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Montdidier août 1918

Le 12 août 1918, le maire de Montdidier, M. Adolphe Havart, revient pour la première fois dans sa ville depuis l’évacuation du 27 mars. De cette découverte d’une des villes martyres du Santerre, il laisse un témoignage bouleversant.

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Montdidier avant la guerre

« Je viens de faire un bien triste pèlerinage. J’ai revu Montdidier, un Montdidier complètement détruit, alors que nous l'avions laissé si beau le 27 Mars dernier. Mais voici dans quelles circonstances, j'ai pu le premier revoir notre pauvre pays, Le capitaine de la Commission régulatrice, qui se tient à Crèvecœur, m'a appris hier que Montdidier est définitivement repris, allait voir ses communications rétablies et qu'il partait le lendemain en auto, en reconnaissance.

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Montdidier avant la guerre

Je ne puis résister à l'idée de revoir notre pays, et après autorisation, il est convenu que je pourrai les accompagner. C'est vers 7 heures du matin que le départ s'effectue. Nous passons Hardivillers, Breteuil, peu endommagés. On répare activement la route nationale Paris-Calais. A droite, le Mesnil Saint-Firmin ne parait pas beaucoup atteint. A Broyes, par contre, les obus ont fait leur oeuvre. De la Ferme de Belle-Assise, plus rien ou peut s'en faut. Nous voici au Mesnil- Saint-Georges. Ici c'est l'image de la dévastation complète. Combien de temps faudra-t-il pour relever les ruines de ce petit village, autrefois si accueillant ?

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Une destruction quasi-totale

Enfin, Montdidier. Spectacle terrifiant. Les arbres, les maisons sont hachées, noircis, brûlées. La Caisse d'Épargne n'offre qu'une façade déchiquetée. L'église Saint-Sépulcre gît à peu de chose près par terre. De ma maison, il ne reste que l'emplacement. Je ne rapporterai pas un seul souvenir, de ce qui fut autrefois mes meubles. La maison de commerce est complètement anéantie. J'ai de la peine à retrouver ce qui fut la maison de mon fils Adolphe. Et partout c'est la même chose. La maison de Baloche : un pan de mur; celle de M. Robert : un tas informe de briques; celle de M. Lécuyer : quelques vestiges rappellent qu'autrefois il y eut là un commerce d'épicerie actif et vivant. Et de tous les côtés. je ne trouve plus que les carcasses, les squelettes de ces maisons pourtant si coquettes auparavant.

Je vais à l'Hôtel de Ville, le seul qui ait encore une forme. Il est pourtant fort mal en point, éventré de partout. Les portes sont encore là et l'escalier de marbre a à peu près résisté. Des papiers gisent partout. Les armoires sont éventrées, les belles cheminées de marbre ont disparu, emportés sans doute pour orner quelque appartement d'officiers aristocrates. La salle des mariages n'existe plus. Je descends, le cœur serré et les larmes aux yeux.

Pauvre Hôtel de Ville te voilà seul, grand blessé avec tout autour de toi, le cadavre des maisons. Compte ce qu'il en reste ! Pas une maison debout, pas un refuge où l'on puisse s'abriter, partout des pierres, des briques, et encore des briques, des pierres.

Je repars à travers ce qui fut les rues de notre ville. La maison bourgeoise de M. Colin, qui domine Saint-Martin, est devenue un vrai nid de mitrailleuses.
Et que ce soit la rue Fernel, la rue Saint-Martin, la rue Frézon, la rue des Tanneries, et combien d'autres, partout j'ai eu le même spectacle devant les yeux.

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La reconstruction

En passant près de la maison Laporte, plombier-zingueur, des soldats me montrent un aviateur français, tombé là avec son appareil. Il est recourbé sur lui-même dans la carlingue. mais on pourrait croire qu'il vole et qu'il regarde en bas. Il y a quelques jours sans doute qu'il est là, les Allemands n'ont pas eu le temps de l'enterrer et les Poilus qui sont là vont faire le nécessaire.

Et voici l'heure du rendez-vous qui approche; il me faut rejoindre la Caisse d'Épargne où je dois retrouver l'auto du capitaine. J’ai hâte maintenant de quitter mon pauvre Montdidier qui n'a plus rien d'une cité où vécurent autrefois des êtres humains, et j'abandonne le cœur gros, ce vaste et morne chantier de démolition.

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La reconstruction

De retour à Crèvecœur, des grappes de Montdidériens sont chez moi, et attendent des nouvelles. Que leur dire, si ce n'est que leurs dernières espérances sont anéanties ? Ah comme on vieillit vite ces jours-là ! »

(Extrait de « Montdidier pendant la Grande Guerre » par Adolphe Havart 1956)