Le 1er septembre 1998.
Plus je revois la scène, plus je lis et relis les explications données par les intervenants pertinents, plus je suis convaincu
que Michael Schumacher s'est lui-même "sorti" du Grand Prix de Belgique, dimanche. Au départ, comme bien des
gens, je me suis posé la question sur une faute éventuelle de David Coulthard, vu la réaction violente et spontanée du
pilote allemand quand il est sorti de sa voiture. Mais la suite des événements tend vraiment à blanchir Coulthard.
D'abord, il est clair que l'écossais jouit d'une excellente réputation dans le Championnat du monde de F1. Jamais au cours de sa carrière on ne l'a vu faire quoi que ce soit de dangereux ou de condamnable vis-à-vis un autre pilote. Au contraire, on a même laissé entendre parfois qu'il était "trop gentil" et qu'il manquait d'agressivité. Or, dimanche, il n'avait aucune raison de changer son comportement. Surtout que son équipe lui avait directement donné l'instruction de ne pas obstruer le passage à Schumacher. Son ralentissement soudain ne peut-il pas être attribué, justement, aux directives de McLaren?
De toute façon, dans les conditions incroyables qui prévalaient à ce moment à Spa-Francorchamps, il était de mise de redoubler de prudence quand venait le temps de passer un adversaire. La première règle élémentaire à suivre, c'était le respect d'une distance raisonnable derrière un concurrent à l'approche des zones de freinage. Et dans le cas qui nous intéresse, cette responsabilité revenait entièrement à Schumacher.
Les pilotes l'ont toujours dit eux-même, lors d'un déluge comme celui de dimanche, la visibilité devient tellement nulle qu'en restant directement derrière une autre voiture, on perd tous les points essentiels de référence visuelle, en particulier ceux qui servent à freiner au bon endroit et au bon moment.
La violente collision Fisichella-Nakano tend d'ailleurs à prouver que Schumacher a probablement été piégé de la même façon que l'Italien. La violence de l'impact, dans les deux cas, a été telle qu'il est évident qu'il n'y a pas eu de tentatives de freinage. La voiture qui était devant était devenue carrément invisible!
Réaction étonnante.
Il est facile de comprendre pourquoi David Coulthard était aussi ébranlé quand Michael Schumacher s'est précipité vers le garage de McLaren, après l'incident. Comment pouvait-il accepter se faire accuser de tentative de meurtre pour un incident dont il n'est pas responsable? Si, visiblement, on avait vu le pilote McLaren sauter sur les freins, on aurait alors été en droit de crier à l'injustice. Mais ce ne fut pas le cas, vraisemblablement.
Le comportement de Schumacher a-t-il été dicté par sa propre frustration vis-à-vis ce dénouement malheureux? Il est possible que ce soit le cas. Les circonstances lui avaient donné sur un plateau d'argent la tête du classement des pilotes, avec trois courses seulement à disputer. Voilà maintenant que l'écart est toujours de 7 points en faveur de Mika Hakkinen, avec deux des trois derniers GP à être disputés sur des pistes favorables à McLaren.
Comme l'a dit Jacques Laffite, après la course de dimanche, "Schumacher a probablement perdu son troisième titre des pilotes" et il a réagi en conséquence.
La limite du raisonnable.
La course de dimanche a aussi mis en relief la notion de sécurité en F1. D'une part, la preuve est maintenant faite que les voitures et
les circuits sont sécuritaires comme jamais auparavant dans l'histoire de la F1. Qu'il n'y ait pas eu de blessures sérieuses, dimanche,
tant chez les pilotes que chez les signaleurs ou les spectateurs, tient tout simplement du miracle.
Par contre, on peut vraiment se poser la question sur la pertinence de poursuivre la course, après que la pluie se soit mise à tomber
avec encore plus de vigueur. Visiblement, plusieurs pensent qu'on a frôlé la catastrophe, à plusieurs reprises.
L'un de ceux-là est Jean Alesi. Pourtant reconnu comme l'un des meilleurs sous la pluie, pourtant récompensé par un podium
inespéré pour lui et son équipe, Alesi a été on ne peut plus clair lors de la conférence de presse d'après-course. "J'ai été étonné de
voir que la course était relancée, après la sortie de la voiture de sécurité. C'était très dangereux sur la piste, surtout qu'il y avait des
voitures garées sur le côté et qu'on était constamment à la limite de l''aqua-plannage'".
Le patron de Benetton, David Richards, allait dans le même sens qu'Alesi. "Tous ces contacts entre les voitures, à cause de la
mauvaise visibilité, devrait nous faire réfléchir sur la sécurité des pilotes. Avec tout ce qui s'est passé aujourd'hui, il faut être
reconnaissant que rien de grave ne soit survenu".
Rubens Barrichello et Alexander Wurz pensent que la course aurait dû reprendre derrière la voiture de sécurité. Jacques Villeneuve,
lui, pense que non. Il y aura assurément beaucoup de matière à discussion d'ici le prochain GP.
