.

[66] A. Lesiw, K. Neyt, B. Lietaert, C.P.A.S. et emploi : Guide à destination des travailleurs sociaux de C.P.A.S., U.V.C.B., 1998.

[67] Circulaire de l’administration de l’Intégration sociale, objet : aperçu des mesures du Programme Printemps en vue de stimuler l’occupation des bénéficiaires du minimum de moyens d’existence et d’une aide sociale, page 6.

[68] A. Lesiw, La loi portant des dispositions sociales, C.P.A.S. +  n°2, 2000, pp 24-26.

[69] Notons que l’article 61 a été modifié pour permettre au C.P.A.S. de mettre son personnel contractuel à disposition d’un autre partenaire avec lequel le C.P.A.S. aurait conclu une convention dans le cadre de ses missions sociales.

[70] Les bénéficiaires inscrits au registre de la population.

[71] Doc 50 0756/015

[72] Article 194 de la loi du 12 août 2000 portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses (M.B. 31 août 2000).

[73] R. CHERENTI, Le secret professionnel dans les services d’insertion, C.P.A.S. +, n°3, 2001, p46

[74] Commission de la santé publique, de l’environnement et du renouveau de la société du 6 juin 2001, question de Michèle Gilkinet au ministre de l’intégration sociale sur « l’intérim d’insertion » (n°4840).

[75] Déclaration de politique fédérale du 17 octobre 2000, renforcer davantage la confiance.

[76] Ecolo bloque la réforme du minimex, Le Soir du 19 juillet 2001

[77] Modernisation de la loi Minimex, Note au bureau du Parti, Avril 2001

[78] Ibidem p 23

[79] Article 5 § 2 de la loi de 1974 et modifiée par l’article 12 de l’arrêté royal du 30.10.1974.