9 juillet 1998.
Jacques Villeneuve a intensifié encore davantage sa rivalité avec Michael Schumacher lorsqu'il a déclaré que le
pilote allemand constituait un danger pour les autres compétiteurs sur le circuit.
Jacques Villeneuve:
"Prendre des risques pour soi est une chose, mais mettre la sécurité des autres en danger en prenant ces risques
en est une autre. Je considère que Michael a atteint un seuil qui n'est plus acceptable en ce qui a trait à la
sécurité des autres pilotes."
Ce n'est pas la première fois que la conduite de Schumacher est critiquée...En effet, il y a quelques semaines, son incident aux dépends de Frentzen avait soulevé de vives controverses dans le monde de la F1. Pour remonter plus loin, sa sortie de piste lors de la toute dernière épreuve l'an dernier lui avait assuré la perte de la totalité de ses points durant la saison, alors que Villeneuve se sauvait avec le championnat des pilotes.
On s'attend maintenant à ce que Schumacher, champion en 1994 et 1995, réplique sous peu aux propos de Villeneuve, question de renverser la vapeur avant de mettre les gaz sur en fin de semaine.
Quant à Jacques Villeneuve, qui n'a pas terminé dans les trois premiers au cours des huit premières courses et qui est déjà éliminé de la course à la première position, il ne cache pas qu'il préférerait quelqu'un d'autre que Schumacher pour lui ravir son titre.
Jacques Villeneuve:
"Michael possède déjà deux titres, ce serait bien si un autre pilote finisse en tête cette année..."
Mika Hakkinen possède 6 points d'avance sur Michael Schumacher, qui en possède lui-même 14 sur l'autre pilote de McLaren, David Coulthard.
Le 28 mars 1998.
La FIA avait mis Ferrari au défi, la Scuderia a agi en conséquence. Avant même que ne débute les premiers essais du Grand Prix du Brésil, l'écurie italienne a rallié à sa cause quatre autres équipes (Sauber, Minardi, Arrows et Tyrrell) et des plaintes officielles ont été déposées auprès de la Fédération contre l'utilisation des systèmes électroniques d'assistance au freinage. Sauf que cette fois, il n'y pas que McLaren qui est visé, mais Williams et Jordan aussi. Que cache cette intervention officielle? Un élan de purisme ou un esprit de mauvais joueur?
Incapables de développer la même chose?
En fait, plusieurs commencent à penser que Ferrari (avec ses alliés) tente le tout pour le tout simplement parce qu'elle est incapable
de développer un système semblable à McLaren. Cela m'apparaît un peu énorme comme affirmation (Ferrari étant généralement à la
fine pointe de la technologie comme McLaren et Williams) mais il est vrai que l'acharnement démontré présentement est pour le
moins bizarre, à plus d'un titre.
Premièrement, Ferrari sait très bien que la Fédération Internationale a donné son aval à l'utilisation du système de freinage "roue par
roue", avant même le début de la saison. La FIA a invoqué qu'il ne contrevenait pas aux règles car le pilote avait en tout temps la
responsabilité d'actionner le mécanisme et gardait le plein contrile de la voiture. Or, en général, la FIA n'aime pas que l'on conteste
ce qu'elle a déjà autorisé. Voilà qu'en fin de semaine, cinq écuries vont à l'encontre de ce principe généralement accepté par tous.
Deuxièmement, avec son intervention, Ferrari vient de violer une autre loi non-écrite pour une écurie de pointe. Il est en effet très
rare de voir l'une d'entre elles accuser officiellement une autre de "tricherie". Chacun sait que les meilleures équipes sont toujours à la
limite dans l'interprétation des règlements. Les ingénieurs se font un plaisir "d'appliquer à la lettre" le libellé dit tel ou tel article. En
général, on préfère donc ne rien faire contre les concurrents puisqu'il est impossible d'être totalement sûr d'être soi-même blanc
comme neige. On s'en tient, la plupart du temps, à quelques allusions bien ciblées via les médias. Cela suffit, en général, pour mettre
tout le monde sur ses gardes.
"Michael Schumacher se sent un demi-dieu"
-Un ancien pilote Ferrari
31 août 1998.
Un ancien pilote de Ferrari, le Suisse Clay Regazzoni, a ouvertement critiqué le comportement de Michael
Schumacher dimanche au Grand Prix de Belgique. "C'est le meilleur de tous et il le sait si bien qu'il conduit de
manière arrogante et se sent un demi-dieu", a déclaré Regazzoni à l'agence italienne ANSA.
Dans des conditions rendues extrêmement difficiles par la pluie diluvienne, la Ferrari de Schumacher avait embouti l'arrière de la McLaren de David Coulthard au 25e tour. Schumacher, qui voyait là s'envoler une belle occasion de prendre seul la tête du classement général avec une victoire, s'était rué dans le stand des McLaren où il tentait de s'en prendre à Coulthard.
Pour Regazzoni, qui a remporté plusieurs victoires au volant d'une Ferrari dans les années 70, l'incident avec Coulthard est dû à l'allure trop élevée. "Une erreur inadmissible. C'est hélas la manie de Schumacher, il veut humilier ses adversaires et ne se contente pas de gagner. On dirait que les autres doivent s'écarter lorsqu'il passe. Un champion de sa trempe devrait toujours montrer l'exemple. Il aurait dû éviter la scène dans les stands de McLaren. C'est un comportement peu digne d'un champion".
Pire encore. En accusant délibérément David Coulthard d'avoir tenter de le "tuer", en traitant le Britannique "d'assassin", Michael Schumacher a dépassé les bornes.
Dimanche soir, de nombreux pilotes s'inquiétaient de la totale immunité dont bénéficie Michael Schumacher. La liste en effet s'allonge de ceux qui ont eu à "souffrir" de l'attitude hégémonique de l'Allemand.
Eddie Jordan s'en prend aussi à Schumacher.
Eddie Jordan qui a vu Damon hill remporté une première victoire pour Jordan en 127 grands prix s'en est également pris à
l'Allemand Michael Schumacher, mais pour une toute autre raison cette fois.
Jordan, qui fut le premier à offrir un volant à Michael Schumacher en 1991, a accusé le pilote de Ferrari de pousser son jeune frère
Ralf à quitter son écurie pour rejoindre Williams.
"Les efforts de Michael pour tenter de convaincre Ralf de changer d'équipe la saison prochaine, ne m'amusent pas", a dit Jordan. "Il
me reproche aussi de ne penser qu'à ramasser de l'argent. Il est la dernière personne à pouvoir dire cela".
Ralf Schumacher qui est en conflit avec son écurie, a indiqué que sa deuxième place ne modifiait pas sa volonté de quitter Jordan. Le
cadet des frères Schumacher était d'ailleurs mécontent de la stratégie qui lui avait été imposée, affirmant qu'il avait prévu d'attaquer
Hill à la reprise de la course au 32e tour.
"Malheureusement, on ne peut pas pas faire ce que l'on veut", a t-il déploré. "C'était la décision de l'équipe mais nous aurions pu être
en danger".
Le directeur du circuit de Monza, Enrico Ferrari, a adressé un appel au bon sens avant le Grand Prix d'Italie du 13 septembre.
Après les péripéties et polémiques ayant marqué le Grand Prix de Belgique dimanche sur le circuit de Spa-Francorchamps, le
directeur craint la réaction des Tifosi à l'endroit des McLaren.
M. Ferrari a fait notamment allusion aux craintes de l'écurie McLaren sur le comportement des "tifosi" dès mardi, à l'occasion des
essais du Finlandais Mikka Hakkinen et de l'Ecossais David Coulthard :"McLaren doit s'adresser à la police ou à une agence
spécialisée dans les services de sécurité. Coulthard et Schumacher ne sont pas des enfants, mais des professionnels sérieux. Ce sont
eux qui doivent mettre un point final à l'incident, donnant le bon exemple" a déclaré le directeur du circuit.
"Les supporteurs qui viendront mardi et la semaine prochaine au Grand Prix doivent faire preuve de bon sens et de sportivité, sinon,
qu'ils ne viennent pas sur le circuit. Le Grand Prix est une affaire de sport et il ne doit dépasser de ce cadre", a ajouté M. Ferrari.
L'Ecossais David Coulthard (McLaren-Mercedes) a accusé l'Allemand Michael Schumacher (Ferrari)
de s'être comporté comme un «animal» après l'accrochage entre leurs deux voitures au 25e tour du
Grand Prix de Belgique.
La Ferrari avait heurté l'arrière de la monoplace anglo- allemande, perdant dans l'accrochage sa roue
avant droite. Rentrant au stand sur trois roues, «Schumi», aussitôt descendu de sa voiture, avait filé,
furieux, chez McLaren retrouver Coulthard pour une explication «musclée», obligeant les techniciens de
Ferrari et McLaren à intervenir pour éviter l'altercation.
«Il s'est comporté comme un animal. C'est totalement inacceptable», a déclaré au micro de la BBC
Coulthard, qui a également jugé «inacceptable» que Schumacher ait demandé «si j'avais essayé de le
tuer».
«J'ai maintenu ma vitesse... Je ne sais pas s'il ne regardait pas ou si c'est arrivé à cause de la mauvaise
visibilité, a ajouté l'Ecossais. S'il veut m'insulter et m'accuser de choses ridicules, je ne vois pas l'intérêt
de lui parler».
Les commissaires du Grand Prix ont conclu à un «incident de course», mais Schumacher a accusé
Coulthard d'avoir réalisé une «très, très dangereuse manoeuvre».